L’éditeur de « Pathfinder » Paizo reconnaît officiellement le syndicat de ses employés.

Récemment, un article de The Wired (en anglais) basé sur des témoignages dénonçait les conditions de travail dans les grosses sociétés du jeu de rôles américaines telles que Wizards of the Coast et son concurrent Paizo : précarisation, petits salaires, surmenage, exploitation, et esprit « boys club » (malgré une com externe qui joue la carte de l’inclusivité et de la diversité) … La liste des problématiques soulevées et les nombreux témoignages sont accablants. 

 

Dernièrement, une vague d’allégations contre l’entreprise Paizo formulées par d’anciens employés concernant des salaires inférieurs au minimum vital, une surcharge de travail et divers types d’abus ont fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le secteur. En particulier, la créatrice Jessica Price a publié un long fil Twitter accusant les dirigeants de Paizo (entre autres) de harcèlement sexuel et de lutte contre les efforts de diversité au sein de l’entreprise. Le congédiement inexpliquée d’une vétéran de l’entreprise, Sara Marie, manifestement pour avoir résisté à un environnement de travail toxique, n’est pas passé inaperçu dans l’entreprise comme auprès de la communauté (article Dice Breaker). Les réactions qui ont suivi ont remonté un certain nombre d’accusations contre la haute direction de Paizo, comprenant du harcèlement sexuel, un certain sectarisme, le mauvais traitement des pigistes et des travailleurs transgenres, ainsi qu’une mauvaise gestion génératrice d’anxiété pour celles et ceux qui travaillaient sous leurs ordres. Le président de Paizo, Jeff Alvarez, a d’abord esquivé toutes ces accusations avant de promettre des améliorations.

 

United Paizo Workers (UPW)

Les employés n’en sont pas restés là. Une trentaine d’entre eux ont dernièrement annoncé qu’ils souhaitaient former un syndicat avec les Communication Workers of America, le plus grand syndicat des médias aux États-Unis (déjà actif dans le secteur du jeu vidéo) : le United Paizo Workers (UPW). Le premier du genre pour l’industrie des jeux de rôle sur table« Les travailleurs de Paizo sont sous-payés pour leur travail, obligés de vivre dans l’une des villes les plus chères des États-Unis et soumis régulièrement à des conditions de travail invivables », ont déclaré les représentants du syndicat dans un communiqué. Pour faire poids, un groupe de 40 pigistes a également refusé d’accepter les contrats de Paizo. La déclaration initiale a été signée par moins de la moitié des 80 employés à temps plein de Paizo, mais les représentants affirment que d’autres travailleurs ont depuis rejoint le syndicat. 

 

Et désormais, c’est une nouvelle étape de franchie puisque Paizo a publié une déclaration officielle : Ils vont reconnaître le syndicat United Paizo Workers. Jeff Alverez, PDG de Paizo, a annoncé : « Nous sommes impatients de travailler avec le syndicat afin de poursuivre et d’étendre nos efforts pour faire de Paizo un meilleur endroit où travailler et pour garantir que les produits Pathfinder et Starfinder continuent de dépasser les attentes des joueurs pour de nombreuses années à venir. »

La prochaine étape consiste pour les travailleurs unis de Paizo à élire des représentants de négociation. Ils rencontreront ensuite les membres de la direction de Paizo pour négocier les termes d’une convention collective.

Concrètement, le syndicat a publié une déclaration disant qu’il voulait combattre les « pratiques d’embauche incohérentes, l’inégalité des salaires dans l’ensemble de l’entreprise, les allégations d’abus verbal de la part des cadres et de la direction, et les allégations de harcèlement ignorées ou couvertes par ceux qui sont au sommet ». 

Ce que font ici les travailleurs unis de Paizo peut créer un précédent à l’échelle du secteur pour l’ensemble de l’industrie. Une excellente nouvelle, si cela permet d’amener au secteur un environnement de travail plus sain et des emplois plus stables.  
En 2020, les travailleurs de Cards Against Humanity s’étaient syndiqués auprès du Chicago and Midwest Regional Joint Board of Workers United, suite à des rapports faisant état d’un environnement de travail raciste et sexiste (source).

 

 

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2 Commentaires

  1. Dalvyn 26/10/2021
    Répondre

    Un bon résumé de tous les événements qui ont agité la « Paizosphère » depuis la mi-septembre !

    Juste une petite précision sur le fait que « la déclaration initiale a été signée par moins de la moitié des 80 employés à temps plein de Paizo ». C’est exact : il y avait plus ou moins 35 signataires au début. Mais pour mieux comprendre ce nombre, sans doute est-il intéressant de savoir que, selon les règles en vigueur aux États-Unis (bien différentes de ce qu’on connaît ici en Europe), les employés qui ont un poste de manager ne peuvent pas rejoindre un syndicat ; la définition de « manager » est relativement vague mais, dans ce cas-ci, cela signifie que les employés qui en gèrent d’autres (chefs de projet, éditeur en chef, etc.) ne pouvaient pas être signataires (même s’ils soutenaient le projet en coulisses). Donc, au final, le nombre de signatures initial n’est pas vraiment de 35 sur les 70-80 postes à plein temps mais plutôt de 35 sur les quelque 50 employés qui auraient pu signer, ce qui représente une belle majorité.

    Il y a eu une énorme mobilisation à la fois des employés de Paizo, mais aussi des freelancers/pigistes et de toute la communauté des fans (surtout anglophones, naturellement). Tant et si bien que Paizo ne pouvait pas vraiment faire autrement que de reconnaître le syndicat. Ceci dit, ça reste une première plutôt osée dans le monde du jeu de rôle anglophone, qui vient à mon avis compléter toute une série d’innovations parfois risquées lancées par les gens de Paizo (je pense plus particulièrement aux créatifs, éditeurs et employés qu’aux hauts-dirigeants mis en cause ici), comme le fait de créer la gamme Pathfinder après que Wizards of the Coast leur ait retiré les magazines Dungeon et Dragon, de lancer l’idée de campagnes sous la forme d’adventure paths, de se lancer dans le système Pathfinder v1 en parallèle de D&D4 ou encore d’offrir depuis plus de 12 ans maintenant un monde marqué par l’inclusivité.

    Merci pour cet article !

    Dalvyn (pour pathfinder-fr.org)

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