Pour ce dernier numéro estival de l’Actu du Participatif, je vous propose une sélection qui sent bon (?) la fin du monde, les robots et… les zanimaux !

En bref, il semble y avoir des filons thématiques assez courants dans les financements participatifs de ces derniers temps, avec une prépondérance de jeux à figurines, joliment illustrés où les personnages se battent contre des monstres pour remettre un peu d’humanité dans ce monde d’androïdes. Dans une moindre mesure, le thème de la nature et, en particulier, des randonnées et des excursions en tout genre, semble aussi avoir la cote. 

Vu le nombre de jeux se revendiquant ou ayant un lien plus ou moins étroit avec la mouvance Cyberpunk sortis ces derniers mois (depuis le début de la chronique, ils représentent à peu près 30%, suivant les critères adoptés), j’ai décidé de me renseigner de plus près sur ce genre artistique qui, loin de se cantonner au seul univers ludique, concerne tout aussi bien le cinéma que la BD et la littérature. 

Édito – Qu’est-ce le cyberpunk ?

Celles et ceux d’entre vous qui sont à l’affût des dernières nouveautés dans l’univers des séries cinématographiques savent peut-être que la sortie de l’adaptation du jeu-vidéo Cyberpunk 2077 est prévue pour le mois prochain. Dans ce jeu-vidéo – dont le jeu de plateau correspondant a été financé avec succès le mois dernier – tous les éléments caractéristiques d’un univers cyberpunk semblent réunis : en même temps que l’usage des technologies les plus avancées s’est en partie démocratisé, avec la possibilité de les employer pour augmenter le corps humain, la majorité des êtres humains sont pauvres et décadents, du fait de la puissance de mégacorporations qui les tiennent sous leur coupe.

Si l’univers que je résume semble présenter un script assez courant de tout scénario post-apocalyptique qui se respecte, il contient en réalité une tension propre au courant cyberpunk : « une combinaison de low life et de high tech » (B. Sterling). Autrement dit, ce genre littéraire qui est né aux Etats Unis dans les années ’80 (avant même l’invention du premier Macintosh), aurait pour spécificité l’association au sein du même univers de technologies extrêmement poussées (intelligence artificielle, cybernétique, fabrication d’androïdes) et d’inégalités sociales tellement fortes que l’existence des êtres humains se réduit à un quotidien sombre, oppressant et répétitif, au-delà duquel il est impossible de se projeter.

 

Neuromancier, roman cyberpunk de W. Gibson (1984)

Du fait de cette contradiction centrale entre un développement technologique effréné et un niveau de vie extrêmement bas, le genre cyberpunk a représenté le creuset duquel ont émergé de nombreuses questions philosophiques, éthiques et sociales qui touchent de près la condition du genre humain, et son rapport au monde.

Ainsi, le roman précurseur Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de P. K. Dick (1968) prenait au sérieux la possibilité de créer artificiellement des animaux robotiques ressemblant en tout point à des animaux vivants. C’est pourtant un authentique mouton que cherche à acquérir le protagoniste Rick Deckard durant toute la narration, non pas au nom de l’empathie, mais pour garder le souvenir d’un ancien monde qui n’était pas encore dévasté par les guerres nucléaires. 

L’affiche du film Blade Runner (R. Scott, 1982), adapté et inspiré du roman de P.K. Dick cité.

D’ailleurs, contrairement à l’idée assez commune selon laquelle l’empathie permettrait de distinguer un androïde d’un être humain, Les androïdes… mettent en scène une espèce humaine qui s’accroche à l’empathie pour la souffrance et les tourments de Mercier comme à la dernière drogue qui permettrait à chacun de se sentir encore vivant. En même temps, le test de Voigtt-Kampf, fondé sur l’empathie, se révèle inefficace pour détecter un androïde particulièrement développé. Et la frontière entre l’humain et la machine est encore plus brouillée durant le roman, puisque Deckard, traqueur et chasseur d’androïdes, est régulièrement interpellé par les réactions des Nexus-6 qui semblent révéler une capacité à éprouver des émotions.

Bon, je trouve toutes ces questions très intéressantes, mais qu’en est-il dans l’univers ludique ? Outre le jeu de rôle Cyberpunk et ses rééditions de Mike Pondsmith, Chronicles of Crime : 2400 de D. Cicurel et W. Grajkovski parvient à décliner le thème de l’investigation policière dans un univers cyberpunk, dans lequel le personnage principal peut user de ses augmentations cybernétiques et de son cyber-corbeau pour résoudre ses enquêtes.

On retrouve ainsi quelques caractéristiques des jeux de plateau du genre : composante narrative importante proche du jeu de rôle, mais aussi la tendance à reprendre certains motifs littéraires ou cinématographiques pour les fondre dans des mécaniques originales. 

