Pandemic Intervention d’Urgence – Lancez des dés au secours de l’humanité !
Non, non, non ! Les apparences sont trompeuses, sachez-le, loin de nous l’idée de vouloir surfer sur l’actualité… Si Pandemic : Intervention d’Urgence est tombé entre mes mains, c’est qu’il attendait patiemment son tour dans la Ludocave, et qu’en tant qu’amateur des précédents titres de la série, je ne pouvais que m’intéresser à celui-ci !
Une fois tout soupçon écarté, vous me direz peut-être « Hum, un Pandemic de plus ? ». Oui, mais un qui sort de l’ordinaire. Cette fois-ci, ce tout dernier opus n’a pas été créé par Matt Leacock, l’auteur de la plupart des autres jeux de la série, mais par Kane Klenko un auteur de jeux coopératifs aux concepts atypiques : jeux en temps réel (Mission Pas Possible, Flatline) ou jeux de pichenettes (Flipships). Il faut donc s’attendre à un changement du gameplay et vous verrez dans cet article que ce sera bien le cas !
Cric Crac on passe à l’attaque !
Dans Pandemic : Intervention d’Urgence, vous incarnez un groupe de spécialistes qualifiés dans la gestion de différents types de catastrophes. Une sorte d’Agence Tous Risques se déplaçant avec une sorte d’avion-usine vers les différentes destinations en crise, fournissant médicaments, vivres, vaccins, nourriture, ou énergie. Bien, mais qu’est ce qui change par rapport aux autres jeux de la gamme ? Et bien à vrai dire presque tout ! Hormis le thème de la catastrophe humanitaire, Pandemic : Intervention d’Urgence n’a rien en commun avec un autre Pandemic. Qu’on se le dise ! Ici, fini les cubes envahissant le plateau, on joue en temps réel, avec des dés, et en moins de 20 minutes !
Première constatation, l’installation est rapide (moins de 5 minutes) et les règles ne sont pas compliquées. Je l’ai moi-même testé avec des collègues qui n’ont pas l’habitude de jouer. Entre 5 et 10 minutes d’explications suffisent à faire rentrer le jeu dans les esprits, plus un petit tour de chauffe pour exemple. Point positif !
Le principe est simple. Vous devrez livrer 5 villes avec les ressources dont elles ont besoin, affichées sur leur carte, avant que le temps imparti ne soit écoulé. Vous disposez de 3 jetons Temps et d’un sablier de 2 minutes. Au début de la partie retournez le sablier. A chaque fois qu’il se vide, vous perdez un jeton temps et piochez une nouvelle carte ville à livrer. A chaque fois que vous livrez une ville, vous gagnez un jeton Temps. Si vous n’avez plus de jeton Temps et que le sablier se vide, c’est perdu ! Capitch ? Il s’agit donc d’un jeu de rapidité où vous lutterez incessamment contre le temps.
Bien, mais comment livre-t-on ces ressources ? Et bien chaque joueur joue à tour de rôle pendant que le sablier s’écoule. Durant votre tour, vous lancez vos 6 dés (avec 2 relances possibles parmi les dés), et les dépensez soit pour vous déplacer sur le plateau, soit pour faire avancer l’avion vers votre prochaine destination, soit pour « allouer » ces dés dans le secteur où vous vous trouvez. Cela signifie qu’en plaçant des dés de la bonne face aux emplacements du plateau prévus à cet effet, vous pourrez produire la ressource en question.
À tout moment, vous pouvez récupérer tous les dés placés sur un secteur afin de produire le montant de ressource affiché sur le plateau. On place alors de petites caisses dans la soute, prêtes à être livrées une fois à destination. Attention, vous allez probablement produire des déchets en même temps (je passe les détails). Si votre jauge de déchets atteint le maximum, c’est perdu ! Vous n’aurez pas sauvé le monde car vous croulez sous vos poubelles ! Et oui, vous avez déjà essayé de piloter avec un sac sur le nez ?
À tout moment également, vous pourrez passer la main à votre voisin, qui lancera ses dés et jouera son tour. Il faudra donc apprendre à reconnaître efficacement quand votre jeu de dés n’est plus assez intéressant, au risque de faire perdre du temps à l’équipe si vous peinez à trouver quoi faire durant votre tour.
