Nouveau Chronicles of Crime en financement participatif : entretien avec Guillaume Poueys
Guillaume Poueys est Global Brand Manager chez Lucky Duck Games. Il nous présente la nouvelle campagne de Chronicles of Crime actuellement sur kickstarter. Un titre qui dépasse le million d’exemplaires. Dans cet entretien on revient aussi sur la question du financement participatif, les risques, les coûts, etc.
Ludovox : pouvez-vous nous en dire plus sur la campagne dédiée à la nouvelle série Chronicles of Crime ?
Guillaume Poueys : Cette campagne apporte du nouveau contenu à la gamme Chronicles of Crime qui est un titre majeur du portfolio de Lucky Duck Games. Après avoir franchi la barre des 1 million d’exemplaires de la franchise, nous ne pouvions pas en rester là. Au gré des festivals, les joueurs nous demandaient toujours plus de contenu pour le jeu, et nous soumettaient aussi parfois des idées d’univers.

Ludovox : quelles sont les grandes nouveautés ou différences par rapport aux précédentes éditions de Chronicles of Crime ?
Guillaume Poueys : À chaque nouvel épisode, nous essayons d’apporter une petite couche de gameplay thématique à la mécanique originale de Scan & Play. Les joueurs apprécient l’accessibilité de Chronicles of Crime et le studio fait très attention à cet aspect. C’est particulièrement le cas au moment d’ajouter ce qui va caractériser chaque univers que nous avons sélectionné pour cette nouvelle série.
Dans Cryptid Cases, une chasse aux monstres prend place aux Etats-unis dans les années 90 et les joueurs y incarnent un duo enquêtant sur les phénomènes paranormaux. Cela vous rappelle quelque chose ? Parfait ! À l’aide d’un recueil d’informations collectées par le FBI, vous devrez identifier le monstre parmi les suspects et l’appréhender à l’aide de votre neutraliseur, mais ne vous trompez pas ! Sinon…
Dans Courtroom Justice, notre souhait est de vous faire vivre de l’intérieur la défense d’un innocent. En tant qu’avocat·e, vous accédez aux éléments de l’enquête pour monter votre dossier et le présenter devant la cour, le procureur et le juge. Comme toujours via les scènes 3d, vous rassemblerez les preuves. Puis, vous étudierez les témoignages, confronterez les suspects et vous rendrez au tribunal pour une véritable audience ! Immersion garantie.
Enfin, dans Eldritch Secrets, vous prenez la tête d’un groupe d’enquêteurs chevronnés (ou pas) qui vont devoir affronter leurs plus grandes peurs dans les couloirs de l’Université Miskatonic. Vous devrez gérer la santé mentale du groupe, confronté à des découvertes horribles, tout en utilisant judicieusement les atouts de l’équipe pour parvenir à vos fins. C’est une composante familière que les joueurs rompus à cet univers connaissent bien : serez-vous capables de mener l’enquête à mesure que chaque membre sombre dans la folie ?

Ludovox : avec cette nouvelle série, cherchez-vous à séduire un nouveau public ou plutôt à approfondir l’expérience des fans existants ?
Guillaume Poueys : Clairement, en tant que fan de l’univers de Lovecraft, il était difficile de ne pas imaginer un épisode de Chronicles of Crime adossé au Mythe de Cthulhu. Ça fait longtemps qu’on en parle en interne ! Les 2 autres univers ont été sélectionnés spécifiquement pour amener une dimension toute nouvelle à Chronicles of Crime. Alors que la Série millénaire avait couvert Paris sur trois époques, qui se rejoignaient ensuite dans un épilogue intense digne d’un retour vers le futur, nous voulions proposer trois ambiances bien distinctes pour ce nouveau chapitre. Ainsi, il est fort probable que les fans de paranormal ou d’œuvres cinématographiques ou séries sur le milieu juridique se laissent tenter par l’expérience. Car c’est avant tout l’expérience digitale hybride dont il s’agit. Ainsi, nouveau joueur ou habitué, nous espérons que tout le monde trouvera son bonheur.

Ludovox : pourquoi avoir choisi à nouveau le financement participatif pour ce projet ?
Guillaume Poueys : Ce genre de projet narratif reste ambitieux, et les thèmes choisis le sont tout autant, alors nous faisons appel à la communauté pour nous suivre dans cette aventure. Si l’on y réfléchit bien, greffer un univers sur un moteur tel que celui de Chronicles of Crime est sans limite – il y a des tonnes d’histoires à raconter, des tonnes d’enquêtes à résoudre potentiellement. Et malheureusement, l’édition de jeux de société n’est pas une science exacte. Surtout dans le choix d’univers, il n’y a pas de pari gagné d’avance.