Chronicles of Crime : 2400

Pourtant, l’inverse pourrait aussi être vrai : puisqu’il s’agit d’un genre assez précis, certaines structures thématiques ou mécaniques de l’univers cyberpunk risqueraient d’être reproduites, ce qui donnerait des jeux scriptés avec des ressemblances parfois importantes, voire des répétitions.

Alors, qu’en pensez-vous ? Les derniers financements participatifs cyberpunks parviendront-ils à être originaux et à se démarquer de ce qui a déjà été publié, ou finiront-ils par ressembler à n’importe quel autre jeu de figurines post-apocalyptique ?

Dans Barbaric, des animaux mutants voyagent sur des vaisseaux qui leur donnent des capacités spéciales.

Et pourquoi la communauté ludique est-elle si gourmande de ces univers ? Proximité avec la réalité, anticipation d’un futur proche, réflexion sur le genre humain, ou encore simple tendance du moment ?

En espérant vous lire nombreuses et nombreux, je vous livre les pépites participatives du mois d’août, avec sa bonne dose de cyberpunk, mais aussi de science-fiction et d’apocalypses diverses et variées !

La sélection d’août

Amateurs de Pokémon et de rétro-gaming, vous serez probablement séduits par l’univers de RoboMon. Ce jeu, créé et édité par Gabe Barrett, annonce une campagne au thème original, rejouable et à durée très variable. Vous incarnez un chasseur d’animaux robotiques créés pour restaurer les écosystèmes et rétablir l’équilibre sur Terre. Pour agrandir votre cheptel de Pok… pardon de Robomons, vous allez devoir résoudre des énigmes, compléter des puzzles et acquérir des habiletés qui vous permettront de remporter des batailles. Robomon est pensé pour être joué en solitaire et peut éventuellement être joué de façon coopérative à deux. 

• Thème : Jeux vidéo, dessins animés, fantaisie, aventure
• Mécaniques principales : Construction de personnage, exploration, résolution de quêtes, affrontement, coopération
• Nombre de joueurs : 1 à 2 joueurs
• Durée d’une partie : entre 5 minutes et 30 heures
• Langues : Anglais (livrets d’aventures, d’exploration et de règles en anglais)
• Disponibilité en boutique : Non annoncée officiellement (mais il existe un pledge retailer)
• Période de financement : du 22 août au 17 septembre
• Date de livraison prévue : Août 2023
• Prix : entre 79 et 125 euros (hors TVA et 20 euros de livraison pour un jeu de base).
• Lien de la campagne

RoboMon – photo du prototype

Ce que j’aime : Sans être un fan de l’univers des Pokémons ou de consoles Nintendo, je trouve ce thème original et, d’après les présentations du jeu que j’ai regardées, il semble également mis au service du jeu de façon cohérente. Je suis en revanche partagé par le coût du jeu : il est vrai que la réalisation de certains éléments de jeux (les dés, les livrets…) doit être coûteuse, mais le prix me semble tout de même excessif pour un jeu solo.

Dans Barbaric, de Thitinan Ngamsom, vous jouez le rôle d’un être hybride résultant de la surexploitation des ressources de la planète et de nombreuses explosions nucléaires. Dans cet univers post-apocalyptique teinté de cyberpunk, vous combinerez les habiletés de votre personnage aux capacités de son véhicule par des mécaniques de tableau- et de deck-building, il vous faudra maîtriser le monstre pour éliminer vos adversaires ou pour augmenter vos pouvoirs. En éliminant vos adversaires deux fois, vous mettrez ainsi fin au jeu et remporterez la partie. 

• Thème : Science-fiction, dystopie, univers post-apocalyptique
• Mécaniques principales : Tableau-building, deck-building, mouvement, combat, campagne
• Nombre de joueurs : 2 à 4 joueurs (six joueurs avec extension)
• Durée d’une partie : 40 à 90 minutes
• Langue : Anglais (l’éditeur est à la recherche de localisations dans d’autres langues)
• Disponibilité en boutique : Inconnue
• Période de financement : Du 8 août au 5 septembre
• Date de livraison prévue : Juin-juillet 2023
• Prix : entre 115 et 335 euros (hors extensions et ajouts, TVA et frais de port – entre 25 et 30 euros pour la France).
• Lien de la campagne

Barbaric

Ce que j’aime : Le nombre de figurines du jeu et la qualité annoncée me laissent penser que les amateurs de peinture pourront laisser libre jeu à leur imaginaire et jouir d’une belle expérience esthétique. C’est pour cela que, en dépit du pledge relativement coûteux et des mécaniques qui semblent bien fonctionner sans être foncièrement innovantes, je vous propose Barbaric.

