Musée Suisse du Jeu : Festival de la Tour de Peilz et Exposition Planete Jeux

Les 5, 6 et 7 septembre se déroulait le Festival des Jeux à La Tour-de-Peilz. On parlait de ce festival dans cette news, et surtout du Musée Suisse du Jeu et de son exposition temporaire, que j’ai découverte à cette occasion. Une exposition intitulée « Planète jeux » explore des thématiques telles que la consommation énergétique, la production d’énergie et même la surproduction dans le monde du jeu. Tout cela avec la collaboration de chercheurs et chercheuses de l’Université de Lausanne et de la HEI Valais. Un dossier pédagogique est à disposition pour les enseignants et les élèves de la petite section au collège et lycée. 

C’est donc sur cette prémisse que je me suis rendu sur les bords du lac Léman le premier week end de septembre.

Un reportage en trois actes : Acte 1 — le festival ; Acte 2 — le musée ; Acte 3 — les jeux (parce que c’est bien un festival et qu’on joue !). 

 

 

Le festival

C’était la deuxième édition de ce festival qui a un fonctionnement assez proche de celui de Parthenay, en plus petit. La ville est aux couleurs du jeu, et même, fait étonnant, du mobilier urbain est installé pour jouer aux échecs, au backgammon ou encore taper le carton. 

 

 

Plusieurs lieux dans la ville accueillent des espaces jeux, le collège Courbet est réquisitionné pour l’occasion avec des salles et des jeux à disposition ainsi que des bénévoles prêts à expliquer. Le Gymnase sert de salle de jeux pour les adeptes des Kapla. Le silence de la bibliothèque reçoit l’espace jeu de rôle. Enfin le château abrite le musée, mais aussi un espace de bornes arcades et de jeux vidéo et quelques tables pour jouer.

On pouvait vagabonder dans la ville pour découvrir la bourse aux jeux, des espaces jeux extérieurs, des jeux en bois, échecs, escape games, et ses nombreux Food Trucks. Le tout est encadré par 130 bénévoles et un staff composé d’employés de la commune, de la ludothèque et du Musée. 

 

Spectacle son et lumière sur les murs du château.

 

Quelques chiffres

Cette deuxième édition a accueilli plus de 10 000 personnes. Pour ceux que ça intéresse et qui se demandent comment on obtient les chiffres des festivals. Ici l’organisation est transparente, ces chiffres sont obtenus avec des capteurs placés dans deux lieux différents (ils en parlent dans leur podcast). Un système de captage pas complètement opérant avec marges d’erreurs ou des erreurs tout simplement. J’avoue j’aime bien cette franchise.

 

 

La bourse aux jeux proposait 3377 jeux, et 2900 ont trouvé preneur (j’y ai personnellement trouvé un Sankt Petersbourg en allemand, un grand ancien que je n’ai jamais joué, et un Red Outpost, un euro vraiment original) avec un thème décalé, puisque l’on gère une sorte de Kolkhoze sur la Lune).

 

Mon expérience

Comme je le disais plus haut, le festival ressemble à un petit Parthenay, il est plaisant de se promener dans la ville, ou sur les bords du Lac Léman, le soleil était heureusement de la partie. 

Coté jeux, il est difficile de chercher des nouveautés, mais j’ai pu découvrir quelques jeux et prototypes (voir en fin de reportage).

Yoann Levet faisant partie des invités, j’ai pu découvrir Dewan, ou Got Five. Naishi et son extension avec Mathieu Bieri. Bug Run avec une explication partielle de Sébastien Pauchon (il enregistrait le podcast juste avant). Et quelques jeux moins actuels. On a aussi pu pratiquer Arctica avec un de ses auteurs, un jeu qui va être lancé en financement participatif. Et un prototype de Timothée Decroix et Adrian Dinu.

J’ai fait la rencontre de Fanelia et son compagnon, les créateurs de La Clef, Tome 1 et Tome 2, mais aussi Magicarta et quantité de projets un peu fous. il y a des gens qui font des projets de niche, et bien eux, leurs projets sont encore plus niche. On en reparlera dans une interview prochaine.

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Le stand de Fanelia (vue en plongée).

 

Pour un français, le festival est accessible par la route, préférez les routes départementales (plus long) pour éviter la vignette autoroute (40€ à l’année). Prévoyez aussi un plan pour garer votre voiture, car tous les emplacements sont limités à quelques minutes. Ou bien comme nous, lâcher prise et choisissez le parking souterrain avec la douloureuse à la sortie. Si je vous dis tout cela, c’est que c’est un petit budget à prévoir, mais le jeu en vaut la chandelle. J’y reviendrai bien l’année prochaine.

