Legacy of Yu – La référence solo de l’été !

 

Les jeux solo fleurissent en ce moment ! Edité par Garphill Games et localisé en France par Pixie Games, Legacy of Yu est le nouveau jeu de Shem Phillips. Ce dernier est est connu pour être l’auteur des trilogies médiévales. Ces trilogies incluent neuf titres à ce jour, tels que Pillards de la Mer du nord ou Architectes des Royaumes de l’Ouest. Vous avez forcément dû en croiser dans les magasins ou sur internet.

Illustré par Sam Phillips (Le Mur d’Hadrien), Legacy of Yu fait partie d’une autre série appelée « Anthologie antique » (Pillards de Scythie, Le Mur d’Hadrien…). Deux caractéristiques démarquent cet eurogame de tous les précédents titres du même auteur : il est jouable uniquement en solo et en campagne. Il a aussi certainement bénéficié de toute l’expérience de game design acquise durant les précédentes années.

Il y a fort longtemps dans une galaxie qui s’avère être la nôtre, vous êtes le légendaire Yu le Grand, serviteur de l’empereur chinois Shun. Ce dernier a ordonné l’exécution de votre père, Gun, après qu’il ait échoué dans la tâche monumentale de lutter contre les inondations meurtrières provoquées par les crues du fleuve Jaune. Vous héritez de ce même fardeau, mais avez su tirer leçon des erreurs de votre père. Vous arrivez avec un nouveau plan : la construction de canaux pour répartir l’eau du fleuve et en faire des voies navigables. Votre objectif sera donc de finir de construire ces canaux avant que les inondations ou les tribus barbares opportunistes n’épuisent la population. Pas simple.

 

 

L’homme qui déplace une montagne commence par les petites pierres

Le livret de règles nous pousse à nous lancer dans la campagne dès la partie de découverte. Etant du genre à ne rien piger et me faire éclater durant mes premières parties, très peu pour moi. Cela dit, rien ne vous empêche de faire un tour de chauffe et de réinitialiser le tout pour redémarrer proprement. Le livret se lit bien, et vous accompagne avec des exemples. Je n’ai pas souffert malgré les nombreuses petites mécaniques à assimiler, car elles sont intuitives et s’enchaînent avec une certaine logique.

Vous décrire les règles en détail serait une tâche difficile et pas forcément utile, étant donné que plusieurs mécaniques sont savamment articulées pour créer des effets en chaîne. Le Ludochrono peut vous aider à vous faire une idée, mais je vais également vous décrire l’essentiel des règles à savoir pour que vous puissiez avoir votre propre ressenti.

Le bouche à oreille classe Legacy of Yu dans de nombreuses catégories, parfois avec peu de pertinence. Pour y voir clair, seules deux mécaniques principales composent jeu : la gestion de main, et la construction de tableau. La pose d’ouvriers est présente mais anecdotique. Certains parlent aussi de deckbuilding, mais on ne cherchera pas ici à optimiser finement son paquet de cartes Villageois. On essayera d’en collecter un maximum, d’en perdre un minimum, mais on en passera en revue à tour de bras sans entrer dans le détail. Non, vraiment, l’effort n’est pas dans le deckbuilding.

 

Il existe trois façons d’utiliser chaque carte Villageois

 

L’effort stratégique sera principalement consacré à la construction d’un moteur. En débloquant des emplacements sur votre plateau, vous pourrez générer des ressources à chaque tour. Pour débloquer des emplacements, il faudra parvenir à construire des tronçons de canaux, mobilisant beaucoup d’effort et coûtant la vie à de nombreux villageois (vos cartes seront perdues). Une fois l’emplacement débloqué, vous pourrez y construire au choix : une ferme pour créer des revenus basiques, une hutte pour y placer un villageois et créer des revenus plus spécifiques, ou un avant-poste pour rendre vos meeple polyvalents et les utiliser plus facilement.