Tout l’enjeu de la réussite reposera sur votre capacité à décider rapidement comment investir vos actions et les résultats de vos dés sur le plateau pour répondre au mieux aux priorités. Vaut-il mieux continuer à produire et stocker des vaccins en vue de livrer les deux prochaines villes d’affilée, au risque de se retrouver pris par le temps ? Ou vaut-il mieux privilégier le court terme et produire le nécessaire pour livrer une ville après l’autre, ce qui est plus sûr au niveau du temps mais qui vous demandera de faire plus d’allers-retours par la suite ? Voila le genre de questions que l’on se pose.
Cette mécanique de pensée n’est pas sans rappeler celle de Mission Pas Possible (alias Fuse) du même auteur, sauf qu’ici il semblerait que l’on soit en présence d’un jeu un peu plus grand public, plutôt facile à prendre en main, même s’il est exigeant sur la rapidité. Il y aura moins de niveaux de difficulté (ici 4, contre de nombreuses possibilités de combiner les options dans Fuse) et le jeu ira plus directement à l’essentiel, en ne vous demandant que de placer les bonnes faces de dés sur les emplacements disponibles sur le plateau. Cela a le mérite de permettre d’accueillir des joueurs néophytes autour de la table.
Enfin, les éternels personnages et leur capacité spéciale sont toujours là. Pour ne citer qu’eux, vous pourrez incarner le préparateur de vol pour faire avancer plus vite votre avion, l’analyste pour obtenir deux relances supplémentaires aux dés, ou encore la directrice pour pouvoir offrir un de vos dés à vos coéquipiers.
Attention ça va trancher chéri
Ainsi, si le thème reste plus ou moins le même, on sort complètement du moule « Pandemic System games » bien nommé par Z-Man Games pour désigner les jeux adoptant un gameplay proche du jeu originel. Le changement de gameplay par rapport au reste de la gamme Pandemic est bien radical. Récapitulons :
- Pas de cubes représentant la menace sur le plateau, dont la génération est aléatoire
- Pas de notion d’amplification de la catastrophe (épidémies)
- Pas de cartes en main à échanger contre des effets
- Des parties de 20 minutes et en temps réel
On est dans la prise de décision frénétique. Il faudra être un adepte des jeux de rapidité, voire même des party games, pour apprécier celui-ci : rapidité de décision mais rapidité d’exécution également, avec le maniement simultané des dés et des cubes. Bien que les règles soient simples, pour réussir à boucler la mission, il va falloir s’accrocher ! Ce jeu est assez difficile et demande de la vivacité d’esprit.
On l’a compris, Pandemic : Intervention d’Urgence va vous mettre sous pression, principalement parce que le temps est très limité, mais aussi parce que les yeux de vos coéquipiers seront rivés sur vous. Le jeu sera donc sensible à la présence d’un fameux joueur alpha, qui aura tendance à vous dicter quoi faire à chaque signe de doute de votre part pendant que le temps s’écoule. Mais comme je dis toujours, ce n’est pas la faute du jeu, c’est la vôtre, car il ne fallait pas l’inviter 😉. Au contraire, une équipe empathique aura un très bon effet sur votre gameplay, en vous aidant à gérer votre temps. J’ai rencontré les deux cas de figure.
Certains adeptes de la licence ont donc été déçus par ce titre, pour la seule raison qu’ils n’avaient pas pris connaissance des mécaniques du jeu avant l’achat de ce dernier. Ceci semble avoir impacté son évaluation sur les différents sites internet. Pour preuve, on lit parfois des avis négatifs, non pas parce que la qualité du jeu est mauvaise, mais parce que ce n’est pas ce que la personne attendait. Ne vous fiez donc pas uniquement aux notes !
Enfin, autre fait qui peut surprendre : on a l’impression d’être en présence d’un jeu auquel on aurait forcé le thème de Pandemic à une mécanique qui n’a pas grand chose à lui prêter. C’est un peu comme faire rentrer l’objet rond dans le moule carré à grand coups de masse ! En effet, courir dans tous les sens dans un avion, pour produire de la nourriture, des vaccins et même de l’énergie, en direct-live (oui, et dans un avion) afin d’alimenter des mégapoles, tout en gérant le recyclage des déchets. Comment dire… N’est-ce pas un brin capillotracté tout ça ?
