Portraits et regards – Valérie Clément, Stéphanie Berri, Kaelawen, Isabelle Vandamme
Aujourd’hui, nous interviewons des personnalités du monde du jeu de société qui méritent, à notre sens, d’être connues.
Autrices, éditrices, influenceuses, journalistes, illustratrices, directrices artistiques, cheffes de projet… Nous nous disions que les femmes du monde du jeu de société étaient un peu trop dans l’ombre. Nous voulons leur donner une voix, par un portrait simple, en cinq questions. Pour ce deuxième volet, nous avons donc le plaisir d’échanger avec Valérie Clément (Youtubeuse et autrice), Stéphanie Berri (cheffe de projet et responsable marketing), Kaelawen (ludicaire et Youtubeuse), et Isabelle Vandamme (consultante, CEO).
Il s’agit du deuxième volet d’interviews – cinq autres personnalités à découvrir ici.
Valérie Clément
Valérie, qui es-tu ?
Bonjour je m’appelle Valérie Clément, et dans le monde du jeu, je suis YouTubeuse sous le nom de « Tartenpionne » et maintenant auteure de jeu. Dans la “vraie vie”, je suis maman de deux enfants et assistante maternelle.
Quelle genre de joueuse es-tu ?
J’aime bien jouer à beaucoup de jeux différents dès que j’en ai l’opportunité. Très souvent avec mes enfants, ou des amis, mais également en festivals. Festivals qui me manquent beaucoup en ce moment. D’une manière générale j’ai tout de même tendance à préférer les jeux à moindre interaction, plutôt dits « à l’allemande », mais je suis assez curieuse, donc je ne m’interdis pas les surprises. Tout dépend aussi du feeling autour de la table et de la durée du jeu ; les formats plutôt courts, qui sont la tendance actuelle, restent forts séduisants.
En quoi consiste ton métier ludique ?
Je suis YouTubeuse et je présente des jeux sous format vidéo assez court, en « ouvre ta boîte » qui montre le matériel et surtout les explications des règles du jeu. Au début de la chaîne, je réalisais également des interviews mais actuellement j’ai moins de temps pour m’y consacrer; là aussi cela me manque, car c’est grâce aux interviews que j’ai pu faire de très belles rencontres.
Ma passion actuelle vient de s’enrichir, puisque je peux dire maintenant que je suis auteure. Mon premier jeu est sorti chez Gründ récemment, sous le nom de « Trop mignons ! Mon jeu kawaii » et j’en suis très heureuse.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Comme j’ai souvent du mal à faire des choix dans les jeux, choisir une seule fierté sera trop difficile pour moi 😉
Dans le jeu, la création de ma chaîne en 2015 et surtout le fait qu’elle ait progressé me rendent très fière; comme je le disais précédemment les interviews ont permis de provoquer de très belles rencontres avec des acteurs fascinants qui ont nourri ma passion et ma curiosité ludique, et je suis également ravie de partager avec les abonnés mon enthousiasme pour les jeux; abonnés qui me le rendent bien à travers leurs commentaires plus que chaleureux !
Je suis bien évidemment très fière également de mon actualité récente, j’ai réussi à devenir auteure. J’ai offert à mes enfants mon propre jeu. Je le vois en rayon et j’ai des retours de jeunes joueurs qui prennent plaisir à y jouer avec leurs parents : quelles belles récompenses !
Stéphanie Berri
Qui es-tu, Stéphanie ?
Sait-on jamais qui on est vraiment ? Plus sérieusement, une joueuse qui a eu l’immense chance de pouvoir exercer son métier dans le secteur ludique.
J’ai fait une école de commerce et j’ai vite gravité autour du développement produit, dans le jouet et la licence. Puis, un jour, j’ai décroché le job de mes rêves : chef de projet chez Asmodee. Ensuite tout s’est enchaîné, je n’allais plus quitter le monde du jeu. Après un passage chez divers éditeurs, j’ai rejoint depuis peu Mythic Games.
À part ça, je suis fan des années 80, d’heroic fantasy et de Disney, grande buveuse d’infusions, binge-watcheuse accomplie et d’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé les jeux de société. J’ai toujours tanné mon entourage pour aller à Disneyland ou pour jouer à des jeux. Et pour boire du thé de Noël.
Je souris quand je repense à mes nuits blanches passées à jouer à Magic, au tarot ou à la belote coinchée. Je le referais volontiers.
Quelle genre de joueuse es-tu ?
Le genre qui prend du plaisir à jouer à n’importe quel jeu, si tous les gens autour de la table en prennent aussi ! Pour moi, le jeu est avant tout un moment précieux de kiff partagé, une compétition légère où on doit toujours s’amuser. Quand on subit le jeu, c’est horrible !!!
