Les Sombres Royaumes de Valeria – Un épisode Euro de plus dans la série
Comme le titre de cet article l’indique, avec Les Sombres Royaumes de Valeria, c’est une longue série de jeux qui se poursuit depuis quelques années maintenant, partageant le même univers, la même patte graphique, la même iconographie, mais des mécaniques différentes. Souvenez-vous :
- Valeria : Le Royaume (2017, Pixie, puis 2021, Lucky Duck Games) ; Deck-building
- Villages of Valeria (2017, Daily Magic Games) ; Draft, gestion de main
- Quests of Valeria (2017, Daily Magic Games) ; Draft, gestion de main
- Corsairs of Valeria (2020, Daily Magic Games) ; Dés, stop ou encore
- Margraves de Valeria (2020, Daily Magic Games, Lucky Duck Games) ; Gestion de main, placement d’ouvriers.
… Sans oublier leurs extensions respectives.
Pour le pitch, c’est l’heure de la revanche ! À force de se faire taper dessus dans les opus précédents de la série, les sombres créatures de Valeria, boutées hors de leurs terres par le trio indémodable des Humains-Elfes-Nains, décident de s’allier pour récupérer ce qui leur appartient. Une course au prestige et à la gloire se lance pour devenir le plus grand leader des forces obscures.
Créé par Stan Kordonskiy (Dice Hospital, Rurik: Dawn of Kiev), illustré par Mihajlo Dimitrievski (aka The Mico, la série des Royaumes de l’Ouest), Les Sombres Royaumes de Valeria s’inscrit dans le style Eurogame, avec un jeu à points et différentes façons d’optimiser son score en fin de partie, à l’instar de titres précédents de la série tel que Margraves de Valeria.
La gamme éditoriale, une valeur sûre
L’ouverture de la boîte émoustille les papilles. La qualité de l’édition est indéniablement un point fort propre à la gamme Valeria. Le carton extra épais des plateaux, tuiles et jetons, la qualité générale du matériel assez fourni, ainsi que les illustrations colorées ou encore l’iconographie bien lisible en font un jeu agréable à sortir et à présenter.
Le livret de règles est complet et correct, malgré un design un peu « amateur » un brin fouillis qui peut inquiéter à l’ouverture. Il n’est jamais posé loin durant les parties, pour déchiffrer les effets de certaines cartes, sous forme d’iconographies. Les habitués de la gamme seront épargnés et gagneront du temps. Personnellement, je n’ai pas de souci avec ça, mais une aide de jeu synthétique sous forme de fiche aurait été bien appréciée.
Rouler des dés puis rouler des mécaniques
Si vous désirez découvrir un résumé des règles en vidéo, je vous suggère le Ludochrono par mister Umberling.
Malgré un matériel fourni, la mise en place est assez rapide. On dispose des offres de cartes, les plateaux joueurs et les jetons associés, puis on jette un certain nombre de dés en fonction du nombre de joueurs, répartis sur 5 secteurs (Sanctuaires) du plateau central.
Chacun·e dispose donc d’un plateau personnel (tous similaires) servant à la fois de compteur pour certaines ressources (magie, or, influence), de réservoir pour d’autres (les dés Troupes, les gemmes…), mais aussi de panneau de progression (on y vient un peu plus loin).
Le principal moyen de marquer des points de victoire sera d’accomplir des contrats appelés « Stratagèmes ». Ils sont disposés sur le plateau central sous forme de rivière de cartes, et requièrent de dépenser le bon nombre de dés Troupes de la bonne couleur pour être accomplis. Plus le score total des dés sera fort, plus le stratagème rapportera de points. Le premier joueur à accomplir 7 stratagèmes mettra fin à la partie avant le décompte des points de victoire.
Votre tour de jeu consiste à simplement poser un ouvrier. Placer votre unique gardien sur un des 5 sanctuaires du plateau vous permettra de récupérer un dé Troupe qu’il contient, puis d’accomplir l’action du sanctuaire. Les 5 actions des sanctuaires constituent le cœur du jeu :
- Gagner une gemme vous permettant de modifier la couleur ou de retourner un dé
- Gagner de la magie permettant d’ajouter des points aux dés ou de changer des cartes de l’offre
- Gagner de l’or pour acheter des champions, ou des stratagèmes
- Recruter un Champion
- Acheter un Stratagème (et le réserver pour vous)
Bien, mais alors il n’y a plus qu’à foncer pour récupérer les dés les plus forts du plateau et puis badaboum, acheter puis accomplir les stratagèmes… Oui mais non !
Outre sa couleur requise pour accomplir le stratagème, un dé Troupe possède deux scores inversement proportionnels : soit son score de « Troupes » est fort, pour mieux accomplir un stratagème, soit son score de « Réduction » est fort, pour mieux bénéficier de l’action de son sanctuaire d’origine (une réduction de coût pour acheter une carte Champion par exemple). Ce petit jeu d’équilibre vous fera cogiter durant la première partie.
Entre l’organisation de la collecte de dés Troupe pour accomplir les stratagèmes, du recrutement de Champions, de la collecte d’or, de magie et de gemmes, on comprend que tout le potentiel de victoire reposera sur votre capacité à gérer votre placement d’ouvrier avec le bon timing.
