Oceanos : quid du Iello submarine ?
Océanos, à paraître début juillet chez Iello, c’est le nom du futur Bauza et la première collaboration de monsieur Wonder avec l’éditeur jaune. On retrouve d’ailleurs bien la patte de l’auteur de Tokaido, avec ses multiples façons de scorer, une thématique bien développée, et cette idée d’une excursion où il faut tâcher d’en prendre plein les mirettes.
Océanos est illustré par le style baroque et chatoyant de Jérémy Fleury (à qui l’on doit notamment les univers graphiques Fourberies ou Le Petit Chaperon Rouge). Les joueurs seront donc riches de sous-marins agrémentés de mille et un ornements, et vous verrez défiler petits animaux et monstres marins bien meugnons, au grand dam des gamers revendiquant d’autres sensations oculaires, moins consensuelles, mais tout cela est une autre histoire que je ne développerai pas ici…
J’ai découvert Océanos à l’état de proto bien avancé il y a six mois (et j’avais tout cafté par ici), puis, entre-temps notre cher Atom avait eu l’occasion de vous pondre également un petit retour suite au festival de l’Alchimie (à lire sous ce lien), et je l’ai enfin re-tâté plus tard, un mois avant sa sortie, c’est-à-dire là maintenant, sur la version quasi définitive.
♫ In the town where I was born…♪
2 à 5 explorateurs vont partir visiter les fonds océaniques tout en développant leurs sous-marins lors des 3 manches qui composent la partie. Plus notre sous-marin sera puissant, plus il pourra nous permettre de rapporter des points de victoire en masse. Ce qui tombe bien, puisque c’est tout de même le but de l’opération.
Le jeu a un positionnement clairement familial, avec ses graphismes tout en rondeur et son univers tout public, mais ne vous y trompez pas, il y a pas mal de choses à retenir lors de votre partie de découverte, à tel point que certains pourraient en perdre un peu en route : la première explication n’est pas le moment le plus facile à passer pour des non-habitués. Rien qui n’effrayera des gamers patentés tels que vous, évidemment.
Ce petit avertissement lancé, sachez qu’ensuite le déroulement du jeu est très plaisant, avec des décisions intéressantes à prendre qui sauront nourrir tous les joueurs, et là où ça s’adresse quand même au plus grand nombre (une fois les règles acquises donc), c’est qu’il est très fluide et surtout, jamais punitif. Il y a bien sûr des choix plus intéressants que d’autres – on prend des risques en misant sur tel ou tel élément, ou en laissant telle ou telle carte – mais rien qui ne nous mette sur la sellette de façon inconfortable. La frustration – que tout bon jeu nous impose – n’atteint ici jamais des sommets critiques, laissant n’importe quel public s’attabler et prendre du plaisir jusqu’au bout de l’aventure.
Bon, et comment ça se joue ?
À chaque tour, un joueur va jouer le capitaine, et distribuer des cartes « exploration » aux autres joueurs. Il doit s’oublier dans la distribution : il aura droit uniquement aux cartes rejetées par les autres joueurs. Quand ceux-ci poseront leurs cartes choisies devant eux, le Capitaine récupérera celles qu’ils n’ont pas souhaité prendre et fera son choix, à son tour, parmi ces rebuts de la société. Ce draft assez original permet deux choses : quand on est capitaine on a souvent plus de cartes que les autres, oui mais celles que les autres n’ont pas voulu, donc potentiellement les moins intéressantes. Mais là où c’est plus vicieux que ça, c’est qu’au fur et à mesure de la partie, les joueurs ne vont pas forcément miser sur les mêmes choses : ce qui ne vous intéressera pas peut potentiellement intéresser votre capitaine. Allez-vous lui laisser quand même ? Ou allez-vous contre-drafter en gardant pour vous une carte d’intérêt moyen ?
Par ailleurs, cela permet de nous renouveler la position du joueur lors de la distribution : d’habitude on a toujours un joueur qui change pour distribuer, mais finalement, ça n’apporte pas grand-chose. Ici, ça change bien la donne : vous ne récupérerez pas autant de cartes, et sûrement pas les mêmes, avec parfois des mains assez typées, selon les stratégies adverses. L’interaction d’Océanos est donc somme toute très indirecte mais il faudra bien surveiller les choix adverses (leur orientation) pour ne pas leur faire de gros cadeaux.
