Joan Dufour, un auteur un brin taquin !
Si vous êtes amateurs ou amatrices de jeux et arpentez les festivals et les associations toulousaines, il y a de fortes chances que vous ayez déjà rencontré Joan Dufour qui travaille à l’hôpital et créateur de jeux dans son temps libre. Il fait partie du MALT, le Mouvement des Auteurs Ludiques Toulousains. Pour le moment, trois de ses jeux sont édités : Trézors chez Djeco, un jeu pour enfant que j’ai eu la chance d’essayer des années auparavant, quand ce n’était encore qu’un prototype, Flash 8, le jeu de Taquin paru chez le Scorpion Masqué et enfin Dream Runners sorti l’an dernier chez Ankama.
Joan, débordant d’idées et de projets, cache plein de prototypes dans sa besace, dont certains sont actuellement en voie d’édition.
Petit zoom sur la vie d’auteur en 2021 dans un monde en pandémie, sans associations ni festivals pour rencontrer le public, les professionnels ou d’autres compères auteurs…
Ludovox – Bonjour ! Entrons dans le vif du sujet : Qu’est-ce qui t’a amené aux jeux de société, et quel genre de joueur es-tu ?
Joan Dufour – J’ai toujours aimé les jeux de société depuis tout jeune. Je me rappelle du jeu Risk que l’on sortait souvent avec mes parents, puis de Stratego, Dungeonquest, Super Gang,… Du jeu de rôles aussi avec Maléfices et Chill. Comme j’étais fils unique, les livres dont vous êtes le héros ont occupé une bonne partie de ma vie ludique.
Je suis un joueur régulier mais je joue souvent avec mon cercle d’amis ou avec ma compagne et mon fils de 6 ans. Mon travail à l’hôpital et la création de jeux me laissent peu de temps libre. Je joue donc très peu à des gros jeux, plutôt à des jeux familial +, comme on dit (Abyss, Tikal 2…). J’adore les roll and write, je trouve qu’il y a des propositions vraiment intéressantes actuellement (Demeter, Welcome, Trek 12…).
L – Qu’est-ce qui t’a amené à concevoir des jeux, à passer de l’autre côté ?
JD – Vers 9-10 ans, j’adorais jouer dans les salles d’arcade à la fête foraine. Mes jeux préférés étaient Arkanoid (le casse briques) et Pac Man. Un jour, j’ai décidé de transposer ce classique sur une feuille de papier avec des pions en carton. J’en étais très fier, même si les règles étaient approximatives. Depuis, j’ai continué à essayer de créer des jeux…
L – Quelle est ta méthode de travail ? Tu réfléchis à des mécanismes originaux, ou tu essaies d’affiner un concept déjà existant, de le modifier ? Flash 8 et Dream runners me donnent l’impression que tu fais partie de cette seconde école…
JD – Je n’ai pas vraiment de méthode de travail, les idées viennent lorsque j’ai du temps libre, souvent quand je marche ou allongé ! Je suis visuel et je peux trouver n’importe quelle image ou objet inspirant. J’aime lorsque l’ergonomie du matériel est agréable. J’aime aussi lorsqu’il y a un petit feeling évoquant un jeu vidéo. Par exemple, sur Flash 8, j’ai adoré l’idée que le jeu fasse penser à Candy Crush esthétiquement.
Je suis un peu obsessionnel (mais je me soigne) et j’aime creuser un sillon qui me semble avoir bien marché (par exemple, j’ai deux autres jeux signés sur une mécanique de glissement de pions mais qui ne se ressemblent pas du tout). C’est vrai que Dream runners est un peu une « extension » de Flash 8 (le côté casse-tête, simultanéité), je m’en suis aperçu après… Malgré tout, je ne m’interdis pas d’explorer d’autres mécaniques.
L – Comment est née l’idée de Dream Runners ? Peux-tu nous raconter sa genèse?
JD – J’adore les dungeon crawlers. Le proto s’appelait au départ Dungeon speed. L’idée était de progresser dans un donjon pour récupérer des pierres précieuses. Ankama [la maison d’édition qui a publié le jeu – Ndlr] a voulu changer de thème et je pense qu’ils ont bien fait. Il me semble qu’il a une identité un peu plus distincte ainsi.
Je trouvais cool l’idée de progresser dans différents niveaux avec des polyominos. L’idée m’est venue en regardant les règles d’un jeu un peu ancien où il faut assembler des formes en « L ». Ce qui est drôle, lorsque je regarde les critiques de Dream runners, c’est que beaucoup s’accordent à dire que c’est un jeu abstrait auquel on a accolé un thème superficiel. Pourtant, quand j’ai l’occasion d’y jouer, je ressens un feeling d’exploration malgré tout !
L – Comment s’est passée la phase de développement avec Ankama ? Qu’as-tu appris de cette phase-là ?
JD – Pour Dream runners, je suis passé par l’intermédiaire de Forgenext (une agence ludique qui fait le lien entre l’auteur et l’éditeur). Le jeu a mis trois ans à se faire car pas mal de changements ont été nécessaires entre le proto initial et la version finale. Cela m’a permis d’apprendre … la patience et l’adaptabilité. Mon jeu était beaucoup plus simple au début, il a fallu l’étoffer pour améliorer la rejouabilité. Écouter les conseils et se remettre en question ont été essentiels. Même si Dream runners semble familial, l’équilibrage a demandé du temps et je suis très heureux du boulot fait.
