Dossier – Comment mieux rémunérer les auteurs de jeux de société ?
Dans le monde du jeu de société, les auteurs de jeux seraient rémunérés en moyenne 2,5 % du prix final d’un jeu (1). Très peu d’auteurs vivent de leur travail de création. Avec cet article, j’espère apporter des pistes de réflexion sur la place des auteurs dans le monde ludique. Je vais explorer de multiples pistes, tenter d’analyser avec neutralité diverses solutions. Cela ne signifie pas que je cautionne toutes les pistes proposées.
Le but de cet article est d’analyser comment les auteurs pourraient être mieux rémunérés. Je me concentrerai sur ce point précis. À la fin de l’article, je proposerai ma solution. Lorsque c’est possible, je fournis des chiffres et leur provenance. Les (1) (2) dans l’article renvoient aux sources en fin d’article.Cet article m’a demandé plus de 50 heures de travail. J’espère qu’il vous sera utile. Je remercie par avance tous ceux qui le partageront.
Qui écrit ? Petite mise en contexte
Je suis Mathieu Baiget, auteur, éditeur et fondateur de Ludiconcept. Je suis devenu éditeur pour vivre de mon métier d’auteur. J’ai créé et édité les jeux Opération Archéo et Cuistot Fury.
Qui gagne quoi dans un jeu de société ?
Avant d’arriver dans les mains des joueurs, un jeu de société passe par de multiples étapes, par plusieurs intermédiaires : l’auteur crée, teste et améliore le jeu ; l’éditeur peaufine le jeu, finance ses illustrations et sa fabrication, le fait connaître ; le distributeur assure la commercialisation et l’expédition du jeu auprès des boutiques ; la boutique vend le jeu et le rend accessible auprès des joueurs
Un jeu de société, c’est comme un gros gâteau. Le gâteau est découpé en plusieurs parts et chaque invité en reçoit une part.
En économie, on appelle cela la chaîne des valeurs. Cette chaîne des valeurs est relativement stable dans le milieu ludique. Pour un jeu à 30 € TTC (toutes taxes comprises), elle se découpe globalement de cette façon :
- Auteur : 0,75 € (1), desquels on doit retirer les frais de présence en festival et les frais de prototypage
- Editeur : 10,50 €, desquels on doit retirer la rémunération de l’auteur (0,75 €), la fabrication (5 €), l’illustration, le graphisme, la communication (festivals, publicité…), les charges diverses et les salaires de l’équipe
- Distributeur : 4,50 €, desquels on doit retirer les frais de logistique (stockage et emballage des colis…), les frais d’expédition aux boutiques, les charges diverses et les salaires de l’équipe
- Boutique : 10 €, desquels on doit retirer la location de la boutique, les charges diverses, les pertes liées aux invendus et les salaires de l’équipe
- Etat (TVA) : 5 €
Généralement, la part de chacun est calculée de cette façon :
- L’éditeur vend son jeu à la boutique à 50 % HT (hors taxes) du prix de vente conseillé (TTC). Pour un jeu vendu 30 € en magasin, il le vend à 15 € HT. L’éditeur vend rarement directement à la boutique, il a le plus souvent un distributeur.
- Le distributeur prend à l’éditeur une commission de 20 à 40 % sur les ventes à la boutique. Le plus souvent, c’est 30 % des 15 € HT (soit 4,5 € HT).
- L’éditeur reverse à l’auteur un pourcentage du chiffre d’affaires généré par le jeu. Ce pourcentage équivaut en moyenne à 3 % du prix public HT (1).
Partager le gâteau
Comme on l’a vu ci-dessus, certains invités ont une plus grosse part du gâteau. La question est de savoir pourquoi. Peut-être ont-ils acheté la plupart des ingrédients, ou préparé la majeure partie du gâteau, ou prêté le four ? Ou peut-être sont-ils plus costauds et se sont-ils imposés pour prendre la plus grosse part ?
La répartition du gâteau est-elle juste ou non ? Cette question est difficile à trancher. Chacun estime que sa part de gâteau est méritée, ou qu’il en mériterait une plus grosse.
Comparaison entre la part de l’auteur et celle de l’éditeur
Prenons un exemple : la création et l’édition d’un jeu de société à 30 €. Comparons l’investissement en temps et en argent de l’auteur et de l’éditeur.
Les chiffres que je fournis sont tirés de mon expérience personnelle et des retours des relecteurs. Même si j’ai tenté de m’approcher le plus possible de la réalité, ces chiffres sont en partie arbitraires : chaque jeu, chaque auteur, chaque éditeur vivent des situations différentes. J’assume cette part d’arbitraire : cet exemple me permet de présenter un cas concret, beaucoup plus parlant pour le lecteur.
