LES PIONNIERS : LES AVENTURIERS DU TRAIL
Au 19 eme siècle, les pionniers traversaient le grand ouest américain, à la recherche de la terre promise, afin de s’installer en tant que fermiers ou orpailleurs. La piste de l’Oregon (Oregon Trail) était la principale voie terrestre utilisée par les pionniers de cette époque pour se rendre des rives du Missouri jusqu’au pays de l’Oregon. Le temps d’un voyage de quatre semaines, vous allez rejoindre un groupe de colons dans l’une de ces caravanes. Chaque semaine, vous ferez halte dans des villages et tenterez de répondre à leur besoin en bois, bestiaux et autres équipements en échange de faveurs synonyme de points de victoire.
Sorti en 2017, le jeu est le fruit de la collaboration de Chris Marling créateur d’une poignée de jeux peu connus par chez nous (Europe Divided, Empire engine…) et Matthew Dunstan qui est notamment l’auteur de Monumental, sorti en 2020 chez Funforge ou du non moins célèbre Elysium, sorti en 2015 chez les Space cowboy. C’est Atalia, grâce à son partenariat avec Silex qui nous offre l’opportunité d’y jouer enfin en français.De la simplicité des règles au service d’une mécanique bien huilée
Commençons tout d’abord par le Saint Graal d’un jeu de société, le livret de règles. De sa lecture découle nos premières impressions, nos envies de jouer ou au contraire nos frustrations de ne pas comprendre grand chose. Premier bon point pour Les Pionniers, la règle est ultra-courte, quatre pages recto-verso en comptant la couverture entièrement illustrée (illustrations par Guille Longhini & Sergi Marcet) et la page de mise en place, elle aussi dénuée de texte, soit seulement trois pages pour installer le jeu et comprendre ses mécanismes. Les grincheux y verront un signe d’un jeu un peu trop léger, mais la lecture du livret offre les promesses d’un jeu simple et profond à la fois.
La base du jeu tient dans un sachet de dés, pas n’importe lesquels, des dés de couleurs aux illustrations bien thématiques. Lors d’un tour, soit une semaine de voyage, vous devez choisir un dé et… c’est tout !
Parmi le lot de dés piochés par le premier joueur, vous devrez choisir un dé soit pour gagner de l’argent, soit pour recruter un colon dans votre caravane ou enfin effectuer l’action illustrée sur le cube. Je vous l’avais dit : simple.
Selon le symbole choisi vous gagnerez plus ou moins de dollars, comme indiqué sur le plateau principal, mais sans argent dites adieu à l’achat de nouveaux chariots, et sans chariot impossible de stocker ce que vous aurez réussi à accumuler durant votre voyage. Sans colons, n’imaginez même pas amplifier le pouvoir de vos actions et encore moins recevoir les points de Faveur accordés par ceux-ci en fin de partie. Quant aux actions, sans elles, vous trouverez vos tours bien monotones ! En effet si vous n’allez pas orpailler les rivières à la recherche de quelques pépites, si vous n’augmentez pas votre troupeau, si vous ne vous équipez pas correctement pour bonifier vos prochaines actions, si vous ne stockez pas du bois pour réparer vos chariots ou des remèdes pour soigner vos colons, alors à quoi bon ! Mais pourquoi avoir coloré les dés et que faire du dé restant à la fin du tour ? Ce dé de mauvaise augure apporte tout le sel au jeu et vous donnera quelques sueurs froides.
Des hasards du dé au dé du désastre
L’ingéniosité et la force du jeu reposent sur ce dernier dé et la piste des désastres qui s’y réfère. Le dé non-choisi fera avancer un des quatre marqueurs Désastre sur la piste du même nom, voire même tous les marqueurs s’il s’agit du dé noir. Et cela change tout, car très rapidement, vous serez confronté aux aléas des catastrophes liées aux dures conditions des pionniers du 19e.
Si le marqueur atteint l’ultime case de la piste Orage, vos chariots sont endommagés et gare à ceux qui n’auront pas anticipé en stockant du bois, car ils devront subir la perte définitive de deux emplacements dans leur véhicule ainsi que des points négatifs en fin de partie… Si vous n’anticipez pas le déclenchement de la piste rouge Pillage, vous devrez donner la moitié de vos dollars aux bandits de grands chemins. Mais gare aussi à la piste jaune porteuse de Famine qui décimera votre troupeau si vous n’avez pas assez d’argent pour les nourrir. Et n’oublions pas vos colons qui doivent subir la Maladie lors de la résolution de la piste verte et qui y succombent si vous n’avez pas assez stocké de remèdes dans vos chariots.