Ludovox : comment les retours des backers influencent-ils vos projets et vos futures campagnes ?
Guillaume Poueys : À bien des niveaux, prendre le pouls de la communauté est essentiel. Un bon exemple : certains choix de matériel, de rangement sur les jeux peuvent parfois être suivis, car pour nous l’expérience à la table est aussi portée par ces aspects. Nous avons notamment été rattrapés par un manque de communication sur certains projets et nous essayons de mettre des process en place en interne pour pallier ces problèmes.Y a-t-il eu des enseignements particuliers tirés de vos précédentes campagnes que vous appliquez désormais systématiquement ?
Une chose est sûre, on apprend à chaque nouvelle campagne. Mais deux points en particulier sont à l’honneur depuis le changement de direction du studio et le renforcement de l’équipe Crowdfunding. Le premier, nous allons préparer davantage les jeux en amont. Le nouveau standard dans le milieu du jeu de société est d’avoir un prototype abouti à 80-90% lors de la campagne. Les joueurs veulent sentir que le jeu est “mûr” dans la tête des développeurs, même s’il reste du contenu à peaufiner. Mais surtout, ils veulent bien attendre 12 à 18 mois maximum.
Le deuxième aspect qui nous tient à cœur, étant backers nous-même, est d’améliorer notre communication externe sur le crowdfunding. On sait que les joueurs laissent beaucoup d’argent et patientent énormément. Même si parfois la vérité n’est pas facile à dire, nous leur devons une communication sincère et régulière.
Depuis que j’ai la main sur les campagnes de financement FR, nous faisons une newsletter par mois sur le projet (des fois 45 jours à cause des congés, mais pas plus). Et pour la partie globale, c’est en place depuis avril, avec l’arrivée de Ben dans l’équipe. Mais nous voulions aller plus loin et créer notamment un rendez-vous chaque mois avec la feuille de route qui concerne les campagnes en partenariat. Celles où nous participons à la localisation française, comme The Elder Scrolls ou Hoplomachus. Ce fichier sera actualisé sur notre site et s’accompagnera d’un post sur nos réseaux sociaux.

Ludovox : comment Lucky Duck maintient-il un équilibre entre la communauté des backers et le public plus large qui achète en retail ?
Guillaume Poueys : Il n’y a pas vraiment d’équilibre, car nous sortons plus de jeux en boutique que nous proposons de campagnes chaque année.
Nous continuons de proposer le maximum de jeux directement en boutique, quand c’est possible de le faire. Et nous essayons également d’amener le plus de contenu depuis les campagnes vers les boutiques également. C’était vraiment compliqué de le faire, mais nous avons réussi à proposer Too Many Bones ou Sleeping Gods en boutique par exemple.

Ludovox : quels sont, selon vous, les risques actuels ou limites du financement participatif (saturation, délais, hausse des coûts…) ?
Guillaume Poueys : Nous pensons fermement que les joueurs vont choisir le contenu qui leur donne le plus envie, comme quand on allume Netflix ou que l’on va chez son libraire préféré. On parle de 200 000 livres publiés par an – il y a donc un peu de marge avec les jeux de société… Les limites résident dans la hausse des coûts, c’est indéniable (et des tarifs douaniers aux US, mais c’est un autre souci). Il va falloir être très bons dans les calculs de production et raccourcir les périodes de livraison des jeux pour éviter les accidents financiers.
Par rapport à l’expérience proposée, les jeux de société restent un loisir accessible et nous voulons que cela reste comme ça, mais il n’est pas inconcevable que le milieu du jeu de société doive suivre la dynamique de l’économie actuelle… Et les joueurs feront des choix, comme ils l’ont toujours fait. Du coup, nous devons donc être encore meilleurs dans notre sélection de jeux, quitte à proposer un peu moins de titres chaque année. Tout cela va dans le bon sens à mon avis.

Ludovox : voyez-vous encore le financement participatif comme un outil de lancement, ou plutôt comme un modèle pérenne de commercialisation ?
Guillaume Poueys : Les deux. Tout le processus de pré-marketing avant la campagne permet de présenter le jeu avec un coup de projecteur différent d’une sortie boutique, plus amplifié. La communauté de backers est très impliquée quand il s’agit d’évaluer un nouveau projet. Et on sait très vite si le produit a du potentiel ou s’il faut revoir sa copie.
Ensuite, avec 2 campagnes globales ainsi que 2 à 3 projets de localisation FR par an, on constate que ce modèle nous a permis d’installer de très belles gammes (Chronicles of Crime, Destinies, Kingdom Rush au niveau global, Dice Throne, Too Many Bones, Sleeping Gods au niveau francophone).
En face des 25 sorties par an, nous restons fidèles au fait de faire appel à la communauté car c’est un reflet plus direct de ce que les joueurs ont envie de voir sur leur table.

Ludovox : avant de conclure, sentez-vous libre d’ajouter un dernier mot ou un message que vous souhaiteriez partager. Merci 🙂
Guillaume Poueys : Je souhaite remercier la communauté de joueurs, car j’exerce mon métier au cœur de l’une de mes passions. C’est une vraie chance.
Chaque jour, j’ai la motivation d’aller chercher les meilleurs jeux, les plus beaux, les plus funs, les plus immersifs, les plus incroyables… et de vous les présenter avec toute l’équipe.Et depuis 5 ans, quand je regarde le chemin parcouru chez Lucky Duck Games, je ne peux qu’être reconnaissant.
MERCI !
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