Robin des Bois : Un succès pas volé ?
Nous avons réellement découvert l’existence des aventures de Robin des Bois au moment de sa nomination au Spiel des Jahres. Un titre narratif de Michael Menzel, connu pour être l’un des meilleurs illustrateurs de j2s de sa génération, mais aussi en tant que créateur de la série Andor. Ce dernier était un coopératif dans un univers médiéval fantastique qui reprenait les codes du genre, mais en intégrant les siens propres, avec le mérite d’offrir, peut-être pour la première fois, des personnages pouvant être soit héros soit héroïne le tout avec des illustrations loin des clichés sexistes. Seul hic pour ma part, on promettait un jeu avec des aventures épiques et en réalité nous étions plutôt dans un jeu très mécanique. Bref, j’avais été quelque peu déçu.
Ce Robin des bois promet une aventure sous forme de campagne évolutive, tout cela dirigé (guidé) par un livre nous narrant les aventures de Robin et de ses compagnons. Une sacrée promesse. Mais vous allez voir que ce n’est pas la seule des surprises que propose le jeu… Pas de panique, cet article promet d’éviter les gros spoils.
Une fois revenu de ma boutique avec la boite du jeu, j’extirpe la règle afin de la lire tel un livre de chevet le soir avant de m’endormir. Première rencontre avec le jeu. Sauf qu’ici nous n’avons qu’un feuillet double page qui nous explique les rudiments du déplacement et un autre livret qu’on nous persuade de ne pas lire pour le moment. Dès que l’on sera prêt, on pourra ouvrir le livre d’aventure à la page huit et débuter l’aventure.
Comme Andor en son époque, le jeu nous propose donc de nous lancer dans l’aventure sans plus de règles, celles-ci seront intégrées petit à petit dans la première histoire. Très bien, il faudra donc attendre. J’avoue que je ne suis pas un amateur de ce genre de tutoriels, je comprends l’intérêt, mais cela comporte deux problèmes : le premier c’est que l’on risque de s’ennuyer en jeu, le temps que l’on soit lancé dans le grand bain avec les vraies règles, mais il y a aussi le risque qu’il manque des éléments de règles et que finalement des questions restent sans réponses.
On découvre le reste du matériel. Le plateau est immense et parsemé de multiples zones à ouvrir, comme un calendrier de l’Avent. C’est drôle de se dire d’ailleurs qu’il est arrivé avec un peu d’avance chez nous, en plein mois de décembre.
Le plateau est formé de huit pièces de puzzles qui s’emboîtent les unes dans les autres, ces parties sont composées de plusieurs zones numérotées que l’on pourra délicatement enlever (ou retirer) pour découvrir quelque chose dessous.
Bref, nous nous installons avec les enfants et partons dans la campagne anglaise : je serais Robin de retour en Angleterre, mon fils incarnera Petit Jean en fâcheuse posture au château, tandis que ma fille sera Belle Marianne et enfin ma compagne Will l’écarlate.
On retrouve l’ingénieuse mécanique de Aeon’s End : on tire un disque du sac, si c’est le votre, vous jouez votre tour. Cela permet à l’histoire de s’installer en douceur et de réduire l’effet leader. Le pari initial fonctionne : le livre nous prend par la main et nous explique ce que nous devons faire, l’inconvénient c’est que nous n’avons que peu de liberté, mais nous acceptons cette bride pour l’instant.
C’est l’occasion de nous faire au sympathique système de déplacement : trois gabarits nous servent à baliser notre déplacement, une sacré bonne idée, le jeu se libère ainsi du carcan traditionnel des cases. Si nous atteignons une zone avec un point d’interrogation, nous pourrons nous rendre dans le livre pour y découvrir la suite … Que de mystère !
Ombre et lumière ..
Mais l’on ne se déplace pas sans réfléchir, il vaut mieux ne pas rester exposé en pleine lumière, mais privilégier l’ombre rassurante des sous-bois. Ce qui implique aussi parfois de réduire ses déplacements.
Dont vous êtes les héros
Avec un ingénieux système de chapitrage, on va retrouver certains personnages pendant la campagne. On n’a pas cette sensation de parler à un personnage non joueur qui répète la même chose, la première fois qu’on va le rencontrer il va nous dire une chose, dans une prochaine aventure il nous donnera de nouvelles informations.
Cela donne une sensation de monde persistant, les gens autour du château semblent vivre leur vie, ils ne sont pas figés. Les gardes font des rondes et se déplacent dans les bois, etc.
Comme chacun sait, une bonne histoire n’existe pas sans ennemis ni antagonistes. Ici les gardes sont aux aguets et si l’on termine dans leur zone en pleine lumière et que le disque du Sheriff (le Rouge) est extirpé du sac, alors ils nous arrêtent. Or, cela a plusieurs conséquences : on perd de l’espoir ce qui nous approche de la fin de partie, mais surtout au tour prochain notre unique action sera de tenter de s’échapper.
