Solenia : Tu nous fais tourner la tête !
Tout la haut, la tête dans les nuages…
La planète Solenia plonge une partie de sa population dans le noir, pendant qu’une autre ne connait que la lumière du soleil. Faute de cycle jour / nuit, sur cette planète, on compte sur quelques intrépides voyageurs à bord de leurs dirigeables pour faire le tour de l’astre dans l’objectif de récupérer des ressources et de les livrer aux cités qui en ont besoin. Certaines ressources se font plus rares dans l’obscurité (essayez de faire pousser du blé la nuit tiens !) et d’autres se raréfient le jour.
Solenia est un jeu à points de victoire. En 16 tours de jeu sera reconnu le livreur le plus efficace. Tour à tour, nous allons placer des cartes près du dirigeable central (sous lui ou de façon adjacente) ou à côté d’une de nos cartes précédemment posées pour réaliser son effet. La plupart du temps, il s’agit de récupérer des ressources, puisque c’est le coeur du jeu : le transport de marchandises.
Nous avons tous le même deck de cartes ajourées (oui, oui, ça veut dire avec un gros trou au milieu), avec des valeurs de 0, de 1 et de 2. En posant sur le plateau un 1 ou un 2, on récupérera une ou deux ressource(s) : celle qui apparaît dans le trou de la carte (autrement dit, celle de l’emplacement du plateau).
Si on joue sur une cité, on devra livrer nos ressources en fonction des tuiles Livraisons présentes, mais attention, les cités de nuit ont des demandes bien différentes des cités de jour !
Je le disais, les cartes sont ajourées, cela permet de voir les ressources que nous allons récupérer. Elément thématique bien trouvé : nous nous accaparons de la ressource du lieu, et nous la voyons par notre petit hublot ! Mécaniquement aussi c’est une belle idée car cela permet de voir ce qui est dispo ou a été déjà pris.
Un peu plus près des étoiles …
Une carte indiquant zéro ne rapporte aucune ressource mais déclenche l’avancée du dirigeable central. Celui-ci fait le tour de la planète. Pour figurer cela, concrètement, nous enlevons la première bandelette qui constitue le plateau (la bandelette la plus en bas) que nous retournons et plaçons de l’autre côté du plateau (tout en haut). Cela simule la rotation de la planète (on le voit bien dans le Ludochrono), et visuellement c’est une trouvaille géniale car le plateau évolue en permanence sous nos yeux.
Mais ce n’est pas tout, les cartes qui sont sur la bandelette expulsée activent leur effet d’expulsion au passage, et donnent des points de victoire et des ressources, selon leur capacité (voir en bas sur la carte).
À nous de bien optimiser et être malin quant au moment où cette avancée va se réaliser en regardant ce que posent les autres, mais aussi en fonction des tuiles cités présentes.
Là où c’est encore plus fantastique, c’est quand tout à coup on se retrouve dans l’obscurité, et qu’au loin on voit la lumière du soleil percer. Les problématiques qui se posent à nous se renouvellent. Nous aimerions livrer une cité de jour ? Alors peut-être faut-il aider le jour à se lever en jouant sur l’expulsion… À moins de se rabattre sur une livraison de nuit …? Solenia est un jeu où il faut maîtriser le tempo, et l’avancée du dirigeable ne dépend pas que de nous.
Mouvement perpétuel
Quand on livre une cité, on gagne la tuile correspondante qui sera autant de points, mais en plus de cela, nous avons aussi un bonus immédiat pour nous remercier. Plus on va livrer de tuiles d’un même type (jour ou nuit) et plus le bonus va être intéressant : pour les tuiles cité de jour, la première livraison nous apporte un bois, la suivante, un blé, mais à la 4e ce sera les deux combinés, et la suivante offrira 5 points de victoire. On a donc envie de planifier au mieux pour viser ces gratifications. Cependant je vous rappelle que nous tournons autour d’un plateau changeant et que notre planification est soumise à rude épreuve !
Lors de la première partie de Solenia, on comprend vite que poser les cartes à l’arrière du vaisseau permettra de déclencher leur expulsion rapidement et donc de gagner des ressources grâce aux actions des autres joueurs. Mais Solenia est affaire de tempo nous le disions, et notre vaisseau ne comporte que 8 emplacements de stockage, et c’est peu ! Il nous faut bien anticiper l’avancée et le déplacement du dirigeable et garder un oeil sur les commandes de Livraison sans quoi on se retrouve à gaspiller des ressources, perdues faute de place. On se rend compte que viser l’arrière n’est pas toujours le bon mouvement, au contraire, il vaut mieux parfois aller vers l’avant pour s’approcher d’une cité que l’on convoite. Sachez que l’on peut toujours dépenser une ressource pour allonger son voyage, c’est-à-dire placer une carte à une distance supérieure à celle autorisée normalement. Cette petite subtilité permet de ne pas être bloqué, mais c’est rarement le choix optimal.