Toutes ces actions vous demanderont de dépenser les cartes Villageois de votre main pour créer des ressources (meeple, bois, argile…). Pour cela il y a trois façons d’utiliser vos cartes :

  • En les plaçant dans une hutte comme décrit plus haut, pour un revenu régulier (trois ou quatre fois par partie seulement).
  • En les épuisant dans votre défausse, créant un revenu faible, mais permettant de les réutiliser plus tard lors du renouvellement de votre paquet.
  • En les sacrifiant (comprenez les tuer à la tâche !) pour plus de bénéfices à court terme.

 

La bonne gestion de votre main d’œuvre, entre économie d’effort et sacrifice, sera la clé de la réussite. C’est la même chose pour les ressources. Il existe de nombreuses actions passerelles que vous débloquerez, et qui vous permettront de les convertir. D’ailleurs la conversion des ressources est une part importante du gameplay. Vous passerez une bonne partie de votre temps à calculer comment obtenir tel meeple ou telle ressource avec ce que vous avez.

Chaque action du jeu apportera des avantages mais aura un coût. La construction de canaux ouvre la voie vers de nouveaux revenus, mais elle n’est pas anodine car elle attirera des tribus barbares. Ces Barbares seront une véritable plaie tout le long de la partie. Vous ne cesserez de devoir former des Villageois et de le sacrifier au combat afin de repousser leurs assauts. Cet effort mobilisera vos ressources et se fera au détriment de la construction du moteur cité plus haut. Plus vous laisserez les barbares envahir votre plateau, moins vous pourrez recruter de Villageois. La tâche la plus ardue de vos parties sera de maintenir l’équilibre entre survie et prospérité, sans être trop gourmand.

 

Lutter contre les vagues de barbares mobilisera des meeples de différentes spécialités (couleurs), et il faudra les former. Les avant-postes vous aideront dans cette tâche.

 

Une campagne legacy ?

Le système de campagne est très bien pensé. Il y a d’une part un livret de récits associé à un gros paquet de 70 cartes Récits (comprenez « legacy »), contenant tous les types de cartes utilisées dans le jeu (Huttes, Villageois, Barbares, etc.). Certaines cartes de base feront appel au livret pour une courte narration, puis vous serez invités à chaque fois à remplacer ces cartes par une ou plusieurs cartes du paquet Récits. Celles-ci vont pouvoir à leur tour, mais pas forcément, faire appel à d’autres récits. De fil en aiguille, de bonnes surprises en déconvenues, le jeu de base sera enrichi, remplacé. La narration n’est pas linéaire, mais faite de péripéties indépendantes, aux conséquences plus ou moins lourdes qui feront évoluer le jeu.

Le jeu n’est donc pas « Legacy », dans le sens qu’il n’y a pas de destruction ou de modification du matériel, mais simplement du remplacement de cartes par d’autres. La campagne peut être réinitialisée à l’infini. La jouer en entier fera parcourir (selon l’éditeur) 40 à 60% du contenu.

 

 

D’autre part, on ne contrôle pas le niveau de difficulté : un système de catch-up entre les parties va le réguler. À chaque fin de partie, on piochera dans un des deux petits paquets de sept cartes Victoire ou Défaite, suivant son issue. Une carte Défaite vous indiquera d’ajouter dans le jeu des cartes du paquet Récits favorables, alors qu’une carte Victoire fera la même chose avec des cartes plus corsées. Si vous gagnez six fois d’affilée, la partie finale risque de vous faire vivre un enfer. Inversement si vous perdez six fois d’affilée.

La campagne touchera à sa fin lorsque l’on terminera un des deux paquets, ce qui déterminera également un succès ou échec général. Une carte spéciale permettra de finir proprement la narration. Vous pourrez évaluer votre score en fin de campagne, en comparant le nombre de cartes Victoire et Défaite que vous avez piochées (par exemple, un score de 7-4 pour avoir terminé la campagne en 7 victoires et 4 défaites). Les partages de score sur BGG vont bon train en ce moment.

 

J’ai perdu, mais la prochaine fois, je piocherai peut être ces deux cartes Canal plus avantageuses !

