Interview de Maximilian Maria Thiel, l’auteur de La Famiglia
Maximilian Maria Thiel est un auteur de jeux allemand qui maîtrise très bien la langue de Molière comme vous le verrez ci-dessous, puisque cet entretien a eu lieu entièrement en français, à sa demande. Vous avez sûrement entendu parler de son dernier titre, La Famiglia, puisqu’il a reçu l’As d’Or Expert lors du dernier festival de Cannes (localisation Super Meeple).
Maximilian est amateur de jeux interactifs et stratégiques, ses jeux préférés s’appellent Kemet, Imperial et Blood Rage mais aussi Caylus et Madeira. À travers ses quelques questions, nous allons essayer d’en savoir un peu plus sur lui et ses projets d’extensions pour son titre phare.
Bonjour Maximilian,
Nous t’avons rencontré à Cannes sur le FIJ. Était-ce ton premier Festival de Cannes ? Comment était-ce pour toi ?
Maximilian Maria Thiel : Oui, c’était la première fois. J’ai appelé Charles (Ndlr : Charles Amir Perret, co-fondateur de Super Meeple) début février pour lui demander si nous pouvions nous rencontrer à la foire de Nuremberg, car je voulais sortir une extension pour La Famiglia et j’espérais son soutien. Il m’a dit qu’il n’avait pas le temps à Nuremberg, mais que je pourrais passer à Cannes. Il aurait du temps pour moi. Il m’organiserait aussi un billet pour la cérémonie.
Quel effet cela fait-il de gagner l’As d’or Expert ?
MMT : Le fait que La Famiglia a remporté l’As d’Or a été pour moi un événement incroyable. Trois jours plus tôt, j’ai vécu l’une des pires journées de ma vie et à cause de cela je ne voulais plus aller à Cannes si mon amie ne m’avait pas convaincu. Et 3 jours plus tard, on m’a offert un succès qui m’a tellement surpris et bouleversé que j’étais au bord des larmes en raison des bas et des hauts niveaux d’émotion. Sur scène, je me suis senti relativement mal à l’aise et je ne me souviens pas bien de ce qui s’est passé. Mais les jours suivants ont été très agréables, car j’ai reçu beaucoup de félicitations.
Mais je suis aussi conscient que gagner l’As d’Or a beaucoup à voir avec la chance. Une autre composition du jury aurait peut-être donné un tout autre résultat.
Tu travailles sur des extensions pour le jeu, peux-tu nous en parler ?
MMT : Il y aura une petite extension cette année et une extension plus grande l’année prochaine. La petite extension est notamment l’extension pour 2 et 3 joueurs, donc une version 1 contre 1 et une version 2 contre 1. J’espère que les tests seront terminés dans environ deux mois.
La version pour 2 et 3 joueurs n’est pas vraiment une extension, mais plutôt une aide pour les personnes qui, faute de joueurs, y jouaient jusqu’à présent quand même comme ça. Mais jouer de cette manière ne fonctionne pas vraiment avec le jeu tel qu’il est pensé. C’est pourquoi ma motivation est de donner à ceux qui veulent absolument jouer à leur jeu à deux ou à trois, des éléments supplémentaires pour que le jeu soit vraiment jouable. Ces suppléments ne consistent qu’en une planche DIN-A4 à découper et une règle de 2 ou 4 pages.
Il est important pour moi de préciser que les versions pour 2 et 3 joueurs ne contiennent pas les expériences très essentielles de jeu à 4 joueurs et que ces versions ne feront pas partie du jeu de base. Sans l’esprit d’équipe, sans la planification, et sans le fait de vivre les choses avec le partenaire, la sensation de jeu sera tout autre et ne correspondra pas au concept d’origine. Pour moi, sans le jeu en équipe, c’est juste un jeu de « area-control » normal avec un mécanisme de sélection d’action spécial. C’est pourquoi il s’agira toujours d’une petite extension, qui vient sans boîte et peut être envoyée à petit prix dans une enveloppe DIN 4. Et il est surtout indiqué dans la règle ajoutée que l’expérience de jeu est totalement différente. Je dois admettre que les éditeurs étrangers sont également intéressés par cette extension, car ils espèrent ainsi vendre des exemplaires plus facilement.
