Minuit, Meurtre en Mer – Enquêtes stratégiques ?
Jeu d’enquêtes connu du grand public, Minuit, Meutre en Mer a été réédité l’an dernier après un financement participatif couronné de succès (je vous en parlais dans la première Actu du Participatif). En effet, son auteur, Alain Luttringer, a décidé d’introduire un mode coopératif et un mode solo/coop à deux joueurs. Pour cela, de nouvelles enquêtes ont vu le jour et celles de la première édition ont été adaptées.. Pour cela, un nouveau livret d’enquêtes a vu le jour et les affaires de la première édition ont été adaptées. Enfin, le matériel de jeu a été amélioré, avec une refonte du livret de règles et des feuilles d’enquêtes.
Même si je ne suis pas un féru des jeux d’enquêtes, je suis toujours curieux d’en découvrir des nouveaux car ils procurent une expérience plus immersive que les jeux de gestion. Avec vingt-sept enquêtes d’environ une heure, et un univers inspiré de certains polars d’Agatha Christie, Minuit, Meurtre en mer a attiré mon attention.
En effet, dans ce jeu, on incarne un enquêteur qui rivalise avec ses collègues pour découvrir l’auteur, le mode opérationnel et le mobile d’un meurtre en premier. Durant une partie, on pourra donc interroger le personnel du bateau ainsi que des suspects. Pour cela, il faudra se déplacer au bon endroit, et contourner la présence dérangeante du Commissaire de Bord. Lorsqu’on a la solution de l’enquête, il faudra se rendre au Grand Salon pour la révéler.
Un petit Ludochrono avant de monter à bord ?
Utiliser ses « petites cellules grises »
Pour jouer à Minuit, Meurtre en mer, il n’y a pas de coût d’entrée concernant les règles car elles sont simples : en fonction du mode de jeu choisi, on reçoit trois ou quatre points d’action qu’on peut utiliser pour se déplacer, interroger des suspects, soutirer des informations à nos collègues ou encore déplacer le commissaire de bord. Ce qui va stimuler notre réflexion, ce sont bien sûr les crimes sur lesquels nous enquêtons, mais aussi la stratégie pour y parvenir de façon efficace.
Chaque fois qu’on interroge quelqu’un, il faut regarder le numéro de piste correspondant dans le livret et l’annoter sur sa feuille. Vous avez donc intérêt à être sûr d’avoir repéré le bon numéro et la bonne piste, sans quoi vos informations pour l’enquête pourraient être faussées.
Ne vous attendez pas à voler d’un point à l’autre de ce luxueux bateau de croisière. Il faut respecter les adjacences entre les espaces et prendre les escaliers uniquement dans les zones qui le permettent. Beaucoup de joueurs auront tendance à se placer dans la zone 4 au début de la partie, car elle permet d’emprunter l’ascenseur qui mène aux cabines VIP et à la suite de luxe où a eu lieu le meurtre. Pour ma part, je préfère commencer dans la zone 9, afin de commencer par examiner la dépouille à l’infirmerie.
Le déplacement du suspect à la fin de chaque tour acquiert également de plus en plus d’importance à mesure que la partie avance. Au départ, on cherchera surtout à concentrer les suspects dans une zone pour améliorer l’efficacité de nos déplacements. Mais quand on a une piste qui permet d’identifier des personnages-clés de l’enquête, on cherchera alors à rapprocher les suspects concernés de façon à pouvoir les interroger plus facilement.
Dans le mode coopératif, on peut enquêter seulement en privé, ce qui coûte deux points, et on ne peut que partager une appréciation générale de l’information obtenue. En revanche, le jeu permet de se concerter entre enquêteurs : ainsi, le déplacement d’un suspect peut faciliter la vie des autres membres de votre équipe, surtout si vous leur signifiez l’intérêt d’interroger quelqu’un en particulier.
