Small is beautiful # 60 : Ito, Queen Marie Antoinette, Trailblazers voyage, Verso, Révolte, Bellevue, Inimaginable, Paperback, Le baron, Terres de loups, Nobi Nobi
Comme chaque année, c’est le grand ménage à l’approche de la rentrée. Les nouveautés vont pointer leur nez à Vichy ou Essen. Et c’est ce qui compte, non ? Abandonnés sur le bord de la route ludique ou trop loin dans le rétroviseur pour qu’on veuille faire marche arrière, des dizaines de titres vont retourner dans l’ombre. Certains le méritent, d’autres peuvent encore être sauvés.

Ito

Ça commence mal… La boite nous colle sous le nez « déjà 350 000 jeux vendus au japon ». Cela veut-il dire qu’il faut l’avoir sinon je vais louper ma vie ? Déjà que Céline Dion vend des millions de disques et que je n’ai aucun des ses albums dans ma discothèque… À part cet argument vendeur bien lourd, que propose le jeu ?
Ito c’est à la fois Top Ten et The Crew. Un jeu coopératif, silencieux, où il faut se faire comprendre, jauger de la pensée globale et celle de ses partenaires. Quantitatif car il y a ici une centaine de cartes et qu’il faut, sans se concerter, aligner dans le bon ordre, du moins au plus, du pire au meilleur etc. Chaque joueur a une valeur (de 1 à 100). Les thèmes vont tout azimut : un endroit à visiter si vous étiez explorateur (du plus ennuyeux ou plus intéressant), un véhicule que vous rêvez de posséder (de pas du tout à j’adore) etc. Chacun, selon le nombre de sa carte, donne une réponse. Ensemble, classons les réponses en ordre croissant.

On s’est compris ? Nous sommes d’accord ? On révèle et on vérifie. Le matériel est très sérieux et c’est un peu flou dans la façon de savoir qui classe, comment dire qu’on n’est pas d’accord… Et il n’y a pas vraiment de fin, on peut continuer à l’infini si on est vraiment des mentalistes. Pour que cela soit tonique, il faut encore une fois des gens doués d’imagination.
Qu’est ce qui fait qu’un jeu vous prend et un autre, sur le même principe, vous laisse froid ? Un grand mystère qui ne sera pas élucidé ici. Ito, si on n’a rien à redire sur son principe et qu’il peut aisément plaire, ne nous a pas spécialement donné envie d’y retourner.
Un jeu de Mitsuru Nakamura
Edité par Don’t Panic Games
Queen Marie Antoinette

J’ai lu qu’il ne faut pas s’arrêter à l’apparence et c’est vrai. La couverture sombre et sobre (en plus j’avais lu Queer et je jouais déjà à Molly House) n’est pas des plus attirantes. Mais, le délit de sale gueule ludique, ça ne marche pas et, une fois encore, la beauté est intérieure, toute proportion gardée.
Voilà un jeu qui fourmille d’idées, dont les illustrations sont un peu plus fouillées qu’on le croit en survolant le paquet. L’originalité de la mise en place surprend. On place les cartes en colonnes, le but étant de poser une de nos cartes tout en bas pour prendre celles du haut et ainsi valider des objectifs (poser une couleur violette/rouge/jaune mais pas bleue/avoir un brelan de 2, une suite…). Plus subtils sont les petits bonus, indispensables, qui parsèment le jeu. Chaque couleur a un effet (et chaque dos de cartes affichant un effet, la rejouabilité est énorme) qui peut permettre de bons enchaînements. Cela pourra être par exemple de prendre 3 cartes au lieu de 2, de prendre autant de points que la valeur de la carte qu’on recouvre etc… Des contraintes de fin de partie (les désirs de la Reine) sont à surveiller (scorer la couleur dont on a le moins d’exemplaires/nombre de cartes d’une même valeur multiplié par cette valeur…). Il faut prévoir, observer le voisin pour ne pas lui donner des points et s’adapter puisque les colonnes sont mouvantes.