- Travail d’auteur : 6 mois de travail à temps plein (2), 200 € de frais pour une présence en festival (déplacement, logement, repas, éventuels frais d’entrée), 50 € de frais de prototypage.
- Travail d’éditeur : 5 mois de travail à temps plein, 3000 € d’illustration/graphisme, 25 000 € de fabrication pour 5000 jeux, 3000 € de communication, 500 € x 3 mois de charges d’entreprise. 5000 jeux représentent le volume de vente total moyen d’un jeu avant qu’il disparaisse.
Pour chiffrer le coût du temps de travail, j’ai choisi comme base le salaire médian français : 1700 € nets, 2200 € bruts.
En incluant le temps de travail, l’investissement total est de 13 450 € pour l’auteur et de 43 500 € pour l’éditeur.
Prenons le cas où les 5000 jeux ont été vendus. L’éditeur gagne 10,50 € par jeu desquels on soustrait les droits d’auteur, soit 48 750 €. L’auteur gagne 0,75 € par jeu, soit 3750 euros. L’éditeur a fait un bénéfice de 5250 euros en plus de son salaire. L’auteur a perdu 9700 euros en salaires non gagnés.
Ce calcul ne prend pas en compte le risque financier.
Calculer le risque financier
L’auteur est rarement un professionnel. Il crée des jeux avec passion pendant son temps libre, sans compter ses heures. Il mesure rarement la rentabilité de son activité d’auteur, voire s’en désintéresse. Sur le plan comptable et financier, comme l’auteur n’est pas salarié, aucun coût n’est associé à son temps de création. Le temps de création du jeu n’est donc pas considéré comme une prise de risque financière.
L’éditeur, lui, mesure son risque financier. Dans notre exemple, son risque est de 31 000 € (illustration + communication + fabrication), sans garantie de vendre tous ses jeux. Pour compenser ce risque financier important, faire du bénéfice ne suffit pas. Ce bénéfice doit être suffisant pour absorber le risque d’échec commercial. Cet échec finira statistiquement par arriver un jour ou l’autre. Si l’éditeur rémunère mieux l’auteur, sa marge baisse et son risque augmente en proportion.
Personnellement, auteur de jeux est mon métier. Le temps que je passe à créer un jeu est bien un risque pour moi : si je ne gagne pas d’argent, je perds plusieurs mois de salaire.
Le métier d’auteur n’est pas rentable
Prenons à nouveau mon exemple personnel. Quand je crée un jeu afin de l’éditer, j’investis 6 mois de travail dans la création, sans savoir si je pourrai rentabiliser ce temps investi, sans savoir si le jeu que je suis en train de créer sera suffisamment bon pour être édité. Le travail de création n’est pas une science exacte.
Quand j’édite le jeu de quelqu’un d’autre, je peux choisir un jeu déjà abouti parmi un large choix de prototypes, avec une visibilité immédiate sur la qualité finale du jeu. La création du jeu ne me coûte quasiment rien : je paie des droits d’auteur seulement si le jeu se vend, au fur et à mesure des ventes. Je peux payer à l’auteur une avance sur droits d’auteur *, mais cette somme est le plus souvent inférieure à 1000 € (3) (4).
* Avance sur droits d’auteur : Somme d’argent payée à l’auteur avant la publication. Cette somme sera décomptée de la rémunération touchée par l’auteur au fur et à mesure des ventes. Si le jeu ne se vend pas, l’auteur conserve l’avance dans tous les cas.
Éditer les jeux d’autres auteurs me coûte moins cher que de créer moi-même les jeux que j’édite. Être auteur me coûte donc plus d’argent que cela m’en rapporte. Cela démontre selon moi que le métier d’auteur n’est pas rentable.
Je n’ai aucun intérêt économique à éditer mes propres jeux. Je le fais parce que j’aime créer des jeux, en assumant le désavantage concurrentiel que je subis par rapport aux autres éditeurs.
Témoignage de Guillaume Luton
Guillaume Luton est auteur, éditeur, fondateur de Worldwide Games. À la relecture de l’article, il m’a proposé d’ajouter son témoignage. Vous le trouverez ci-dessous. Ce sont ses mots, sans modification.
