Gateway, La Révolte : Construis ta chance, insurgé.
Gateway: Uprising avait attiré mon attention lors de la Gencon 2016 où le jeu semblait malencontreusement placé sur une table du stand de CMON (l’éditeur, pudique, ne souhaitait pas encore que nous filmions la bête). Dernièrement, nous avons reçu la boîte, comprenant par la même occasion qu’elle avait vu le jour, et en français s’il vous plaît.
Nous aimons bien le deck-building dans nos contrées.
Dominion et Ascension furent poncés jusqu’à l’écoeurement, Tyrants of the Underdark nous a fait vibrer, Clank! nous a fait marrer. Heros et Star Realms, Thunderstone (Quest et Advanced), Shadowrun Crossfire, Legendary, Harry Potter Hogwarts Battle, Vikings gone Wild, Pathfinder Adventure, Xenoshyft, Nightfall ou Arctic scavengers sont dans la ludo et retournent de temps en temps se frotter au bois de la table. L’un des jeux fétiches de zom après toutes ces années s’avère sans doute encore Rune Age (mais il vous dira que ce ne n’est pas tant du deck-building que ça).
Bref, pour vous la faire courte : Du deck-building, ooh ouiii ! Surtout quand il peut y avoir de l’interaction. Et ça tombe bien, c’est un peu la promesse de Gateway : la révolte.
Gateway propose un moteur de deck-building cousin d’un Dominion (avec des cartes offrant des “+1 d’achat”, des “+1 d’action”, etc) tout en proposant d’autres options nouvelles, plus proche d’un Tyrants.
Il ne s’agit pas juste de monter son deck dans son coin, il va falloir occuper le terrain, tant que faire se peut. Des tuiles Quartiers forment la ville, au centre de l’aire de jeu, et si vous parvenez à contrôler ses quartiers, vous pouvez l’emporter. Il s’agit donc d’un jeu de contrôle de zones autant que de deck-building.
L’univers (la ville de Gateway, son régime, ses monstres, etc) est une création originale riche en protéines rendue vivante par Sean Andrew « Muttonhead » Murray qu’on a déjà pu croiser sur du Dungeons & Dragons ou Wizard’s Academy en 2016. L’illustrateur travaille sur cet univers depuis 15 ans et devinez quoi, le jeu en profite. (Une campagne KS a eu lieu en 2012 pour financer un art book “Gateway: the Book of Wizard” tournant autour de la cité de Gateway). Le trait torturé des illustrations et l’atmosphère suffocante qui s’en dégage sont à mon sens tout à fait remarquables. Après, tout est affaire de goût, mais j’apprécie la prise de risque et la patte personnel.
Mais Gateway n’est pas qu’un physique. Plusieurs idées sont tout à fait sympathiques dans ce jeu.
Déjà, l’explication des règles, si vous êtes un peu rodé, peut se dérouler en 10 minutes. C’est toujours appréciable quand on peut passer vite là dessus.
Puis, quand on procède à la mise en place, on choisit un scénario (cartes et quartiers sont alors suggérés). Dommage en revanche que l’insert de la boîte ne permette pas d’organiser tout cela au mieux (mais qu’est-ce que c’est que ce binz là dedans ?!).
Bref. Il y a 7 scénar de proposés, c’est déjà pas mal, car bien évidemment il s’agit techniquement de set up différents et rejouables, pas d’histoires spoilables. Les 376 cartes promettent ainsi une belle rejouabilité, une richesse d’autant plus sympathique quand on sait que le jeu avoisine les 30-35 euros.
Pas d’action, pas de chocolat
Dans Gateway, un des éléments avec lequel on jongle beaucoup s’avère un système de points d’action qui permet de déployer nos cartes unités devant soi.
À votre tour, vous avez 6 cartes en main et deux points d’action (de base, mais des effets pourront augmenter cette valeur) qui vous permettent de payer des cartes de votre main pour vous déployer. Chaque carte à jouer coûte 1 point d’action, sauf les Marchands, qui sont gratuites.
Quand vous vous déployez, vous posez donc des cartes d’Insurgés, autrement dit des combattants, devant vous. Un peu à la Nightfall, ils resteront ici tant qu’ils seront vivants. Si une attaque les tue, ils partiront dans votre défausse.
Ces Insurgés ont une valeur d’attaque et de défense et souvent un pouvoir. Ils sont aidés par des cartes Soutiens qui viennent comboter gaiement. Bien entendu, au Marché, vous avez d’autres Insurgés & Soutiens qui pourront rejoindre votre deck et l’améliorer si vous vous acquittez de la somme d’or nécessaire (avec les Marchands). C’est ce qu’on appelle le recrutement.
De minuit à l’aube, les ombres fendent le silence
Vous pouvez aussi vous payer une carte de pierre runique. Ces cartes-là répondent à une logique différente et originale. On a trois piles de cartes runiques au Marché, les rares (puissantes et coûteuses, valant 3 points de victoire si non utilisées en fin de partie), les peu communes (plus abordables et aux effets moins game-changer, valent 2 points), et les communes (peu chères, avec des petits boosts mineurs, valent 1 point).