À la fois chaotique puisque tout bouge tout le temps avec une notion de course (la partie peut finir avec la disparition d’une colonne), tout en étant également réfléchi, tendu, ce jeu, même s’il n’est pas parfait, a le mérite de surprendre et tente le pas de côté dans la déferlante des produits copiés/collés actuels. Il serait dommage de passer ce jeu à la guillotine de l’oubli sans l’avoir essayé.
Un jeu de Julien Griffon
Illustré par Alice Piernet
Edité par okaluda
Traiblazers – édition voyage

Jeu de pose de cartes, agencement et création de son propre décor Nature.
En partant de son camp, on se balade en vélo, en canoë ou sur les sentiers que l’on va poser, tentant les meilleures connexions pour coller aux objectifs et voir des animaux. On doit connecter un maximum de chemins à ses trois camps de base, que l’on dresse où l’on veut.
Beaucoup de possibilités pour ce casse-tête plaisant et joliment illustré. Le décompte est par contre un peu laborieux.
Présenté dans une trousse renforcée qu’on peut accrocher à sa ceinture (d’où la version voyage), il faudra néanmoins emporter une grande table de camping si on veut étaler nos cartes.
Un jeu de Ryan Courtney
Illustré par Seth Lucas
Edité par Bitewing Games
Verso

Dans ce jeu, on construit un tableau avec des cartes bifaces répondant à des contraintes précises : si le recto affiche 3 points, du bleu et une valeur de 4, on sait que le verso sera vert ou orange avec une valeur de 3 ou 5 (+1 -1) et ne donnera qu’un unique point. À son tour, on tire une carte de la pioche (on peut la retourner pour la poser) ou on vend une suite précédemment réalisée. C’est ainsi qu’on gagne des PV. Les voisins retournent alors leur carte la plus forte dans la couleur qui vient d’être vendue.
On ne contrôle pas grand-chose dans ce jeu de cartes, d’ambiance. Il faut jouer nombreux, 4 minimum, pour faire des coups bas et qu’il y ait de vrais dommages collatéraux. Les règles ne sont pas forcément intuitives, presque complexes pour un jeu de cet acabit. Quelques parties plus tard, cela va mieux. C’est sympathique, aléatoire avec un zeste de risque et de méchanceté (on l’aurait aimé plus méchant).
Verso se glisse aisément dans la famille des petits jeux de l’été ultra familiaux et si mamie a des problèmes de préhension, c’est impeccable puisqu’on ne tient pas les cartes en main (situation vécue).
Un jeu de Alexis Allard, Joan Dufour
Illustré par Zongoh
Edité par Gigamic
Révolte !

Jeu de commande puisant dans l’univers de Wastburg, propre au roman de Cedric Ferrand (Folio) et Jeu de Rôle (de niche) qui en découle, voilà un jeu de plis tordu où chacune des 4 factions a son propre pouvoir/activation (les Nobles rapportent des PV, les Gardoches servent d’atout mais demandent une pièce pour être activés, les Gredins gagnent des sous s’ils affichent la plus petite valeur, et les Citoyens annulent le pli s’ils sont en nombre). Ici pas besoin de suivre à la couleur, on joue ce que l’on veut, ce que l’on peut, pour essayer de gagner des blasons, des sous ou des plis.
L’équipe à la tête de ce titre est composée de professionnels du jeu et les idées ne manquent pas. On se situe dans la veine d’un Panda Spin et cie avec des petits coups pendables pour ruiner la prise de plis (la révolte). Le jeu est évidemment tributaire de la pioche et se retrouver avec une majorité de cartes Atout sans avoir de sous pour les activer vous laisse sur le carreau. Les idées sont là mais encore une fois la somme des mécaniques ne fait pas un jeu. Parfois la manche sera tendue, parfois ce sera le flop, plat et subit.
Le plaisir de ce jeu est de voir sortir Le Grümph de son terrier pour se coller aux illustrations. Pour le reste ça marchotte.
Un jeu de Team Kaedama
Illustré par Albertine Ralenti, Le Grümph
Edité par Respell
Bellevue

Dans Balconia, il faut agencer les appartements de la résidence en comptabilisant les fleurs, le linge qui pend, les chats visibles dans une colonne, les stores d’une ligne etc, le tout en insérant chaque cube logement dans une structure 3D. Pourquoi je vous parle de ça ? Parce que Bellevue fait exactement la même chose dans un format réduit en 2D avec des cartes. Et un principe de draft.
On part avec 4 cartes et on pioche dans une des 3 piles : rez-de-chaussée, étage ou toit. Les éléments ont des contraintes de points. Ici, chaque chaton présent vaut 1 point, avec ce toit, si vous en avez 4, vous avez un bonus. Si la maison du centre est plus haute que sa voisine, c’est un autre bonus etc. Comme vous êtes un architecte hors pair, vous réussissez à uniformiser une des couleurs.