On aura donc le choix entre plusieurs symboles qui rapportent des points à divers moments de la partie : les animaux qui marqueront un peu à chaque manche (plus on en a de différents à la fin de chaque manche, plus on marquera de points, dans le limite de notre aquarium, que l’on peut par ailleurs améliorer), les coraux qui marqueront uniquement à la fin de partie (réalisez la plus longue barrière de corail et engrangez un point par symbole, tant qu’ils sont adjacents de façon orthogonale), et les trésors : idem, ceux-ci aussi c’est pour la fin de partie, mais il faut les placer en colonne.
Deux autres types de symboles vont venir nous faire envie : les bases sous-marines et les cristaux. C’est grâce à une combinaison des deux que l’on pourra améliorer notre sous-marin, autrement dit booster nos capacités. Donc c’est vital, du début à la fin.
Il va falloir choisir très tôt si l’on préfère viser le long terme en misant sur les coraux et les trésors (un conseil : ne sous-estimez pas ces derniers !) ou court terme en amassant les animaux ; tout en pensant toujours à développer notre sous-marin autant que faire se peut… Sans omettre d’éviter les Krakens qui rôdent ! Et oui, sur certaines cartes vous trouverez ce symbole négatif qui vous vaudra potentiellement de -1 à -4 en fonction de la manche en cours, et ce, si vous êtes celui qui accumule le plus de Krakens : encore une bonne raison de surveiller les voisins, tiens !
Nos cartes « exploration » sont réparties en 3 paquets qui représentent les différents niveaux de profondeur ainsi que les trois manches du jeu. Plus on avancera dans la partie, plus le tableau d’exploration de chaque joueur se développera devant chacun, et plus les cartes seront riches en propositions (avec pas mal de doubles symboles à la fin).
Montez à bord… (siouplé)
Vous voyez un peu ce qui nous attend sous l’eau, maintenant parlons un peu plus de notre fantasmagorique engin steam-subaquatique. Même si en termes de jeu, ils sont tous équivalents, il y a un plaisir certain à choisir son personnage. Ils sont d’ailleurs tous bien funky, aucune faute de goût de ce côté-là.
On débute donc avec un petit sous-marin, c’est pas ce qu’il se fait de mieux comme nous allons le voir, mais on est tous logés à la même enseigne ! Rassurez-vous : si vous parvenez à poser un ou deux cristaux puis une base au cours de la manche, vous pourrez améliorer une des parties de votre petit vaisseau, sachant qu’on a toujours une base offerte à la fin de chaque manche (petit piston pour le malchanceux qui n’auraient jamais réussi à poser de base).
Notre vaisseau est composé de plusieurs zones qui s’agencent entre elles, et chacune d’entre elles est perfectible (du niveau 1 à 3). Chaque amélioration de chaque zone est matérialisée par des pièces qu’on va pouvoir assembler. L’ergonomie n’est ici pas un mot qui sonne creux.
Là où vous voyez que le jeu a – sans jeux de mots – une certaine profondeur, c’est qu’en tunant votre sous-marin, vous améliorez tout simplement vos capacités d’exploration (logique non ?), exception de l’arrière (le propulseur) qui vous donnera jusqu’à 5 points de victoire (à la fin de chaque manche) : Pas d’autres apports en termes de jeu, mais un gain en PV non négligeable ! Ça peut faire la différence si vous parvenez à l’améliorer assez tôt dans la partie.
Dilemme : on n’aura pas forcément envie de développer ça, quand on sait ce que les autres zones peuvent apporter, notamment les zones qui bonifient tout ce qui à trait au draft. Vous voulez piocher plus pour poser plus ? Voilà un programme politique tout à fait réalisable à condition d’améliorer votre périscope et votre moteur… Recevoir plus de cartes et en poser plus, c’est la base d’une exploration riche et plus maîtrisée.
Vous voulez pouvoir miser sur le nombre d’animaux ? Peut-être qu’améliorer votre zone « aquarium » serait utile. Avec l’aquarium de base, on peut contenir trois animaux (chaque espèce vaudra 2 PV). Si l’on amène notre aquarium à sa forme la plus aboutie, il pourra accueillir huit animaux (pour un total maximum de 16 PV, ça commence à causer dans le poste !).