Tous les joueurs voient en permanence les premières cartes de ces trois piles de pierres runiques, mais sachez qu’elles sont toutes différentes là-bas dedans ! En acheter une en révélera potentiellement une autre qui intéressera beaucoup votre adversaire, mais c’est le jeu ma petite Lucette ! Vous le comprenez, ces achats-là de pouvoirs spéciaux peuvent, s’ils tombent bien, et s’ils sont bien utilisés (or, les utiliser reste un dilemme car ils valent des points si vous n’y touchez pas), changer la donne. Ils ajoutent peps et rebondissement aux combo.
Les piles du Marché sont tout à fait épuisables. Thématiquement, on nous dit que les ressources de la cité sont limitées. S’il vous faut absolument des Ornithomanciens des Insaisissables Oiseau-Poissons, des Mages à Tromblon, ou des Piscimanciens, il va falloir rusher dessus (oui les noms des cartes sont invraisemblables et c’est très bien). Créer des pénuries fait partie des voies stratégiques possibles.
Meulage !
Vous avez donc des Insurgés (avec leurs Soutiens) prêts à en découdre devant vous. Il serait bienséant de les envoyer combattre, non ? Parfait. Envoyez-donc votre armée pour envahir un quartier de la ville. Il y a déjà un joueur dessus ? C’est pas grave, attaquez-le. Comparez votre total d’attaque avec son total de défense (et c’est l’attaquant qui attribue le montant des dégâts comme bon lui semble), pour tenter d’éradiquer un maximum d’unités adverses. Dès qu’une carte est réduite à 0, elle est défaussée.
Si vous parvenez à nettoyer un quartier, vous en prenez le contrôle (posez votre marqueur dessus). Bonne nouvelle : dominer un quartier ne vient pas sans quelques prérogatives. Vous contrôlez le Bourg Falaise ? Alors tous vos adversaires défaussent 1 carte de leur main. Vous êtes le maître de Bourg Canal ? Alors vous pourrez piocher une carte supplémentaire pour une main de 7 cartes. Voyez l’idée. Dans Gateway, on est fortement encouragés à attaquer.
Il n’y a pas que vous et vos copains qui font du grabuge. La cité est envahie de Monstres et surveillée par la faction des Gardes. Ce sont des cartes qui vont être placées sur les quartiers selon les indications des cartes Evénements, tirées à la fin de chaque manche (par exemple : déployez 3 Gardes dans les quartiers 1 et 3). Tuer un Garde ou un Monstre rapporte des points de victoire. De la chair fraîche qui peut rapporter gros !
D’ailleurs, c’est plutôt conseillé d’aller fritter du monstre afin de contenir leur progression. En effet, si ceux-ci prennent trop leurs aises sur un quartier, ils pourront le détruire : on retourne la tuile (qui perd son bonus). Plus personne ne pourra revendiquer ce district. Si toute la cité tombe aux mains des Monstres (qu’ils l’occupent ou qu’ils la détruisent), la partie s’achève et tout le monde a perdu.
Bref, ces abominations d’où qu’elles viennent ne sont pas juste des figurants d’arrière-plan, il faut surveiller leur mouvement. Malheureusement ce n’est pas toujours facile, car certains sont vraiment bad-ass et s’ils sortent trop tôt, on ne sera pas du tout armés pour les vaincre.
Mais il n’en demeure pas moins un fait amusant : Gardes et Monstres sont des factions ennemies. C’est aussi une stratégie d’exploiter cela en usant d’effets histoire d’envoyer les uns combattre les autres pour venir cueillir les derniers survivants.
Bilan de l’insurrection
L’interaction ? Moins chaude que sur un Tyrants, moins froide qu’avec un Dominion. Le jeu du contrôle de zones sur Tyrant est moins répétitif, plus vicieux, mais Gateway reste intéressant, avec son coeur mécanique solide et son univers fort. Tour après tour, on va tenter de monter son armée sans se faire bouter hors des quartiers pour atteindre un total suffisamment efficient qui nous permette de passer à l’attaque, de maintenir nos positions ou de continuer notre progression.
Mais attendez-vous à des allers-retours très fréquents : je te casse ta présence, je squatte ta place, tu casses ma présence, tu squattes ma place, et ça recommence, encore et encore, c’est que le début d’accord, d’accord. Ce petit manège peut à la longue devenir un peu lassant. Mais la pression du nombre de tours fixe (12, ce qui en fait peut-être 2 ou 3 de trop à mon goût) nous force à ne pas lambiner et les scénarios qui nous poussent à découvrir de nouveaux combo sont bienvenus (on ne les a pas encore tous testé, mais on a pu voir des typologies de combo assez marquées avec des fins de partie différentes – un conseil, ne sous estimez pas les pierres runiques !).
Bref, même si j’ai trouvé les parties un peu trop longues jusqu’ici, même si La Révolte n’est pas une révolution, ce nouveau deckbuilder s’avère tout de même une surprise qui mérite d’être un peu creusée.
LUDOVOX est un site indépendant !
Vous pouvez nous soutenir en faisant un don sur :
Et également en cliquant sur le lien de nos partenaires pour faire vos achats :
6gale 30/04/2018
Excellent jeu !