Medina : retour en beauté

Sorti pour la première fois en 2001, Medina est une pièce maîtresse dans la ludographie du talentueux Stefan Dorra. Une grosse décennie plus tard, ses différentes déclinaisons, dont la version française Hans im Glück, se font rares sur le marché. L’annonce de sa réédition en multilingue par White Goblin Games a donc logiquement été accueillie avec un entrain non dissimulé par un certain nombre de connaisseurs.
Via un partenariat avec l’éditeur néerlandais, c’est sous le pavillon de Gigamic que verra le jour la seconde édition exclusivement en français.

 

Medina
Medina (2001)

 

Medina
Medina (second edition)

 

Welcome to the desert

1822, au pied de l’Atlas. Rongée par les vents et le sable, écrasée sous le soleil, la prestigieuse médina est sur le déclin. Pour retrouver sa splendeur d’antan, elle doit être reconstruite.
A mesure que vous, les joueurs, travaillez à rénover palais et murs qui ceignent la ville, la vie renaît dans les anciens quartiers. Les rires des enfants et les cris de ralliement des vendeurs résonnent à nouveau sur les marchés, qui retrouvent peu à peu l’abondance et l’animation d’autrefois.

Au-delà du pitch inchangé et de la mécanique qui reste globalement la même, cette seconde édition est avant tout l’occasion d’un sérieux lifting.
Les nombreuses pièces en bois (environ 180) qui composent le jeu ont donc été revues avec des formes un peu plus travaillées, et une palette de couleurs subtilement ravivée. Le jeu original était déjà beau ; ce nouvel habillage semble être encore plus seyant. Le reste du matériel passe lui aussi à la moulinette du dépoussiérage : plateau redessiné et look des différentes tuiles à l’avenant. Mais jugez plutôt sur pièce.

 

Medina
Medina
Avant

 

Medina
Medina
Bientôt

 

Palais à saisir

Medina est un jeu de placement tactique, sans aucun facteur chance.
Au début du jeu, les joueurs se constituent une réserve personnelle de pièces en bois derrière leur paravent:

  • 5 bâtiments dans chacune des quatre couleurs de palais, qui ne sont pas les couleurs des joueurs
  • 3 étables (blanches)
  • 6 marchands (blancs)
  • 9 murs (blancs)

 

Ils stockent également, devant leur paravent cette fois, 4 toits à leur couleur. Ce sont les seules pièces les identifiant personnellement.

A son tour, on doit poser, si on le peut, deux pièces en bois sur le plateau commun, au choix parmi ses pièces restantes. Elles peuvent être d’un même type ou d’un type différent.

 

Le premier bâtiment d’une couleur donnée, posé sur une case libre, inaugure le palais en cours de construction pour cette couleur. Tout ajout d’un bâtiment de cette couleur doit l’être en tant qu’agrandissement du palais en cours, c’est à dire adjacent orthogonalement à un de ses bâtiments.

La pose d’un toit se fait sur un des bâtiments d’un palais en cours, et en marque l’appropriation par le joueur. Dès lors, on ne peut plus ajouter de bâtiments à ce palais. Il est terminé, pour ce qui est des bâtiments du moins. Un nouveau palais de la couleur peut à présent être initié dans une autre zone du plateau. Deux palais ne peuvent jamais devenir adjacents, ni même se toucher par leurs coins. Précision d’importance, chaque joueur est limité à un palais par couleur. Quatre toits, quatre couleurs de palais : le compte est bon.

Les étables permettent d’agrandir un palais revendiqué ou non, en étant posées adjacentes orthogonalement à au moins un bâtiment dudit palais. L’agrandissement profitant au propriétaire, on préférera donc les adjoindre à un de ses propres palais…

Les murs peuvent uniquement être ajoutés sur les cases d’enceinte, adjacents à une tour ou à une portion de mur déjà en place. Ils s’étendent donc de part et d’autre de chaque tour, sans pouvoir rejoindre complètement leur vis à vis : tout côté de la médina doit comporter au moins une ouverture. Un palais longeant un mur est considéré comme plus prestigieux.