 

 

La nuit au Musée

Le musée est en deux parties, l’exposition temporaire et l’exposition permanente. Pendant le festival le musée organisait des visites guidées de cette exposition. Un employé du musée nous présentait l’exposition temporaire salle par salle en moins de 30 minutes. Rien ne nous empêchait d’y revenir pour une visite plus approfondie.

La visite commence par les Awalés et Mancalas à travers les âges avec de beaux spécimens venus de différentes zones géographiques. L’origine première serait l’Éthiopie avec une dissémination dans toute l’Afrique et même l’Asie, probablement par des échanges marchands. Saviez-vous qu’il existait des Mancalas à deux lignes et des Mancalas à 4 lignes avec un fonctionnement différent. Fait amusant, en Afrique il est plutôt joué par les hommes alors qu’en Asie ce sont les femmes qui pratiquent le jeu. Il aurait ensuite rejoint les Caraïbes par le marché triangulaire et la traite des esclaves.

 

 

La visite continue avec les jeux de production agricole, et quelques jeux vidéos sont disponibles, comme Stardew Valley ou un jeu de simulation fermière. C’est une des particularités de cette exposition, elle n’hésite pas à mélanger jeu de société et jeu vidéo.

Dans la salle suivante, on peut voir une collection de jeux anciens datant du XIXe siècle, avec une représentation de la nature imprégnée des logiques d’exploitation et de colonisation. On y voit une vision extractiviste de la nature, vue comme une ressource à posséder, à dominer, comme dans Wild Life (1964), sur une mécanique du jeu de l’oie : on doit parcourir le monde et capturer des animaux pour agrandir notre zoo. 

 

 

Au XX et XXI siècle, changement de mentalité avec une vision plus encyclopédique, avec des jeux et des puzzles, on a même un Mille Bornes des animaux en partenariat avec le WWF.

Dans les années 2000, grande évolution. Les jeux tendent vers une compréhension scientifique de la nature et du fonctionnement des écosystèmes. Myrmes de Yoann Levet reprend le fonctionnement d’une fourmilière qui doit conquérir des territoires, combattre des espèces, etc. On continue avec des jeux comme Wingspan en vitrine ou bien Endeavor Eaux profondes ou Ark Nova avec une notion de sauvegarde et de reconstitution de milieux naturels.

 

 

On retrouve cela en jeu vidéo aussi avec Shelter 2 ou l’on joue une maman Lynx enceinte qui va devoir survivre face aux prédateurs et nourrir ses bébés lynx ensuite. Walden, dans lequel on incarne Henry David Thoreau, philosophe qui a décidé de vivre en forêt isolée, ou un jeu où l’on doit survivre avec des Inuits, comme Abzu, Terra Nil, etc., ou Frost Punk, un jeu post-apocalyptique (jeu vidéo et jeu de société).

 

 

La salle suivante explore les problématiques d’extractivisme avec des jeux comme Sim City, mais aussi Catan 3D, Terraforming Mars avec une vision techno solutionniste de la science. On retrouve aussi les problématiques d’exploitation de ressources avec des jeux comme Nucleum, Barrage, mais aussi Pampero qui utilise l’énergie du vent. En jeu vidéo : Turmoil nous propose d’installer des derricks et d’exploiter le pétrole. 

 

 

Après cette promenade à travers les âges, il est temps de questionner la crise. Depuis les années 1990, les jeux à tendance écologique se développent de plus en plus tant dans le jeu de société que dans le jeu vidéo. On retrouve des jeux comme Daybreak (on en parlait ici) ou bien Co2 et l’avènement des jeux coopératifs.

 

Je suis très sensible à la question des imaginaires et je suis ravi de voir que le musée n’oublie pas cet élément important, et met en avant ces jeux où l’on soigne la nature, où l’on invente de nouveaux récits pour changer notre rapport à la planète plutôt que de la coloniser, et je constate cette évolution dans les changements de thèmes aujourd’hui. Oui, le jeu est clairement politique.

 

 

L’exposition se termine avec la question de l’impact écologique de l’industrie du jeu et une mise en perspective de la consommation énergétique d’un jeu de société qui doit être produit avec des ressources (bois, papier, plastiques, etc), convoyé par bateaux, en comparaison avec le jeu vidéo qui lui consomme plutôt des métaux rares, de l’énergie pour alimenter des jeux toujours plus gourmands. Avec différents graphiques, mais aussi avec du matériel ludique comme ce quizz qui questionne notre consommation et compare les différents types de pollution. 

