Joraku : pépite cachée sous les feuilles ?

Joraku est une création de Iori Tsukinami arrivée en 2015 chez Moaideas Game Design, un éditeur Taiwanais. J’en avais entendu parler à l’époque et son thème (le Japon féodal) m’avait intrigué, mais je n’aurais jamais imaginé le retrouver en français. Nuts! publishing, l’éditeur breton plutôt spécialisé dans les jeux type wargame ou warteaux, a pourtant intégré à sa gamme famille ce petit jeu de plis et de contrôle de zones. Ce Joraku semble être un peu passé entre les gouttes et c’est bien dommage. Rectifions cela !

 

Joraku, j’auras pas venu (pas fier de celle-là ^^)

Le jeu prend place dans le Japon de l’ère pré Edo pendant le Shogunat Ashikaga. Celui-ci est en déclin et divisé par des Daimyos, des chefs de guerre qui cherchent à se partager le gâteau le plus avantageusement possible, mais pour eux-mêmes évidemment. Nous jouons ces chefs de guerre : celui qui remportera le plus de points de prestige deviendra Shogun à la place du Shogun.

 

« Joraku » signifie « en avant vers Kyoto », je ne fais pas mon singe savant capable d’aller pianoter sur Wikipédia, c’est juste mentionné au début des règles, et si je le rapporte c’est que cela aura son importance en jeu. En effet nous allons placer et déplacer des cubes à notre couleur sur le plateau symbolisant le Japon, divisé en sept zones qui donneront lieu à des calculs de majorités. En bout de plateau tout à gauche, Kyoto qui nous permettra de remporter des points, beaucoup de points, mais seulement en fin de partie. Ce qui fait que l’on va tous petit à petit se déplacer vers Kyoto en fin de partie.

 

 

Voilà d’ailleurs une des premières particularités du jeu : nous allons jouer trois manches qui se solderont donc par du calcul de majorités dans chaque zone, mais cela évoluera dans la partie. Par exemple, Shinano, la zone la plus à droite, rapporte quelques points, mais uniquement en début de partie, par conséquent on s’en ira assez rapidement et cela concentrera les « combats » dans les autres zones. Tootomi, la zone numéro 5, ne sera elle aussi plus décomptée sur la dernière manche. À l’inverse, les zones de Kyoto et de Omi ne rapportent pas ou très peu de points en début de partie, mais énormément en fin. Le game design nous offre une belle façon de concentrer les débats sur des zones précises du plateau selon des timings particuliers de la partie.

 

Le roseau plie mais ne rompt pas

Comment on joue au fait ? Si vous voulez voir précisément comment cela fonctionne, je vous invite à visionner le Ludochrono, vous pourrez en plus profiter du magnifique accent japonais de Mat 🙂 Joraku se joue tout simplement avec des cartes : à quatre joueurs nous débutons avec 5 cartes en main, et nous allons en transmettre deux à notre voisin de gauche qui fait de même avec le sien, etc. Si bien que nous avons une information partielle sur ce que tout le monde détient, basé sur ce que nous avons transmis à notre voisin.

 

 

Ensuite, et bien c’est simple, si j’ose dire, le premier joueur joue une carte et comme dans tout bon jeu de plis, ici nommée « escarmouche » nous avons des couleurs : bleues (les Yari), jaunes (les Ju) et rouges (les Katana), et les adversaires doivent répondre avec la couleur demandée, sauf s’ils n’en ont pas. Mais, petite particularité que nous offre Joraku, la carte jouée va nous permettre de placer ou déplacer des cubes dans les régions du Japon. Son chiffre indique en effet la zone où nous allons pouvoir placer de un à trois cubes, ou combien de points d’actions on va bénéficier.

 

 

C’est là que vous comprenez qu’une carte de forte valeur va nous permettre plus de choses, comme déplacer des cubes actions, mais une carte de petite valeur nous permet aussi de placer des cubes dans des zones gratifiantes en points. Equilibré ! 