En fait, cette mécanique aurait pu avoir un rendu du tonnerre avec un thème plus adapté, comme celui d’un vaisseau spatial ou d’un sous-marin, ou bien d’un énorme engin de guerre compliqué à gérer tel un mécha-warrior. Cela dit, si certains joueurs comme moi s’attachent au mariage thématique-mécanique, d’autres n’en feront pas considération. Et vous ?
La pandémie, c’était mieux avaaant
On peut regretter un petit manque de variété dans le gameplay, qui est d’ordinaire satisfaisant dans les précédents Pandemic. Malgré des débuts difficiles, après avoir enchaîné plusieurs parties, et quelques niveaux de difficulté passés, on se fait la main, on comprend le truc : on sait produire et livrer des ressources plus vite que l’éclair. Et comme l’essentiel du jeu est basé sur la production puis la livraison de ressources, on va répéter ces actions en boucle. Les parties vont donc avoir tendance à se ressembler au bout d’un moment.
De plus, l’aspect « aggravation de la catastrophe », bien connu chez les autres Pandemic, est aux abonnés absents. Ici, pas d’épidémie ou de montée des eaux. Si vous tardez à livrer les villes, d’autres villes prendront sagement leur ticket et viendront s’ajouter à la file d’attente. Il faudra simplement optimiser votre production et jouer plus vite. Les stratèges les plus gourmands resteront donc sur leur faim, face à un petit manque de profondeur. Les cartes événement, à la rescousse de la routine, ne suffiront pas à donner du relief pour les satisfaire.
Il manquerait donc peut-être un petit plus, une mécanique astucieuse pour égaler le niveau des autres opus de la série, qui ont toujours fait preuve d’une grande ingéniosité à ce niveau. Tout ceci fait que la durée de vie du jeu restera relativement limitée. Cependant, si votre objectif n’est pas de poncer un jeu jusqu’à la moelle, mais d’offrir quelques sensations à vos joueurs sur des parties de courte durée, alors vous aurez trouvé chaussure à votre pied.
On ne change pas une équipe qui gagne
Contrairement au reste, rien ne change coté édition (Z-Man Games), distribution (Asmodée) et pâte graphique, avec des illustrations signées Atha Kanaani (Pandemic Legacy: Season 2, Pandemic: Iberia, Pandemic: Reigne de Cthulhu, Pandemic: Chute de Rome, Pandemic: Montée des Eaux). Le design est sobre, propre et le plateau toujours aussi lisible.
Rien à redire non plus sur le matériel, toujours d’aussi bonne qualité. De superbes dés, cubes et jetons qui se démarquent de ceux habituellement rencontrés dans le commerce. On sent le savoir-faire d’une équipe expérimentée, et c’est toujours agréable !
En résumé, ça dit quoi ?
Pandemic : Intervention d’Urgence est un jeu doté d’un beau matériel et d’une mécanique bien huilée qui tourne sans problème. Il diffère énormément des autres titres de la gamme en termes de gameplay, avec des parties courtes, des lancers des dés frénétiques et de la prise de décision dans l’urgence.
Les amateurs des précédents opus de la famille Pandemic, en quête de stratégie posée, planifiée, ou attachés aux mécaniques de base devront bien le jauger avant de se lancer, au risque de ne pas s’y retrouver. Lorsqu’il est comparé aux précédents opus, l’aspect « amplification de la catastrophe » peut vous manquer si vous l’attendiez. Et si vous êtes également dans l’attente d’un jeu au thème fort, bien représenté dans sa mécanique, il peut aussi vous décevoir.
En contrepartie, les amateurs de jeux à temps limité tels que Fuse, Mission Pas possible, Escape : La Malédiction du Temple ou encore Space Alert pourront l’apprécier. Avec un gameplay peu commun, plutôt basé sur le fun et moins sur la richesse stratégique, il donnera de bonnes sensations lorsqu’il sera sorti de manière occasionnelle mais ne ne présentera pas tellement de profondeur à explorer. Il satisfera donc un public souhaitant sortir de temps en temps de l’ordinaire. Maintenant à vous de juger !
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