Saltfjord : frais mon poisson ?

Vous le savez si vous nous lisez, Saltfjord de Eilif Svensson & Kristian Amundsen Østby est la réédition d’un jeu de 2017 : Santa Maria (et oui, on en parlait déjà ici). Avec Saltfjord, on change d’univers, mais pas seulement, les auteurs et éditeurs ont effectué quelques petits ajustements. J’avais personnellement bien apprécié la mécanique de draft de dés de Santa Maria, mais plusieurs éléments m’avaient tout de même gêné à l’époque, l’ensemble manquait d’affinage.

Alors la question qui se pose à chaque réédition : était-ce une bonne idée ? Le jeu tient-il encore la route aujourd’hui ? Voyons cela !

 

 

Petit village de pêcheur

Cette fois, direction la Norvège où nous pourrons faire prospérer notre petit village de pécheurs. Durant trois manches, nous agrandirons notre plateau village avec des tuiles polyominos, activerons les cases de ce même plateau avec des dés, tout cela pour partir en mer, ramener du poisson et d’autres ressources dans nos filets, et commercer afin de transformer tout cela en points de victoire.

 

 

Fremover !

Nous débutons tous avec notre plateau village de 6×6 cases, ainsi que quelques ressources et une tuile de départ nous donnant un pouvoir asymétrique. À notre tour, nous devons réaliser une action parmi deux. Pour le prix d’une planche et d’un bois, nous pouvons prendre un bâtiment, à savoir une tuile de type polyomino de 3 cases, depuis le plateau central. Nous positionner cette tuile où l’on souhaite sur notre plateau personnel.

La deuxième action consiste à prendre un dé présent sur le plateau pour activer nos bâtiments. Un dé blanc active une colonne et un dé orange une ligne. La valeur indique quelle ligne ou colonne s’active. Cela va nous permettre de produire des ressources principalement, mais aussi construire de nouveaux bâtiments, partir pêcher en mer, avancer sur des pistes de technologies ou encore vendre des ressources.

Quand on active une colonne, notre dé parcourt toutes les cases de cette colonne et on réalise chaque action. Évidemment, si l’on a anticipé et bien construit notre plateau on va ainsi pouvoir activer plus d’actions. Ainsi, le placement de ces tuiles polyominos ne doit pas se faire à la légère, il faut anticiper et planifier pour avoir de grosses activations.
Puis, le dé est placé sur la dernière case activée : il bloque la case en question, empêchant sa future activation. Ça aussi, il va falloir l’anticiper un peu.  

 

 

Bon, il nous reste une dernière action qui consiste à passer, et dans ce cas, on attend que les adversaires passent à leur tour avant de jouer la nouvelle manche. Je reviendrai quand même sur cette action, car elle n’est pas si anodine.

 

Des avancées technologiques

Petite nouveauté par rapport à Santa Maria, nous avons des pistes technologiques qui sont des améliorations d’actions. Par exemple avec le premier niveau de l’action pécher, désormais je vais piocher deux jetons (au lieu d’un seul) et choisir celui qui me convient le mieux. Au niveau suivant, je pourrais me servir dans une pile de jetons plus intéressants. Mais je pourrais aussi gagner de nouveaux ouvriers, avoir un bateau plus grand (pas mal pour aller plus loin dans les expéditions), gagner une nouvelle tuile compétence. Le dernier niveau de chaque piste de technologie est lié à une tuile qui nous donnera des points selon une condition en fin de partie. Ces tuiles sont connues depuis le début de la partie et peuvent constituer un véritable élément stratégique. 

 

La pêche peut être plus lucrative avec un bon bateau.

 

On a aussi quelques actions gratuites comme placer notre meeple sur notre plateau. Cela, on peut le faire quand on le veut, par exemple je l’utilise pour gagner un bois, avant de réaliser l’action construction, ou bien je réalise une action technologique et j’en bénéficie immédiatement. C’est une des différences appréciables avec Santa Maria, dans ce dernier on activait nos cases avec des pièces et c’était considéré comme l’action de notre tour. La première fois nous coûtait une pièce, la suivante deux, etc. Cet élément a été rationalisé, désormais nous avons un ouvrier – on peut en avoir deux de plus et c’est tout. De plus, dans Saltfjord c’est considéré comme une action gratuite, cela rend le jeu moins haché ce qui était le point qui m’agaçait le plus.

