Sierra West, et au milieu coule une rivière
Nous retrouvons l’auteur Californien Jonny Pac Cantin pour l’un des opus de sa trilogie américaine : Coloma, Pour une poignée de meeples et aujourd’hui Sierra West. Board&Dice, l’éditeur original, distribué en France par Pixie, nous avait fait plaisir avec Teotihuacan ; il a gagné toute mon attention avec ce nouveau titre. Nous sommes à la fin des années 1840, en route pour la Californie et la promesse de l’or. Pendant notre périple nous rencontrerons (des modules) des collines aux pommes, des banjos, des hors-la-loi et de l’or. Une épopée à travers la Sierra Nevada, grands décors.
Nous sommes un chef d’expédition, avec sous nos ordres deux pionniers, un colon, un chariot et peut être une mule.
“Toi Neil, aujourd’hui tu vas aller sur le chemin poussiéreux, tu vas nous ramener de la caillasse et du bois. Woody, avant d’aller sur le chemin vert tu passeras par la cabane, et tu vois cette pierre que Neil a sur son chemin, ben dans ta cabane tu en feras deux pierres. Les gars vous vous arrangez comme vous voulez, un moment il faudra me filer un coup de pioche pour construire une autre cabane. Idéalement aujourd’hui il faudrait que Tom grimpe un peu plus haut sur la montagne, car bientôt un autre coup de pioche pourrait bien nous faire trouver une belle opportunité dans cette foutue colline aux pommes.”
Traduction :
A partir de son deck, on prend 3 cartes que l’on doit agencer pour obtenir un parcours le long de deux chemins, qui nous permettront d’accomplir des actions pour ce tour. Deux de ces cartes vont en partie en couvrir une troisième et de ce fait masquer d’autres actions qui auraient pu être avantageuses. On constitue ainsi le chemin beige en même temps que le chemin vert sur lesquels vont cheminer nos deux pionniers, chacun ayant son chemin. On rajoute qu’un des pionniers peut avant de commencer son chemin, passer par une cabane construite qui sera une aide pour l’autre pionnier, et on a là de quoi se faire hypnotiser par des pommes rouges.
Ces actions sont des ressources à prendre (bois, pierre, nourriture, or), des déplacements et des pioches. Ces deux derniers types d’actions nous emmènent sur une autre partie du plateau, la montagne. Elle est composée d’un agencement de cartes sur lesquelles on va se déplacer jusqu’à pouvoir en piocher une qui se trouve face visible, et qui viendra alors grossir notre deck. Au pied de la montagne on fera avancer le chariot vers notre destination et des multiplicateurs de PV.
Sur notre chemin, il y a des actions qui coûtent des ressources. On n’est pas obligé de les faire, mais si on va au bout du chemin il y a là des une transformation possible, en général 3 ressources pour monter un curseur (PV !) sur un plateau de score d’exploitation.
On multiplie son avancée de chariot par le niveau d’exploitation des différents curseurs, on ajoute les points rapportés par les cartes prises à la montagne puis on enlève 3 PV par cabane non construite ou animal non piégé. Pour mieux comprendre les règles, le ludochrono sera plus efficace que plein de mots.
L’Evolution des espèces
Il y a une partie de mécanismes du jeu que nous connaissons déjà : gagner des ressources, les dépenser pour faire avancer des curseurs qui en avançant nous donnent un petit privilège et des PV. Classique.
Et il y a la partie du jeu qui est surprenante et attirante par son originalité. D’abord, le choix de la carte qui sera recouverte par les deux autres et qui définit l’ordre des actions que nous allons réaliser. Ainsi qu’une course dans la montagne qui permet de ramener des cartes pour construire son deck et qui sont autant de nouvelles actions et de PV. Le scoring des cartes de la montagne est exponentiel.
Un ADN à la fois connu mais avec quelques mutations en cours. Est-ce que ces mutations font évoluer le jeu en général vers une une nouvelle espèce ou tout au moins poussent ce jeu-là vers un équilibre satisfaisant ? Il y a des mutations maladroites, qui n’auraient pas résisté normalement à une sélection naturelle (selon la fameuse théorie de Gougou), mais qui sont pourtant présentes.
Citons comme mutation les cabanes, qui semblent à priori intéressantes : en construisant une cabane, nous pourrons l’utiliser plus tard en y assignant un pionnier qui sera un bénéfice pour le parcours de l’autre pionnier sur l’autre chemin. Assigner aux cabanes veut dire que le bonhomme n’a pas été assigné auparavant aux trappage ou traquage (actions mineures pendant le tour des autres joueurs), et il faut bien viser pour que son utilisation rapporte parfois une ressource supplémentaire. La fonction première de la cabane est en fait de ne pas perdre 3 PV, et telle une exaptation en théorie de l’évolution, elle a reçu au cours du développement du jeu une petite fonction supplémentaire en permettant des éventuels bénéfices.
Dans la nature, on peut comparer à la coquille de certains escargots. L’espace laissé dans la coquille a graduellement été utilisé au cours de l’évolution de l’espèce pour le stockage des œufs. Ce vide n’avait aucune fonction auparavant. Les cabanes dans Sierra West, c’est un peu pareil, après quelques essais, on se rend compte qu’on les achète juste pour ne pas perdre les 3 PV. Cette mutation-là est peu fonctionnelle en fait, car la cabane est complexe à utiliser.
