InBetween – Un air de Stranger Things en duo
Adam Kwapiński est un auteur assez prolifique avec pas moins d’une vingtaine de jeux ou extensions publiés ces 5 dernières années et une dizaine prévus pour 2018. Cependant, rares sont ses oeuvres qui sont parvenues jusqu’à nos contrées francophones. Seul Héros a été traduit en français en 2017 et celle de Lords of Hellas est prévue pour mai 2018.
Avec InBetween, Adam Kwapiński nous présente un jeu de cartes asymétrique pour 2 joueurs. La partie prend place dans Upsideville, un trou paumé de l’Amérique profonde, dans les années 80. Une faille s’est ouverte sur un autre monde et une créature tente de faire basculer la ville et ses habitants dans sa propre dimension.
Un joueur interprétera la ville et ses citoyens, dont le but est de résister et de ne surtout pas basculer de l’autre côté. L’autre incarnera la créature, dont l’ambition est de s’emparer de la ville et d’en posséder les habitants.
Les illustrations ont vraiment de l’allure – notamment la couverture de la boîte qui m’a tout de suite attiré l’oeil – et l’ambiance du jeu est palpable. Paweł Niziołek (This War of Mine) et Seweryn Borkowski ont vraiment fait un beau travail.
Mise en place des protagonistes
Le matériel du jeu est assez minimaliste et de qualité honorable.
La boîte est juste dimensionnée pour emballer le tout avec deux petits compartiments.
On y retrouve les éléments suivants :
- 18 cartes double-face représentant chacune un personnage d’Upsideville. Lors de la mise en place on en prend 10 au hasard et on les dispose en forme de cercle en alternant les faces (dimension humaine / créature) ;
- Le deck de la ville, composé de 28 cartes différentes (actions et équipements) ;
- Le deck de la créature, composé de 4 jeux de 7 cartes différentes (actions uniquement) ;
- 2 pistes personnelles de la jauge de conscience et leur marqueur associé ;
- 10 cubes d’énergie pour chaque faction ;
- Un marqueur d’activité permettant d’identifier le personnage actif ;
- Un token indiquant le sens de rotation du marqueur d’activité.
En début de jeu, la partie est donc parfaitement équilibrée avec 5 personnages côté ville et 5 personnages côté créature.
Pour le moment il est assez facile de les faire basculer d’une dimension à une autre. Ils sont dans l’entre-deux (d’où le titre : « InBetween »).
Les protagonistes devront éveiller progressivement leur conscience (de ce qui se trame pour le côté humain / de comment interagir avec la dimension humaine pour la créature) et utiliser leurs atouts pour faire basculer pour de bon les personnages dans leur dimension.
La partie est gagnée dès qu’un joueur réussit à faire basculer complètement 3 personnages dans son camp.
Dissection d’un personnage d’Upsideville
Les cartes représentant les citoyens de la ville sont le cœur du jeu. Ces derniers sont représentés par une face humaine (le personnage tel qu’il était avant que sa vie bascule) et une face créature (le personnage tel qu’il devient lorsqu’il est peu à peu happé par l’autre dimension).
Chaque habitant est également identifié avec deux pictos (bleu pour la ville / rouge pour la créature). Ce sont ces pictos qui permettront aux joueurs d’influer sur les personnages et leur santé mentale.
Sous l’illustration on découvre un pouvoir propre à chaque personnage. Ils interviendront pendant la dernière phase du tour de jeu.
Sur la gauche se trouve la piste de sûreté. Celle-ci va permettre de mesurer la force d’ancrage d’un personnage dans l’une ou l’autre des dimensions. Elle est composée de 4 niveaux sur chaque face de la carte. Pour la ville : Alerte, Gardé (x2), Sécurisé. Pour la créature : Nerveux, Terrifié (x2), Dévoré. Le niveau est identifié par un cube violet à placer sur le degré de sûreté actuel du personnage.