 

Pêche à la dopamine

Évidemment tout cela coûte des ressources : du bois et des planches, des parchemins et des livres (pour accéder au dernier niveau de chaque piste) et du blé et de la farine, ou même de l’or – ressource suprême servant de joker. J’allais oublier les poissons qui nous permettent de faire varier les valeurs de dés. Pratique ! Et ce n’est pas tout : si vous avez plein de poissons vous pouvez réaliser des transformations de ressources, le blé peut devenir de la farine, etc. Certes, c’est coûteux mais on a toujours cette adaptabilité, ce qui fait que l’on n’est jamais véritablement bloqué (sauf si l’on n’a plus de poissons :)). 

Le système de jeu est ultra gratifiant : on sent une réelle montée en puissance. Par exemple, j’active cette colonne et je gagne une ressource puis j’avance mon bateau vers le Fjord suivant (ou je le ramène au port). Je construis un nouveau polyomino sur mon plateau, ou bien je réalise un contrat que je place vers mon plateau, etc. Tout ce que je fais est signifiant : lors de la première manche on commence à construire notre moteur, dès la suivante, il commence à tourner et on jouit d’actions en cascade. D’autant que l’on aura un autre dé orange à la manche deux, et un autre encore à la manche trois.

 

 

Quand on n’a plus rien à faire, on passe notre tour. Mais même cette action anodine en apparence comporte sa petite dose de dopamine. Cette phase se fait en deux temps. Tout d’abord, on choisit une des cases au village : plus la case est puissante et plus on s’éloigne dans l’ordre du tour pour la prochaine manche. Puis on réalise l’action.

Par exemple, je choisis la double pêche, j’avance deux fois, je remplis mon bateau. Maintenant je vais activer toutes mes tuiles contrats réalisées la ou les manches précédentes. Ainsi j’ai deux tuiles contrats sur la case pêche, je refais une expédition et je reviens au village stocker mes ressources, parfait ! Je continue pam je prends un poisson et un point de victoire, je passe au suivant j’upgrade une ressource, etc. Si vous aimez les jeux qui vous procurent votre petite dose de dopamine, on est en plein dedans. C’est de la vitamine en intraveineuse.

 

les cases du village qui définiront l’ordre du tour.

 

Quelles différences avec Santa Maria

On retrouve bien sûr la mécanique centrale, avec quelques petits ajustements.
Dans Santa Maria il n’y avait pas de piste de technologie à proprement parler, mais une piste de religion qui nous permettait de débloquer des dés en plus. Ici, ils le sont automatiquement à la fin de la manche et présents dans la zone commune. Dans Santa-Maria, ils étaient dans une zone personnelle et on les gagnait en fonction de notre avancée sur cette piste, ce qui veut dire qu’il pouvait y avoir des joueurs qui avaient plus d’actions que d’autres. Cet effet est lissé dans Saltfjord
On n’a plus de ressources sous forme de Meeple, ce sont désormais des petits cubes qui indiquent ce qu’elles représentent et que l’on peut améliorer, avec ce système, on est bien moins bloqué.
Toujours sur cette piste, on pouvait placer un jeton moine sur un type de scoring en atteignant des seuils. Dans Saltfjord c’est en atteignant les fins de pistes de technologie. C’est moins alambiqué et beaucoup plus lisible.
Enfin, on avait aussi une piste de conquistador (qui donnait de l’or & des points) qui a disparu pour la mécanique de pêche qui ajoute un soupçon de stop ou encore bien plus amusant. Plus je vais dans les Fjords lointains et plus je gagne de points de victoire.
On démarre tous avec une tuile compétence qui nous donne une capacité de départ. Ainsi, je peux dépenser un point pour changer la valeur de mon dé (au lieu de +1 ou -1 par poisson) ou je peux avec mon ouvrier activer la case d’à coté pour un poisson, etc, ce qui offre une petite asymétrie de départ intéressante, même si on peut se poser la question de l’équilibrage de l’une ou de l’autre, certaines paraissant plus fortes. 