Dans ce jeu, R. Courtney nous invite à tracer des chemins en posant des cartes pour marquer le plus de points et remporter la partie. Une seule condition : ces chemins doivent être des boucles qui partent et reviennent au campement de base (chemin de randonnée, de VTT et parcours de kayak). En réalisant vos chemins, vous ferez attention à remplir des objectifs durant votre jeu et pour le décompte final. On a là un jeu accessible et facilement transportable. 

• Thème : Nature, randonnée, sport
• Mécaniques principales : Pose de cartes, objectifs, draft, construction de chemins
• Nombre de joueurs : 1 à 4, voire 8 joueurs en fonction de la version choisie
• Durée d’une partie : 30 minutes environ
• Langue : Anglais (pas de texte sur les cartes)
• Disponibilité en boutique : Oui
• Période de financement : Du 11 juillet au 11 août
• Date de livraison prévue : Mai 2023
• Prix : de 10 (print-and-play) à 75 euros (hors TVA et frais de livraison, autour de 13 euros)
• Lien de la campagne
• Disponible sur Tabletop Simulator

Trailblazers

Ce que j’aime : Bitewing Games propose avec Trailblazers du matériel de qualité avec des meeples sérigraphiés et des cartes plastifiées. Vous pourrez ainsi accrocher votre petite boîte grâce au mousqueton et prendre votre jeu durant vos randonnées. N’ayez crainte s’il pleut : les cartes sont étanches. Si vous aimez la nature et que le prix (à mon sens un peu élevé) n’est pas un problème, vous apprécierez peut-être ce jeu facile d’accès.

A. Shaw et A. Hall proposent la deuxième saison d’Ivion, un jeu d’affrontement dont la première saison a été livrée en 2021. Chaque joueur façonnera son héros grâce à de nombreuses combinaisons de cartes qui lui permettront d’accroître ses habiletés, gagner des points d’action, limiter les pouvoirs des adversaires et gagner des points de vie. Il vous faudra également une bonne dose d’opportunisme pour attendre le moment propice à l’utilisation de vos cartes, celles-ci vous permettront en effet de gagner vos combats en augmentant votre puissance. Le gagnant est celui qui parvient à éliminer les adversaires du jeu. Les différents jeux de cartes assurent une rejouabilité accrue et des possibilités d’interaction avec les héros de la première saison. Les amateurs de figurines pourront personnaliser le matériel qui, à en croire les retours de la première saison, devrait être de bonne qualité.

Ivion : Winter’s Bite

Ce que j’aime : La première chose qui me frappe dans cette campagne, c’est la possibilité d’avoir une expérience de jeu complète avec le niveau minimal de pledge dont il faut aussi saluer le montant assez raisonnable. Pour une cinquantaine d’euros tout frais compris, vous pourrez choisir une boîte de cette deuxième saison d’Ivion qui peut être utilisée seule ou combinée avec d’autres. Pour les plus ambitieux, vous pourrez acquérir toutes les boîtes d’Ivion et ainsi être certains de profiter d’une rejouabilité importante. Les règles sont également claires et concises, ce qui fait que la prise en main devrait être rapide et l’expérience de jeu fluide. On a donc là un jeu de figurines abordable, tant pour l’expérience de jeu que pour le porte-monnaie, qui ne lésine pas sur la qualité pour autant. Enfin, l’éditeur s’est engagé dans la création d’une communauté de joueurs en mettant en place un tchat Discord dédié à Ivion.

Nous voici à Neo-Eden, la seule ville dans laquelle l’espèce humaine survivante ait pu se concentrer après la destruction de l’atmosphère terrestre. Quatre personnages (joués par un, deux, trois ou quatre joueurs) sont chargés de récupérer leurs souvenirs pour déjouer les plans de la Babel Corporation et mettre le précieux Nanolith (ressource aux multiples pouvoirs bénéfiques) au service de l’humanité. M. Scwämmlein et M. Witt crée ainsi un jeu à campagne au thème… en vogue, avec une part de narration conséquente et une forte rejouabilité (soixante heures annoncées). Chaque personnage a des habiletés spécifiques qui, combinées à ceux des autres, permettent de remporter des batailles et de résoudre des quêtes. Les actions de personnages sont exécutées en attribuant des dés qu’on lance au début de chaque tour. Attention, toutefois, car, en surexploitant les capacités de vos personnages, vous risquez de les endommager en engendrant trop de stress. Mais le stress peut aussi se révéler une ressource utile pour augmenter l’efficacité de certaines actions. Il vous faudra donc trouver le bon équilibre entre l’utilisation des capacités de vos personnages et leur préservation.