Bellevue (parce qu’il y a des fenêtres?) ne se foule pas, ressassant les principes de base des jeux de pose de tuiles. On en fera quelques visites avant de changer de quartier, mais il a le mérite d’être simple, dans un petit format, et de proposer un challenge accessible.
Inimaginable

Avec son visuel à la bouillon Kub or, Inimaginable ne va pourtant pas nous servir la soupe. Voilà un jeu d’énigme dans la droite lignée des Black Stories. Quelques lignes et un pourquoi à trouver ?
Grand roi de France, je suis mort tragiquement des suites d’un événement exceptionnel. Mais lequel ? À vous de poser les questions à celle qui connaît la solution. Loin dés récits inventés, cette boîte tire ses énigmes de faits avérés, de l’Histoire, grande ou petite, et d’anecdotes croustillantes. On se creuse la tête et on se couche moins bête. Bien joué !
Paperback

Des cartes avec une lettre, plusieurs lettres, des jokers… tout cela pour créer des mots, en se servant de la lettre commune ou pas. Déjà vu me direz vous ? Sauf que. Ici les mots rapportent des sous avec lesquels on va acheter de nouvelles cartes plus intéressantes, donnant la possibilité de piocher plus que 5 cartes à son tour, d’afficher 2 lettres sur une seule carte, d’interdire la lettre commune, de donner plus de sous (le W par exemple) etc… Mais oui, vous ne rêvez pas, il s’agit d’un deck building.
On va étoffer son paquet pour pouvoir aligner des mots de 8, 9, 10 lettres ou acquérir des cartes de célébrités et leurs points. Jeu de lettres mais aussi de choix, car certaines cartes sont plus faciles à valider en début de partie qu’en fin (+2 sous si vous utilisez toutes vos cartes) ou un W qui rapporte mais s’utilise plus difficilement, il faudra donc se gaver avec modération.
Les extensions sont légions avec des idées parfois simplissimes et bien pensées comme ce trait d’union (-), le miroir qui inverse l’ordre de 2 lettres (er = re), les cartes d’attaque qui pénalisent les jokers ou interdisent l’utilisation de la carte commune, carte pouvoir, thème ou les cubes récompense qu’on donne au joueur qui vous a aidé à trouver un mot si vous galérez.
Le jeu peut traîner en longueur et l’utilisation d’un minuteur est possible (ajoutant encore un peu plus de pression…). Un mélange bienvenu qui dynamise le jeu de lettres, entre vocabulaire et stratégie. Avec en prime des illustrations très Pulp pour les jokers. Ce jeu est sorti en 2014 et trouve enfin sa version française !
Un jeu de Tim Fowers
Illustré par Ryan Goldsberry
Edité par (Self-published)
Le Baron

On ne l’a pas vu venir, mais 6 qui prend devient-il une gamme ? Ce n’est pas la première fois me direz-vous qu’on trouve des produits dérivés, une version plateau existe déjà.
Ce jeu se veut plus tactique, avec plus de contrôle car il laisse plus de possibilités. La base reste la même : poser des cartes sur une ligne et ne pas poser la sixième sous peine de ramasser les cartes. Les ajouts de cette nouvelle version sont importants. On a un départ composé de 5 et non plus 4 lignes, et surtout, les valeurs perdent leur poids, ne servant qu’à l’initiative. Ce sont les couleurs des têtes de vache qui vont s’assembler. Vous avez une vache rouge sur votre carte, il faut la coller à une carte rouge déjà posée. Du coup, si plusieurs lignes se terminent par du rouge, on peut choisir où aller.
Autre subtilité, si la ligne contient 5 têtes d’une même couleur et qu’on en pose une de plus, on ramasse les cartes.
Un peu sceptique en voyant débarquer cette itération, la partie découverte nous a donné envie de rejouer. Le jeu est bien pensé puisque les petites cartes, celles qui gagnent les initiatives n’ont qu’une couleur (et sont plus dures à poser) alors que les grosses valeurs en affichent plusieurs (mais aussi plus de têtes de vaches.). Quant au baron du titre, c’est un joker. Plus de choix, plus de contrôle… Pas tant que ça, car jouer avec 4 cartes en mains, puis 4, puis 4, induit quand même un gros hasard.
Personnellement, sur le résultat, l’ambiance, je ne vois pas grande différence avec le jeu de base (mais siiiii on peut se placer où on veuuuut hurle neuneu l’instagrameur), c’est tout aussi ludique, plaisant, chanceux et familial. Un moyen de moderniser le titre tout en gardant son étiquette de classique ? De là à posséder les deux…
Un jeu de Michael Kiesling, Wolfgang Kramer
Illustré par Franz Vohwinkel
Edité par Gigamic
Terres de Loups