« Si on tient compte de la donnée « temps », il me semble VRAIMENT beaucoup moins coûteux pour un éditeur de signer un auteur que pour un auteur-éditeur de développer ses propres jeux. J’ai signé pour la première fois un jeu d’un auteur-tiers après le dernier FIJ. Le prototype ne nécessitant à mon avis que très peu de développement, cela me procure un confort de travail sans égal avec mes deux premières expériences
(Worldwide Football et Worldwide Tennis) puisque je n’ai plus qu’à me préoccuper des aspects matériels et commerciaux qui, qu’on en dise, ne sont pas le cœur d’un jeu. C’est un gain de temps – et donc d’argent – considérable et si je ne dois réfléchir qu’en fonction de seuls critères économiques, je suis convaincu que je n’ai AUCUN intérêt à signer mes propres jeux. Cela constitue pour moi la preuve que les auteurs ne sont pas assez rémunérés. »
Comment donner une plus grosse part à l’auteur ?
Explorons plusieurs pistes pour donner une plus grosse part à l’auteur :
- Retirer un intermédiaire et donner sa part à l’auteur. Vente directe, auto-distribution de l’éditeur, auto-édition de l’auteur…
- Augmenter la taille du gâteau. Le jeu sera vendu plus cher et coûtera donc plus cher aux joueurs.
- Réduire la part de l’éditeur au profit de l’auteur
- Recalculer les parts de tout le monde au profit de l’auteur
Première piste : retirer un intermédiaire
Peut-on se passer de l’un des intermédiaires entre l’auteur et l’acheteur du jeu ?
Quand j’ai créé Ludiconcept, je ne connaissais pas encore bien le monde économique du jeu. J’ai donc expérimenté afin de trouver un équilibre financier. Je vous transmets mes conclusions ci-dessous.
Retirer l’éditeur ?
Un auteur peut devenir éditeur et récupérer ainsi une part supplémentaire du gâteau. Listons ci-dessous les inconvénients et les avantages.
L’auteur-éditeur prend un risque financier important, puisqu’il doit financer la totalité de l’édition du jeu. Pour se lancer, il faut un apport de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros.
L’auteur-éditeur doit gérer de nombreux postes différents : communication, présence en festivals, gestion de projet, édition, commercialisation… Difficile de savoir tout faire, et de bien le faire. Recruter, c’est prendre un risque financier supplémentaire.
Un auteur-éditeur passe plusieurs mois à créer puis à éditer chaque jeu. Il a donc un catalogue moins fourni qu’un éditeur classique, avec un rythme de sortie plus faible. Multiplier les jeux permet de réduire le risque d’un échec commercial, de mieux s’implanter en boutiques et de mieux se faire connaître des joueurs.
L’auteur-éditeur gagne plus sur chaque boîte, mais il ne gagne pas forcément plus sur le total, car son volume de vente est souvent plus faible qu’un éditeur classique.
L’auteur-éditeur passera moins de temps à créer, puisqu’il devra également éditer ses jeux. Son activité d’auteur ne sera pas plus rentable qu’avant : il compensera l’impossibilité de vivre de son métier d’auteur en pratiquant un deuxième métier « alimentaire ».
Il y a également des avantages : L’auteur-éditeur a une liberté éditoriale totale. Il fait ses propres choix, pour le meilleur… et pour le pire. En cas de succès, une fois remboursé l’investissement de départ, il gagne beaucoup plus d’argent sur chaque boîte. Il ne cède pas ses droits d’auteur et garde la liberté de futures négociations.
Retirer le distributeur ?
Le marché du jeu de société est prolifique. Il y a 1 000 sorties de jeux « modernes » par an (5). Les boutiques ne peuvent plus tout avoir en rayon. Elles se concentrent donc sur les jeux les plus connus, travaillent avec les principaux distributeurs. Elles se facilitent le travail de gestion des commandes en réduisant le nombre de leurs fournisseurs. Elles vont commander moins volontiers et moins souvent à des éditeurs qui s’auto-distribuent.
Les boutiques, lorsqu’elles commandent, veulent atteindre le franco de port, le montant à partir duquel la livraison est offerte. Elles veulent également commander peu d’exemplaires de chaque jeu, pour éviter de rester avec des invendus.
La plupart des éditeurs ont un rythme de sortie faible, de quelques jeux par an. Comme je crée moi-même mes jeux, je publie 1 seul jeu par an. Même avec un franco de port très bas, une boutique qui passe commande à un petit éditeur devra prendre plusieurs exemplaires d’un même jeu pour atteindre le franco de port. L’éditeur ne peut pas proposer les jeux à l’unité à la boutique : l’expédition coûterait plus cher que le bénéfice réalisé sur la vente.
Un distributeur possède un catalogue de plusieurs dizaines, voire centaines de jeux. La boutique peut commander 50 jeux différents à un seul exemplaire, et atteindre facilement le franco de port. Grâce au catalogue élargi, dès qu’un jeu se vend, elle peut le commander à nouveau.