 

Legacy of Yu n’est pas la première adaptation d’un eurogame coopératif/solo en campagne, mais j’ai rarement vu autant de soin apporté sur cet aspect. D’ordinaire, on a plutôt droit à des modes solo construits à la va-vite. Ici, il y a un souci du détail à travers la dispersion équilibrée de nouveaux éléments dans toutes les couches du jeu (villageois, barbares, huttes, canaux, etc.). Je trouve que cela se marie très bien avec le style eurogame, où le joueur ne recherchera probablement pas une narration linéaire à choix multiples, mais de la variété dans le gameplay et des surprises. À titre de comparaison, j’avais trouvé le mode Histoire de Maracaibo : Uprising moins prenant, même si les tuiles à ajouter sur le plateau était un plus (voir le Just Played à ce sujet).

 

La pénurie alimentaire, une des quêtes secondaires de la campagne, vous accompagnera et évoluera au fil des parties

 

De la satisfaction et du plaisir de jouer en solitaire

Il y a de nombreux effets se déclenchant à la chaîne, impliquant des éléments mis en place au hasard. Par exemple, je dépense un ouvrier et des ressources pour construire une hutte, je libère la carte Hutte et je la retourne. Elle m’apporte une récompense aléatoire, puis la retirer libère un emplacement pour placer une carte Villageois qui me rapportera des ressources, etc.

 

Construire un Canal, permet d’y placer une hutte. Placer une hutte libère une carte, avec une surprise à son verso. L’emplacement libéré permet de poser un ouvrier sur pour gagner une ressource…

 

Les mécanismes de récompenses sont satisfaisants. On ne sait pas entièrement de quoi on va bénéficier en effectuant des actions. Ce n’est qu’en retournant la carte ou en lisant le livret Récit qu’on le découvre. Ce sont des mécanismes déjà vus dans les eurogames, mais ici, j’ai le sentiment que le rouage est maîtrisé et travaillé pour satisfaire nos neurones.

 

 

Legacy of Yu ne se joue qu’en campagne, il n’est pas conçu pour être joué en parties indépendantes. Cela aurait pu être lourd et problématique au quotidien, mais il est très simple de garder le fil de l’évolution grâce au système de rangement qui vous permet d’isoler proprement toutes les cartes écartées du jeu. D’une partie à l’autre, la mise en place est également simple et rapide, en moins de 5 minutes. Il n’y a pas ou très peu de nouvelles règles à mémoriser entre les parties, aucune charge mentale, ce qui est rare pour un jeu évolutif.

 

Construire un canal rapporte, permet de nouveaux échanges de ressources, libère un emplacement, mais cela coûte des vies et attire plus de barbares.

 

C’est en tous ces aspects que Legacy of Yu est un jeu à bonne rejouabilité. Il y aura certes un peu de répétition dans les manipulations, en particulier les échanges de ressources. Il y aura aussi des automatismes en début de partie (allez donc voir mon petit guide en fin d’article, si vous comptez acquérir ce jeu). Mais d’un autre côté, l’arrivée de nouvelles cartes et défis par le biais du paquet Récits m’a toujours donné envie de remettre le couvert. Associez à cela une mise en place rapide, et vous avez votre jeu addictif sur la table, qui vous tend les bras.

🤗

La vague d’inondation avance régulièrement. Si je ne construis pas assez vite des canaux, c’est la fin…

 

Nul n’est sans défaut

Comme la plupart des jeux, Legacy of Yu a ses propres limites. Pour chercher la bébête, on peut énumérer parmi elles :

  • Le gameplay est en partie basé sur la conversion de ressources, ce qui ne plait pas à tout le monde.
  • La narration du livre des récits n’est pas digne de Shakespeare ou de Zola. On passe vite sur les histoires d’inondations, de singes chapardeurs et de barbares. Le véritable intérêt est dans l’ajout de cartes croustillantes.
  • Une part de chance est déterminante en début de partie. De mauvaises pioches successives parmi les Villageois et Barbares pourront vous supprimer tout espoir de réussite, en particulier si vous jouez à haut niveau de difficulté.

 

À l’heure où j’écris cet article, après avoir terminé la campagne une première fois en dix parties, je me suis senti prêt à rempiler pour une deuxième tournée (que j’ai terminée depuis), car je n’ai pas eu le sentiment d’avoir pressé tout le jus ni découvert toutes les surprises des Récits. Cela montre une durée de vie honnête.

