Fabulosa Fructus : le legacy donne des fruits
Legacy, legacy, on n’avait que ça à la bouche en 2016. Coincés entre Pandémie Légacy, Seafall, le buzz sur Charterstone et celui de Gloomhaven, les joueurs n’avaient qu’une envie : ces jeux avec de la persistance entre les parties. Peut-être par souci écologique ou par frustration, Friedmann Friese, l’auteur génial de, au hasard, 504 ou Mégawatts (connu sous le blase de Power Grid ou Funkenschlag), s’y est collé. Bref, le type est à suivre. Et quand il dit avoir fait du Legacy sans les inconvénients du Legacy, on ne peut qu’être curieux. Je vous invite à aller voir la crinière verte du monsieur (et à écouter ses paroles) dans notre interview d’Essen.
Bref. Fabulosa Fructus.
Le principe du jeu est simple et sa narration, toute bancale : on est des animaux qui veulent du jus de fruits mythique, le jus Fabulosa. Pour ce faire, on collecte des fruits auprès des différents animaux de la forêt. Ces animaux sont représentés par des cartes. Les mêmes que les jus Fabulosa (leur dos). C’est coquin. On aura donc six paquets de départ, avec différents effets pour chaque animal.
En fonction du nombre de joueurs, il faudra donc récupérer un certain nombre de jus avant de remporter la victoire. Vous savez presque tout sur les règles. Sauf, bien entendu, comment jouer (je suis malin, j’aurais pu commencer par là).
Lors votre tour, vous pourrez :
- Déplacer votre animal d’un animal à un autre. Attention, si vous allez occuper un territoire sur lequel stationne un autre joueur, il faudra lui donner un tribut d’un fruit. Plusieurs joueurs ? Un fruit chacun. Ça tombe bien, j’aime pas trop les bananes…
- Ensuite, on pourra déclencher le texte de l’animal. Tout simplement en appliquant son effet, par exemple, “Piochez deux cartes fruit”, ou “Donnez une banane à un adversaire, qui doit vous donner deux autres fruits de sa main”. (Je savais que j’aurais dû garder ces bananes !)
- Enfin, on pourra récupérer le jus de la carte sur laquelle on se trouve, en dépensant les fruits idoines. Ce n’est pas bien compliqué : il suffit de défausser les fruits indiqués par la carte et de prendre la carte pour vous pour indiquer que vous avez pressé un jus.
Voilà, vous savez joueeeeer !
Truandage
“Hop hop hop, au truand ! T’as pas parlé de Legacy là !” vous allez me dire. C’est vrai. J’ai été fourbe. En fait, à chaque fois que vous récupérez un jus, vous prenez sa carte, et la retournez face cachée comme point de victoire. Mais ce n’est pas tout. Vous tirez une carte du paquet de jeu et la placez dans la zone de jeu. Ce paquet est ordonné, avec 59 actions en 4 exemplaires chacune (huit pour la dernière). Et ainsi, vous faites tourner des actions. Petit à petit, des mécanismes arrivent, se consolident : le marché, par exemple, arrive une fois que les bases du jeu sont acquises. Pour d’autres cartes, on acquerra des jetons, ou on interagira plus fort avec les autres.
Et lorsque vous avez terminé le jeu, vous rangez le jeu dans l’état où il a été fini. Vous recommencez avec une configuration légèrement différente, avec des actions en plus et en moins. Ainsi, Fabulosa Fructus évolue de partie en partie, selon votre expérience et selon les façons de marquer que vous choisissez.
Certes, c’est un changement. Non, ce n’est pas dramatique.
Ce qu’on attend d’un système Legacy, à l’heure actuelle, c’est la narration. C’est la persistance signifiante, le joueur qui évolue dans son rôle. Ici, seul le jeu évolue. Le changement n’est pas foufou, certes, ce n’est qu’un peu d’action différente. Mais, d’un autre côté, Fabulosa Fructus n’a pas les défauts habituels du Legacy. On peut introduire quiconque dans le groupe de jeu, à n’importe quel moment de la “campagne”. Rater une session n’est pas important. Le jeu ne devient pas inutilement compliqué. Bref, le concept “Fable” ne va pas enterrer le Legacy pour autant, mais offre une variance sur l’idée de persistance.
L’exercice de style de Friedmann Friese n’est pas aisé, et j’en tire mon chapeau : le jeu se combine, évolue bien en fonction des choix de joueurs, et prend de l’ampleur petit à petit. On ne commencera pas avec le marché, mais il viendra peu à peu s’installer dans le rythme de nos parties. Puis certaines actions faciles (le rhino) disparaîtront, au profit de choix plus cornéliens, de gestion plus fine. Bref, tout combote, car les modules apparaissent de façon didactique et scriptée, même s’ils disparaissent à des moments qui, eux, le sont moins.