Le choix des actions par recouvrement de carte pourrait être un dilemme intéressant, seulement on se retrouve trop souvent à n’avoir que peu de choix quand il arrive que le tirage nous livre des cartes très semblables. Et si un vrai choix se présente, le temps de réflexion est long pour ordonner, choisir et renoncer, en passant par une cabane qui correspond au bon chemin du bon pionnier qui n’était pas parti trapper (phrase aussi lourde que la réflexion). Et que font les copains autour de la table pendant ce temps ? Pas grand-chose, ils ont tout au plus à profiter de l’action de trappage ou de traquage.
Cette gêne du ‘temps mort’ n’aurait pas dû passer les étapes de sélection naturelle depuis toutes ces générations de jeux.
Nous aurons quelques interactions entre primates, comme une petite course pour atteindre le dernier échelon des différents curseurs sur la piste d’exploitation, l’épuisement des ressources communes à tous qui sont spécifiques à chaque module de jeu (pommes, poissons, wagonnet) ou encore voler la mule qui procure de petits avantages.
On va chercher des cartes dans la montagne pour construire son deck, pour autant ne vous attendez pas un jeu de deckbuilding, le deck va tourner 2 à 3 fois, pas de combo entre les cartes, pas d’intérêt à choisir la carte dans la montagne (la plus proche sera le mieux), elles sont toutes équivalentes. Il y a assez peu de relief (oui… malgré la montagne), l’ensemble pouvant même s’avérer très plat et frustrant. En regardant les choses sous un meilleur angle, on peut dire que le jeu n’est pas punitif et qu’il est toujours possible de faire quelque chose.
Le début est aride, autant pour comprendre comment arranger ses cartes que pour la collecte de ressources, mais en milieu / fin de partie, les ressources ne sont plus un problème, c’est de pouvoir les transformer en PV qui en est un. Je n’ai pas eu l’impression qu’il était bien possible d’améliorer les choses. À noter quand même que la carte de la montagne que l’on ‘pioche’ peut aller dans sa défausse ou dans sa pioche, voilà qui peut permettre un timing intéressant.
Les cartes collectées dans la montagne sont une belle source de PV, à 2 joueurs en tout cas, car le nombre de carte à se partager dans la montagne étant le même quand on joue à 4, il va être plus difficile de se démarquer avec sa collection de cartes.
Est-ce que tu aimes dans les Westerns….
Sierra West a cette particularité que je ne saurais dire si elle m’attire ou me faire fuir : les modules.
Si je n’avais qu’un jeu à la maison, je serais sans doute ravie d’avoir 4 jeux dans une boite. Non, je vois plutôt qu’il va falloir choisir à quel module nous allons jouer. Il faut souvent commencer par le module 1 pour appréhender le jeu, et nous découvrons le renouvellement et l’éventuelle richesse apportée par les autres modules lors de parties suivantes. En arrivant à rassembler le même groupe de joueurs.
Collecter et exploiter des pommes pour commencer, partir à la pêche et à l’orpaillage, puis exploiter une mine d’or et de pierres, enfin affronter des hors-la-loi. Ces différents modules dans Sierra West sont une variation autour de la ressource commune qui s’épuise. Le jeu n’est pas si différent d’un module à l’autre.
La boite, les illustrations et les ressources sont plutôt de bonne facture, l’iconographie très lisible. Mais encore un problème complexe des jeux à modules est de savoir comment ranger son jeu : faut il trier les cartes, pions et tuile pour chaque couleur de joueur, ou préférer classer par module. J’ai résolu le problème en faisant un mix des deux, et c’est du coup tout à reclasser à chaque partie.
Vous avez compris que le temps d’attente avant son tour pouvait durer, et bien il existe un mode solo développé par l’auteur accompagné par le spécialiste du genre, j’ai nommé M. David Turczi. Nous aurons un adversaire en la personne de Hasting, un automate qui ne prendra pas trop de temps à jouer.
Un jeu dans l’Ouest terne…
Les grands espaces américains, et au milieu coule une rivière, avec ses poissons, son or et ses gredins. Une rivière qui se dompte sans trop de problème, qui nous promet une aventure le long de ses côtes, au bord de laquelle le temps passe lentement. Trop de temps morts pour moi au bord de cette rivière, et une aventure qui n’est pas à la hauteur de mes espérances.
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Umberling 13/06/2020
je ne suis pas arrivé à vraiment accrocher : première partie sympa, mais c’était Essen, on a été interrompus cent fois et j’ai mis le downtime sur ça. La deuxième, au calme, a un peu confirmé que ce n’était pas que l’effet festival…
Salmanazar 14/06/2020
Pas fan des modules. Je préfère que l’éditeur choisisse à ma place quelle est la meilleure configuration de jeu et que les modules retenus composent LE jeu.
Natosaurus 15/06/2020
Les jeux à modules me font aussi cet effet. Et que pensez de la proposition dans les règles d’un même jeu d’un mode compétitif et coopératif, voir même en équipe. Il faut essayer les 3 modes pour savoir lequel nous correspond. Mais très souvent il se dégage une majorité qui va préférez un des modes. C’est un peu pareil que les modules, on n’a pas tranché ce que le jeu devait être et on laisse une large ouverture aux joueurs compétiteurs ou plutôt coop, mais est ce que ça ne déssert pas la force du jeu ?