16 tours de jeu où l’on joue une carte, il ne faut pas traîner, ça va très vite. Temporiser, prévoir les avancées et aussi anticiper l’évolution du plateau, réfléchir à ses livraisons, s’adapter aux demandes et aux contraintes… On ne s’ennuie pas sur cette planète !
Un jeu qui a de la ressource
Les règles sont simplissimes et Solenia est très vite compris, mais en jouant on réalise vite qu’il en a sous le capot. Un jeu familial, oui mais qui peut rapidement devenir beaucoup plus calculatoire (j’ai même joué avec un joueur qui comptait les cartes et savait combien de déplacements il allait rester). Idem pour les ressources qui ne sont pas en quantités identiques pendant la nuit ou le jour (plus d’eau la nuit, et plus de blé le jour). Quand on connait bien le jeu, on prend tous ces éléments en compte, et ça devient cérébral ! Néanmoins, les règles restent accessibles au départ à un grand nombre de public.
Parlons de l’interaction. L’évolution du plateau et les cycles de jour et de nuit peuvent mettre de jolis bâtons dans les roues de nos adversaires et il n’est pas rare de les voir pester parce qu’ils avaient prévu autre chose, et de se rabattre sur un plan B bien moins intéressant. Sans oublier l’interaction plus directe qui se résume à prendre sous le nez du copain la tuile Livraison convoitée (on surveille les stocks adverses et on devine facilement ce qu’ils peuvent tenter comme Livraisons). Restez aux aguets !
De nombreux éléments engendrent de petits choix intéressants : faut-il réaliser des couples de tuiles jour & nuit, ou se concentrer sur un type de tuiles ? On sent bien que certaines Livraisons sont plus lucratives, mais ne vaut-il pas mieux tout dépenser dans la foulée pour livrer telle autre cité ? Mais vous laissera-t-on faire ?
L’édition est superbe. Quelle bonne idée ces cartes hublots qui révèlent les ressources que l’on gagne ! Ce que j’apprécie chez Pearl Games, c’est cette volonté de se démarquer et le parti pris dans les illustrations, souvent une prise de risque. Pour Solenia c’est un peu moins vrai côté prise de risque puisque c’est monsieur Vincent Dutrait qui donne vie à cette planète particulière, et on peut dire qu’il maîtrise parfaitement son sujet. Le résultat est très plaisant, visuellement vivant, surtout avec ce plateau évolutif.
Pour moi c’est un jeu familial malgré sa profondeur, qui à la force de s’adapter aux joueurs avec qui vous jouez. L’aléatoire et l’opportunisme présents dans Solenia sont bien dosés. Même si parfois la frustration peut poindre quand on n’a pas la carte voulue ou surtout quand la tuile Livraison qui correspond à nos ressources ne sort pas. Personnellement c’est un élément qui ne me déranges pas dans un jeu de ce calibre avec cette durée de partie-là.
Pour les amateurs, une version experte est possible : on tourne son plateau aéronef sur sa face B et on a moins de place de stockage aussi. C’est en livrant que l’on va augmenter ce stockage et gagner des bonus différents. On peut même jouer avec une asymétrie et des tuiles pouvoirs que l’on va débloquer en jeu.
Solenia nous a fait tourner la tête
Solenia de Sébastien Dujardin est un excellent jeu de ressources de type pick and delivery (“transport de marchandises”) qui peut être sorti avec presque tout le monde, simple mais pas simpliste selon la formule consacrée, et ce qu’il faut de profondeur pour avoir envie d’y revenir. Un jeu élégant, sortant des sentiers battus avec son plateau évolutif, qui n’aura absolument pas volé sa sélection aux As d’Or.
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Garion 20/02/2019
Bel article. J’ai été assez déçu, cela dit, par le mode expert de Solenia dont l’asymétrie frise un peu trop souvent le déséquilibre, notamment via des tuiles « pouvoir » parfois extrêmement puissantes et parfois assez anecdotiques. Dommage car le mode standard nous semblait un peu light, on aurait aimé rajouter un peu de densité.
sebdj 25/02/2019
Bin non 🙂