Eila and something shiny (Eila et l’Eclat de la Montagne en VF) est un jeu narratif de Jeffrey CCH issu d’une campagne Kickstarter, modèle que l’éditeur de Hong Kong Ice Makes a répété pour Age of Civiization et Age of Galaxy. Eila and something shiny sera localisé en juillet 2023 par Iello.

Le jeu est composé d’un prologue et de cinq chapitres à jouer dans l’ordre, où nous suivrons les aventures de Eila, une petite lapine. Il s’agit d’un jeu solo mais qui pourrait tout aussi bien se jouer à plusieurs, à la manière d’un Cartaventura. En effet, dans chaque aventure, nous allons avoir un deck de cartes qui constitue l’histoire de Eila.

Nous allons les révéler les unes après les autres et faire un choix parmi deux ou trois possibilités, impliquant de dépenser ou gagner des ressources : nourriture, pièce, énergie, connaissance, peur… Au cours de ce premier passage du deck qui représente la première journée de voyage de Eila, nous allons récupérer de nouvelles cartes en fonction des choix que nous avons fait et en défausser d’autres. La joueuse ne connait pas la teneur des nouvelles cartes, et après mélange de ce deck enrichi, elle démarrera la deuxième journée d’aventure pour Eila.

La victoire est remportée si l’objectif défini en début de partie est atteint avant la fin de la septième journée. À l’inverse, la partie sera perdue si l’objectif n’est pas rempli ou si Eila perd la totalité de ses points de vie.

Quelques éléments du matériel

C’est l’histoire de la vie

L‘aspect narratif est vraiment très présent, et ceci pour plusieurs raisons. Tout d’abord, chaque chapitre commence par un prologue sous forme de petite BD de 4 à 6 pages presque sans texte, retraçant le déroulement des péripéties de notre héroïne, et se termine par une BD épilogue, à lire uniquement en cas de victoire.

À partir du chapitre 2, il y aura des fins alternatives qu’il sera possible d’atteindre (une ou deux selon le chapitre) avec leur BD épilogue correspondant. La manière de l’atteindre n’est pas indiquée au départ mais elle se devine en cours de partie.

BD de fin du prologue

Au cours de chaque chapitre, la joueuse sera amenée à acquérir des compétences et gagner objets qui lui serviront pour le reste de la campagne. On voit Eila grandir et changer d’apparence au fur et à mesure des BD. Plus qu’une série d’aventures, on a l’impression de suivre la progression dans la vie de Eila.

Les choix qu’elle fait ont des conséquences, non seulement sur le final de l’épisode en cours, mais de toute la campagne. Selon les objets récupérés, certains choix narratifs ne seront pas accessibles. Il ne s’agit pas d’être plus ou moins bien être armé face aux difficultés à venir, mais de choisir dans quelle direction orienter le destin de Eila. Certains personnages que l’on croise au début, réapparaitront (ou pas).

Une des compétences que l’on peut acquérir.

Un des nombreux objets que l’on peut trouver.

Certains choix déclenchent un événement immédiat, on lit alors la carte indiquée. D’autres choix auront des conséquences dans le futur : une ou plusieurs cartes sont mises face cachée dans la défausse et seront révélées lors du prochain tour de deck (qui représente la journée suivante). Cette petite inquiétude est agréable, car souvent on n’a aucune idée de la teneur des cartes ajoutées, et de ce que l’avenir nous réserve.

Les cartes 119 et 120, qui font suite à la pluie légère, seront révélées lors du prochain mélange du deck.

Apprentissage

Les règles de base pour jouer le prologue et le premier chapitre sont expliquées dans la  première partie du livret de règles. De nouvelles mécaniques apparaîtront pour chaque chapitre suivant. Il ne faudra lire les pages correspondantes du livret qu’au moment où l’on joue le chapitre en question, pour ne pas se gâcher les surprises que renferment « l’usine », « la mine », « le château » et « la montagne ».

Nous n’avons pas affaire à des ajouts successifs de couches de règles, mais à des petits twists spécifiques à chaque chapitre. Ainsi le jeu reste accessible à un public familial. Les illustrations des cartes et des BD semblent clairement s’adresser à un jeune public, avec ce monde habité d’animaux mignons. Oui, mais…

Maturité

L’histoire prend un virage beaucoup plus sombre à la fin du chapitre 4, et l’aventure se termine en évoquant un sujet plutôt sérieux, rarement évoqué dans les jeux de société, et jamais (à ma connaissance) dans des jeux destinés à des 8 ans et plus (indication sur la boite en anglais avec laquelle j’ai joué, espérons que Iello effectuera un changement). Un sujet qu’un parent pourrait préférer aborder avec son enfant quand il le décide et pas par surprise, de manière subie, au cours d’une partie de jeu.