Quelles sont les difficultés que tu rencontres ?
MMT : Ce qui est important pour moi, c’est que dans les versions pour 2 et 3 joueurs, chaque joueur ne joue qu’une seule famille et chaque joueur a le même nombre de tours. Je ne voudrais pas parler de difficultés mais plutôt de la nécessité de tests qui prennent du temps pour trouver l’équilibre.
Comment le développement de La Famiglia s’est-il passé ?
MMT : En 2010, j’ai eu l’idée de créer un jeu dans lequel les joueurs joueraient en équipe 2 contre 2 (comme au badmington). Je ne connaissais pas de jeu de société semi-coopératif de ce type à l’époque. En outre, j’avais l’idée d’une technique dans laquelle on retire 1 euro d’une étiquette de prix pour soi-même et qui rend ainsi le produit moins cher pour les joueurs suivants. Cette idée a résulté dans ces fiches d’action. De plus, je voulais intégrer un jeu d’area-control avec des jetons d’ordre cachés, car ce type de jeux donne justement une forte interaction. Le jeu « Game of Thrones » m’a servi de modèle. Comme je connaissais assez bien l’histoire, il m’a semblé évident d’utiliser le thème « Corleonesi contre Palermitani ».
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Qu’est-ce qui t’a passionné dans le sujet de la mafia ?
MMT : J’ai vécu en Italie dans les années 1990. Et là, j’ai été touché comme beaucoup d’autres par les meurtres de Falcone et Borsellino. Toutes les manifestations contre la mafia qui ont suivi m’ont impressionné. J’ai commencé à lire beaucoup sur la mafia (en particulier sur la « Cosa Nostra ») pour comprendre comment le système mafieux fonctionnait et, quelque temps plus tard, j’ai fait même des conférences.
Est-ce que tu t’es questionné sur le fait de traiter un sujet potentiellement sensible comme celui-là ?
MMT : Cette question m’étonne toujours. Dans la guerre des mafias, les membres de la mafia s’entretuaient. Il n’y a pas eu d’autres meurtres – à l’exception des membres de la famille – dans la lutte pour la suprématie. Tous les autres attentats perpétrés par la mafia n’ont rien à voir avec la lutte au sein de la mafia. Contrairement aux jeux sur des guerres, où il y a mille fois plus de morts innocents que dans tous les meurtres de la mafia réunis, cette question n’est curieusement pas posée, comme si les guerres étaient un phénomène naturel.
Comment ne pas “héroïser” les personnages ?
MMT : Dans notre jeu, vous ne voyez pas d’armes comme dans les autres jeux de mafia. Nous avons délibérément utilisé des blocs de bois au lieu de figurines.
As-tu trouvé facilement un éditeur ?
MMT : J’ai eu la chance de faire la connaissance d’Uwe (Rosenberg) des années plus tôt. Je lui ai montré le jeu. Il a aimé la technique concernant les actions, mais il n’aimait pas la part de conflits (c’est pourquoi j’ai développé plus tard « pour lui » Magnastorm avec un mécanisme d’action similaire). Il m’a adressé à Frank, avec qui il a fondé Feuerland. Frank a aimé le jeu dès le début.
Peux-tu nous parler des apports de Feuerland dans le développement du jeu ? Quid des illustrations (signées Weberson Santiago) ?
As-tu d’autres jeux en cours de développement actuellement ?
MMT : Il y a quelques jeux sur lesquels je travaille depuis longtemps. Mais concrètement, une petite extension pour 2 et 3 joueurs sortira cette année et la grande extension l’année prochaine.
En dehors des jeux, que fais-tu dans la vie ?
MMT : J’ai une petite fille de 7 ans avec laquelle j’ai beaucoup de joie de vivre. En ce moment, nous allons souvent à la découverte de trésors, après qu’elle a reçu un détecteur de métaux comme cadeau. Parallèlement, je suis en train de fonder ma propre maison d’édition de jeux avec l‘ incroyable aide de Frank.
Que pouvons-nous te souhaiter pour la suite ?
MMT : Que je vais encore beaucoup rire avec ma fille.
Merci à et bonne continuation !
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thegoodthebadandthemeeple 12/04/2024
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