Revive : En cas d’urgence, brisez la glace
Revive est une création d’Eilif Svensson, Helge Meissner, Kristian Amundsen Østby, et Anna Wermlund chez Aporta Game localisée par Matagot. Le jeu a bien buzzé à Essen et a fini 4e au Diamant d’or, voilà pour le pedigrée. À titre perso, dans la sélection du Diamant d’or, c’est celui qui m’inspirait le plus avec sa mécanique de cartes, ses machines, etc.
Cela fait 5000 ans que l’humanité est piégée sous terre, organisée en tribus. Chacun d’entre nous va tenter de construire sa civilisation afin de prendre le pas sur les autres tribus. Nous allons explorer de nouveaux territoires, repeupler des territoires, construire des machines et partir à la recherche d’artefacts aliens. Un virus, une catastrophe écologique ou nucléaire ? Le jeu ne nous le dit pas.
Le thème est assez hummm, foutraque on va dire, du moins au premier abord, mais peut-être qu’il se révèle avec le mode campagne ou scénario. Je vous laisse juge avec cette présentation succincte. Mais j’ai appris avec le temps à ne pas trop vite considérer le thème dans les eurogames.
Post apo de colonisation
Il y a quelque chose de grisant à découvrir de nouveaux territoires, y installer nos habitations, nos habitants, etc. Dans Revive, on part du centre du plateau pour s’installer dans les territoires plus éloignés, découvrir de nouvelles terres sous la glace, repeupler, gagner de nouvelles technologies, etc.
S’il place son univers dans un monde post-apo dans lequel nos tribus cherchent des artefacts aliens, en réalité Revive est un jeu avec un thème de colonisation qui ne dit pas son nom, mais dans un univers imaginé.
La machine est lancée
On retrouve des mécaniques connues comme de la gestion de main, de ressources, et des pistes à débloquer…
Un tour de jeu consiste à faire deux actions parmi une multitude de possibilités, ce qui peut laisser croire au premier abord que Revive est compliqué. En réalité il est plutôt simple, mais très dense…
Grosso modo, une action se résume surtout à jouer une carte sur notre plateau joueur pour gagner des ressources. Si on les joue en haut, on réalise l’effet du haut, et si on les joue en bas l’effet du bas. L’air de rien, voilà le premier des dilemmes du jeu, et l’espace de décision est important. C’est ainsi que l’on va produire les ressources du jeu qui servent aux autres actions. Ou placer des tuiles améliorations qui vont s’activer à chaque fois que l’on joue une carte (enfin si la couleur de la carte correspond à la couleur de l’amélioration). On peut avoir envie de se spécialiser en fonction des slots, ou au contraire jouer la diversification.
Revenons aux cartes justement, on débute avec 6 cartes, à peu près identiques pour chaque joueur. (on retrouve les mêmes effets, mais pas forcément sur les mêmes couleurs). Chaque fois que l’on va découvrir un nouveau territoire, en plus de gagner des points de victoire, on va aussi récupérer une carte (prise aussi dans une rivière) plus puissante que celles de base, procurant une légère sensation de construction de deck, légère car nos cartes ne tournent pas tant que cela.
Tous vos slots sont occupés veuillez rappeler après l’hibernation
Quand nous ne pouvons plus rien faire, il ne nous reste plus qu’à passer en hibernation, ce qui permet de récupérer les cartes dans notre zone de repos et de placer toutes nos cartes jouées en repos.
Construire des bâtiments sur des hexagones coûte des engrenages, repeupler (placer des meeples) coûte des Livres. Quant à l’exploration, cela coûte livres et nourriture. Un petit surcoût pour considérer la portée, en gros toutes ces actions sont gratuites pour chaque zone adjacente à un de nos meeples, qu’il soit un bâtiment ou un habitant, mais au-delà ça coûte de la nourriture, c’est thématique :). Les cristaux quant à eux sont des jokers.
Un euro satisfaisant
Les derniers eurogames qui ont rejoint nos tables, étaient un peu trop studieux et jouaient trop (à mon goût) sur la frustration, il vous manque toujours une ressource ou une pièce pour faire l’action souhaitée comme vous l’auriez voulu. Avec Revive c’est tout l’inverse, quoique vous fassiez, vous allez bénéficier d’effet intéressant. Un habitant placé vous donne un pouvoir pour la partie (selon votre peuple). Un bâtiment, des bonus pour chaque case adjacente qu’il touche.
Pour chaque jeton “chevron”, on va pouvoir avancer sur la piste de la couleur correspondante sur notre plateau machine, ce qui va débloquer des jetons qui nous donneront des points de victoire en fin de partie, mais aussi des bonus actifs ou passifs. Bonus identiques, ou nouveaux bonus que l’on sélectionne dans une rivière de tuiles. C’est le côté le plus original et le plus jouissif du jeu, car on construit notre machine (et notre moteur) presque comme bon nous semble.
Marquer des points de victoire en cours de partie nous rapproche de la victoire, même si à la fin, une petite salade de points viendra clôturer le décompte. En revanche sur certains seuils, on remporte des bonus et même des artefacts aliens. Même hiberner, qui est un peu l’action que l’on fait en dernier recours, est valorisé par la montée sur une piste donnant un bonus plus ou moins fort selon le moment de la partie, et on se surprend à préférer le bonus inférieur en fonction de notre jeu.
