Shadows of Brimstone, du Far-West poulpesque : Pourquoi ça marche ?
Petite réflexion en cette journée spéciale Shadows of Brimstone : comment ça se fait qu’un dungeon crawler (jeu d’exploration de donjons) dans un univers western-Cthulhu fonctionne ? Ce mélange carrément improbable a du mal à prendre, sur le papier, et pourtant, voyez mes impressions dithyrambiques ici. Disséquons la chose, pour voir pourquoi et comment un tel mélange peut prendre.
Scalpel…
Le jeu d’exploration, c’est d’habitude du porte-monstre-trésor bien physique tandis que Cthulhu c’est plutôt psychologique, psychique, relationnel. Et puis le western dans tout ça, n’est-ce pas risible de mettre des monstres tentaculaires en plein Far-West ? Cette alchimie n’avait rien pour séduire, non ? Et pourtant, étonnement… si.
Shadows of Brimstone propose justement un contexte un peu innovant, à base d’ingrédients qui ont fait leur preuve. Le Far-West nous offre une base, un décor, des références hyper connues. On joue la saloon-girl ou l’indien, on se bat aux 7 coups ou au couteau, on va dans les mines ou à la ville (avec l’église, le drugstore, les jeux d’argent…), on monte des chevaux ou en diligence, on peut s’acheter un chapeau et un harmonica, on rencontre des charlatans ambulants vendeurs de remèdes miracles à base de venin de serpent…Bref, on les voit les grandes Rocheuses, et l’on entend Ennio Morricone. Ça, c’est notre décor, on le maîtrise.
Le petit grain de sable
Mais c’est presque lénifiant tant on connait tout ça par cœur. Il faut un truc extraordinaire pour nous tenir en alerte. C’est le principe même du fantastique. Et c’est là que le jeu fonctionne merveilleusement : on bascule en s’enfonçant dans les mines. Car c’est là que, tapies dans l’ombre, rampantes, les étrangetés dangereuses se meuvent. Nous maintenons la lanterne devant nous, et sa lumière permet de nous épargner. Parfois. Elles finiront bien par nous attaquer à un moment.
À chaque salle, on avance, on découvre, on ne sait pas ce qui nous attend. Suspens… Les éléments un peu lovecraftiens, têtes de seiches et tentacules, apportent cette touche horrifique et renforce cette impression de film d’épouvante. L’auteur ne s’en formalisera pas, il a l’habitude d’être cité (domaine public oblige). Et finalement, le dungeon crawler, petit-fils du jeu de rôle, à tout son sens ici. Pour l’exploration, vous l’aurez compris, oui. Mais pas que.
On commence par lui donner un nom et on finit par s’attacher !
La customisation et l’évolution des personnages est un aspect fondamental du jeu. C’est là que la parenté rôliste arrive sur le devant de la scène. On choisit chacun son protagoniste mais notre petite fiche de départ ne va bientôt plus suffire du tout. On va aller s’imprimer des vraies fiches de perso sur internet car on commence à avoir plein de capacités et d’équipements au bout de quelques parties, ça rigole pas (je vous le disais dans le just played, prévoyez une grande tablée !).
Comme dans un jeu de rôle, on choisit son arbre de talents, on va à la boutique baver devant des équipements trop forts et trop chers, on compte minutieusement son XP, on espère passer son niveau. Les auteurs ont poussé cet aspect vraiment loin et l’expérience devient totalement prenante. En 2 parties, on est vraiment attaché à son perso, pour peu qu’on ait fait l’effort de lui donner un nom et un mini-background.
Shadows in 3D
Autre point dans la même veine (plus commun mais néanmoins toujours aussi efficace) qui pousse à l’immersion : les figurines liées aux fiches de perso, et les tuiles du plateau, très réussies. On se projette et on s’identifie toujours plus avec du matériel évocateur qui émerge de la table. Par ailleurs, les menaces qui pèsent sur vous directement (mort) et indirectement (corruption, aberration), de plus en plus dangereuses au fur et à mesure qu’on s’enfonce dans les entrailles de la terre, viennent vous prendre toujours un peu plus à la gorge. Et quand on passe un portail vers un autre monde on a l’impression physique de s’éloigner de la sortie et que l’air va nous manquer.
Cette sensation est empirée par le fait qu’on ne peut pas voir où l’on va tant qu’on n’y est pas allé. Les salles se découvrent progressivement et c’est l’aléatoire des decks et des dés qui dicteront les événements. Angoissant, parce que contrôlé par personne, du coup thématique à souhait. Ajoutez le CD d’ambiance fourni (ou le dernier Pink Floyd) et vous comprendrez que les auteurs ont cherché à vous faire vivre une expérience sensorielle forte.
Et en comédie musicale sinon ?
Finalement, on prend nos airs effarouchés, mais le western a déjà connu des sauces un peu weird ou SF dans le passé. Le cross-genre fonctionnait bien chez Firefly ou Wild Wild West. Un tel mélange remonterait même à près d’un siècle avec The Phantom Empire, une série qui combinait western, SF et musical. Ça vous étonne ? Un auteur n’a de limite que son imagination après tout !
Je conclurais donc par un cri du coeur : No Fear !
Ne soyons pas conservateurs, mélangeons tout et voyons le résultat !
Au moins, ça aura le mérite de donner autre chose qu’un énième jeu de zombie…
>> Les fiches de jeu :
Shadows of Brimstone: City of the Ancients
Shadows of brimstone: Swamps of Death
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tartopom 04/02/2015
Yay, merci pour cette chronique qui claque. Déjà avec le live j’avais méga envie, mais là, tu m’as achevé. Je NEED.