Il ne faut pas non plus sous-estimer le travail que représente la relation commerciale avec entre 400 et 1200 boutiques spécialisées (5) (6). Commercial, c’est un métier. Convaincre une boutique d’acheter en direct-éditeur est difficile. Ce temps passé à démarcher n’est pas consacré à communiquer auprès des joueurs et à étoffer son catalogue.
Beaucoup de boutiques refusent les achats en direct-éditeur et se concentrent sur les principaux distributeurs. D’autres boutiques acceptent les achats direct-éditeur mais commanderont moins souvent qu’à un distributeur, faisant baisser le volume de vente. Les GSS (Grandes Surfaces Spécialisées) comme Joué Club, Cultura ou la FNAC passent uniquement par des distributeurs. Le distributeur peut également toucher le marché francophone (Québec, Belgique, Suisse).
Il suffit de faire un ratio coût-bénéfices pour prendre sa décision : Combien me coûte la commission prise par le distributeur ? Cette commission est elle compensée par le nombre de ventes supplémentaires que permet le distributeur ?
Dans mon cas, après m’être auto-distribué pendant deux ans, mes jeux sont distribués depuis peu par Pixie Games. Je pourrai en tirer des conclusions dans quelques mois.
Retirer la boutique ?
L’éditeur peut théoriquement remplacer la boutique en faisant de la vente directe. Il peut avoir une boutique en ligne. Il peut également vendre via une campagne de financement participatif.
Une boutique est le moyen de toucher de nouveaux clients, qui n’auraient peut-être pas connu nos jeux sans cela. Les acheteurs sont attachés à leur boutique préférée : s’ils ne trouvent pas un jeu, ils peuvent très bien en acheter un autre plutôt que de changer leurs habitudes d’achat. Un éditeur n’a aucun moyen de compenser les ventes de 500 boutiques spécialisées. Ce n’est pas parce qu’il refuse de vendre en boutique que ses ventes directes augmenteront pour autant.
Le financement participatif semble la solution idéale pour vendre sans intermédiaire. Cependant, derrière le miroir aux alouettes des campagnes à plusieurs millions de dollars, se cachent de nombreuses campagnes ratées. Le montant moyen récolté est très insuffisant pour que ce modèle économique se généralise (7).
Conclusion sur la première piste
D’une part, il semble difficile de se passer des acteurs actuels de la chaîne du jeu, sauf à en modifier complètement le système. Tout révolutionner sera très difficile : la plupart des acteurs actuels n’ont pas d’intérêt au changement, puisqu’ils tirent bénéfice de ce fonctionnement.
D’autre part, supprimer un intermédiaire ne signifie pas que l’éditeur concédera une part plus grande à l’auteur. L’éditeur, s’il assume le travail précédemment dévolu au distributeur ou à la boutique, peut estimer légitime de conserver cette nouvelle part du gâteau. L’auteur ne sera pas mieux armé dans sa relation avec l’éditeur, il ne pourra pas faire valoir une meilleure rémunération.
L’auto-édition (devenir éditeur de ses propres jeux) a des avantages. Mais cela demande beaucoup de travail et une prise de risque financière.
Deuxième piste : Augmenter la taille du gâteau
Vendre les jeux plus cher est une piste, cela peut néanmoins poser deux problèmes majeurs.
Les jeux de société sont des produits très calibrés en matière de prix, en fonction notamment de la taille de la boîte et de la quantité de matériel de jeu. Une augmentation du prix peut être mal perçue par les acheteurs et avoir l’effet inverse de celui espéré.
Un éditeur vertueux qui décide de mieux rémunérer ses auteurs, devra augmenter le prix de ses jeux. Il sera alors désavantagé sur le marché par rapport à ses concurrents. C’est le principe du darwinisme économique : les moins compétitifs disparaissent, restent alors les plus compétitifs, ceux qui ont su rogner sur les différents coûts pour rester concurrentiels. La rémunération de l’auteur est un de ces coûts sur lesquels il est possible de rogner.
L’éditeur peut tenter de compenser cette distorsion de concurrence, au moins partiellement, en communiquant sur son éthique, sur sa volonté de mieux rémunérer les auteurs.
Augmentation exponentielle du prix
Ce concept étant un peu difficile à expliquer, prenons à nouveau l’exemple du jeu à 30 €, pour lequel l’éditeur reçoit 10,50 €. Imaginons que l’éditeur décide de vendre le jeu 12 € au distributeur, afin de reverser 1,50 € supplémentaires à l’auteur, sans augmenter son propre bénéfice. Le distributeur prendra 30 % de commission et le vendra à la boutique 17 € HT (au lieu de 15). La boutique prendra 40 % de marge HT, et vendra donc le jeu 34 € TTC (au lieu de 30). Pour que l’auteur gagne 1,5 € supplémentaires, il faudra augmenter le prix final de 4 €.