Dans Revive on ne vous entendra pas crier
Ces jetons aliens qui peuvent sembler menaçants ne servent qu’au scoring, (quand je disais que le thème était assez foutraque). En début de partie, nous avons chacun une carte secrète. Elle nous donnera des points en fonction d’objectifs à remplir. Ces jetons aliens en quantités limitées servent surtout de déclencheur de fin, quant le dernier est pris, on finit le tour en cours et on passe au décompte.
L’espace de décision dans Revive est valorisant, on n’a jamais un choix évident, mais au contraire plusieurs possibilités intéressantes : La construction de son deck ou de son plateau, les meeples qui offrent des bonus intéressants, gagner des jetons énergies (les éclairs) pour activer les machines que l’on a placées sur notre plateau. Comme c’est une action gratuite, cela fera souvent durer un peu le tour, elles sont un moyen de payer moins cher une construction, de récupérer une carte plus rapidement, etc.
Il existe aussi plusieurs combinaisons originales, certaines cartes permettent d’en jouer une autre immédiatement, et cela n’est pas compté comme notre deuxième action du tour, d’autres cartes (comme sur l’image ci-dessous) comprennent un nouvel emplacement où l’on peut y placer une autre carte à la suite. Mieux encore, si les cartes sont de la même couleur, vous pouvez activer les deux cartes et même les jetons améliorations. C’est fort, c’est vrai, mais avec ce genre d’actions vous risquez aussi d’avancer votre hibernation, car vous dépensez vos cartes et bloquez des emplacements.
L’interaction n’est pas très forte, on reste surtout concentré sur son plateau, mais elle n’est pas inexistante pour autant, on peut se gêner, des opportunités peuvent s’ouvrir en fonction des explorations des uns et des autres. On se surveille du coin de l’œil, car cela reste une course. C’est assez flagrant quand on joue en duel, où l’on se partage le territoire et on perd alors en intensité, pour gagner en rapidité d’exécution et fluidité.
Certes, l’opportunisme est présent, que ce soit dans les cartes, les tuiles machines, ou surtout les constructions, mais cela fait partie du jeu, et ça n’a pas vraiment été un ressenti négatif. On a toutefois (après plusieurs parties) un petit doute sur l’équilibre des différentes tribus. Ces plateaux doubles-faces ouvrent plein de possibilités, dont certaines sont disponibles après avoir réalisé la campagne de cinq scénarios.
Parlons un peu de la campagne
Celle-ci se compose d’un deck de cartes que l’on doit ouvrir après une partie, offrant petit à petit de nouvelles possibilités, les ajouts ne complexifient pas plus que cela le jeu, au contraire, ils ajoutent un intérêt à certaines actions, comme le commutateur dont je ne vous ai pas parlé, surtout parce que l’on ne s’en sert jamais ou presque (il sert à produire une ressource de son choix, mais compte comme une action). Dans le mode campagne, on peut l’utiliser pour activer une carte d’un adversaire, ce qui est bien plus intéressant (il glisse la carte dans sa défausse, ce qui lui libère un emplacement).
Mieux encore, on peut utiliser les faces B (ou face Lune) des plateaux avec des asymétries bien plus marquées, ainsi que deux nouvelles tribus. On peut même jouer avec de nouvelles cartes de départ qu’il faudra drafter. Pourquoi pas, mais cela demande de bien maîtriser le jeu pour ne pas bêtement se coincer parce que l’on n’a pas un type d’action dans son jeu par exemple. Ce mode campagne donne un peu de densité thématique avec une présentation des tribus, quelques petits détails sur la catastrophe qui a secoué notre monde, l’importance de ces artefacts aliens dont je me moquais juste au-dessus.
Opportunisme, mais aussi planification, avec notre carte artefact alien, la salade de point finale, les grandes villes présentes aux quatre coins connues à l’avance qui donnent des points selon une condition. En vidant son plateau machine, on peut la encore remporter des points, et même dans la partie, cela donne une certaine richesse à Revive, je n’ai pas l’impression de faire la même chose à chaque session ou de devoir finement analyser le setup comme dans trop de jeux actuels…
Revive un jeu chaleureux plein de fraîcheur
L’édition est assez dingue, on peut dire que l’on en a pour notre argent, je regrette qu’il faille une table de maître pour pouvoir s’attabler à 4 joueurs. J’émets un léger grief sur les plateaux joueurs qui manquent (en anglais) de précision, ce qui nous oblige à retourner dans la règle, dommage ! Revive est foisonnant d’icônes en tout genre, mais l’ergonomie est relativement claire, on l’intègre assez facilement. Les règles du jeu sont bien structurées, elles utilisent des (faux) onglets (comme dans Jamaica), pour retrouver sa trace.
Revive ne cache pas son manque d’originalité en complexifiant à outrance. Il utilise une mécanique de cartes multifonctions pas nécessairement innovante, mais avec du placement qui offre des dilemmes savoureux. On retrouvait d’ailleurs cela dans La Granja, Cryo ou plus récemment Lacrimosa. L’interaction est relativement limitée c’est vrai, mais suffisante malgré tout pour ne pas avoir l’impression de faire un solitaire à plusieurs. L’excentricité thématique fait finalement sens quand on joue. On ne se raconte pas d’histoire, mais on sait ce que l’on fait, et dans un eurogame parfois ça suffit. On prend plaisir à construire son moteur, à le faire tourner, à planifier, s’adapter, profiter des opportunités, plus tactique que stratégique c’est vrai.
Après huit parties (au moment où j’écris ces lignes), j’ai toujours envie de jouer, et découvrir (et faire découvrir) de nouvelles tribus, de nouvelles combinaisons, et de fait, il apporte pour moi un petit vent de fraîcheur qui le fait sortir du lot.
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