LES PETITS JOUEURS #35 : Zing a zam – Taco chaton pizza – Malice & limaces
Chaque mois, notre chronique Petits joueurs vous propose plusieurs jeux pour différents âges de l’enfance. Joués entre parents chroniqueurs et enfants.
Maxiloutre : 7 ans, nourri aux cubes en bois par son papa voxien & auteur de jeu, Maxiloutre a commencé à baigner dans les jeux de société dès 2 ans. Jouant principalement à deux avec papa ou maman, il refuse rarement une partie.
Axelosaurus : 5 ans, suit activement son grand frère Maxiloutre dans la découverte des jeux modernes, n’hésite pas à essayer des jeux pour bien plus grand, pour faire comme le frangin.
Les ptits Nems ont 8 et 9 ans et subissent depuis leur plus jeune âge un infernal prosélytisme ludique. En résulte un goût pour le j2s un peu plus développé que la moyenne. Les coopératifs ont leur préférence, mais ils ne sont pas contre un petit jeu où « on est contre » de temps en temps.
Roxy : 3 ans 1/2. Trop petite pour jouer à la majorité des jeux, mais saute sur les genoux de ses parents dès qu’un jeu est sur la table. Alors, toujours partante pour les jeux de son âge.
Tutur : 8 ans qui a joué avec son papa. Biberonné aux jeux, ses deux parents sont fanas, il les voit jouer depuis la maternité. Il a toujours très envie de jouer aux jeux de grands, d’avoir ses cartes, et de manipuler le matériel. Bon public, il aime à peu près tout.
Zing a Zam
Deux choses font la singularité de Zing a Zam : c’est un jeu de plis sans le droit de voir ses cartes (on les tourne face visible vers nos adversaires), et les moyens mis à notre disposition pour compenser cette cécité sont particulièrement limités. Le but étant de remporter le plus de plis possible, on comprend alors vite que la qualité première pour gagner à ce jeu va être cette bonne vieille chance.
Bon, heureusement il y a quand même quelques éléments de maîtrise. Déjà on connaît une de nos cartes dès le début de la partie. On peut donc tenter de la jouer au moment opportun. Mais une partie comportant entre 8 et 10 plis en moyenne, il va falloir redoubler d’inventivité pour les 7 ou plus plis dont on ne connaît rien. Personnellement j’applique la méthode de l’intuition magique. Vous touchez vos cartes, inspirez, videz votre esprit, et essayez de ressentir quel numéro elle comporte. Ça marche environ une fois sur 8, ce qui est un excellent ratio !
Autre élément de contrôle : les cartes ont des effets lorsqu’elles arrivent en jeu. Donc en jouant le bon effet au bon moment vous pouvez par exemple passer le tour du joueur suivant, piocher une carte chat… etc. Sauf que là encore vous allez majoritairement déclencher des effets au petit bonheur la chance. Régulièrement l’effet tombe à l’eau d’ailleurs.
Dernier élément de contrôle, le jeu de vos adversaires. Vous voyez ce qu’ils ont donc vous savez ce qu’il ne vaut mieux pas jouer ! Ah mais merd…credi, c’est vrai que moi aussi je vois pas mon jeu…
Exemple d’un tour de jeu : Sarah joue sa carte visible, un 3 (qui lui permet de retourner une autre de ses cartes face visible), Bernard joue un 4 au pif (il pioche une carte chat et éructe de bonheur, il aime les chats). C’est à moi de jouer et ma carte visible est un 2. En bonne intelligence, je décide de ne pas jouer mon 2 car j’ai de bonnes chances de trouver mieux. J’applique mon intuition magique et ressent que la carte toute à droite est un 7. C’est parfait, je la joue et je remporte le pli (avec un 5, bon et alors ?).
Bref, vous l’aurez compris beaucoup de hasard et de chaos dans ce petit jeu. Le twist des cartes inversées est là pour donner une originalité mais n’est pas vraiment exploitée à mon sens. Reste que les parties sont rapides et qu’avec des enfants on s’amuse pas mal quand même ! je dois dire que mes enfants l’apprécient, principalement pour les différents effets des cartes qui sont rigolos. Mais ils regrettent eux aussi le fait de devoir jouer nos cartes « au pif » trop souvent.
Conclusion, je ne leur refuserai pas une partie si ils me demandent, mais la proposition ne viendra probablement pas de moi directement.
Taco Chaton Pizza est la déclinaison enfant d’un des best sellers de l’éditeur Blue Orange : Taco chat bouc cheeze pizza. Une nouvelle petite boîte qui permet de baisser l’âge minimal de 8 ans à 4 ans. Mais pour cela, les ajustements de règles sont finalement assez importants, sur un jeu originel qui n’en contenait déjà pas tant que ça.
Tout d’abord, le système de base du jeu évolue. Il n’y a beau rester que 3 éléments possibles sur les cartes, l’obligation de suivre la chaîne des mots n’existe plus. À son tour, l’enfant se contente de dire l’un des mots au hasard, et si c’est bien celui-là, il peut rejouer. On supprime donc le côté chaîne de mots, ainsi que la rapidité quand le bon mot sortait, échangé par un simple choix parmi trois, uniquement dicté par la chance. En plus de ne pas être super ludique, ce système a pour corollaire le fait que les enfants passent énormément de temps à chercher quel mot ils vont choisir (de l’ordre de 10 secondes), ce qui ralentit beaucoup le rythme du jeu alors qu’à la base il est frénétique.