Troisième piste : Réduire la part de l’éditeur au profit de l’auteur
Un éditeur est une entreprise. Chaque nouveau jeu est un investissement, avec un risque financier important sur la première édition. Cet investissement, l’éditeur veut le rentabiliser et faire du bénéfice. Ce qu’il gagnera doit compenser le risque qu’il prend à chaque nouveau projet.
La plupart des coûts sont incompressibles : le fabriquant ne travaille jamais à perte, le distributeur ne baisse pas sa commission, la boutique veut garder ses 40 % de marge brute. Pas question de jouer avec la qualité du graphisme, quand on sait son importance pour vendre un jeu. L’éditeur n’a aucune variable d’ajustement pour augmenter la rémunération de l’auteur sans baisser sa propre marge. Dans certains cas, l’auteur lui-même peut servir de variable d’ajustement, ce qui semble confirmé par la diversité des rémunérations proposées aux auteurs (1).
Le marché du jeu a trouvé un équilibre financier dans lequel chaque acteur de la chaîne a pu se professionnaliser et vivre de son activité, à l’exception des auteurs. L’éditeur n’a pas intérêt à remettre en question cet équilibre, surtout si cela se fait au détriment de ses propres finances.
Être édité est perçu comme un privilège par beaucoup d’auteurs. L’offre de prototypes est supérieure à la demande : les éditeurs ont beaucoup de choix et peuvent imposer leurs conditions. L’auteur est le seul qui ne dispose d’aucun pouvoir de négociation pour faire valoir ses intérêts. Les grands noms comme B. Cathala ou B. Faidutti en sont les notables exceptions, car leur nom est un argument de vente.
Un constat personnel
Ludiconcept est une petite structure, le risque financier de chaque nouvelle édition est important. Mes volumes de vente restent modestes par rapport aux « grosses écuries » du secteur. Mon bénéfice est donc lui aussi modeste, et j’ai besoin de ce bénéfice pour financer les projets suivants.
Mon constat : en matière de rémunération des auteurs, je n’ai pas les moyens de faire beaucoup mieux que mes confrères. Les bonnes intentions ne suffisent pas.
La rémunération évolutive : une demi-solution
L’auteur peut négocier des pourcentages de droits d’auteur évolutifs, qui augmenteront à partir de certains seuils de vente. Cette solution permet de mieux rémunérer l’auteur tout en tenant compte du risque pris par l’éditeur. En effet, l’éditeur prend un risque important surtout au lancement du jeu. Plus il vend de boîtes, plus il rembourse son investissement, et plus son risque diminue.
Cette solution bénéficiera aux auteurs « à succès », qui gagnaient déjà bien leur vie. Mais la grande majorité des auteurs, celle qui s’en sort le moins bien, ne dépassera pas forcément les seuils et ne verra donc pas sa rémunération augmenter.
Cette solution fait peser sur l’éditeur l’intégralité de l’effort de rémunération, sans solliciter les autres acteurs de la chaîne. Comme on l’a vu précédemment, l’effort que peut assumer seul l’éditeur est limité. Pour réellement mieux rémunérer les auteurs, il semble donc nécessaire que l’effort soit partagé entre tous les acteurs de la chaîne.
Quatrième piste : Recalculer les parts de tout le monde
Si chacun réduit un tout petit peu sa part du gâteau, cela permet d’offrir à l’auteur une part plus conséquente. Reprenons l’exemple de notre jeu à 30 € : si chaque acteur de la chaîne (éditeur, distributeur et boutique) donne 2 % de sa part à l’auteur, la part de l’auteur augmente de 60 %, à 1,25 € (au lieu de 0,75 €). Si chaque acteur de la chaîne donne 3 % de sa part à l’auteur, la part de l’auteur augmente de 100 %, à 1,50 €. On peut également mettre à contribution le consommateur et augmenter légèrement le prix du jeu pour réduire l’effort fourni par les autres acteurs.
Cette piste est réalisable économiquement : l’effort à fournir pour chaque acteur de la chaîne est minime. Cependant, cette volonté de changement peut se heurter à une volonté de statu-quo : le système actuel se maintient car la plupart des acteurs en sont satisfaits.
Synthèse des problèmes…
Pour résumer, ces diverses pistes présentent quatre problèmes principaux qui empêchent de mieux rémunérer les auteurs :
– L’auteur n’a quasiment aucun pouvoir de négociation. Ils est soumis à la bonne volonté de son éditeur.