Autre mécanique centrale du jeu : la progression du plateau joueur. Chaque stratagème que vous accomplirez vous permettra de débloquer une progression (augmenter le stockage de dés Troupe, de Champions, attribuer un caractère universel à une couleur de dés, etc) en retirant un jeton de votre plateau.
Plus intéressant, vous placerez ensuite ce même jeton sur votre tuile « Parchemin de Campagne » où vous pourrez bénéficier de bonus sympathiques suivant comment vous disposerez ces jetons. Le twist est plutôt chouette, un petit jeu dans le jeu.
Un air de famille
Le rythme de la partie dépendra de vos décisions. Un vilain adversaire voulant précipiter la fin de partie en accomplissant en vitesse ses 7 stratagèmes entrainera forcément tous les autres dans une course. Au contraire, on pourra se la jouer plus « cool » en préférant jouer lentement et maximiser ses points de victoire. On retrouve là un petit côté Great Western Trail ou Maracaibo.
D’ailleurs, en parlant d’inspiration, bien qu’ayant un thème plutôt marqué, que l’on ne s’y méprenne : Les Sombres Royaumes de Valeria est avant tout un Eurogame puisant ses mécaniques centrales de jeux cultes de la catégorie. On retrouve par exemple des points communs avec les jeux d’Alexander Pfister (les deux cités plus haut) à travers le tempo, mais aussi le plateau joueur où l’on retirera des jetons pour faire progresser son clan. Certains pourront également y voir une légère référence aux Châteaux de Bourgogne à travers le plateau central et son offre de dés, mais la comparaison s’arrêtera là.
Le jeu n’est donc pas particulièrement innovant sur le plan mécanique. Si vous cherchez de l’inédit, un vent frais sur le genre, vous frappez à la mauvaise porte de donjon. Par contre, si les mécaniques sont déjà vues dans le paysage, leur assemblage est très bien réalisé et génère une bonne alchimie dans un jeu fluide. Le plaisir sera donc quasiment garanti pour les joueurs « initiés » (pour reprendre la nomenclature de la nouvelle catégorie des As d’Or !) en bons termes avec les jeux à l’allemande.
À l’inverse, les plus experts pourront rester sur leur faim et trouver une profondeur stratégique limitée. Premièrement, le jeu peut se « lire » sur le plateau et son offre de cartes. Si vous avez l’expérience des jeux à contrats, des petits moteurs à points crées par les Champions, vous saurez choisir la bonne voie pour scorer.
Deuxièmement, l’avancement du plateau joueur en fin de partie sera plus ou moins le même. Seuls quelques jetons n’auront pas été retirés. Certains jeux au contraire vont pousser à faire des choix risqués, privilégier une ou plusieurs voies au détriment des autres. Si cela peut s’avérer frustrant pour certains joueurs, il sera toujours satisfaisant lorsque les bons choix sont récompensés. Cela a le mérite de mettre en perspectives de nombreuses parties pour explorer les différentes stratégies envisageables. Ici ce n’est pas le cas, il y aura sans doute moins de stratégies à explorer. Malgré tout, choisir une progression plutôt qu’une autre sur le plateau joueur peut faire la différence au score final. Mais au bout de quelques parties, la redondance du schéma « choisir les bons couples dés/effet de Sanctuaire – accomplir les stratagèmes – monter en puissance pour accomplir des Stratagèmes plus forts » pourra se faire sentir, surtout si vous êtes un·e habitué·e du genre.
Parlons enfin de l’interaction entre joueurs. Elle sera présente, sans être dominante, avant tout par un effet de gêne : je prélève un dé ou une carte que tu aurais aimé avoir. Elle sera aussi présente par la course : course aux Distinctions, récompenses que l’on peut revendiquer une fois les conditions demandées réunies ; et course à la fin de partie (déclenchée avec les 7 stratagèmes, comme expliqué plus haut). N’étant pas un grand amateur d’interaction forte dans les jeux à l’allemande, je l’ai trouvée ici plutôt bien dosée, car elle ne rend pas le jeu toxique et laisse quelques options pour se démarquer si on se retrouve à la traîne.
Alors, sombre verdict ?
Les Sombres Royaumes de Valeria est un beau jeu soigneusement édité et coloré qui conviendra plutôt aux joueurs initiés montrant une attirance pour les Eurogames, car il s’inspire nettement de titres phares du genre. Dans l’ensemble, le tout est propre et tourne bien. Les mécaniques de jeu, bien que déjà vues, sont savamment articulées, rendant le jeu aussi agréable sur le plan visuel que sur le gameplay. En contrepartie de ce côté accessible, les parties pourront se ressembler à la longue.
Vous l’avez compris, les joueuses et joueurs ayant déjà une connaissance poussée des Eurogames ne s’y retrouveront pas forcément car ils pourront se lasser de son manque de profondeur stratégique ou de son côté peu exigeant.
Il revient donc à vous de vous situer par rapport à lui. Pour ma part, il restera dans ma ludothèque, car c’est un bel objet ludique agréable à jouer, à sortir occasionnellement pour faire découvrir le genre !
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