Dans le mode compétitif, à l’inverse, le déplacement des suspects peut servir à entraver l’accès à l’information de vos adversaires et à ralentir leurs enquêtes. On ne se fait jamais des crasses directement, mais on peut toujours essayer de mettre les bâtons dans les roues des autres, pour qu’ils rament…
Bluffer entre collègues et faire tourner le commissaire en rond
Le décompte du mode compétitif valorise à la fois la rapidité avec laquelle vous trouvez la solution et son exactitude. Ainsi, vous aurez tout intérêt à vous assurer de trouver les bonnes infos tout en essayant de mettre votre adversaire sur des fausses pistes. Chaque fois que nous interrogeons quelqu’un dans le mode compétitif, nous pouvons le faire en public ou en privé, pour un coût de un ou deux points d’action. Il est aussi possible de révéler l’information obtenue pour regagner l’un des points que nous avions dépensés.
Au début du jeu, nous aurons tendance à révéler les réponses peu importantes ou inutiles, dans la mesure où nous avons besoin d’informations pour nous orienter dans l’affaire, et nous disposons toujours d’un nombre limité de points d’action. À mesure que le jeu avance, nous aurons toutefois intérêt à user plus stratégiquement de la possibilité de retenir des informations.
En effet, ne pas partager les informations déterminantes pour la résolution de l’enquête permettra de battre les autres joueurs sur le timing de fin de jeu, surtout si vous avez obtenu ces renseignements au prix d’un grand nombre de déplacements. D’un autre côté, enquêter en secret permet parfois de mettre les autres enquêteurs sur de fausses pistes pour leur faire perdre du temps.
Dans le mode compétitif de Minuit, Meurtre en mer, il y a ainsi une dimension de bluff que les plus malins d’entre vous apprécieront. Pour un point, il est également possible de déplacer le commissaire de bord vers une zone adjacente. Sa présence empêche les interrogatoires, et ce déplacement peut donc servir autant à se débarrasser de cet obstacle qu’à entraver le travail de vos chers collègues.
Enfin, le mode solo (qui peut aussi être adapté en mode coopératif pour deux joueurs) est une course contre la montre… ou plutôt contre le commissaire : celui-ci se déplace chaque fois qu’il termine d’interroger toutes les personnes présentes sur une zone. Il faut parvenir à résoudre l’enquête avant que le commissaire ait obtenu un certain nombre de réponses. N’hésitez donc pas à déplacer les suspects qui vous intéressent vers le commissaire pour qu’il les interroge avant vous. Vous pourrez interroger ces mêmes suspects publiquement après, sans faire cadeau de réponses supplémentaires au commissaire.
Pas de déduction sans pêche aux infos
Minuit, Meurtre en mer comporte vingt-sept enquêtes réparties en deux niveaux : onze sont de niveau amateur, seize, de niveau expert. Pour toutes les enquêtes, il faudra passer par un moment de recherche d’informations qui s’accompagne, en partie, de hasard. Il est vrai que, en général, l’infirmerie (les services) et la suite de luxe dans laquelle le meurtre a lieu fourniront des éléments importants pour la résolution de l’enquête – en réalité, ce sont presque des passages obligés pour la résolution de toutes les enquêtes.
Souvent, c’est aussi le cas de la cale, où des marins peu discrets videront leur sac, et de la timonerie (si le Capitaine est de bonne humeur). Quelques indiscrétions intéressantes peuvent également parvenir des cabines des passagers. En revanche, les réponses obtenues dans les autres lieux du navire et par les suspects sont très inégales. Certains d’entre eux ne vous diront rien, ou très peu, tandis que d’autres pourront vous apporter des témoignages très importants.
Il peut également être pertinent de vérifier l’alibi d’un suspect pour s’assurer qu’il correspond aux témoignages obtenus par ailleurs. En effet, l’un des principes qui régissent toutes les enquêtes est que seul l’assassin peut mentir. Donc, si l’alibi d’un suspect est faux, il y a fort à parier que vous ayez trouvé le responsable du meurtre. Une fois que vous détenez un élément-clé, le caractère hasardeux de votre recherche diminue fortement et vous pourrez ainsi définir plus clairement les priorités de votre enquête.