– L’éditeur n’a pas intérêt à augmenter la rémunération de l’auteur. C’est un coût qui diminue sa propre rémunération.
– L’éditeur porte seul le coût que représente la rémunération de l’auteur, ce qui rend tout changement plus difficilement acceptable.
– Si l’éditeur augmente son prix de vente pour mieux rémunérer l’auteur, cette augmentation se répercute sur chaque intermédiaire et augmente exponentiellement le prix du jeu.
… et des solutions
Pour obtenir une meilleure rémunération, les auteurs ont quatre solutions :
– Instaurer un rapport de force
– En faire un argument commercial
– Se concerter avec les autres acteurs de la chaîne
– Rendre la législation plus protectrice
Ces solutions semblent difficiles à mettre en place. Si c’était si simple, cela aurait déjà été fait !
Ma solution en deux étapes
Ci-dessous, je vous propose une solution en deux étapes. C’est la meilleure solution que j’ai trouvée pour l’instant. J’espère que cet article déclenchera des discussions et que de nouvelles solutions encore meilleures seront mises en pratique.
Première étape : sanctuariser la rémunération de l’auteur
La première étape est de sortir la part de l’auteur du calcul des marges de chaque intermédiaire. Désormais, aucun acteur de la chaîne ne doit appliquer sa marge sur la rémunération de l’auteur. Le montant ainsi économisé sera reversé à l’auteur.
Prenons l’exemple de notre jeu à 30 € TTC vendu précédemment 15 € HT par l’éditeur, avec 0,75 € de droits d’auteur. Utilisons maintenant le nouveau mode de calcul en doublant la rémunération de l’auteur. Etudions l’impact sur les gains de chacun.
► Part de l’éditeur
L’éditeur vend le jeu 14 € HT à la boutique, hors droits d’auteur, desquels il doit retirer la commission du distributeur.
L’éditeur gagne 9,80 € au lieu de 9,75 € précédemment, soit une augmentation de 0,5 %.
► Part du distributeur
Le distributeur gagne 4,20 € au lieu de 4,50 € précédemment, soit une baisse de 6,6 %.
► La boutique
Le prix sera annoncé de cette façon à la boutique :
- Prix d’achat boutique : 14 €
- Droits d’auteur : 1,50 €
- Montant total dû : 15,50 €
La boutique gagne 9,50 € au lieu de 10 € précédemment, soit une baisse de 5 %.
► L’auteur
L’auteur gagne 1,50 € au lieu de 0,75 € précédemment, soit une augmentation de 100 %. Il gagne désormais 5 % du prix de vente final du jeu (ou 6 % du prix HT).
► Le consommateur ?
Si l’on estime que l’effort fourni par la boutique ou le distributeur est trop grand, on peut demander un effort au consommateur. En augmentant le prix du jeu à 31 €, le distributeur et la boutique ne font plus aucun effort. L’augmentation pour le consommateur est de 3 %.
On peut également augmenter le prix du jeu tout en demandant un petit effort à la boutique et au distributeur. On peut aussi demander le même effort à l’éditeur. Dans ce cas, il sera possible d’augmenter encore un peu la rémunération de l’auteur.
Deuxième étape : le label « jeu équitable »
Le joueur, et plus généralement le consommateur, s’intéresse à ce qu’il voit, à ce qui lui est utile. Il soutient sa boutique parce qu’il a une relation privilégiée avec son vendeur, qui le conseille, qui lui rend les jeux accessibles. Il a une affection particulière pour certains éditeurs, qui développent une identité de marque et de gamme, qui partagent des valeurs ludiques communes, qui distribuent des goodies dans les festivals…
L’auteur, lui, est le tout premier maillon de la chaîne, très loin du consommateur-joueur final. Cet éloignement le rend invisible : peu de joueurs savent combien gagne un auteur. Pour ceux qui savent, ils n’ont aucun moyen de soutenir les auteurs afin de leur permettre de mieux gagner leur vie.
Je propose donc de créer un label « jeu équitable ». Ce label pourra être placé sur les jeux dont les éditeurs acceptent de mieux rémunérer les auteurs. La condition sera le respect d’un seuil de rémunération, calculé en % du prix de vente final HT. Par exemple, 7 % du prix final HT équivalent à 1,75 € sur notre jeu à 30 €. Ce label permettra à l’éditeur de justifier auprès du distributeur et des boutiques, la sanctuarisation de la rémunération de l’auteur décrite à la première étape. Ainsi, l’effort de rémunération sera réparti équitablement entre tous les acteurs de la chaîne.