Seul souci : si vous jouez à deux ou à cinq, le jeu reste le même, et à peu autour de la table, vous aurez bien moins d’interaction. Le jeu est peut-être un peu trop bondé à cinq ; trois ou quatre joueurs, cela me semble être le ratio optimal pour Fabulosa Fructus.
I want to break fruit
C’est le truandage bis, là. Je ne vous ai pas dit ce que je pensais de Fabulosa Fructus après un tiers du jeu. Eh bien figurez-vous que j’aime bien. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’en raffole, parce que vous voyez, il n’y a ni mangue ni fruit de la passion dans le jus fabulosa… Ou alors, c’est peut-être que l’investissement dans le thème est trop mineur pour moi. J’ai sans doute un peu trop l’impression de réfléchir une stratégie abstraite. Mais l’exercice est salutaire. Peut-être que cela montrera que l’on peut avoir un jeu legacy dont les règles tiennent en un feuillet A3 plié en deux. Peut-être que cela montrera que l’on peut faire un jeu legacy eco-friendly (rejouable sans manipulation imprévue par les règles), et qui ne rajoute pas de problématique d’exclusivité de groupe de joueurs. Bref, je dis oui quand même : Fabulosa Fructus a ce don rare d’émerveiller devant son ingéniosité. Chaque action est pensée pour débloquer le jeu, pour susciter l’interaction.
Vous voulez lire les articles d’Umberling ? C’est ici.
Vous aimez votre Legacy plus narratif ? Consultez la fiche de Seafall, il s’y trouve plein de trucs cool.
Vous aimez les exercices de style de Friedmann Friese ? 504 est décortiqué là.
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fouilloux 03/07/2017
Merci de ce retour, qui me fait un poil envie d’essayer, pas d’acheter néanmoins. Je reconnais que monsieur FF a le mérite de toujours faire des choses intrigantes, des figures de style. C’est bien qu’il existe un auteur comme lui.
Par contre y’a que moi qui en regardant le jeu pense à Sironimooooooo ?
morlockbob 03/07/2017
très chouette jeu, vraiment.
Et la palme du la meilleure punch line de la semaine revient à … i want to break fruit !
Dr. Jacoby 03/07/2017
Absolument RIEN ne m’attirait dans ce jeu à la base, ni le pitch, ni l’auteur, ni l’idée, ni les illustrations, j’ai dû pourtant en faire 20 parties en 3 jours la semaine dernière tellement c’est addictif et malin. Par contre à faire uniquement avec le même groupe de joueurs, sinon je pense que ça doit perdre 90% de son intérêt ?
Umberling 04/07/2017
Il y a au fond du livret un espace pour « sauvegarder » les parties. Tu peux donc aller là-bas pour faire un checkpoint avant de réinitialiser le jeu.
Un joueur comprendra l’intérêt et la rejouabilité en une partie. Je me suis rarement arrêté à une partie avec un même groupe, et c’est très intéressant : un méta-jeu se crée autour de l’agressivité de tout un chacun. 🙂
Pour autant, le jeu est appréciable dès la première partie !
steph 04/07/2017
J’ai initié un nombre de joueurs important ces dernières semaines et il n’y a eu aucun flop…tout le monde a hate d’avancer et de rejouer, hate de voir la frimousse des nouveaux animaux…
De mon coté, j’en suis a au mois 50 parties et nous avons fait à 2 déjà une fois le tour des 59 animaux et on a meme recommencé direct à zéro
J’y ai joué avec des enfants de 9 ans et avec des joueurs velus et le meme effet : mécanique superbe et bien plus calculatoire qu’il n’y parait…On a l’impression de changer de jeu à chaque manche, et on y joue différemment aussi bien à 6 qu’à 2 !!!
C’ets vraiment mon très gros coup de cœur du moment !!!
limp 14/07/2017
Pas aimé pour ma part car très light. On joue son meilleur coup à son tour et si les cartes vont changer, ce n’est pas du legacy, elles se ressemblent toutes et ne montent pas vraiment en puissance. A la limite du « mauvais jeu », selon moi…
Umberling 15/07/2017
Je dirais même que les cartes ne montent pas en puissance : elles rendent plus complexes les mécanismes d’obtention des fruits. On va dire que la chose gênante n’est pas ça (à la limite, ça ne me dérange pas), c’est plutôt que c’est un prétexte à peine voilé à faire de l’exercice de style, et le thème est le grand absent. Donc je dirais que c’est surtout ça : si le thème t’intéresse plus que les autres composantes d’un jeu, tu ne risques pas d’apprécier Fabled Fruit, en effet…