Plus « Aware » que Jean-Claude VanDamme
Chaque joueur dispose de sa propre jauge de conscience (« Awareness ») qui démarre à zéro. Un tour de jeu débute avec une phase qui permet, si on le souhaite, d’utiliser un pouvoir octroyé par sa conscience. Le joueur peut utiliser le pouvoir de son niveau ou d’un niveau inférieur.
Le pouvoir de conscience ne peut être utilisé qu’une seule fois pendant toute la partie. Après cela, le jeton est retourné pour signifier que le pouvoir a déjà été utilisé.
Les pouvoirs disponibles ne sont pas « fou-fous ». Ils vous donneront un petit coup de booster une fois, mais cela ne retournera pas la partie pour autant. De ce fait, la course au niveau de conscience n’est pas vraiment rentable. Cela reste toutefois une des façons de gagner la partie. Si un joueur obtient un niveau de conscience de 6, il met fin au jeu immédiatement.
Ce n’est toutefois pas chose facile de progresser sur cette piste. Un joueur aura une occasion par tout, lors de la phase d’activation, de progresser d’un niveau d’influence (à condition qu’un marqueur de sûreté soit positionné sur le personnage). Le prix en énergie est égal au niveau de conscience que l’on cherche à atteindre.
Tir à la corde avec le Démogorgon
Le moteur principal du jeu se déroule pendant la phase d’action.
À chaque tour, le joueur peut choisir entre 3 actions :
- Se reposer : pour gagner autant de cubes d’énergie que de personnage dans sa dimension ;
- Se préparer : pour piocher autant de cartes que nécessaire pour avoir une main de 5 cartes ;
- Jouer une carte : pour en appliquer les effets.
En jouant une carte, on se concentre d’abord sur le symbole. Il nous permet d’agir sur la piste de sûreté d’un personnage possédant le même symbole.
Cela signifie :
- Placer un cube violet sur le premier niveau de sûreté (Alerte/Nerveux) si le personnage n’en possédait pas déjà un.
- Faire basculer le personnage dans l’autre dimension (en retournant la carte) s’il était dans l’entre-deux.
- Avancer ou reculer le marqueur de sûreté d’un cran s’il y en avait déjà un sur le personnage.
On peut aussi décider de placer plutôt un jeton du même symbole sur un personnage qui ne le possède pas déjà. Ce qui multiplie les chances de pouvoir agir sur ce personnage lors des tours suivants.
Après avoir joué le symbole, on peut également dépenser un certain nombre de points d’énergie pour utiliser le pouvoir de la carte. Comme on ne dispose au maximum que de 10 points d’énergie, il faudra se reposer souvent pour refaire le plein.
Jouer le personnage actif
Vient ensuite le moment où, si le personnage actif à un score de sûreté au niveau 2 ou + (Gardé/Terrifié), on peut activer son pouvoir. En fonction de la dimension dans laquelle se trouve le personnage, celui-ci bénéficiera au joueur interprétant la ville ou la créature.
Ces pouvoirs peuvent être très puissants et c’est l’aboutissement de toute la phase précédente. On prend beaucoup de temps à faire basculer certains personnages pour pouvoir enfin les utiliser à bon escient. Et là tous les coups sont permis : cacher un personnage pour sauter son tour, inverser le sens de rotation du tour, éjecter un personnage du jeu…
Cette phase ne commence à être intéressante qu’après un bon quart d’heure de jeu. Le temps de faire basculer progressivement les personnages dans sa dimension.
Asymétrie parfaitement calibrée
L’auteur définit lui-même InBetween comme un jeu de tir à la corde et l’on ne peut que lui donner raison. Les joueurs vont passer toute la partie à tirer les personnages vers leur dimension et voir leurs efforts réduits à néant au tout d’après.
C’est un jeu asymétrique, car les possibilités des deux joueurs sont réellement différentes. La ville dispose d’un nombre de symboles restreint, de cartes très variées et d’équipements parfois puissants. La créature a davantage de symboles, ce qui complique son action sur les personnages, mais c’est contrebalancé par un jeu de 7 cartes qui reviennent sans cesse (et donc une stratégie plus facile à planifier).