J’aime tous les jeux, sauf les wargames, jeux solo et jeux abstraits qui ne m’attirent pas trop. Depuis que je suis maman, je découvre les jeux enfants, je deviens super calée à Mr. Wolf ! On s’adapte pour intégrer notre fils à des parties de jeu de gestion rapides : il fait le banquier quand on joue à Splendor, c’est génial de lui transmettre cette passion. C’est lui qui nous tanne pour jouer maintenant.
Mon péché mignon, ce sont les roll & write et les stop ou encore ; on joue beaucoup à Très Futé, Welcome, Zombie Dice ou Pickomino en ce moment. Je joue énormément à 2, surtout à des jeux de cartes. J’aime les jeux où il faut savoir calculer mais aussi faire des paris, apprivoiser la chance.
Mais j’avoue que le kubenbois me manque grave… Mon royaume pour une partie de Terra Mystica ou de Gloomhaven ! Je trouve ça très satisfaisant d’avoir su optimiser son jeu et/ou d’avoir su saisir les opportunités pour l’emporter sur ses adversaires. C’est un sport intellectuel et quand le niveau des joueurs est bon, quel suspense !
J’adore quand tout le monde est à fond. Quand la partie est terminée, on refait le match et on commente les actions des autres joueurs, avec souvent l’envie de rejouer: « Si tu finissais pas là, c’était moi hein, j’achevais la construction de mon truc, j’avais une action supplémentaire et bim, je pétais le score ! » C’est drôle.
J’adore initier des non-joueurs : cerner le type de jeu qui les éclaterait, les faire jouer et voir cette surprise dans leurs yeux quand ils comprennent quel monde fun et caché s’offre à eux… C’est magique !
En quoi consiste ton métier ludique ?
Euh… Leeloo Dallas Multipass ? Les titres officiels de mes jobs ont été “cheffe de projet, responsable marketing, responsable produit”, mais j’ai toujours touché à beaucoup de choses.
La plupart du temps, un jeu arrive dans mes mains sans que je l’aie sourcé. Je me plais à dire que je suis tailleuse de diamant brut, mais je n’ai pas la lourde tâche de trouver ces diamants.
Je pense qu’un jeu qui a des chances de marcher est novateur dans son gameplay, sans ça, c’est compliqué de séduire un public. Il y a beaucoup de pierres précieuses, mais les diamants sont rares.
Mon job est très complet, mais le point de départ est toujours une étude de marché pour savoir si un jeu a sa place sur le marché et si oui, comment le calibrer. Ensuite mon boss valide où non ma stratégie et mes recommandations et j’enchaîne sur le développement. Ça passe par tout : univers, direction artistique, nom, matériel, illustrateurs, relation avec les auteurs, fabrication en usine, salons, textes commerciaux, relations publiques, réseaux sociaux…même écrire des règles (exercice difficile) ! C’est hyper intéressant mais très stressant de faire toutes ces choses à la fois.
Aujourd’hui chez Mythic Games, c’est un peu différent, j’ai un rôle de coordonnatrice des projets et des ressources, avec une casquette marketing, c’est plutôt cool et très prenant ! Surtout je touche à un domaine nouveau pour moi : Kickstarter. Du coup, je me remets en question et j’apprends beaucoup de mes collègues, je suis bien entourée, c’est très riche et motivant.
C’est hyper intéressant mais très stressant de faire toutes ces choses à la fois. On court tout le temps après le temps !
Au fur et à mesure des années, j’ai finalement touché à tous les domaines qui entourent la création / commercialisation d’un jeu.
Chez Hurrican, j’ai finalement sourcé, testé, parfois dû régler en partie des jeux et en écrire les règles. J’aime beaucoup écrire les règles et les dos de boite, mais ce sont des exercices difficiles. Arriver à résumer son jeu et à accrocher un joueur sur quelques lignes, c’est chaud !
Quelle est ta plus grande fierté ?
Sans aucun doute d’avoir participé à l’aventure Mysterium chez Libellud.
Il y avait déjà du buzz sur la version ukrainienne. Certains ne comprenaient pas ce qu’on allait pouvoir apporter à l’original, d’autres disaient que Libellud était l’éditeur le plus légitime pour un reboot. Le jeu était attendu, fallait pas se louper ! Et Régis [Bonnessée] souhaitait trouver son nouveau Dixit, alors le challenge était costaud.
On sentait qu’on avait une petite bombe ludique entre les mains, mais il fallait prendre des risques pour se démarquer et prendre les bonnes décisions. C’était à la fois grisant et angoissant de préparer son arrivée sur le marché. Il y avait beaucoup de pression, mais toute l’équipe y croyait à fond et a été super investie.