La difficulté de l’enquête aura des conséquences importantes sur l’expérience de jeu et sur la démarche de chaque enquêteur : pour résoudre une enquête de niveau amateur, il faut surtout assembler les pièces d’un puzzle qui sont détenues par les différents personnages du bateau de croisière. Il s’agit bien plus d’une recherche pertinente d’informations que d’une déduction logique.
La démarche change significativement dans les enquêtes de niveau expert dont la résolution complète (coupable, mobile et mode opératoire) exige, certes de trouver les bonnes informations, mais aussi de les mettre en lien et d’en tirer des conséquences cohérentes avec ce que les différentes pistes nous apprennent au fur et à mesure de la partie. Contrairement aux enquêtes plus simples, dans celles de niveau expert, il peut y avoir des fausses pistes qu’il faut arriver à écarter dans son raisonnement.
Réservoir d’enquêtes
Ce que j’apprécie particulièrement dans Minuit, Meurtre en mer, ce sont les nombreuses enquêtes comprises dans le jeu. Chaque fois que je joue une nouvelle enquête, je n’ai pas le sentiment d’être en train d’épuiser le jeu, et cela me paraît un point important pour un jeu de ce genre. En réalité, si vous attendez quelques mois ou années pour refaire la même enquête, il est possible aussi que vous en oubliiez la solution, car les prénoms des suspects et les lieux ne changent pas d’une enquête à l’autre.
Un autre bon point de Minuit…, c’est la facilité avec laquelle on peut expliquer le jeu à de nouveaux joueurs et les différents modes de jeu qu’il propose. Tous fonctionnent très bien et, pour ma part, j’ai apprécié les possibilités stratégiques offertes par le mode compétitif et par le mode solo. Le mode coopératif est indiqué pour des parties entre amis, mais, à partir de trois joueurs, j’ai senti que l’implication de chacun diminuait à mesure que se creusaient les écarts entre ceux qui étaient proches de la solution, et ceux qui en étaient encore très loin.
Il y a un seul erratum et il concerne la toute première enquête d’initiation. Il vaut mieux le télécharger sinon cela risque de fausser vos premières impressions et de vous désorienter. Il est disponible ici.
Le matériel est par ailleurs lisible et d’assez bonne facture. Les standees sont jolis, et les livrets sont imprimés sur du papier glacé. D’une enquête à une autre, on ne retrouve jamais la même histoire et l’esprit des polars classiques plane sur certaines d’entre elles. Les personnages de chaque histoire ont une profondeur inégale qui dépend surtout du rôle qu’ils jouent dans l’affaire. Dans l’ensemble, je n’ai pas eu de sentiment de répétition, que ce soit pour l’intrigue des enquêtes (elles sont cohérentes et certaines d’entre elles se démarquent par leur originalité) ou pour la personnalité des individus impliqués dans les affaires.
Avant de prendre l’habitude, il faudra faire attention à trouver les bonnes correspondances entre le numéro de chaque piste et le livret d’enquête. Une fois qu’on s’y habitue, la partie devient plus fluide, mais j’ai noté que, à partir de trois joueurs, le temps de latence devenait trop important et qu’on peut avoir le sentiment que l’enquête s’éternise (on peut facilement dépasser l’heure et demie, si l’on ne joue pas avec des habitués). Une solution peut consister à utiliser un minuteur pour limiter dans le temps la prise de note de chaque joueur.