En fait, le jeu est tellement (trop) bien équilibré qu’il est parfois difficile de prendre la tête du peloton. Mes deux premières parties ont été interminables (bien plus longues que les 45min affichées sur la boîte). C’est vraiment une lutte qui peut paraître longue et parfois un brin monotone.
InBetween n’est pas un jeu dans lequel vous allez construire quelque chose qui dure, et qui vous permettra de revenir plus fort au tour d’après. C’est plutôt une recherche constante du déséquilibre pour faire pencher la balance, petit à petit.
J’ai encore du mal à savoir clairement à qui s’adresse ce jeu. Des joueurs occasionnels risquent de le trouver un peu complexe et pas forcément très fun à jouer. Des core gamers risquent d’être déçus par le manque de possibilités et son côté légèrement répétitif.
Si vous aimez les jeux asymétriques à deux joueurs, je ne peux que vous encouragez à vous tourner vers un bon Mr. Jack. À plusieurs, un petit Not Alone devrait combler vos attentes.
Illustrations provenant du site de l’éditeur
Un jeu de Adam Kwapinski
Illustré par Seweryn Piotrowski
Edité par Board&Dice
Pays d’origine : Pologne
Langue et traductions : Anglais
De 2 à 2 joueurs
A partir de 12 ans
Durée moyenne d’une partie : 45 minutes
Durée d’une partie entre 30 et 60 minutes
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Shanouillette 21/03/2018
Ha… ces jeux tellement équilibrés que les parties sont interminables. C’est mon vécu sur Kumo Hogosha. Dès qu’un joueur prenait l’avantage, le jeu remettait les pendules à l’heure pour redistribuer les chances.
morlockbob 21/03/2018
bon suspense maintenu jusqu’à la conclusion qui fait mal…. zut !
Alendar 21/03/2018
Arf, moi qui l’avait dans le viseur…
S’il avait été en VF, il serait sur ma table à l’heure actuelle!
Merci pour ce Just Played: dommage car les illustrations sont superbes et le thème déboîte (ou rox du poney au choix)!
Wraith75 22/03/2018
J’ai InBetween sur mon étagère depuis… Essen et je n’y ai pas encore joué, honte sur moi.
Mais Hanamikoji, c’est quand même aussi du « tir à la corde », et c’est plutôt plaisant je trouve, non ?
Tasmat 23/03/2018
Hum, j’ai hésité à faire une traduction pour voir si le jeu en valait le coup. Ben l’article m’aide pas à trancher !
Cromwix 31/03/2018
Hum… Si je me base à la conclusion de l’article, ce serait un jeu qui s’adresserait à un public… « Entre-deux »
Galeelox 31/03/2018
Bien vu 🙂
Bouba7 01/04/2018
J’ai InBetweenn depuis Essen, je n’ai pas fait non plus une tonne de parties mais je serai moins négatif que la conclusion de cet article. Certes, c’est plus long que prévu, il faut compter une bonne heure pour les premières parties, mais le thème est vraiment présent pour moi. C’est assez long de mettre en place une stratégie, et il faut bien faire attention de ne pas laisser l’adversaire monter trop vite son échelle de Awareness, qui est une des conditions de victoire les plus utilisée il me semble. Le jeu de la Créature est un peu plus facile (car son Deck est moins varié) mais c’est compensé par les effets des cartes personnages (moins diversifiées du côté Ville).
La progression est lente, c’est vrai, mais pour moi c’est un très bon jeu… je ne suis pas d’ailleurs le seul à le penser, les notes sur BGG sont plutôt bonnes (et il a reçu un Seal of Excellence chez Dice Towers). Après les goûts et les couleurs ça ne se discute pas, mon objectif est juste de pondérer l’avis plutôt négatif de l’article… 😉