Duel pour 2 joueurs, on va s’affronter chacun d’un côté de plusieurs territoires. Le loup 1 joue une couleur sur un terrain, le loup 2 doit suivre mais pas forcément sur le même terrain. Il peut volontairement perdre pour prendre l’avantage ailleurs via des jetons.
Voilà un jeu de plis malin qui se découvre peu à peu. Malin car posséder les grosses valeurs n’est pas gage de victoire (à l’instar de 7 Yokai ou Bubble Gum..), le perdant ramassant des jetons bonus et pouvant retourner la situation à la fin.
Un jeu qui s’apprivoise, qui se joue différemment une fois la connaissance des jetons griffures assimilés. Subtil.
Un jeu de Anthony Perone, Yasuyuki Nakamura
Illustré par Zingco Kang
Edité par origames
Nobi Nobi – Épée / Magie

Trouver un JDR sous forme de jeu de plateau est un peu comme chercher le St Graal, cela demande des efforts pour un résultat souvent moindre.
Nobi Nobi intrigue, car, comme dit sur la boite, c’est un petit JDR de table (de nuit vu sa taille). L’esthétique Chibi, enfantine n’est pas là pour rassurer. Nobi signifie novice et c’est tout son propos. Deux boîtes indépendantes composées de cartes et de dés seront la matière pour créer l’aventure. Épée se concentre sur les dragons, la guilde des voleurs… tandis que Magie fait la part belle aux sorciers et démons. On va donc incarner un personnage avec deux capacités (force/technique) et une compétence.
Le reste du paquet se partage entre introduction, scènes du récit et dénouement, offrant bonus ou malus suivant les résultats des joueurs à la sortie des tests, combats… On trouve aussi une carte MJ et protagoniste. Ces rôles vont tourner. La réussite des défis (s’enfuir, se battre, éviter de se noyer…) se fait au travers du lancer de dés et des conditions du moment. Le plus dur sera pour le MJ de relier les scènes du récit entre elles. On passe d’une auberge à un champ de bataille à un radeau sur une rivière déchaînée…
Un jeu de Takashi Konno
Illustré par Takashi Konno
Edité par Don’t Panic Games

Même si le livret prend soin de ses joueurs les plus réservés en les rassurant, une bonne immersion narrative ne peut que donner corps à ce jeu.
Et c’est évidemment là que le bât blesse. Comme souvent dans ce type d’exercice, tout le monde ne maîtrise pas l’art de la narration ou du théâtre, tout le monde ne s’est pas frotté au JDR. L’ambiance peut vite s’effondrer et finir platement en consistant juste à retourner des cartes et lancer les dés.
Dans son genre Nobi Nobi est bien pensé, les situations sont nombreuses et collent au genre, mais c’est plus un jeu de création comme peut l’être Pour la reine par exemple, réservé aux habitués de l’imagination et de la faconde.
Il est bien travaillé et réussit ce pour quoi il est conçu. Si on a le public qui va bien, capable de sauter du coq à l’âne avec souplesse. Les novices risquent de ramer. Jeu de Rôle sur table, très certainement, mais pas aussi accessible qu’il y paraît si on veut vivre une aventure avec un grand A.
Un jeu de Takashi Konno
Illustré par Takashi Konno
Edité par Don’t Panic Games
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Doc.Fusion 24/09/2025
Je note pour Paperback, ma compagne aimant les jeux de lettres.
morlockbob 24/09/2025
vous pouvez aussi, si vous excellez en mots croisés, vous penchez sur A la lettre de Faidutti. J ai trouvé ça hyper dur, mais pour les cruciverbistes, ça peut être un défi intéressant.
Doc.Fusion 24/09/2025
J’ai vu le descriptif de A la lettre et je crois que je vais passer mon tour, je redoute une lamination fréquente et un certain déplaisir à la longue 😀