Genpei, l’art de bien se placer

Genpei, du nouvel auteur Bernat Buxaus, était passé sur KS l’an dernier, réussissant son coup sans non plus défrayer la chronique, via la maison espagnole Invedars. Il s’agit d’un titre jouable de 1 à 4, repéré et prochainement localisé par Bad Boom Games et présenté aux journées pro de Vichy. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai pu m’en faire une idée, d’où l’envie de pondre ce Just played. 

Genpei, calife à la place du calife

Vous le savez, la mortalité des empereurs est une vraie calamité pour la stabilité d’un royaume. Une nouvelle fois, le trône attend son hôte ! Nous allons donc nous tirer la bourre à coup de majorité en usant de l’influence de cinq Clans présents sur le plateau central : Neko, Kitsune, Komainu, Tanuki, sans oublier la maison de l’Empereur himself. Pas de cadeau ici, « Genpei » est un terme globalement utilisé pour parler de la guerre civile qui a vu deux clans japonais se déchirer au XIIe siècle. 

À votre tour, vous jouez une carte Clan de votre main (main qui compte seulement 2 cartes), ce qui vous permet d’activer le jeton de la roue d’actions correspondant au Clan joué : au pire, cela vous donne donc le choix entre deux actions car vous déplacez le marqueur sur l’une des deux cases adjacentes de la roue, mais souvent, bien plus. En effet, cette première action vous permettra peut-être d’acheter une carte Clan du marché : loin de mettre un terme à votre tour comme c’est souvent le cas, vous réenclenchez alors la roue d’action de ce Clan acheté. Même quand vous trucidez une carte (elle sort du jeu) via la case assassinat, le marqueur de Clan est activé. Disons-le, c’est le petit truc en plus de Genpei, cette sensation agréable de pouvoir effectuer une chaîne croustillante d’actions au cours du même tour – à condition de prévoir un peu nos coups dans le bon ordre. 

Une action de roue permet de jouer nos deux cartes, une autre de révéler une carte d’un tas que l’on a composé conjointement en début de partie (on peut donc plus ou moins deviner ce qui va sortir, selon son état d’épuisement), la case Torii à elle seule permet d’avoir le choix entre 6 actions différentes… On comprend que le tout n’est pas ultra accessible de prime abord, mais une fois que l’on s’est saisi de toute l’icono, les choses se fluidifient (une aide de jeu n’aurait pas été de trop). 

On va donc ainsi étoffer et construire notre deck mais aussi placer nos jetons d’influence sur le plateau, tenus face cachée jusqu’à la résolution finale, traditionnellement. Le petit twist ici, c’est que certains jetons apportent une valeur directement dépendante de la force des Clans dans notre deck. Le « deck-building », si l’on peut dire, n’est donc pas du tout anodin même si cela n’est pas le palpitant du jeu. On choisit nos cartes pour leurs effets et pour renforcer nos majorités, ce qui engendre des dilemmes intéressants. D’où l’intérêt de l’assassinat, pour affaiblir certains Clans sur lesquels des adversaires misent. Parce qu’on voit où les autres ont envie de scorer vu comment ils placent leurs jetons de majo, l’espace de bluff semble limité, ces jetons étant une ressource rare que l’on aura tendance à vouloir faire fructifier intelligemment. 

Nous pouvons aussi aller jouer d’influence sur la piste de l’Empereur, où les règles diffèrent un peu. Il s’agit d’une piste un peu plus réglementée : déjà, il faudra payer pour s’y placer. De plus, vous ne pouvez occuper qu’une seule marche de la piste, mais vous pouvez empiler vos jetons. On tente d’y progresser pour dépasser nos concurrents car à la fin, le joueur qui a obtenu le plus d’influence dans la Maison de l’Empereur remporte les égalités, ce qui peut s’avérer assez crucial dans un jeu de majo. Celui ou celle qui reçoit le soutien du plus grand nombre de Clans (y compris la Maison de l’Empereur) sera déclaré gagnant·e.

En tout cas, le fait que les majorités puissent être gagnées via les jetons et/ou la force de nos Clans en deck, laisse une part d’incertitude et de tension qui donne envie de pousser la maison de l’Empereur, au cas où. On se sent un peu obligé d’être partout, tout en ayant envie de sécuriser quelques positions – preuve d’un jeu d’influence réussi. Attention, les choses peuvent basculer au moment de la révélation et certains auront peut-être des envies soudaines de seppuku. Certes, c’est ce qui pourra faire râler mais aussi ce qui génère du suspens tout le long de la partie. 

Jeu à configuration maniable

À noter que le jeu propose un mode solo, une mini extension (le deck Intrigue, qui vient offrir plus d’options aux joueurs) et un mode 2 joueurs qui ne comprend rien de sorcier : on place les jetons d’influence de l’Empereur un peu partout sur les Clans, secrètement, ils viendront en concurrence avec les nôtres (d’ailleurs attention, l’Empereur peut gagner !). C’est indolore en termes de manipulation, et ça fait le job en jeu. Vous pouvez jouer également avec ces jetons dans une configuration plus haute, cela augmentera juste la tension du jeu. 

Il faudra peut-être une partie découverte pour bien naviguer dans tous les détours de Genpei. On a parfois un peu l’impression d’une machine de Goldberg mais ce que j’aime dans l’expérience est le fait que tout est déjà là dès le début : pas besoin de construire un moteur, d’accumuler des capacités ou des ressources pour commencer à faire des choses significatives (d’ailleurs mon premier coup fut sans doute le plus juteux de toute ma partie). Et cela n’empêche pas une tension croissante d’advenir au fur et à mesure que les majorités se dessinent. C’est assez inhabituel. 

La DA de Christian Benavides fera fuir les anthropomorphobiques (si une telle chose existe), et le plateau est peut-être un brin chargé, mais l’ensemble m’a visuellement bien séduite – Genpei a quelque chose de l’ordre d’un Blacksad au pays des samouraïs.
Un petit goût de reviens-y pour les amateurs de majorités, qui d’ailleurs fonctionne d’ailleurs très bien à deux. Le tout a le mérite d’être compact, que ce soit en termes de place et de durée (40-45 minutes).
Arrivée de la VF pour novembre. 

 

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1 Commentaire

  1. atom il y a 6 jours
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    Une petite surprise qui méritait bien ce coup de projecteur, quand on s’installe à la table on s’attend à rien. On ne sait pas trop ou l’on va parce que ça a l’air assez classique sur le papier : du jeu de majorité avec un peu de bluff, et dès les premières actions ont est surpris à la fois par sa simplicité (je joue une carte je fais un des actions du clan), et son dynamisme, jouer une carte peut déclencher quelques effets en cascade. La construction de son deck est intéressante aussi, car elle peut nous permettre de renforcer un jeton que l’on aura placé, mais risquera aussi de nous bloquer sur un type de clans. C’est fluide, c’est malin, une session est rapide. Une bonne petite surprise.

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