 

Deux tuiles compétences

 

On ne peut pas passer sous silence le thème (pardon du terme) “dégueulasse” où l’on colonisait des terres afin de remporter des jetons « smiley » contents dans notre progression (comme si la colonisation était bénéfique pour les colonisés…). Oh ça ne nous a pas empêché d’y jouer à l’époque, mais en se moquant un peu du décalage des auteurs et éditeurs qui visiblement ne devaient pas être très sensibilisé à cette question là. Bref, évidemment ce changement de thème est bienvenu. 

 

Bonne pêche ?

Côté édition, le thème est plus avenant et le plateau est très coloré, certains diront un peu criard, les illustrations sont signées Peter Bartels. Le matériel est d’excellente qualité que ce soit les dés translucides, les pions sérigraphiés ou les plateaux en double couche. L’ergonomie est quasi parfaite, je dis quasi car quelques tuiles objectifs peuvent ne pas être bien comprises, mais l’aide de jeu est très bien pour pallier ce problème.

Savoir si la pêche est bonne dépendra de vos attentes. Si vous cherchez un jeu très ouvert et gratifiant, Saltfjord est fait pour vous. Par contre si vous aimez les jeux tendus, sachez que dès la première partie, à deux entre joueurs « experts », on a tous les deux pratiquement rempli notre plateau, et beaucoup avancé sur les pistes technologiques. L’impression d’avoir été déjà « au bout du jeu » était un peu trop présente. En clair, si vous jouez avec un public dit « initié », cela devrait ravir la tablée. Si vous avez l’habitude de jouer à de gros Euros, il y a quand même de gros risques, que vous ayez l’impression de « mater » le jeu. Cela n’en fait pas un mauvais jeu mais il faut le savoir et bien cibler son public.

 

Un plateau bien rempli

 

Il existe plusieurs tuiles objectifs et les plateaux villages peuvent être asymétrique mais soyons honnêtes, on est plus dans de la variabilité que de la vraie rejouabilité. Une extension est disponible dans la boite nommée The wagons qui ajoute un chariot que l’on va déplacer sur notre plateau à chaque activation de dés. Plus le chariot est bas et vers la droite plus il rapportera de points (cet élément existait dans une extension de Santa Maria : American Kingdoms sortie en 2018). 

Et l’interaction ? Grosso modo on regarde beaucoup notre plateau, sans trop s’intéresser aux autres. Alors oui, on râlera parce qu’un joueur a pris le dé ou la tuile que l’on visait, mais on ne peut pas dire que l’interaction soit bien centrale. Je le préconise plus à 2 ou 3 joueurs pour cette raison.

Pour ma part, ça n’en fait pas le jeu de l’année, mais je suis content de retrouver tout ce que j’ai apprécié dans Santa Maria dans une expérience plus rationalisée et aboutie. Ce n’est probablement pas un titre que je vais sortir régulièrement, mais avec le public adéquat je pense que ça sera une bonne pêche :). Pour ma part, des mêmes auteurs je lui préfère Revive, bien plus riche.

 

—————————————————————————————————-

Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici. L’article que vous avez lu ici a été écrit avec l’aide d’une boîte achetée par nos soins. 

LUDOVOX est un site indépendant !

Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :

Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :

2 Commentaires

  1. Astien 16/01/2025
    Répondre

    Mmmmh… bien sympa ce just play. Je me laisserais bien tenter par une ou 2 parties du coup, mais pas sûr de l’acquérir si on voit vite le bout du tunnel.

  2. morlockbob 17/01/2025
    Répondre

    Cruel dilemme… intéressé pour découvrir de nouvelles directions mais pas du tout captivé par ce nouveau visuel.

Laisser un commentaire