Dernier critère jouant sur le prestige d’un palais, les pions marchands sont à ajouter adjacents à un et un seul autre pion marchand en place. De fait, une ou plusieurs artères commerçantes se dessinent entre les palais.

Le jeu se déroule jusqu’à ce que chaque joueur ait joué l’intégralité de ses pièces, dans la limite du respect des règles de pose. On décompte alors les palais revendiqués par chaque joueur. Ils valent, tout simplement, 1PV par bâtiment et étable qui le composent, 1PV par pion mur et pion marchand adjacent (pas en diagonale).

Deux autres vecteurs de points président au jeu. D’une part, une tuile par couleur (valeur : de 1 à 4PV), attribuée initialement au premier joueur à revendiquer un palais de la couleur, change de main dès lors qu’un joueur vient à posséder un palais strictement plus grand dans cette couleur.

Sur le même principe, une tuile par tour (de 1 à 4PV) est attribuée au dernier joueur dont un palais, via un mur, se retrouve connecté à la tour en question. Au passage, le premier joueur connecté à une tour donnée obtient de 0 à 3 pions marchands supplémentaires selon la tour.

Oasis de réflexion

Medina ne s’est pas taillé un statut de classique par hasard. Les règles relativement pures et d’une apparente simplicité révèlent à l’usage une vraie mine de subtilités.

Premier dilemme de base : la décision de s’emparer un palais est une sorte de « stop ou encore » sophistiqué. Les joueurs sont contraints d’en poser ensemble les bases, car il n’est pas possible d’entamer la construction de plus d’un palais par couleur (sauf si le palais en cours ne peut plus être agrandi). Au fur et à mesure que tel ou tel palais croît, il s’agit d’estimer si sa taille et l’implantation sont suffisamment alléchantes. Laisser passer un palais déjà prometteur présente le risque de se faire coiffer avant de reprendre la main. Il faut donc sentir le point de bascule, le moment où un palais devient une affaire telle qu’on n’en retrouvera sans doute pas ensuite.

Pour autant, garder certains de ses toits en réserve pour la fin de partie peut parfois être payant. Le dernier à ne pas encore avoir revendiqué un palais d’une couleur peut en effet bénéficier de poses forcées de ses adversaires lorsqu’ils n’ont plus le choix. Le nombre de pièces restantes se retrouve d’ailleurs à tout moment par une simple soustraction, puisqu’on est sur une base connue de 20 bâtiments en tout par couleur (à 4 joueurs). On maitrise donc relativement bien les tenants et aboutissants.

Les différentes contraintes de pose des éléments annexes s’imbriquent entre elles, pour créer un magnifique bac à sable en termes de réflexion spatiale. De beaux coups sont à la clé, comme contenir l’expansion d’un palais déjà acquis par un adversaire, poser une étable avant le voisin, rediriger la rue marchande dans une direction arrangeante… La connexion rapide à une tour afin de récupérer des pions marchands supplémentaires, s’avère également assez tentante. Posséder plus de pièces que ses adversaires est en effet l’assurance d’enchainer seul les derniers coups de la partie.

Quoi de neuf dans le bled ?

Cette seconde édition inclut trois nouveautés par rapport à l’original.

Premièrement, le jeu devient officiellement pour 2 à 4 joueurs (contre 3 à 4 auparavant). Des variantes officieuses avaient vu le jour sur la première édition, mais cette fois-ci, nous avons le droit à un plateau officiellement taillé pour le duel. Il est en effet désormais double face : une face 3-4 joueurs, et une de dimensions réduites pour 2 joueurs. Et les aménagements de règles ne sont pas nécessairement ceux qui existaient ici ou là. Difficile de dire à l’avance ce que cette configuration vaut vraiment. Il y a quand même fort à parier que le jeu restera optimal à 4 joueurs, configuration qui évite de faire intervenir des couleurs neutres. N’empêche que les adeptes du face-à-face ne pourront que noter positivement cet ajout à leur intention.