Nanolith

Ce que j’aime : Malgré un thème récurrent dans ces dernières campagnes (ah bon ?) et des éléments narratifs assez classiques, Nanolith semble être un jeu immersif avec une cohérence thématique forte. Les deux livres (Storybook et Encounterbook) semblent bien travaillés, grâce à une BD qui associe les illustrations et la narration, aux quêtes et aux énigmes dont la résolution permet d’avancer dans la campagne. Le coût des pledges me paraît raisonnable eu égard au matériel de jeu et aux stretch goals déjà débloqués et annoncés. Enfin, comme le jeu est envoyé depuis l’Europe (Allemagne), les frais de livraison n’excèdent pas quinze euros et il n’y aura pas de TVA à régler à la réception.

R. Halliday et TJ Swing publient un jeu qui n’est pas sans nous rappeler Parks. Dans Hike It!, chaque joueur incarne un randonneur qui a pour objectif de parcourir le parc naturel des Smokey Mountains, aux États-Unis. Pour remporter le plus grand nombre de points et remporter la partie, il vous faudra trouver un équilibre entre équipement et mouvement : en effet, mieux vous êtes équipé, plus votre sac-à-dos pèse (et moins vite vous pourrez atteindre votre prochaine étape). En même temps, lorsque le temps est pourri ou qu’on est épuisé, on a intérêt à bien s’équiper ou à s’arrêter au refuge… Il vous faudra donc faire des choix cruciaux pour vous adapter aux événements qui se présenteront durant la partie et élaborer une stratégie gagnante.

Hike It !

Ce que j’aime : Les mécaniques du jeu semblent bien épuiser son thème. Celui-ci devrait donc être traité de façon cohérente, voire réaliste. Le lancement de la campagne était prévu au départ pour le 16 août. Il est finalement reporté à octobre pour apporter des modifications au jeu après les parties de test qui ont eu lieu durant la GenCon. Ce choix me semble de bon augure pour la qualité du jeu qui sera proposé.

À bord du vaisseau Spark, votre personnage tâchera de livrer des marchandises nécessaires à la survie de l’espèce humaine, à l’aide de trois autres membres de l’équipage. Entre la piraterie spatiale et des événements menaçants, Spark Riders 3000, édité par Arkada Studio, promet une expérience de jeu palpitante que vous pourrez jouer tout(e) seul(e) ou avec un maximum de trois autres joueurs. 

Spark Riders 3000

Ce que j’aime : Spark Riders 3000 semble accessible et riche en interactions coopératives. Les dés introduiront une variable intéressante dans chaque partie : la puissance de chaque action. Je suis impatient d’en savoir plus. En attendant, le travail graphique semble bien mené.

Totsuca Chuo, auteur de jeu émergeant au Japon, s’apprête à lancer le Kickstarter de son septième jeu, Atlas Lost édité par Tactical Games. Pour le moment, nous savons que l’objectif de chaque joueur sera de reconstruire un arbre de technologies qui permettront un nouvel essor à l’univers post-apocalyptique d’Atlas. C’est ainsi que vous pourrez reconstruire la civilisation humaine et devenir le nouveau souverain. Le jeu devrait venir avec un système modulaire de mécaniques qui permettront différents niveaux de difficultés.

Atlas Lost

Ce que j’aime : Je suis curieux d’en savoir plus sur Atlas Lost puisque, d’après ce que j’en ai lu, il s’agit d’un jeu de civilisation qui sort de la mécanique des classiques 4X sans être pour autant un jeu de combat entre figurines. Les illustrations des cartes semblent également très soignées, puisqu’elles ont été en partie réalisées par Kazuma Koda, illustrateur de jeux-vidéo et de films.

Dans The Fox Experiment d’Elizabeth Hargrave (Wingspan, Tussie Mussie, Mariposas) et Jeff Fraser, votre objectif sera de donner naissance au renardeau le plus amical à partir d’une sélection de renards présentant certains traits physiques. C’est en effet l’expérience qui se déroule depuis 1958 dans laquelle deux scientifiques soviétiques ont commencé à sélectionner les renards les plus curieux et les moins craintifs envers les humains, afin d’obtenir un renard de plus en plus domestiqué. Durant chaque manche (il y en a cinq en tout), vous ferez reproduire vos renardeaux les plus susceptibles d’être domestiqués, afin de mener à bien votre expérience. Le joueur qui marque le plus de points en collectionnant le plus grand nombre de traits physiques remporte la partie.

Ce que j’aime : E. Hargrave propose ici un jeu dont le thème est original, indépendamment du caractère problématique que peut avoir pour certains la sélection génétique qui vise à la domestication de certaines espèces animales. Comme dans Wingspan, l’expérience de jeu semble fluide et également amusante puisque chaque joueur devra nommer ses renardeaux. Les quelques illustrations vues çà et là me semblent très belles.

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