Focus : On se connaît ?
Dans le genre « party game », Focus n’est pas un jeu d’excité où il faudra se tenir sur une jambe en faisant coin coin, courir autour de la table, taper sur un buzzer où se précipiter pour attraper un totem (quoiqu’il y en ait un dans la boîte et il fait pouet !). Non. Focus appartient à la catégorie où un peu de réflexion est utile, sans en faire trop, où une petite gymnastique de l’esprit est au coeur du jeu.
Ici, vous allez parler pour les autres, ceux présents autour de la table, ou les autres, tous les autres : papa, cousin, et même Johnny Depp ou Johnny tout court si vous préférez…
Focus est un jeu de questions/réponses où «Je est un autre», comme le lâchait très bien Rimbaud exprimant ainsi le fait que l’artiste ne maîtrise pas ce qui s’exprime en lui (Rimbaud aurait donc pu inventer Focus, mais, étant plutôt torturé, il a laissé passer l’occasion).
Tiens, tiens, ne serait-ce pas quelques représentants de chez Gigamic sur la boîte ?
Niveau matériel Focus livre une boîte pleine de vide qu’il faut bien remplir avec le sempiternel et superfétatoire (pour ce type de jeu) carnet de score, qui semble présent uniquement pour justifier le volume/poids/prix, accompagné d’un (inutile) totem en plastique (qui fait pouet), le coeur du jeu étant constitué de 138 cartes (petites et recto verso). Notez qu’on a 20 cartes noires « adultes » qui peuvent être intégrées au jeu. Axées sexualité et sujets plus sensibles, elles sont moins évidentes à placer, à vous de voir, en tout cas on apprécie que l’éditeur ait pensé à les différencier.
On se fait une petite partie ?
Réunissez vos amis autour de la table. Même si l’on peut jouer à moins grâce à un habile subterfuge, 5 joueurs sont un minimum. On peut monter à 18, ce qui est un peu exagéré.
Notons donc sur le petit bloc si gracieusement livré avec le jeu, les noms des différents protagonistes :
1 : Alain
2 : Ali
3 : Aline
4 : Maurice
5 : Natacha
…et comme on aime se la péter, on a aussi invité Johnny Depp en 6 (en fait, ça c’est déjà une variante, je brûle les étapes). Restons avec les gens présents autour de la table.
Pour ce tour, Alain est le maître de cérémonie, c’est lui qui va tirer le nom de la personne à trouver : sa cible. S’il fait 1, ça peut très bien être lui..!
Il pioche le 3… C’est donc Aline. Il va désormais répondre comme s’il avait changé de personnalité, et devenir Aline. « Oui coco, c’est bien, tou ES Aline, tou VIS Aline… Oui, tou es femme !! ».
Chacun leur tour, les joueurs vont questionner Alain et tenter de trouver QUI il incarne.
Respectons également la règle proposée avec 3 questions maximum par joueur et une fin de partie à 10 points (ou quand les joueurs sont passés deux fois).
Le but est de faire deviner qui est la cible, donc pas la peine de faire compliqué, on répond brièvement « oui/non », voire un mot ou deux (petite note au passage pour le dos de la boîte : même si l’expression est aujourd’hui admise, « voire même », reste un pléonasme – dit le mec qui va faire des fautes dans les trois prochaines lignes -).
Je est un autre
La première question est simple, c’est Ali qui la pose :
- « Es-tu plutôt Beyoncé ou Vivaldi ? »
Moi, je suis plutôt Agressive Agricultor mais puisque depuis quelque minutes je ne suis plus tout à fait moi-même, je vais répondre « Beyoncé » car je me souviens qu’Aline est allée voir Madonna l’an dernier.
- « Es-tu pudique ? »
La question piège… ! Bon… Ai-je déjà vu Aline en maillot de bain ? 2 pièces, une pièce ?… Elle ne met jamais de haut avec décolleté plongeant, ni ne court nue dans son jardin, allez, je vais dire oui.
Vous avez compris le principe.
Je n’ai pas d’amis : L’habile subterfuge.
Vous vous rappelez qu’on avait invité Johnny Depp…?
