L’Année des 5 Empereurs – Mon SPQR sur le Commode

Commode, Empereur cruel, passe un mauvais nouvel an 192. On tente de l’empoisonner. Cette fois il survit, mais mourra étranglé dans son bain un peu plus tard. Sa mort déclenche une crise politique menant rapidement à l’assassinat de son successeur Perinax, et à la bataille de Lugdunum. À partir de 193, c’est le début de ce que l’on nomme historiquement « l’année des cinq empereurs ».

Tout se rejoint donc, puisque ce jeu a pour thème cette lutte pour le poste vacant. Le projet du jeu a été initié par Lugdunum – Musée et théâtre romain de Lyon dans le cadre de l’exposition « Enquête de pouvoir » en 2021, un travail minutieux a été réalisé avec l’éditeur Game-flow et l’Équipe Ludique afin d’adapter l’Histoire aux mécaniques de Jeu.

Nous avions pu suivre le projet et discuter avec l’éditeur de la création du jeu dans ce reportage et cette vidéo,

 

 

Prêt pour le quizz romain ?

 

Voilà un des atouts de ce titre : on vous explique le contexte historique dans un  fascicule joint à la boîte, décrivant en profondeur qui sont ces cinq Empereurs, pourquoi le Colisée s’appelle ainsi et pas  la grosse arène, qui est Sibylle de Cumes (qui ?), et ce qu’est un laniste (et pas un Lanister)… On a beau être là pour jouer, si on peut se coucher moins bête et s’instruire au lieu de regarder des chatons sur les réseaux sociaux, c’est appréciable.

 

Le pire Empire ?

 

Restons digne

 

Entrons à présent dans l’arène. La mise en place est simple et rapide. Le plateau représentant la carte géographique de l’Empire romain, composé des villes de Carthage, Alexandrie, Rome… ne sert pour le moment qu’à accueillir les paquets de cartes des différentes provinces. Une partie d’initiation est possible avec moins d’objectifs à valider et une mise de côté des icônes les plus compliquées. Si vous êtes un peu joueur, vous pouvez passer cette étape.

Vous incarnez un Haut Dignitaire lorgnant sur le poste à pourvoir : Helvius Pertinax, Didius Julianus, Septime Sévère, Pescennius Niger et Clodius Albinus. Empereur, c’est trop classe, mais il va falloir s’armer, corrompre (tout à fait normal à l’époque), étendre son influence et remplir des objectifs. Tout cela se prépare. C’est la phase 1 sur 2 de la partie.

 

Un Empire bien sage pour le moment

 

Votre main de départ, identique pour chacun, est composée de huit cartes avec lesquelles vous allez, comme dans tout bon deckbuilding, acheter  de nouvelles cartes avec les caractéristiques qui vont vous aider à développer votre stratégie. Chacune des six provinces comporte quinze cartes. En début de tour, vous avez cinq cartes en main et un plateau personnel. Pas d’asymétrie, on est égaux.

 

Les coûts, effets et en bas effets Empereur

 

Les cartes province sont, à quelques détails près, bâties sur le même modèle. Une carte contient plusieurs informations : le type de personnage/couleur lié au peuple, à la politique ou l’armée, son coût, son effet, bien souvent une réduction des coûts ou un bonus financier lorsqu’elle est défaussée. Un effet supplémentaire comme activer une autre carte, agrandir sa main… est visible mais ne sera disponible qu’en se déclarant Empereur (phase 2).

Des cartes Esclaves accessibles à tous, tout le temps aident à réunir de l’argent.

La phase 1, phase du Haut Dignitaire, est donc une phase d’achat avec une interaction minime et indirecte. On récupère ce qui nous servira à valider nos futurs objectifs et préparer les assauts sur les villes de l’Empire.

 

La marche de l’Empereur

Comme dans Smallworld, où il faut choisir son moment pour mettre son peuple en déclin, il faut ici passer de Dignitaire à Empereur. Aucune contrainte, il suffit de le dire et de retourner son plateau personnel. Là encore, pas de particularité, juste un rappel de ce que vous pouvez maintenant faire.

Car votre vie change : on vous trouve trop intelligent, beau et sympa. Vous êtes invité aux soirées, mais surtout vous avez accès aux villes de l’Empire. Vous établissez votre base dans une province et allez pouvoir vous étendre et attaquer. Il faut déplacer ses jetons légions en nombre.

Les combats sont basiques, chaque armée annule une armée adversaire. Mais pensez à garder de l’argent pour remobiliser vos troupes vaincues. Envahir des villes permet de remplir un objectif. Tout comme augmenter votre influence en glissant les bonnes cartes dans votre zone d’influence. Revers de la médaille, piocher dans un autre paquet que celui de votre province vous coûte maintenant plus cher.