Reste le sas de plongée, qui vous permettra de lâcher jusqu’à trois scaphandriers dans les profondeurs sous-marines. En général, on attend la 3e manche pour eux, car ça devient plus intéressant dans la mesure où le scaphandrier va se poser sur une carte avec le symbole trésor puis remonter tout droit vers la surface. Si vous vous êtes bien débrouillé avant (donc évidemment il faut tenter de planifier un peu son plateau) vous pourrez piocher jusqu’à 3 jetons trésor par scaphandre. Nom d’un arlequin, ça peut valoir son pesant d’anémones de mer !, vous dites-vous peut-être. Et vous n’avez pas tort. D’ailleurs comme le tirage au sort de ces jetons est la dernière chose que l’on résout de la partie, et comme ces jetons peuvent valoir 2, 3 ou même 4 points, on a souvent l’impression (un peu trompeuse) que c’est finalement le job des scaphandriers qui va trancher, un peu comme si on déterminait le gagnant par un pauvre coup de pifomètre, alors qu’il s’agit de tout un ensemble de choix, et d’un travail de ‘longue haleine’.
Remontons à la surface maintenant !
Comme vous le voyez, il y a tout de même pas mal de petits points (et je n’ai pas tout détaillé ici) dans ce jeu : de multiples façons de marquer au score, un draft particulier, un développement avec le sous-marin et un autre avec le tableau d’exploration, et ces deux axes majeurs contiennent leurs propres règles pour chaque zone/symbole. Rien d’insurmontable, mais pas le jeu le plus simple du monde lors d’une première approche : à voir selon votre public.
Ceci étant dit, Océanos est un jeu familial confortable en ce sens qu’il nous récompense sans cesse. On prend plaisir à observer notre sous-marin se perfectionner et notre tableau de chasse s’accroître. On voit notre barrière de corail s’étendre dans tous les sens, les trésors s’amonceler… (D’ailleurs tous ces développements prennent beaucoup de place, très concrètement sur la table : vous ne pourrez pas jouer à Océanos dans le train ! Mais qu’importe, le jeu est généreux, on ne va pas s’en plaindre, si ?). Même si l’on ne parvient pas à améliorer notre sous-marin, le jeu est là, en support, offrant un peu d’aide avec une base accordée gratuitement à chaque fin de manche. Bref, tout est pensé pour que l’aventure soit engageante, encourageante, gratifiante. Même le bébé Kraken avec sa sucette dans la bouche semble fait pour vous rassurer.
Les plus calculateurs d’entre vous comprendront bien vite qu’il demeure ici des zones non maîtrisables : est-ce que le tirage (des cartes, des jetons trésors ou Kraken) va être bénéfique ? Impossible à anticiper, et il faut souvent accepter de laisser la victoire sur peu de choses. Néanmoins de bons choix de timing dans ses développements, un draft bien géré en fonction des adversaires, et un placement judicieux des symboles (corail, trésors, animaux) seront des clefs essentielles pour l’emporter.
Océanos ne remplacera pas un 7 Wonders (et ce n’est d’ailleurs pas l’intention) mais ses bases solides, son univers rafraîchissant et son édition bien travaillée en font un jeu familial à la carrière très prometteuse. Mais si vous voulez savoir s’il sera juste une goutte de plus dans l’océan des sorties ludiques, rendez-vous dans quelques mois ! (Je sais que certains m’appellent « Oracle ludique » mais je trouve cela personnellement complètement surfait/effrayant/excessif/kiffant !)
Promis, nous reviendrons entre-temps sur les autres jeux que nous concocte actuellement l’auteur, à savoir Gaijin Dash qui n’est pas passé inaperçu au Tokyo Game Market (n’est-ce pas maître Izobretenik ?), Attack On Titan chez Don’t Panic et Cryptozoic Entertainement, dont on a déjà pas mal parlé, Victorian Masterminds chez Space Cowboys s’ils le veulent bien, et Welcome Back to the Dungeon, la suite-extension-stand-alone du bon vieux Welcome…
Un jeu de Antoine Bauza
Illustré par Jérémie Fleury
Edité par iello
Distribué par iello
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Anglais, Français
Date de sortie : 07-2016
De 2 à 5 joueurs
A partir de 8 ans
Durée moyenne d’une partie : 30 minutes
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Sthorm 08/06/2016
Respect pour le titre de l’article. 🙂
Un jeu d’Antoine Bauza est toujours à surveiller de près même si j’ai eu quelques rares déceptions . En tous cas le travail d’édition est à saluer car le matériel est splendide.
eolean 08/06/2016
tu t’es fais plaisir sur le titre :p j’adore ^^
Le jeu est clairement une réussite graphique en tout cas. Rien qu’à le voir, on a envie d’en savoir plus.
morlockbob 08/06/2016
Je n’ai pas joué à la version définitive , mais dans ses premières plongée, le jeu était déjà agréable. J’ai vraiment envie de voir le produit fini. C’est bon signe.