 

 

Mise en abyme avec le jeu Les Châteaux de Bourgogne à travers ses différentes éditions, de la toute première version en carton (2011), à la version Deluxe (2023) qui a pris du poids avec des figurines en plastique, des tuiles en bakélite, pièces en métal, etc. Un bilan carbone loin d’être neutre. La question des Legacy est évoquée, ces jeux qui ne se jouent qu’une fois, comme les Exit.

 

 

L’exposition finit en proposant aussi des solutions, cela passe par des initiatives individuelles, comme jouer en collectif ou emprunter plutôt que d’acheter. Ou plus globalement produire localement et avec moins de plastique et plus de matériaux recyclables. Est évoqué aussi le cas du jeu vidéo avec la mise en avant de petites équipes indépendantes qui produisent des jeux moins polluants, ou simplement le rétrogaming.

J’étais plutôt perplexe sur l’objet « musée », je m’attendais à une énumération de jeux à travers les âges et non une réelle réflexion sur celui-ci, que j’ai tenté de vous résumer tant bien que mal.

L’exposition temporaire sera remplacée en août par une autre exposition consacrée aux cartes à jouer avec un partenariat du Musée de la Carte à jouer en région parisienne. Bonne nouvelle, l’exposition actuelle sera quant à elle disponible en visite virtuelle. D’autres évolutions vont aussi voir le jour.

 

Exposition permanente

L’exposition permanente est intéressante aussi avec une collection de plus de 12000 pièces  avec des jeux anciens, comme des jeux d’échecs datant de l’antiquité à des jeux plus actuels. Je vous laisse découvrir tout cela dans une galerie. Pour la petite histoire, la municipalité de La Tour-de-Peilz à fait l’acquisition de ce château en 1979 suite à une votation citoyenne et décider de l’ouvrir au public pour en faire un espace de loisirs et rencontre consacré au monde du jeu. vous pouvez découvrir la suite de cette histoire sur la page Wikipedia du Musée (c’est passionnant).

 

Et des jeux ! 

Pour terminer, voici un petit tour rapide des jeux que nous avons pu pratiquer. Commençons par Naishi que j’ai pu faire découvrir à ma compagne, un jeu de construction de tableau en duel hyper malin avec une interaction plus forte que d’autres jeux du genre, avec un peu de bluff et de guessing. L’un des auteurs, Mathieu Bieri, étant présent, on a pu essayer l’extension qui n’est pas encore disponible.

Celle-ci comprend des voyageurs qui vont permettre de déclencher des combos une fois défaussée ou placée dans notre tableau, comme la possibilité de jouer deux cartes consécutives. Les légendes quant à elles sont des cartes spéciales qui permettent de marquer des points de différentes manières. Extension validée pour moi.

 

 

 

Yoann Levet était un des invités du festival et présentait ses jeux, notamment de déduction avec la série Kronologic (en co-autorat avec Fabien Gridel). On parlait du tout premier dans cet article. Il y avait aussi Got Five, jeu de déduction par élimination qui ne nous a pas convaincu outre mesure, disons que ça tourne bien, mais ce n’est pas fun, au contraire d’un Kronologic justement. 

 

 

Par contre il était venu avec Dewan (en co-autorat avec Johannes Goupy) dans sa besace, jeu qui sortira en 2026 probablement à Cannes. Un espèce de mix de jeu de contrôle de territoire, d’optimisation et d’objectifs que l’on a trouvé hyper malin (on en a fait deux parties).

 

 

La mécanique est ultra simple et évoque Les aventuriers du rail, je vous explique. Une de vos actions est de prendre deux cartes adjacentes dans la rivière. Ces cartes sont des terrains, que vous allez pouvoir dépenser pour la seconde action qui consiste à placer un de vos camps en dépensant les cartes qui correspondent aux terrains que vous allez traverser.

Ainsi, vous allez récupérer des baies, mais aussi essayer de réaliser des tuiles objectifs afin de gagner des points. La carte du jeu dépend du nombre de joueurs, et l’on se sent vite à l’étroit. Dewan est une course, il faut vite s’installer aux bons endroits et ne pas se faire bloquer par vos adversaires. Optimiser en fonction des objectifs, prendre des objectifs qui combottent entre eux, etc. Un jeu ultra familial dans son déroulé, mais plus fin qu’il n’y paraît, on a beaucoup aimé. À noter que le jeu est enrichi par des tuiles scénarios qui modifient le gameplay plus ou moins fortement, comme cette éruption volcanique qui va modifier le territoire. Une excellente surprise. 

 

 

Arctica

Arctica va être lancé sur Gamefound, un jeu où l’on va développer son écosystème à base de cartes à placer sur sa gauche ou sa droite. On va aussi générer des jetons « écosystème » (carnivores, poissons, oiseaux, cétacés, etc.) avec une mécanique de roue à tourner pour rendre disponibles les jetons et les placer sur l’arctique. Difficile de résumer en quelques lignes, mais disons que l’on va se construire un moteur de jeu à base de cartes qui vont nous permettre de gagner des points, faire avancer sa roue, produire des ressources, etc. 