 

Le joueur qui remporte le pli va donner lieu à un calcul de majorité. Là où se trouve son Daimyo, les joueurs vont se partager 3 2 et 1 points. S’il a bien joué, il doit être majoritaire. Puis il relance avec une carte de sa main, toujours afin de placer des armées (cubes) dans un territoire ou d’en déplacer. Être premier n’est pas vraiment un avantage puisque vous risquez de vous faire déloger d’un territoire, il faudra donc bien réfléchir et planifier vos cartes, surtout ne pas les jouer à la légère.

 

 

Mentionnons le Ninja qui détient deux particularités : il ne remporte un pli que si une carte 6 a été jouée, et il permet de placer de un à trois cubes, mais où l’on souhaite sur le plateau, même Kyoto… surtout Kyoto j’ai envie de dire. Là aussi, jouée au bon moment, elle peut faire la différence !

 

Cachée sous les feuilles ?

On dirait que cette petite boite est un peu passée inaperçue, pourtant elle mérite à mon sens de ne pas tomber dans l’oubli. 
Au premier abord, le thème peut sembler un peu plaqué, comme souvent dans les jeux de plis qui tentent de proposer un thème, mais finalement il s’intègre assez facilement, mieux, tout fait sens. Il nous permet en plus de profiter d’une certaine joliesse matérielle.

On aura regretté deux choses. L’erreur de nom sur les ninjas (ils portent tous la mention Yari pourtant dévolue aux cartes bleues, ce qui nous a laissés interrogatifs au début), mais surtout le système de scoring un peu rébarbatif qui nous oblige à déplacer des cubes sur une piste (ce que l’on fait à chaque pli et chaque fin de manche tout de même). D’autant que la piste serpente et cela favorise assez facilement les erreurs. On aurait préféré un autre système. Ici, on a fini par adopter la bonne vieille feuille de papier et un crayon. Sur BGG un contributeur propose une piste qui semble plus pratique (à voir). 

 

 

Joraku nous propose une mécanique assez simple finalement, mais attention toutefois à ne pas trop prendre pour argent comptant le mot Family sur la boite. Pour l’éditeur, certes oui ça représente un jeu familial au regard des titres qu’il édite ou localise habituellement, mais n’espérez pas sortir ce jeu à vos réunions familiales sans faire transpirer des cheveux.

Entre joueurs plus avertis, c’est un titre qui montre une certaine profondeur, à la fois tactique et stratégique, il faut anticiper finement et planifier. On ne pourra pas être partout, il faudra choisir ses batailles. C’est un jeu de plis, avoir un peu de mémoire et se souvenir des cartes jouées et des cartes transmises peut grandement aider.
Attention, généralement on joue mal la première partie, c’est en rejouant que l’on réalise les finesses du jeu. Une fois que vous aurez maitrisé la bête, vous pourrez rajouter les cartes variantes (on n’en a pas ressenti le besoin).

Joraku est un jeu minimaliste dans la lignée des 300 La terre et l’eau, Rumble Nation, ou encore Le roi est mort. Une petite boite et un petit prix, bien édité (si l’on excepte la piste de score), tactique, stratégique, interactif avec un peu de profondeur… que demandez de plus ? On pourrait regretter qu’il n’existe pas une version pour deux joueurs, mais il semblerait que l’éditeur travaille dessus et devrait nous proposer cela en début d’année prochaine, avec en plus une version solo. On apprécie cet éditeur qui n’abandonne pas son jeu en rase campagne (japonaise).

 

 

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2 Commentaires

  1. morlockbob 08/12/2021
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    pépite qui peut encore être découverte

  2. Groule 09/12/2021
    Répondre

    Ici aussi j’ai été conquis par ce jeu autant concis que tactique.

    (définitivement pas familial pour moi, plutôt pour « initiés » ^^)

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