C’était une super expérience, tout n’était pas parfait, mais rien n’avait été laissé au hasard. C’est la seule fois de ma (petite) carrière où j’ai pu travailler un jeu dans ses moindres détails à tous les niveaux avec une grande liberté. On a pris le temps, tout le monde s’est arraché et s’est fait plaisir: que ce soit sur les salons avec le mini manoir hanté, avec la communication façon blockbuster de cinéma, une direction artistique et des illustrations de Xavier Colette à tomber, énormément de tests pour tout régler y compris les modifications de règles, l’ajout du paravent pour renforcer l’asymétrie du jeu et lorgner du côté du jeu de rôles, le fluff dans les règles et la musique d’ambiance pour ajouter à l’expérience… Et j’en passe ! Tout le monde a apporté sa pierre à l’édifice, sans savoir si ça porterait vraiment ces fruits.
L’année de sa présentation à Cannes, il y avait la queue sur le stand et les gens attendaient deux heures pour le tester… C’était fou et incroyable à vivre ! L’année suivante, il remportait le prix du jeu de l’année au même endroit, le jeu avait su toucher les joueurs et marquer les esprits.
Aujourd’hui, c’est un must-have familial. Alors on peut dire que le challenge a été relevé par toute l’équipe de l’époque, et c’est une fierté d’en avoir fait partie.
Où te vois-tu dans 5 ans ? (Ou 10, c’est selon !)
Pour être honnête, je n’ai pas encore réussi à trouver ma place dans ce milieu. Mais c’est un peu de ma faute, ce milieu requiert d’être un minimum dans la lumière et je suis plutôt solitaire, pudique, timide. Je suis mal à l’aise dans la foule ou devant les caméras, je préfère être dans l’ombre.
Comme beaucoup de gens en ce moment, je suis à la recherche de plus de sens, de simplicité, de décroissance et d’autonomie… La culture des plantes m’a toujours attirée mais la passion du jeu m’en éloignait. J’aimerais reprendre le temps de jouer !
Alors dans 5 ans, la sorcière en moi se verrait bien entourée de forêts, soigner son potager, transformer des plantes en remèdes et partager un savoir/une façon de vivre… Tout en continuant à développer des jeux ! J’espère que j’aurais trouvé ma famille ludique chez Mythic Games et que nos jeux marqueront un peu la sphère ludique.
La barde en moi se verrait bien continuer à raconter des histoires en créant et/ou développant des jeux de société en freelance. Pourquoi pas devenir autrice ? Éditrice ? Ou simplement conseiller les autres ?
J’ai déjà l’impression d’avoir vécu plusieurs vies, et d’avoir avancé dans chacune d’elle. Réussir à concilier nature et jeu, plaisir et résilience serait le top pour moi !
Kaelawen (& les meeples)
Qui es-tu, Kaelawen ?
Salut, moi c’est Kaelawen. Sous ce pseudo se cache une passionnée de jeux, longtemps maman au foyer, et maintenant toute jeune ludicaire dans une boutique de Metz : La Caverne du Gobelin. Depuis plus d’un an maintenant j’ai créé ma chaine YouTube « Kaelawen et les meeples » dans laquelle je présente des jeux de société.
Quelle genre de joueuse es-tu ?
Je suis la mauvaise perdante ! 😉 Bon ok, hormis ça je suis très bon public, je joue à tous types de jeux, du plus petit au plus gros, pour les petits comme pour les grands, mais j’ai tout de même une préférence pour les jeux de réflexion. Je suis du style à vouloir programmer mes actions plusieurs tours à l’avance mais j’apprécie aussi ceux avec un peu d’aléatoire. J’ai des petits favoris comme Champ d’Honneur et particulièrement vers des jeux uniquement 2 joueurs ou très bons à 2 joueurs comme Nidavellir. J’apprécie énormément les jeux d’enquête comme Détective (Iello) ou Chronicles of Crime, et aussi ceux à énigme tel que les célèbres Unlock! ou le plus récent Mystery House.
En quoi consiste ton métier ludique ?
J’ai donc une double casquette : “le jour” je vends des jeux de société en boutique… j’adore ça, la relation avec le client. J’ai parfois des demandes compliquées : untel ne se souvient pas du titre du jeu et je dois trouver le jeu voulu… Ce que j’adore, c’est de pouvoir aiguiller les gens en fonction de leurs affinités, mais aussi leur proposer de nouvelles choses, nouvelles mécaniques, univers, etc. Bref, tout faire pour trouver “le” jeu, celui qui leur correspondra au mieux, et puis partager ma passion avec eux.
