Fauna : pas de rides chez les animaux

Aujourd’hui, je vais vous parler d’une nouveauté qui a 15 ans. En effet, Fauna, que je vous chronique aujourd’hui, est la réédition d’un jeu sorti initialement en 2008. Et autant vous le dire tout de suite, il n’a pas pris une ride.

Ce jeu de Friedemann Friese qui avait été sélectionné au Spiel des Jahres en 2009, avait contribué à ouvrir la voie à un type de jeu désormais assez répandu, à savoir les jeux de culture générale où l’on n’a pas besoin de culture générale pour gagner. En effet, ces jeux ont désormais le vent en poupe : Tu Te Mets Combien, 0 à 100 ou le Grand kiwiz, des jeux qui permettent de jouer en famille sans être ridicule parce personne autour de la table ne connaît vraiment les réponses – et c’est ça qui est bien. On est loin des humiliations offertes par le Trivial poursuit d’il y a 30 ans, et du tonton qui maîtrisait par cœur tous les types de camemberts. Non, désormais le jeu de société est quelque chose d’accessible, de convivial, autour duquel on passe tous un bon moment.

Et bien cela, c’était déjà le cas il y a 15 ans de cela avec Fauna, mais peut-être qu’à l’époque, comme moi, vous n’étiez pas encore initié aux jeux de société modernes pour le savoir. Heureusement, maintenant vous connaissez Ludovox, et mangez vos Chocapic® le matin en regardant des ludochronos, pour vous abreuver de nouveautés. Il est donc temps de vous remettre à jour avec le distributeur Atalia qui décide de reéditer ce jeu pas assez connu, mais qui jouit toujours d’une réputation impeccable.

Coté règles du jeu, je vais vous inviter à aller regarder le ludochrono justement, si vous ne l’avez pas déjà vu, pour savoir comment cela se joue. Mais sinon, je vous fais un résumé très rapide (faudra pas vous plaindre, le ludochrono est plus clair). Les joueurs vont devoir estimer les caractéristiques d’animaux, à savoir longueur, poids, longueur de queue et région d’habitat. Pour cela vous allez miser des petits cubes, en espérant tomber sur la bonne fourchette de caractéristique. La bonne fourchette permet de maximiser vos points, en misant juste à côté vous avez des points de compensation, et plus loin, vous perdez vos cubes.

Voilà maintenant que vous avez un aperçu, voyons ce que ça donne.

 

On ne voit que l’illustration de l’animal, et les informations que l’on cherche. C’est en sortant la carte du fourreau que l’on découvre les solutions

 

Ça guess fort

Alors vous l’aurez compris, l’important dans le jeu, ce n’est pas de savoir que le Grand Eclectus (c’est un piaf qui ressemble à Mario en salopette) habite au nord de l’Australie, que le Lamantin Ouest-Africain fait entre 3,2 et 4,5 m (pour lui la région, c’était plus simple), et que le flamant rose pèse entre 3 et 4 kg.(oui c’est pas ouf lourd).

Non, l’important c’est d’avoir du flair ! De deviner à deux vaches près. Car ne vous y trompez pas, il s’agit bien d’un jeu de paris plutôt qu’un jeu de culture générale. On va devoir miser au mieux, et pour cela il y a trois cas de figures :

  • Soit vous avez la réponse, car vous avez déjà rencontré l’animal lors d’un voyage (ou en bas de chez vous, car il y a aussi des animaux locaux), ou parce que vous êtes fan de documentaires animaliers. Ainsi vous allez pouvoir miser au plus juste – si tant est que vous ne vous trompez pas d’animal.
  • Soit vous y allez à l’à peu près, parce que cette sorte de mulot dessiné sur la carte semble très ressemblant aux souris des cages de Botanic, et que ça doit pas faire plus de 50 grammes…
  • Soit vous n’en avez aucune idée, mais alors pas du tout, et vous allez faire un peu comme les voisins, en espérant qu’ils s’y connaissent un peu en la matière.

Car même s’il faut tenter d’avoir la bonne réponse pour maximiser les points, il est également intéressant d’être juste à côté de la bonne réponse. Et cette mécanique est à la fois intéressante, et génère une course assez intense dans les manches.

En effet, on joue à tour de rôle pour placer ses cubes, en essayant bien sûr de faire les paris les moins risqués en premier, selon sa connaissance approximative de l’animal. Mais rapidement, les meilleurs emplacements étant pris, il va falloir viser le « juste à côté ». Sentir quelle marge d’erreur on s’accorde. Chaque fois qu’une équipe pose un cube, on se demande si on ne pourrait pas viser un peu plus ou un peu moins pour rafler des points. Vraiment, vous avez misé sur une queue entre 5 et 3 cm pour le chimpanzé ? Est-ce que l’on mise sur moins de 3 ou plus de 5 du coup ? (la bonne réponse, c’est cadeau, c’est zéro !)

Ces petits dilemmes constants sont un vrai régal. On hésite, on doute, on se questionne sans cesse, et bien sûr, c’est d’autant plus drôle quand on ne connaît pas du tout l’animal.

 

Parfois on place des cubes en pleine mer alors même qu’on vise d’être voisin d’une région terrestre, et vice versa.