Mais ne tremblons pas sans rien faire ! On peut aussi les attaquer, et le système de combat ne manque pas d’inventivité encore une fois, basé sur un système de bag building, quand vous affrontez un ennemi, vous piocher jusqu’à 3 cubes dans le sac, si vous piochez un cube blanc c’est réussi et vous vous arrêtez de suite. Mais à chaque fois que le Sheriff jouera, il ajoutera des cubes violets, et pour jongler avec la chance il faudra gérer votre énergie. En fait, si vous n’utilisez pas votre grand mouvement lors de vos déplacements, vous ajoutez un cube blanc dans le sac, façon de traduire que vous vous êtes économisé, malin non ? Mais il y aura d’autres moyens d’en gagner ces fameux cubes. (Tiens, ces champignons semblent délicieux, vous voulez pas qu’on fasse un petit détour ?)
Ce système de cube est génial, une réussite nous rends heureux évidemment, mais si l’on rate on épure aussi le sac, on se prend à espérer la réussite, mais au dernier cube, histoire d’avoir le beurre et l’argent du beurre ^^.
Par conséquent on va réfléchir pour optimiser nos déplacements, pour éviter de rester dans les zones de lumières, tout en essayant de se ménager un peu. On va aussi observer les environs : cette charrette ne serait-elle pas un bon moyen d’entrer dans le château par la ruse ?
Robin des bois résout de nombreuses questions de game design avec beaucoup élégance. Nous l’avons vu, pas de case pour les déplacements, pas de plateau joueur avec piste de points de vie, et pas non plus de jeton objets que l’on met devant soi mais une zone où l’on place un cube à notre couleur pour indiquer que l’on possède cet objet. Tout simplement.
Retour de la forêt de Sherwood
Si la première histoire sert seulement à installer les prémices de l’aventure et la mécanique, dès la suivante, nous allons pouvoir nous émanciper et aller où bon nous semble, interroger les habitants, détrousser quelques nobles, etc. Sans en révéler plus, un examen du matériel nous permet de rapidement comprendre que l’on va pouvoir décocher des flèches, mais qu’il se pourrait bien aussi que d’autres personnages viennent nous rejoindre (à moins qu’ils ne nous pourchassent ?).
Quel bel objet que ce livre. On regrettera une ou deux erreurs (un errata existe) qui ne portent pas vraiment à conséquence et qui se corrigent assez facilement (ouf !). Une fois un scénario terminé, on peut ranger le jeu dans son insert, de sorte que les fenêtres ne bougent pas et pouvoir continuer plus tard l’aventure.
Seul problème côté édition, le plateau est un peu fragile, enfin surtout les éléments en carton que l’on clipse et déclipse sur le plateau, mais le reste est d’excellente qualité, à commencer par l’ergonomie, ceux qui reviennent avec insistance (les gardes prioritairement) sont placés au dos du livre d’histoire.
Techniquement tous les scénarios sont rejouables, mais je doute quand même que l’on ait envie de remettre ça, malgré je le répète le plaisir de jeu ressenti dans toute la campagne. Rien de grave, c’est inhérent à ce genre de jeux, le plaisir est surtout lié à la découverte et à l’aspect narratif. À l’heure où j’écris ces lignes nous sommes au dernier scénario, et il nous reste tout de même un embranchement avec deux scénarios non réalisés. Je pense qu’une fois que l’on aura tout fait, on remisera la boîte dans la ludothèque en attendant l’extension à venir. C’est un peu comme un livre ou une série que l’on suit, on a apprécié l’aventure, mais on a envie d’explorer de nouveaux paysages une fois le voyage terminé.
Un petit bémol tout de même sur quelques scénarios, on a senti une petite perte de tension à quatre joueurs : le personnage de Robin des bois a toujours quelque chose d’important à faire, mais ses compagnons sont plus en retrait. Il se trouve ainsi souvent un autre joueur qui va accomplir les actions importantes, pendant que les autres se retrouvent à gérer les affaires communes, regagner de l’espoir en combattant garde ou en détroussant des nobles. Au final, j’ai l’impression que le jeu est surtout parfait pour être joué à deux joueurs.
Concernant la narration, sachez que nous sommes dans un univers adulte, Robin revient des croisades et le royaume est aux mains du Prince Jean qui n’a pas l’air d’un enfant de cœur, mais la narration est expurgée de toute violence gratuite qui pourrait marquer de jeunes enfants (j’ai deux âmes sensibles de 9 et 12 ans et tout est passé crème).
En définitive, ce Robin des Bois est une bonne surprise, il offre une mécanique élégante et subtile qui sert et nourrit le jeu tout en douceur. La narration est elle aussi au service du jeu, une aventure littéraire. S’il peut laisser sur le carreau les joueurs qui souhaitent un défi corsé, cela en fait un jeu familial pour jouer avec ses enfants, de par son game design intelligent, qui trouve un bel équilibre entre la stratégie et la chance, entre la planification et la découverte. Au final, je ne suis pas surpris qu’il ait été nommé au Spiel des Jahres.
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Alain Littardi 04/01/2022
Exactement du même avis, un jeu ou il ne faut pas se frapper 40 pages de règle avant de jouer, on ouvre et on joue que du bonheur en famille ou à 2 joueurs encore mieux.
Morlockbob 04/01/2022
Dire qu il nous attend et que par manque de temps nous n avons pas démarré. Grâce a cet article je vais m organiser. Cela donne envie