Le puits est un nouveau pion unique, qui se place sur n’importe quelle case de la médina avant de commencer le jeu (sans le coller à un mur tout de même). Aucun bâtiment ou étable ne peut être construit sur les huit cases qui entourent le puits, seuls les marchands peuvent y être placés. Par contre, Les palais séparés d’une seule case orthogonalement du puits valent 4 points de plus en fin de partie.

Le premier joueur qui prend possession d’un palais violet obtient trois tuiles « thé ». Deux tuiles thé vont au second, une au troisième, et le quatrième joueur n’en reçoit aucune. A son tour, au lieu de poser deux pions en bois, un joueur peut n’en placer qu’un et défausser une de ses tuiles thé (c’est la pause thé!). Ce sont donc des jokers temporisateurs qui permettent d’éviter d’ajouter une pièce qui avantagerait un adversaire à cet instant.

Summer is coming

Il va falloir faire preuve d’un peu de patience, car si la version multilingue de White Goblin Games a été présentée en octobre 2014 à Essen, il vous faudra vraisemblablement attendre le printemps 2015 pour voir la VF Gigamic garnir les étals de votre crèmerie. Oui, c’est approximatif, mais on a pas de meilleure prévision pour le moment.

Le délai en vaut la chandelle, car la qualité visuelle de cette nouvelle mouture sublime encore un titre déjà excellent au départ. Le puits et les tuiles thés semblent sur le papier des bons petits plus pour ajouter un peu de piquant à l’affaire. Pas forcément de quoi faire craquer les heureux possesseurs de la V1, quoique sait-on jamais…

Il faut toutefois être un peu client des jeux de placement abstraits, car malgré son plumage qui met dans l’ambiance, cela reste de l’abstrait. Le prix de la boite est par ailleurs fatalement alourdi par l’important volume de pièces en bois qu’elle contient. Mais vous avez justement quelques mois devant vous pour trouver une bonne raison de vous l’offrir.

Un jeu de Stefan Dorra
Illustré par Eduardo Bera et Hans-Georg Schneider
Réédité par White Goblin Games et Gigamic
Pays d’origine : Allemagne
Langue et traductions : Néerlandais, Allemand, Anglais, Français
Date de sortie VF : Premier trimestre 2015
De 2 à 4 joueurs
A partir de 10 ans
Durée : 60 min
Prix boutique conseillé : aux alentours de 50€
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6 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 02/01/2015
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    Un jeu d’escroc et de tactique comme on en fait plus… Et une superbe édition.

  2. Shanouillette 02/01/2015
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    Oui, une autre raison d’attendre le printemps avec impatience ! Très belle review, merci Grovast.

  3. Alexgodlex 03/01/2015
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    Bel article. Étant pocesseur de cette nouvelle version de White & Goblins je peux vous dire qu’elle tient toutes ces promesses. Par contre j’ai découvert le jeu, je ne jouais pas en 2001 !

    Le jeu est magnifique et j’ai deja pu faire plusieurs parties à 4 et une partie à 2 et ce, en famille. Tout le monde a bien accroché c’est quasiment un jeu familial s’il est bien expliqué.

    Concernant le jeu a deux j’étais un peu méfiant de l’idée du 3ème joueur fantôme mais il faut avouer que ça marche très bien et la partie fut bien tendue. Peut être pas aussi bien qu’à 4 quand même mais ça marche bien.

    Pour moi c’est vraiment un jeu a avoir dans sa collection il est tel que j’aime les jeux : règles simples mais jeu profond.

     

     

  4. Shanouillette 03/01/2015
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    Merci pour ce retour!

     

  5. Grovast 10/04/2015
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    Aux dernières nouvelles, la date d’arrivée en boutique est pour  « mi-mai », source Gigamic

  6. Pierre Dessaux 07/05/2016
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    Ce jeu pourrait supporter un (voire deux) joueur(s) supplémentaire(s), dommage!

     

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