C’est ce qui arrive quand on est en sous effectif, on peut appeler des amis imaginaires : tonton, chanteur, présentateur télé… Ils se déplacent sans soucis et ne demandent rien… Il faut juste s’assurer que tous les joueurs les connaissent.
Johnny Depp est-il plutôt Vivaldi ou Beyoncé ? Est-il pudique ?
TEST 1
Samedi soir, nous sommes 6, nous nous connaissons plutôt bien. Nous inscrivons nos noms sur le bloc note. Si le premier tour ne va pas loin à cause d’un tatouage que seule UNE personne possède, les autres manches sont plus longues. Les questions ne permettent pas vraiment de départager les cibles possibles, tout cela reste assez général ( » Te laves-tu tous les jours ? « ).
Je gagne car les autres se trompent, pas de problème, c’est autorisé. Ce qui est drôle, c’est de retomber sur la même cible, le tour d’après avec des questions différentes. Le jeu est bien passé auprès de tous, même si la plupart du temps, un mot clé suffit à trouver.
TEST 2
Une semaine se passe et le dimanche après-midi, nous nous réunissons avec quelques amis du club de jeu. Et oui, il nous arrive de faire de l’extra quand le temps est morne. Souvent le dimanche aprem en hiver.
Je prends quelques nouveautés et j’hésite à emmener Focus. Les gens ne se connaissent pas plus que cela. Nous sommes surtout réunis par la passion du jeu, et il est vrai que nous parlons peu de nos vies. J’ai peur que ça coince.
Et nous sommes quatre, c’est peu. Le premier tour manque de teneur. Il y a un paquet de questions sur lesquelles nous hésitons (Thibault parle anglais, et je crois qu’il a fait espagnol deuxième langue… Ah non en fait). Je propose d’ajouter deux personnes comme le suggère la variante. Un ami absent et James Bond. Cela passe déjà mieux. C’est même drôle de donner certaines qualité à Damien, alors qu’il s’agit de 007.
La partie terminée, on en relance une (c’est bon signe) mais en ajoutant 5 personnalités : Le diable, Marie Antoinette, Madonna… et… je ne sais plus qui. C’est déjà plus difficile. Même si le jeu est prévu pour 18, 10 me semble un bon nombre pour s’y retrouver, on a parfois tendance à oublier un ami imaginaire.
Verdict : Focus a bien fonctionné, et le fait d’ajouter des personnages fictifs a donné un plus certain à cette partie, c’est même plus dynamique que la semaine précédente. J’en suis surpris, donc tant mieux. Nous décidons d’intégrer la variante à nos prochaines parties.
Le pion qui fait Pouet… Amusera peut-être votre chien ?
Mon impression
Focus a les qualités et les défauts de ce type de jeu qui joue sur la relation entre les gens, la connaissance de son voisin, ce qu’il croit penser de lui, etc. À l’instar d un jeu comme Gift Trap, il bénéficie d’une fluidité, d’une facilité de jeu et entraîne une bonne dose de rigolade quand les gens ont de la matière pour pouvoir répondre. En zone de méconnaissance, c’est plus difficile, moins drôle, et moins surprenant.
Pour ma part, la variante « amis imaginaires » (elle ne s’appelle pas comme ça mais je trouve que cette appellation lui va bien) est indispensable, le jeu prend alors une dimension surréaliste qui l’extrait de la réalité. Du moins, c’est ainsi que nous l’avons vécu, et c’est également ce qui fait la différence avec Gift Trap qui ne permet pas ce genre d’ouverture.
Néanmoins, il faut un minimum de personnes, en chair et en os, pour ça prenne. Il sera dur d’amener ce jeu dans une soirée genre club ou festival où vous ne connaissez personne.
Un jeu familial où « familial » prend ici tout son sens.
Et ine fine, une bonne surprise approuvée par tous les joueurs. Bravo à Mathilde Spriet (qui travaille à la communication et à l’édition chez Gigamic) pour cette première excursion du côté « auteur ».
Un jeu de Mathilde Spriet
Edité par Gigamic
Distribué par Gigamic
Pays d’origine : France
Langue et traductions : Français, anglais
Date de sortie : 04-2016
De 3 à 18 joueurs
A partir de 16 ans
Durée moyenne d’une partie : 20 minutes
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