Ces quatre pistes cassent complètement la monotonie que pourrait entraîner la mécanique de base. Aucune décision ne peut être prise sans prendre en compte ces pistes. Faut-il utiliser un dé gratifiant en ressources car bonifié par vos équipements et colons ? Favorisez-vous les besoins des prochains villages en vous séparant de ressources utiles contre des faveurs ? Préférez-vous anticiper l’événement Désastre suivant en récupérant le remède qui vous manque, ou alors prendre le dé de la couleur du désastre que vous voulez éviter ? Chaque décision aura des conséquences, et même la place des joueurs dans le tour devient stratégique car l’avancée du marqueur sur l’une ou toutes les pistes dépendra du choix crucial du dernier joueur. À vous de bien anticiper cela, tout en récoltant ce qui vous intéresse : un vrai dilemme !
Bref, un voyage pas si monotone..
On pourrait craindre une redondance lors des premières parties des Pionniers mais on se rend rapidement compte que la richesse du matériel est au profit du renouvellement des parties. Les cartes pionniers sont divisées en plusieurs catégories, certaines se contentent d’offrir une marchandise alors que d’autres séries vous demandent de récompenser vos adversaires pour toucher plusieurs marchandises, sans oublier celles basées sur la prise de risque et le hasard des dés. En début de chaque partie, vous devrez choisir deux séries pour composer les pionniers candidats au voyage et vous ne piochez que neuf cartes villages sur les vingt-deux disponibles, présageant des parties différentes.
Il y a huit plateaux joueur différents avec chacun un pouvoir personnel, permettant de contourner les règles et de renouveler vos stratégies. Certains vous permettant de relancer le dé, d’autres d’embaucher des pionniers contre du bétail ou d’échanger du bois contre des remèdes.
Enfin, il existe douze objets différents qui ne sont pas toujours disponibles au General Store. L’acquisition d’un objet enrichit considérablement le pouvoir de votre tour et vous permet de consolider une stratégie en misant sur un type de matériel, sur l’embauche de pionniers, sur l’acquisition de bétail ou peut-être en vous protégeant de certains désastres.
Tout cela nous laisse croire que Les pionniers nous entraînera dans des parties relativement diversifiées sans nous lasser après quelques sorties de caravanes.
Le voyage est-il agréable sur la route des pionniers ?
Je me souviens du dernier « Cannes Canapés » où je devais parler du jeu après une seule et unique partie. J’avais bien apprécié, mais j’avais du mal à le cerner encore. Trop simple ? Trop court ? Déjà vu ? Pourtant, je gardais une impression très positive de ma partie. Je comprends mieux avec le temps et les quelques parties à mon compteur. Le jeu peut paraître plutôt simple et redondant, donnant une sensation de routine puisque les tours semblent se répéter et s’enchaîner rapidement. Pourtant si l’on choisit les bons équipements et que l’on exploite au mieux le pouvoir de nos colons, on peut bonifier nos tours et accumuler divers récompenses qui nous donnent la sensation de créer un petit moteur efficace. Les quatre pistes Désastre donnent un peu de profondeur au jeu : si on peut avoir la sensation de subir les aléas des pistes sur les premières parties, cela devient un véritable enjeu à prendre en compte pour faire nos choix ou pour mettre des bâtons dans les roues de nos adversaires. Le tout est bien timé et offre une interaction indirecte entre les joueurs, basée sur la sélection du dé qui peut aussi bien servir son propriétaire que le mettre en danger. Il faudra toujours jongler entre le dé que l’on veut prendre et la couleur que l’on ne veut pas laisser, anticipant le choix de nos adversaires ou jouant la sécurité pour éviter la résolution d’un désastre bien pénalisant.
Les premières parties peuvent nous donner la sensation d’un jeu plus léger que profond mais Les Pionniers va en réalité plus loin et offre un côté stratégique inattendu malgré le hasard des dés potentiellement contrôlable en anticipant les désastres ou en dépensant des sous pour choisir la face de notre dé.
Une bonne surprise en somme pour ce jeu sans prétention, qui se joue rapidement, invitant les joueurs à relancer une partie. Facile à sortir, facile à expliquer, efficace, à jouer en famille ou entre joueurs plus expérimentés en fin de soirée, ce titre devrait parler à un large public grâce à sa simplicité et sa stratégie modeste mais efficace.
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