J’apprécie jouer à Minuit, Meurtre en mer à la fin d’une soirée de jeux ou entre amis. La facilité avec laquelle on l’explique et la rapidité (pourvu qu’on utilise un minuteur à partir de trois joueurs !) des enquêtes permet de sortir ce jeu facilement et la variété des enquêtes donne envie d’aller plus loin dans le livret. Pour ma part, j’apprécie les enquêtes de niveau expert car je trouve les enquêtes amateur trop peu stimulantes et, pour tout vous dire, j’aurais aimé un niveau supplémentaire de difficulté pour avoir quelque chose de plus compliqué à mettre sous ma dent déductive.
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manu 05/04/2023
Personnellement, j’avais été déçu par la première Edition : trop de hasard dans les réponses (certains témoignages vides et d’autres très instructifs. Si on a la chance d’être placé juste à coté du bon témoin ca aide bien !). Le système d’avancée du bateau faisait que parfois la partie se terminait très (trop) vite et personne n’avait le temps de résoudre le meurtre : frustrant. Apparemment cette seconde édition doit corriger pas mal de défauts, vu que tu as apprécié. Tant mieux.
El Duderiño 09/12/2022
Merci pour ton commentaire ! 🙂
Il y a effectivement du hasard dans les réponses, mais j’ai trouvé que le hasard est mitigé par un certain nombre de lieux « incontournables » qui te mettent sur la bonne voie (infirmerie, suite de luxe, cabines VIP, parfois la cale et les cabines des passagers). Une bonne façon de faire un premier tri parmi les suspects, c’est aussi d’interroger les suspects qu’on a à portée de main sur leur témoignage et, dans un second temps, sur leur alibi. C’est pour cela que, malgré le hasard, il y a une petite part de stratégie à développer durant les enquêtes.
Quant à l’avancée du bateau : cela ne nous est jamais arrivé de ne pas arriver à terminer l’enquête avant l’arrivée du bateau.
Sylvain 09/04/2023
On est quand même très très loin de sherlock holmes détective conseil ou de détective. On est beaucoup plus proche d’orient exprès mais le bateaux est tellement grand qu’on passe beaucoup de temps à se déplacer, sans parler du hasard omniprésent pour tomber sur la bonne info. Au final, il n’y a pas vraiment de fil à suivre, c’est le hasard qui va nous permettre de tomber sur les bons indices. Et il y a beaucoup de règles qui alourdissent le jeu sans apporter d’intérêt ludique significatif. Enfin, les explications sont parfois tirées par les cheveux, et il y a souvent plusieurs causes ou moyens qui peuvent sembler le bon, même après lecture de l’épilogue. Bref, il ya beaucoup mieux (cf les 3 premiers cités par exemple).
El Duderiño 09/12/2022
Merci pour ton retour. Comme je ne joue pas souvent aux jeux d’enquête, je n’ai pas eu l’occasion de jouer à Sherlock Holmes – Détective Conseil ou à Détective, même si je sais qu’il s’agit de jeux de référence dans ce style. Du coup ton commentaire apporte un élément de comparaison que je n’étais pas en mesure de fournir, merci !
Pour ma part, je ne dirais pas que le hasard est omniprésent ni qu’il n’y a pas de fil à suivre : il y a du hasard et, si l’on enchaîne les réponses « inutiles », cela peut finir par nous pénaliser. Mais les déplacements tout comme les interrogatoires peuvent être rentabilisés si l’on vise certains endroits en priorité (voir mon commentaire du dessus) et qu’on déplace les suspects en fonction des réponses qu’on a obtenues.
De la même façon, je ne trouve pas que les règles soient excessivement lourdes, mais c’est peut-être parce que je suis habitué à jouer à d’autres types de jeu ^^
Pour les dénouements de l’enquête, c’est vrai qu’on peut hésiter et que certaines solutions peuvent paraître un peu fantaisistes, mais je n’ai pas eu le sentiment d’une forte incohérence. Je parlerais plutôt de détails qu’on peut ne pas avoir saisi si l’on n’a pas interrogé certaines personnes.
Bon, il ne me reste plus qu’à aller voir les trois jeux que tu cites ! 🙂