La “nuit”, après le boulot, enfin, surtout quand les enfants dorment 😉 , je présente les jeux pour ma chaîne YouTube. C’est une autre approche, virtuelle donc, mais tout aussi enrichissante. On travaille mon mari et moi sur les vidéos, chacun à sa spécialité ! 🙂 Lui, en tant que professionnel de l’audiovisuel, s’occupe de toute la technique et post-prod, moi je m’occupe de l’écriture et de la présentation des jeux. Quand on s’est lancés avec mon mari, les vidéos étaient calibrées “format TV” afin de pouvoir être diffusées sur une chaîne de télévision locale de la région. C’est pourquoi nous avons choisi cette approche de présentation et de durée qu’on a gardé et développé ensuite sur une chaîne YouTube. Pour le traitement des jeux, on fait vraiment au feeling. On ne travaille sur une vidéo que si on apprécie le jeu car on aura plus de facilité pour en parler.
Réaliser des vidéos, de l’écriture à la mise en ligne nous prend beaucoup de temps, donc on a pris la décision de ne parler que des jeux qu’on a vraiment accroché. Après sur la chaîne, on a plusieurs formats, de la présentation de jeu, à des formats type let’s play dans lesquels on va jouer en live puis partager nos différents points de vue sur les jeux.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Honnêtement, c’est compliqué comme question, je vais tomber dans le cliché mais c’est mes enfants ! 😉 Si on doit parler jeux de société, eh bien… Pour la chaîne, je dirais de réussir à partager ma passion et de lire tous les retours des gens, spectateurs et acteurs du milieu ludique, qui apprécient notre travail. Ca fait vraiment plaisir, et nous conforte chaque jour dans cette volonté de continuer ça. Côté vie “IRL”, c’est d’avoir décroché un travail dans l’univers du jeu de société, ça c’est fait un peu comme ça, au feeling, mais au bon moment, et ça reste ma petite fierté perso.
Où te vois-tu dans 5 ans ? (Ou 10, c’est selon !)
Aïe, je suis plutôt « au jour le jour », on verra ce qu’il adviendra de demain etc, mais si je devais me fixer un but ou avoir un rêve je dirais bien : Au canada, toujours à partager ma passion sur une plateforme vidéo et surtout en réel ! Mais bon, je viens tout juste de fêter mes 30 ans alors pour cette année j’ai peut-être un peu de mal à me projeter plus loin ^^ Non pas par peur de vieillir mais juste parce que je trouve que j’ai tout ce qu’il me faut pour être comblée.
Isabelle Vandamme
Qui es-tu, Isabelle ?
Je suis maman de deux enfants et CEO de la société InstaPlay que j’ai créée avec Gaëtan Beaujannot. Avant d’arriver dans le jeu de société, j’ai occupé des postes de direction Marketing/Com puis de DG dans l’univers textile (3 Suisses, PPR puis un groupe allemand Otto Versand).
Après 15 ans d’expérience dans cette filière, j’ai décidé de quitter le textile pour prendre successivement la direction de Lilliputiens, une société spécialisée dans la création et la distribution de jouets haut de gamme, puis celle de la filiale jeux de société d’un groupe transmédia Ankama.
Quelle genre de joueuse es-tu ?
J’aime les jeux d’ambiance à partager en famille ou entre amis, mais si on me défie sur un jeu plus compétitif, je ne résiste pas. Cependant, ces dernières années, je me suis davantage mise du côté du client. J’ai donc beaucoup observé les réactions des joueurs pour pouvoir détecter le potentiel de vente des jeux que j’ai édités.
En quoi consiste ton métier ludique ?
Je co-dirige aujourd’hui InstaPlay avec Gaëtan, avec qui j’ai collaboré lorsqu’il était prestataire chez Ankama. InstaPlay accompagne les éditeurs de jeux de société à développer leur business. Nous couvrons toute la chaîne de l’édition : Gaëtan pour la création de jeux, la recherche d’auteurs et moi pour la fabrication, la communication/marketing et la recherche de distributeurs. Nous créons aussi des jeux sur commande se basant sur des licences internationales. Nos clients sont aujourd’hui des éditeurs du monde entier.
Quelle est ta plus grande fierté ?
Mes fils, bien sûr ! Mon aîné est étudiant en médecine et le second, en école de commerce.
Et dans l’univers ludique, l’édition de Draftosaurus, un jeu de la team Kaedama, nominé à l’As d’Or et au Spiel ! J’avais d’ailleurs Gaëtan dans mon équipe sur ce projet.
À l’époque, seule la gamme Krosmaster existait chez Ankama et de manière à développer le chiffre d’affaires et la notoriété d’Ankama comme éditeur de jeux de société, j’ai créé avec l’équipe 3 gammes de jeux dont une plus accessible dans laquelle on peut retrouver Macao de Charles Chevallier, Poisons de Bruno Faidutti, Brothers de Chris Darsaklis… et aussi Draftosaurus !
Où te vois-tu dans 5 ans ? (Ou 10, c’est selon !)
Toujours chez InstaPlay avec une société qui aura grandi et une chouette équipe….et bien sûr de chouettes clients et partenaires 🙂