 

Plus qu’un petit effort et quelques sacrifices, c’est bientôt la fin !

 

C’est l’heure des comptes

Cela faisait longtemps que je n’avais pas été conquis par un vrai bon jeu solo (peut-être depuis Under Falling Skies), proposant du défi et de la variété sur la durée, pour tous les joueurs initiés et experts. Legacy of Yu est un coup de coeur. Il reproduit les sensations complètes d’un bon eurogame, avec une diversité de choix et des dilemmes à la hauteur des jeux multijoueurs.

L’ingénieux système de campagne est pour moi la grande force du jeu. Le livret et le paquet de cartes Récits renouvellent le matériel au fur et à mesure des parties et ajustent la difficulté à votre niveau. La rapidité de la mise en place, la fluidité et le renouveau du contenu en font un jeu addictif que l’on mènera jusqu’au bout avec plaisir. La proposition est suffisante pour inciter à refaire une deuxième fois la campagne de 10 à 12 parties, mais pas au-delà. 20 à 25 parties, c’est un chiffre plus qu’honorable !

Ce titre se démarque des précédents jeux de la gamme en matière de mode solo (je n’ai cependant pas essayé Pillards de Scythie). L’expérience de l’auteur après tous ses jeux édités, a sans doute porté ses fruits pour le plus grand bonheur des eurogamers solitaires.

 

LEGACY OF YU : PETIT GUIDE POUR BIEN DEBUTER

Voici un petit guide que j’ai fait pour ceux qui trouvent le jeu difficile. En suivant quelques règles clés, vous devriez vous sentir plus à l’aise. J’espère que cela vous aidera ! N’hésitez pas à discuter ou à réagir !

 

Règle n°1 : Faites en sorte que votre paquet de cartes Villageois soit le plus grand possible

  • Placez tout l’effort dans le recrutement. Prenez le plus de cartes possible, chaque tour. Focalisez particulièrement sur cet objectif durant la première moitié de la partie.
  • Juste avant de devoir renouveler votre paquet, épuisez autant de cartes Villageois que vous le pouvez, pour agrandir encore votre pile de défausse.
  • Défaussez (sacrifiez) le moins de villageois possible durant la première moitié de la partie.
  • Une fois cela fait, votre partie sera bien engagée sur une bonne voie.

 

Règle n°2 : Retardez au maximum la construction de canaux qui ajoutent des cartes Barbares

  • La difficulté du jeu est directement liée à la taille des vagues de barbares. Si votre paquet de cartes Villageois est suffisamment grand, vous aurez le temps de vous armer. Si vous augmentez trop tôt le nombre de cartes barbares à piocher chaque tour, vous finirez par être submergé(e).
  • Pendant la première moitié de la partie au moins, attendez le tout dernier moment pour construire ces canaux.
  • Cependant, n’hésitez pas à construire les canaux qui n’augmentent pas le nombre de barbares. Elles vous donnent des ressources, des emplacements de construction et des options commerciales.

 

Règle n°3 : Équilibrez vos revenus

  • Legacy of Yu n’est pas un jeu qui récompense la spécialisation. Plus vos revenus seront diversifiés (en début de partie du moins), plus vous pourrez vous adapter aux difficultés.
  • Commencez avec deux bâtiments parmi les fermes (récoltez d’abord un meeple blanc ou coloré) et les huttes, peut-être 3.
  • Ensuite, n’attendez pas trop longtemps pour construire un avant-poste, selon si le besoin est critique ou pas. Sinon, vous devrez constamment payer pour changer la couleur de vos meeples.
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3 Commentaires

  1. Meeple_Cam 16/08/2023
    Répondre

    J’en suis au 2/3 de ma première campagne et, effectivement, le système de Catch-up est terriblement bien pensé. La difficulté se régule d’elle-même et c’est très agréable. Un des meilleurs solo existants, assurément.

    • Groule 16/08/2023
      Répondre

      Je confirme !

      • Umberling 18/08/2023
        Répondre

        Et moi de seconder ! Je trouve ça très bon, à l’exception d’une défaite injuste ou deux et de la partie narrative qui m’a arraché quelques bâillements bien pesants.

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