 

Les deux phases d’une carrière

 

Être Empereur donne accès à la partie de la carte province interdite auparavant. Cet effet sera placé pour le reste de la partie dans votre Zone Empereur. Cela permet de réaliser une action ponctuelle ou continue (une fois ou permanente). C’est ainsi que vous gagnez des points d’influence dans trois domaines : Peuple, Armée, Politique. Ces cartes seront placées au dessus du plateau et visent la validation d’un objectif. On peut ainsi voir ce que convoitent les voisins.

 

Albinus est concentré sur l’Armée, au détriment du reste. Une technique risquée.

 

Dans cette phase, l’interaction est plus importante car un objectif, même validé, peut être repris si quelqu’un fait mieux et aligne des valeurs supérieures aux vôtres. Les objectifs sont variés et valident la somme de pièces, le nombre de villes conquises ou le niveau d’influence. Ils portent des noms comme Consensus, Élu du Sénat, Adulé etc, là encore en rapport avec la réalité historique.

 

Les objectifs pour asseoir sa victoire

 

Une fois quatre objectifs atteints par un joueur, la partie s’achève et l’Empereur est en place. Les autres ont plutôt intérêt à disparaître.

Étonnant, ce Ludochono a été tourné à Lugdunum !

 

Acclamé par les soldats, aimé du peuple ?

Quand on parle d’œuvre de commande ou de licence, malgré les efforts fait ses derniers temps, (je pense à Villainous ou au récent Star Wars deck building), j’ai toujours la crainte d’un sous Monopoly pondu par une boîte de comm’ qui n’y connaît rien, ou d’un jeu qui, se voulant tellement tout public, reste trop vague. On est loin de ce genre de raté avec ce titre. Le jeu est un tout à part entière, historique et ludique, concocté par des professionnels. Le fait qu’un organisme, lié à la Métropole lyonnaise soit partie prenante, ne fait que renforcer le thème et le décor plutôt que l’étouffer. L’amusement, le ludique prime et le pédagogique ne s’impose pas, il reste à votre disposition si vous avez envie de creuser. Libre à vous.

Niveau jeu, le deckbuilding est accessible pour des joueurs initiés. On ne pourra pas nettoyer son paquet phase 1, mais en posant ses cartes pour activer le pouvoir de l’Empereur, on pourra se débarrasser des certains éléments gênants un peu plus tard. Une fois encore, nul besoin d’être un expert pour se frotter à cet exercice demandant d’acheter des cartes aux logos qui s’additionnent afin de valider un résultat. Simple. On imagine pourtant assez mal une famille non joueuse, achetant la boite après visite du musée, se lancer dans une partie avec facilité. Même si les règles sont claires, ce n’est pas évident lorsqu’on n’a pas un minimum d’expérience. Il faudra un peu d’aide et quelques efforts.

 

La simplicité des combats. Deux jetons S contre un jeton P

 

Le jeu mélange chance (acheter une carte qui donne 3 sous au tour 1 par exemple), mais nécessite une vision globale de ce qu’on veut faire, anticiper ses activations d’Empereur alors que nous ne sommes que Dignitaire, et surtout choisir son moment pour retourner sa veste son plateau et passer au niveau supérieur. Généralement, cette action force les autres à faire de même. On pourrait se dire que l’on va continuer à se préparer, à se renforcer pour contre-attaquer avec une puissance imparable plus tard, mais ça ne marche pas comme ça. Sans être une course de vitesse, le fait de devenir Empereur débloque des pouvoirs et accélère le jeu, la course aux objectifs étant lancée, tout comme les invasions des villes qu’il faut freiner, il ne faut pas être à la traîne. Si l’on veut être concurrentiel, il ne faut pas laisser l’autre s’implanter trop profondément en lui laissant des territoires ou lui laisser gagner trop d’influences au risque de ne plus pouvoir le dépasser. Il y a un moment où les hommes d’actions doivent prendre le pas sur les diplomates.

 

Et tout cela en partant avec peu

 

Le jeu propose des parties rapides pour 2 à 5 joueurs, la meilleure configuration étant 3 ou 4 joueurs. On peut, après quelques essais, terminer en moins de 30 minutes. Avec ses visuels soignés, son fond historique présent mais pas appuyé et ses mécaniques de petite gestion, d’anticipation,  d’opportunisme par rapport aux sorties de cartes, L’année des 5 Empereurs est une bonne surprise à tout point de vue. Voilà un jeu que l’on peut sortir facilement avec un public un peu habitué. Les experts ne rechigneront pas non plus à se laisser aller à ce deckbuilding. Le matériel manque en général d’épaisseur, je vous conseille, pour une fois, d’investir dans des protèges cartes. Pour le reste, il n’y a rien à redire tant ce jeu est bien calibré pour offrir un divertissement qui touche une large cible. Que vous habitiez Alexandrie, Lugdunum ou Rome.

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