La géographie également est liée au même système. Lorsqu’on pense savoir où réside l’animal, on va viser au plus juste de sa région, mais aussi les régions environnantes. Plus l’animal habite dans un nombre restreint de régions, plus les gains seront intéressants. Il ne sera donc pas surprenant qu’un joueur mise parfois un cube dans la mer Méditerranée quand le territoire de l’Europe de l’ouest est déjà occupé, alors même qu’on cherche à localiser un animal terrestre comme un cerf, puisque même en misant dans l’eau, si la région est adjacente, cela peut rapporter des points. C’est amusant, car on ne se moque plus de celui qui ne sait pas, on n’hésite pas à tenter une réponse approximative, ça fait partie du jeu. 

Il faudra tout de même veiller à ne pas s’emballer et égrainer des cubes partout, car si l’on est trop loin de la fourchette/région cible, nos cubes seront défaussés, et l’on ne les récupère qu’au compte-gouttes. Il faut être vigilant surtout au début, ou cela peut être fatal pour le reste de la partie, car même si l’on ne peut jamais avoir moins de trois cubes, les différences de points peuvent se creuser rapidement lors de certains tours plus faciles où l’on pourrait rentabiliser facilement chaque cube.

Vivant !

J’aime beaucoup ce que dégage Fauna autour de la table. Dès la carte de la manche révélée, ça se chuchote dans l’oreille, ça doute, ça vise des fourchettes, ça prévoit les tours à l’avance. Il y a de la vie autour de la table.

Dès qu’une équipe pose un pion, certains râlent ouvertement lançant des « bah oui c’était sûr, vous n’alliez pas nous la laisser cette case », ou à l’inverse des « mais nooon vous êtes trop loin, c’était là qu’il fallait se placer, c’est obligé ! » arguant à tort ou à raison la bonne position à tenir.

Parfois au sein de la même manche, on a des retournements de situation improbables, quand certains joueurs posent des pions sur des régions aux antipodes des autres, ce qui fait douter les premiers qui vont se mettre à les suivre dans le doute, générant parfois du bluff ou juste des gros ratages qui seront résolus à la fin dans l’étonnement général.

Bref il y a de la vie autour des la table, de l’enjeu, et l’on se bataille sur chaque cube toute la partie, et ça c’est plaisant.

 

Les emplacements pour la taille de la queue sont déjà bien remplis, je vais me rabattre sur un cube voisin sur la longueur de l’animal.

 

Plein d’animaux dans une grosse boite

Vous trouverez 360 animaux différents dans la boîte. Sachant qu’on en utilise moins d’une dizaine par parties, vous imaginez vite la rejouabilité offerte par le jeu. Alors n’hésitez pas à sauter une carte qui vous intéresse moins, ou qui ressemble trop à une que vous venez de faire : deviner des serpents trois fois de suite n’as pas grand intérêt. À ce propos, pensez à bien mélanger le paquet très fort avant votre première partie, car les animaux étant regroupés par types, vous risquez d’enchaîner les oiseaux ou les poissons par gros paquets.

Les animaux présentés sur les cartes sont par ailleurs tous dessinés, et non pas illustrés par une photo. Ce choix plutôt étonnant de prime abord est en réalité très malin, car sans le contexte et le décor naturel, on n’a aucune idée de l’échelle de certains animaux, et pour certains, cela peut conduire à de très grosses surprises. De plus, les dessins mettent volontairement en scène les animaux dans une position qui ne laisse pas trop apparaître certains éléments comme la queue, pour laisser les joueurs dans le flou.

 

Ça se bataille pour estimer le poids de la loutre géante !

Jeu d’équipe

Fauna est un jeu trans-générationnel, où vous aurez plaisir à jouer entre amis ou en famille. Dans les deux cas, nul besoin d’être joueur, et vous pourrez attirer facilement les gens à la table, sachant qu’il s’explique littéralement en deux minutes, et les enjeux étant faibles, pas d’humiliation à prévoir.

L’idée de jouer à la même table entre grand-parents et petit-enfants est un aspect que j’apprécie toujours énormément, et Fauna le permet largement, tant la connaissance des plus âgés peut être compensée par les ruses des plus jeunes à aller viser les bonnes fourchettes.

Quoi qu’il en soit, je recommande fortement de jouer à ce jeu en équipes. Si vous êtes six autour de la table, ne jouez pas chacun pour soi – même si le jeu le permet, constituez plutôt deux équipes de trois ou trois équipes de deux. Le jeu en sera bonifié. Car il se savoure d’autant plus qu’on discute et échange ses idées avant de placer ses pions. Est-ce que mes co-équipiers connaissent cet animal mieux que moi ? Dois-je leur faire confiance ? Suis-je dans le vrai ou est-ce que je ne confondrais pas avec un autre animal ressemblant ? Tous les points de vue doivent être confrontés pour améliorer les choix, et donc le plaisir de jeu, et cela n’est possible qu’en équipe. Sans cela, le jeu manque vraiment de saveur et demeure un bête jeu où l’on mise sans aucune chaleur autour de la table. Ne dépassez pas quatre équipes, c’est préférable. Plus d’équipes rallongent la partie, et surtout, les cases intéressantes seront prises avant que le tour ne revienne à soi.

 

Suivant le nombre de régions où habite l’animal, trouver la bonne région, ou une région voisine, rapportera plus ou moins de points.

 

Pas de rides pour les animaux

Au final vous l’aurez compris, Fauna m’a totalement conquis. Un jeu d’ambiance hyper accessible, qui pourra agrémenter vos soirées jeux en famille ou entre amis, avec ce jeu de connaissances très ouvert et jouable facilement à plus de 10 joueurs.

 

 

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