L – Nous avons connu deux confinements, un troisième semble se préparer, comment un auteur fait-il pour éprouver ses prototypes dans ces conditions ?
JD – J’ai créé deux prototypes pendant le premier confinement. Lorsque que j’ai pu les faire tester avec mes copains du MALT cela n’a pas été convaincant… tout ça pour dire que dans la création, les tests sont primordiaux. J’ai souffert du manque de retours pendant cette période. Cela ne m’a pas empêché de réfléchir à d’autres idées. J’ai aussi pris beaucoup de plaisir à aider mon fils à créer son premier jeu !
L – Plus de 1000 jeux qui sortent par an, un titre en chassant un autre… Comment fait-on pour se faire une place dans ce milieu ?
JD – Effectivement, beaucoup de jeux sortent chaque année, c’est hallucinant ! Pour ma part, ce serait prétentieux d’affirmer que j’ai fait ma place dans le milieu. Mes jeux ont eu un succès très relatif (Dream runners n’a pas du tout décollé). Par contre, j’ai toujours cru que ma persévérance animée par ma passion ludique m’aiderait à aller au bout d’un projet. Je suis comblé d’avoir pu faire éditer déjà trois jeux. Et voir ma compagne et mon fils jouer à mes jeux finalisés avec moi, c’est déjà une belle récompense !
L – Comment ont-été accueillis Flash 8 et Trézors, en France et à l’international ? Comment as-tu vécu leurs sorties ?
JD – Comme dit plus haut, Trézors et Flash 8 ont eu un succès relatif. Trézors est passé sous les radars en termes de communication, mais lorsqu’il est sorti, j’étais fou de joie car c’était ma première création. Quelques vidéos sont disponibles sur le net dont une très amusante venant de Chine.
Pour Flash 8, l’éditeur (le Scorpion Masqué) s’attendait à un plus gros succès. Il se vend correctement malgré tout. Je suis très fier de ce jeu et du boulot que l’on a fait dessus. Je reçois beaucoup de messages super sympas de personnes ayant apprécié le jeu. Ça galvanise !
Mon meilleur souvenir est lorsque j’ai animé le jeu à Cannes. Deux dames d’un certain âge sont venues y jouer. On a beaucoup discuté des souvenirs de leur enfance et de ce qu’évoquait Flash 8 pour elles. En effet, le jeu est basé sur l’ancienne mécanique du Taquin, connue d’à peu près tout le monde. Elles sont reparties chacune avec une boite sous les bras en me remerciant du moment de convivialité. Un chouette moment !
L – Peux-tu nous parler des prochains jeux que tu as en projet ?
JD – J’ai trois autres jeux qui sont signés :
– « Space Writers » (nom provisoire) chez Jyde Games. Un jeu de « slide and write » où l’on glisse des pions représentant des missiles pour les faire correspondre à des vaisseaux que l’on coche. Ce sera un peu dans l’esprit de Space Invaders (toujours les jeux vidéo !). Ça devrait sortir en fin d’année.
– « Combot » (nom provisoire) créé avec Grégory Germain (qui vient de sortir « Chaudron Party ») chez Oka Luda. C’est un taquin coopératif qui n’a absolument rien à voir avec Flash 8 ! Un jeu qui va demander de la coordination ! Sortie fin d’année aussi.
– « Jackpot » chez Sit down! Un jeu de cartes dynamique où il faut faire des combinaisons pour marquer des points. Normalement, sortie premier semestre 2022.
En ce moment, j’ai un proto bien avancé, « Slash ». C’est un jeu de cartes avec du deck-building léger et de la prise de risque. Hâte de le montrer en festival !
L – J’ai souvenir d’un prototype d’un jeu avec une mécanique de déduction à base de lettres… Où en est-il ?
JD – Lorsque tu l’avais vu, il était signé chez un éditeur… Pendant deux ans, ils ne m’ont jamais donné de nouvelles et j’ai ensuite appris qu’ils n’existaient plus. Pas très élégant de leur part… Malgré les bons retours, je n’ai pas retrouvé d’éditeur. Tout le monde aimait le jeu mais c’est un jeu de lettres qui se joue seul, donc pas très vendeur. Pendant le confinement, j’ai essayé d’y retravailler en le rendant multi-joueurs et en essayant d’y incorporer plus de fun. Rien à faire, c’est toujours la première version qui marche le mieux… Comme c’est la mode des jeux d’énigmes (comme Ricochet), je ne désespère pas le faire signer. D’ailleurs, un éditeur de ma région serait intéressé pour le tester. Je croise les doigts !
Merci à toi, Joan !
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Natosaurus 03/02/2021
Un peu de FIJ dans cette interview ! ça ne remplace pas une vraie rencontre, mais merci de nous avoir présentés.
morlockbob 04/02/2021
PAin au chocolat vs Chocolatine!!!