Ce label rendra visible la situation des auteurs. Il donnera aux joueurs les moyens d’agir concrètement pour mieux rémunérer les auteurs. Mieux rémunérer les auteurs ne sera plus alors seulement une contrainte pour les éditeurs et les boutiques, mais également un argument de vente. Enfin, ce label sera un outil de communication puissant pour favoriser les jeux et éditeurs rémunérant mieux leurs auteurs.
Un tel label pourra être porté par une association : une entité créée spécifiquement, ou la Société des Auteurs de Jeux, si cette solution les intéresse. Pour obtenir le label pour un de ses jeux, l’éditeur déposera un dossier. L’association appliquera des frais de dossier, par exemple 50 €, qui permettront de financer un salarié pour gérer le label. Les éventuels excédents de budget pourront être réinvestis en communication pour valoriser et faire connaître le label.
Le principal mérite du label sera d’informer les consommateurs et d’instaurer de la transparence. Ce sera aux joueurs de choisir quelle place ils veulent donner aux créateurs des jeux auxquels ils jouent. En privilégiant des jeux labellisés, ils pourront envoyer un signal fort sur leur volonté de soutenir les auteurs.
[Remerciements]
Je remercie chaleureusement les relecteurs de cet article.
La version finale s’est nettement améliorée grâce à leurs retours éclairés :
- Nathanaël Schmid, vendeur dans une boutique de jeux
- Magalie Guiot, co-gérante de la boutique Au Dragon Joueur de Concarneau
- Allan Mounavaraly, co-gérant de la boutique Au Dragon Joueur de Concarneau
- Mathieu Rivero, Rédacteur-chef adjoint de Ludovox
- Philippe Brucker alias Phy Rotsand, animateur et relecteur
- Guillaume Luton, auteur, éditeur, fondateur de Worldwide Games
- Frédéric Ormières, gérant du Centre de ressources ludiques Linkkipeli
- Un auteur de jeux souhaitant rester anonyme.
Le contenu de cet article ne les engage pas.
[Sources]
(1) SAJ, résultats de la Consultation des Auteurs de Jeux de Société, page 19.
Modalités de calcul : Pour chaque modalité de calcul des droits d’auteur (sur le prix public HT, sur le Chiffre d’affaires éditeur, sur le chiffre d’affaires distributeur), j’ai établi un pourcentage moyen de droits d’auteur, en agrégeant les divers pourcentages de droits d’auteur multipliés par le pourcentage d’auteurs concernés.
Puis, pour chaque modalité de calcul, j’ai rapporté ce pourcentage au prix public conseillé hors taxes.
Comme dans le reste de l’article, j’ai utilisé la base d’un prix éditeur à 60 % du prix public HT et d’une marge distributeur à 30 % du prix éditeur. Puis j’ai fait la moyenne des trois pourcentages obtenus en prenant en compte la part des auteurs concernés par chaque pourcentage.
J’obtiens un pourcentage de 3,04 % de droits d’auteur sur le prix public HT, soit 2,5 % du prix TTC.
Il est intéressant de noter que les auteurs dont la rémunération est calculée sur le prix public hors taxes, sont statistiquement bien mieux rémunérés que les autres auteurs.
(2) Cette comparaison est très dépendante du temps passé par l’auteur à créer le jeu. Cuistot Fury m’a demandé 6 mois de travail à temps plein. Pour ne pas me baser seulement sur mon expérience, j’ai réalisé un sondage sur le groupe Facebook « communauté des auteurs de jeux de société ».
Sur 56 répondants, 42 auteurs soit 75 % des auteurs ont déclaré consacrer plus de 6 mois (équivalent temps plein) à la création d’un jeu.
J’ai donc compté un temps de travail de 6 mois. En l’absence de véritables statistiques, ce chiffre me semble le plus représentatif de la réalité.
(3) SAJ, résultats de la Consultation des Auteurs de Jeux de Société, page 18. 35 % des répondants n’ont aucune avance sur droits d’auteur. 57 % d’entre eux ont une avance inférieure à 1000 €. 84 % d’entre eux ont une avance inférieure à 2000 €.
(4) Les chiffres de la SAJ ont le mérite d’exister. Ils sont cependant à prendre avec précaution. Ces chiffres ne sont pas ceux des auteurs dans leur ensemble. Ils sont ceux des auteurs ayant répondu à un sondage en ligne initié par la SAJ. Je soupçonne que les auteurs les plus connus et donc les mieux rémunérés sont sur-représentés parmi les répondants. Ces derniers sont beaucoup plus impliqués dans le monde ludique et beaucoup mieux informés que la moyenne des auteurs, ils sont donc bien plus susceptibles de répondre à ce type de sondage.