Exit aussi tous les sympathiques animaux qui sortaient aléatoirement et obligeaient les joueurs à faire des mimes rigolos. Ils ont tous disparu dans cette version, et je n’arrive pas à comprendre pourquoi, tant cette touche d’humour aurait pu plaire aux plus jeunes. Sacrifiés sur l’autel de la surcharge de règles ? Remplacés par un unique bonbon sans saveur qui, quand il apparaît, oblige enfin à un peu de rapidité pour que tout le monde tape dessus. Mais cette fois, ce n’est pas le plus lent qui est sanctionné, mais le plus rapide qui est récompensé, et dans la majorité des cas, c’est celui qui retourne la carte qui sera le plus rapide à taper.
Avec toutes ces modifications, il ne reste plus grand-chose de ce qui a pu faire le succès de la boîte de base, et enfant ou non, on ne s’y trompe pas. J’ai joué avec mes petits de 5 et 7 ans, et aucun n’a envie d’y revenir. Le jeu est lent, sans saveur. Il a été difficile de leur proposer ne serait-ce qu’une deuxième partie.
Notons tout de même une mention honorable : le matériel, avec des cartes de très bonne qualité, résistantes, pour que le jeu dure dans le temps malgré les traitements vigoureux des enfants.
Vous l’aurez compris, cette déclinaison enfant est une immense déception pour moi. Epuré à l’extrême pour n’y laisser rien de très ludique, destiné à un public d’enfants qui ne connaissent rien d’autre que des jeux basés sur le hasard et qui ne supporteraient pas plus d’une règle de jeu. Je ne m’explique pas sa sélection au Kinderspiel.
Malice et Limaces est un jeu coopératif de parcours, à partir de 5 ans, dans lequel les joueurs doivent déplacer 3 personnages au bout d’un parcours pour sauver un prince transformé en limace. Derrière eux, une sorcière qui leur court après, et qui les change en limace si elle les rattrape.
Au niveau des mécaniques, le jeu est très simple : on lance les deux dés (avec la tour à dés, on va y revenir), et on regarde le résultat : un rond vert ? On avance d’une case un personnage. Un rond rouge ? C’est la sorcière qui avance. Joueur suivant. C’est très simple mais, premier écueil, peut être un peu trop simple pour du 5 ans.
Alors certes, il y a quelques astuces : sur le plateau on va trouver des raccourcis : un par personnage. Si on s’arrête pile au début avec le personnage correspondant (ce qui arrive systématiquement puisque l’on peut répartir les déplacements comme on le souhaite, ce n’est donc pas un enjeu) et que l’on a une potion (ce qui là aussi se gère facilement), paf on l’emprunte. Mais attention, c’est aussi le cas de la sorcière, qui, à moins d’un coup de chance, va le prendre quasiment à chaque fois et ainsi nous rattraper assez vite. Pas de contrôle sur cet aspect : on subit le résultat des dés.
On va trouver en chemin des potions qui auront plusieurs utilités, en plus de celle de prendre les raccourcis. D’abord, il faudra en avoir au moins une sur nos héros à la fin pour gagner la partie. D’autre part, si la sorcière rattrape un personnage, elle le transforme en une limace avant de rentrer dans sa maison. La limace étant immobile, on devra dépenser une potion pour lui redonner sa forme initiale. On pourra aussi en prévention utiliser une potion pour renvoyer notre poursuivante chez elle. Le seul intérêt à cela est d’éviter qu’elle transforme plusieurs personnes en limace d’un coup, sinon on peut attendre qu’elle rattrape un personnage puisqu’elle retourne ensuite chez elle juste après. Difficile là aussi de s’enthousiasmer.
Dernier élément du parcours : le bateau. Une fois que tous les personnages sont dedans, les règles changent : il faut avoir soit un double rouge (la sorcière avance alors de deux cases), soit un double vert (le bateau avance d’une case) pour qu’il se passe quelque chose. On sent que la volonté initiale était de finir par quelque chose d’un peu plus « tendu » dans cette course, mais clairement la réalisation ne suit pas : une fois sur deux, on n’obtient pas de double et il ne se passe rien. À la place de la tension, on rajoute en réalité du temps mort peu amusant quand on enchaîne les tours sans que rien n’arrive. Il aurait suffit de dire, « ne lancez plus qu’un seul dé : rouge la sorcière avance de 2, vert le bateau avance de 1 », et ces temps morts disparaissaient.
Bref, le jeu m’a paru assez peu exaltant. On retrouve la mécanique vue sur des jeux accessibles à un public bien plus jeune : je jette le dé et j’agis en conséquence sans réellement de choix. Or, à cet âge là, on peut déjà proposer des choses plus intéressantes aux enfants… et à leur parents. Certes on essaie de rajouter des options parce qu’on vise plus grand (5+ et pas 3+), malheureusement elles ne sont vraiment peu enthousiasmantes et rajoutent de la lourdeur plus qu’autre chose.
Il nous faut aussi parler de l’édition. De ce côté là, le jeu se montre très (trop ?) généreux : Nos personnages sont en bois et sont très gros Peut-être trop car ils ne rentrent plus sur les cases. On a même une petit entaille pour glisser les potions dans leur dos. Inutile mais tellement satisfaisant. Là je dis bien joué. On trouve aussi un bateau à monter, un château, et donc une tour à dé. Clairement on est là sur du superflus. Le bateau a un sens en jeu, la tour à dé, bon c’est une tour à dé, mais le château est purement cosmétique, de même que le prince que l’on doit sauver qui est en bois mais que l’on ne manipule pas. Bien sûr, tout cela donne envie aux enfants de jouer, mais cela fait aussi une boîte énorme pour une expérience ludique qui à mon sens, s’avère un peu décevante.
On a donc, selon moi, un mauvais dimensionnement des éléments de Malice et Limace : trop simple et déjà vu pour sa cible mais un peu trop complexe pour plus jeune.