Les BD aussi, deviennent d’un coup plutôt crues visuellement, et j’ai été très étonné de la tournure que prenait l’histoire. Je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit de traumatisant pour un enfant, mais j’ai été déstabilisé par ce changement de cap, ce qui n’a fait que renforcer les émotions procurées par ce jeu. C’est un choix éditorial audacieux, qu’il faut souligner.

Carte objectif du Prologue : on démarre avec 3 points de vie. Il faut récupérer 2 jetons connaissance avant la fin du septième jour.

Un chemin semé d’embûches

Chaque carte nous montre une situation où Eila est confrontée à un choix au cours de sa journée, expliqué par un court texte et l’illustration. On pourra gagner, perdre, ou convertir des ressources. par exemple manger des Carottes pour avoir de l’Energie, ou dépenser de l’Energie (travailler) pour gagner de l’Or ou de la Connaissance. Les stocks de ces ressources sont limitées il faudra donc gérer au mieux pour ne pas gâcher des gains qu’on ne pourrait pas conserver.

Comme dit précédemment, la joueuse a un maximum de sept rotations de deck pour atteindre l’objectif du chapitre (qui change radicalement d’un chapitre à l’autre et qui ne consiste pas toujours à réunir un certain nombre de ressources). L’histoire avance peu à peu grâce aux nouvelles cartes que l’on intègre à son deck et que l’on découvre progressivement lors des trois ou quatre premières rotations du deck, et qui nous présentent les nouveaux choix auxquels est confronté Eila.

À cette phase de découvertes narratives succède une phase d’optimisation dans la gestion des ressources, pour remplir l’objectif dès que possible et ne pas perdre la partie. En effet, la plupart du temps, si on ne peut pas payer le coût en ressource des deux premiers choix proposés par la carte, il faudra se résigner à prendre le troisième choix qui est de perdre des points de vie, ou accumuler des jetons fatigue qui occupent des emplacements dans notre stock de ressources.

Le hasard dans l’arrivée des cartes vous fera parfois tirer d’abord la carte nécessitant de payer deux carottes juste avant celle qui vous permet d’en gagner trois, et la victoire vous filera entre les doigts. Toutefois, les parties durant 30 à 45 minutes, l’envie de retenter sera plus forte que la frustration d’un mauvais coup du sort.

Selon les objets dont on dispose (ici la boite à outils), le coût change.

Le niveau de difficulté est tout à fait acceptable pour un joueur habitué … pour les quatre premiers chapitres. Je n’ai d’ailleurs pas perçu que le niveau de difficulté était croissant.

Par contre pour le cinquième et dernier chapitre, la marche est vraiment élevée. Il faudra véritablement une optimisation sans faille pour atteindre le happy ending. La répétition des échecs sur ce chapitre m’a même amené à tricher pour continuer l’histoire et voir ce qu’il y avait au bout du chemin, car à mon sens, l’intérêt de ce jeu est dans la découverte de ce qu’il arrive à Eila et les conséquences narratives de ses choix, plus que la réussite en termes d’optimisation.

L’éternelle question de la rejouabilité

Cette question se pose systématiquement pour les jeux narratifs. Comme dit plus haut, il existe une (ou deux) fins alternatives à chaque chapitre et si on ne les trouve pas, on pourra rejouer la partie une seconde fois, en faisant d’autres choix en cours de route pour les atteindre.

Les objets collectés orienteront un peu notre partie (on produira plus facilement de la nourriture, ou on se battra plus vigoureusement par exemple), et donc avec d’autres objets ou compétences, il faudra revoir un peu sa stratégie. Enfin, pour chaque chapitre il y a un niveau difficile pour l’objectif, et des cartes Histoire niveau avancé qui compliquent la tâche, sans pour autant changer le principe de la partie.

On peut ainsi trouver un peu de rejouabilité, même si personnellement, une fois toutes les fins de chapitres connues je n’ai pas eu envie de refaire une campagne, puisque je connaissais tous les tenants et aboutissants.

Fin du voyage

Eila and something shiny est un jeu assez unique qui mérite véritablement qu’on s’y intéresse. Ses choix narratifs audacieux ne laisseront pas indifférents, et il procurera une expérience qui restera longtemps ancrée dans votre mémoire, pour peu que vous vous laissiez emporter par l’histoire. Celle-ci a un dénouement assez mature, destinée à des joueurs peut-être plus âgés que ce qu’indique la boite (un peu à l’image du premier MicroMacro Crime City).

Chaque chapitre amène une mécanique qui lui est propre et thématiquement adapté au lieu où se déroule l’action. Notons enfin un bon équilibre entre la réflexion à mener pour bien gérer ses ressources et l’aléatoire de l’ordre d’arrivée des cartes auquel on est confronté.

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