 

 

Le jeu est soutenu par une pose d’ouvriers intéressante et originale, on pose un jeton sur une zone action et l’on va réaliser les deux actions reliées, nos adversaires pourront en réaliser une seule. Si bien qu’il n’y a pas réellement de temps morts ou presque. Se développer sur l’arctique permet de gagner des bonus au placement et des bonus reliés, un peu comme dans Endeavor, ou sa version Eau Profonde.

 

 

Cinq manches avec des scorings particuliers, chaque fin de manche, la banquise fond et une zone est enlevée. On ne peut pas reprocher à Arctica son manque d’originalité, bien au contraire, Il en déborde avec sa pose d’ouvriers, sa mécanique de cartes ou bien l’occupation du plateau central. J’ai trouvé le jeu intéressant avec un propos et une mécanique qui correspond bien, mais à mon goût il manque un peu d’épure, le jeu est un peu long à se mettre en place. On a aussi pris du temps à s’adapter à l’iconographie, difficile de juger le jeu sur un retour festival. 

 

Bug Run

Bug Run du trio Lartinchon, avec Sébastien Pauchon local de l’étape. Nous incarnons des insectes avec des capacités spéciales, et notre but est de s’échapper d’un donjon en bravant les dangers et en combattant des espèces. Une sorte de Dungeon Crawler compétitif où l’on va s’allier aux autres, mais tenter de récupérer le plus de butin, voire carrément la faire à l’envers à nos coéquipiers de fortune avec quelques cartes spéciales.

 

 

Pour réaliser les défis ou les combats, il faut lancer des dés, oui, le hasard est de la partie, mais au début de chaque étage on va dépenser l’argent que l’on a gagné pour s’équiper, de cette potion, cet arc, ce bouclier, etc. Le plaisir de construire son personnage, de l’équiper est présent. Par contre c’est un peu long à se mettre en place. Ça reste à nuancer car on a joué à deux (on joue chacun deux insectes) là ou le jeu devrait gagner à être pratiqué à plus de joueurs, sûrement plus fun et plus chaotique à partir de 4 joueurs.

 

Builscape

Enfin, on a joué à un prototype de Timothée Decroix et Adrian Dinu. Ne vous laissez pas avoir par son apparence prototypal, le principe est malin. On prend une tuile dans une rivière et on la pose adjacente pour qu’elle corresponde aux autres. Si la couleur correspond, on gagne des cubes de la même couleur. Ces cubes peuvent être dépensés pour placer des constructions qui nous rapporteront des points (le but du jeu). Au lieu de prendre des cubes, on peut aussi prendre dans une autre rivière une tuile que l’on va placer sur notre zone de jeux. Tuile qui va nous donner des points selon une condition, selon son placement, ou selon les cubes que l’on a sur notre plateau. C’est malin et cela crée des dilemmes intéressants : dans quelle direction dois-je construire mon score ? J’aimerais bien bâtir cet édifice, mais mes cubes bleus me rapportent deux points. Choisir, renoncer, tout ça. On a remis ça pour voir si on pouvait avoir de nouvelles directions, et on a pris deux chemins très différents avec des scoring similaires (une égalité parfaite). Surprenant, curieux de le voir avec un autre habillage et du développement, mais ça tourne vraiment bien.

 

 

 

You Win

Timothée nous a aussi présenté un proto un peu conceptuel. Je vais essayer de vous en dire deux mots, sans trop en révéler car le plaisir est aussi dans la découverte. On est face à un casse-tête ou l’on doit placer des tuiles sur un damier, ces tuiles comportent des mots et parfois des noms. Je vais donc utiliser ces tuiles pour résoudre le casse-tête. en associant les mots. Les amateurs de jeux vidéo indépendants auront reconnu le principe de Baba is You. Si le premier niveau est simple, rapidement d’autres éléments entrent en jeu, mais surtout le jeu peut révéler un propos, je n’en dis pas plus. 

 

***

Merci à David Labouré, responsable marketing et communication au musée Suisse du jeu et organisateur de ce festival de m’avoir contacté et accueilli. Merci aussi à tous le staff et les bénévoles qui font vivre ces évènements. Rendez-vous les 4, 5 et 6 septembre 2026 pour la troisième édition. 

 

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1 Commentaire

  1. morlockbob 04/10/2025
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    belle carte de visite, ça donne bien envie mais, oui, la Suisse c’est trop cher !

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