La page 10 du document indique que 14 % des auteurs ont gagné plus de 30 000 € en 2017. Ces chiffres ne me semblent pas représentatifs de la réalité, même s’ils sont représentatifs des répondants au sondage.
(5) Tric Trac, Le jeu de société. Article en ligne.
(6) RMC, Jeux de société : comment la France est devenue la « carte chance » en Europe. Article en ligne du 07/11/2019.
(7) Statistiques fournies par Kickstarter (au 17/07/2020). Dans la rubrique jeux, 61 % des projets n’ont pas été financés (31130 des 53184 projets). Parmi les projets financés, 50 % n’ont pas dépassé les 8800 €.
Ce sont donc plus de 80 % des projets qui n’ont pas été financés ou n’ont pas dépassé les 8800 €.
Maruk 05/08/2020
Une autre piste serait que le jeu de société devienne enfin un véritable objet culturel. Cela fait d’ailleurs partie des démarches de La Société des Auteurs de Jeux Les jeux passeraient donc de 20% de TVA à 5.5%, ce qui pourrait aider à mieux rémunérer les autres.
Bref, en tout cas il est chouette ton article, informatif et constructif.
Djinn42 05/08/2020
C’est effectivement une piste sérieuse. Mais il va falloir être patient.
shaudron 06/08/2020
Tous les produits culturels n’ont pas une TVA à 5,5, ce n’est ni systématique ni obligatoire. Et rien ne dit que si la TVA était réduite, la différence irait au moins en partie aux auteurs – lorsque la TVA a baissé dans la restauration, ça n’a pas augmenté la rémunération des salariés… c’est donc loin d’être la solution miracle. 😉
Djinn42 06/08/2020
Parmi toutes les solutions c’est celle qui fait peser l’effort sur l’état. Pas de miracle, il faut bien trouver l’argent quelque part. C’est une solution possible.
Mathieu Baiget 06/08/2020
A mon avis, plus l’interlocuteur est puissant, et moins le changement est facile. Je ne crois pas que les éditeurs obtiendront la TVA à 5,5%. Il y a selon moi des raisons structurelles à cela, à la fois concernant le fonctionnement de l’état, et concernant le format d’un jeu de société.
Si l’on attend la TVA à 5,5% pour augmenter la rémunération des auteurs, alors AMHA les auteurs ne seront jamais mieux rémunérés.
Vincent Bizouard 05/08/2020
Article très intéressant !
Djinn42 05/08/2020
Bonjour et merci pour cet article. Il me vient deux réflexions :
L’exemple de partage du gateau sur un jeu à 30 € prend l’exemple d’un éditeur seul à priori. Ce qui ne semble pas la norme. Je pense à des éditeurs comme Grrr Games, Pearl Games, La boîte de jeu et d’autres qui tournent à peu de personnes (mais talentueuses). L’exemple est finalement moins défavorable que la réalité, je réagis juste à la composition d’une maison d’édition.
Bruno et Bruno ont l’air de se voir encore refuser des prototypes. Bruno Cathala confesse qu’il a des facilités pour rencontrer les gens mais pas pour signer. Evidemment, on pense à tous leurs succès, mais j’imagine que pour dix jeux signés il y a en quelques uns de refusés. Même si sur les dix jeux la plupart sont des succès.
Mathieu Baiget 05/08/2020
Merci pour ton comm’.
Effectivement, il y a de nombreux paramètres qui ne sont pas pris en compte dans mon exemple. Il y a tellement peu de chiffres disponibles, que j’ai dû faire avec ce que j’ai trouvé, avec mon expérience personnelle et avec ce que m’ont communiqué certains relecteurs.
Dans le cas que tu cites, effectivement le gain est partagé, mais le risque aussi a priori. Concernant le temps de travail d’édition sur le jeu, c’est un chiffre forcément critiquable. Je n’ai pas pu faire de stats. 5 mois me semblait un bon compromis. Si ce chiffre est critiqué, eh bien, cela permettra d’avoir des chiffres plus précis et des éditeurs qui communiquent sur leur métier, et ce sera passionnant de les lire.
Côté auteur, j’aurais également pu ajouter le fait que de nombreux prototypes ne sont jamais édités, et qu’un auteur peut travailler 6 mois sur un prototype en pure perte. Mais je ne voulais pas donner l’impression de favoriser les auteurs.
Djinn42 05/08/2020
Sur les deux points que j’évoque de toute façon la réalité semble plus en défaveur de l’auteur.
Je ne discute pas des cinq mois, simplement s’ils sont deux à travailler sur l’édition du jeu les cinq mois deviennent dix. C’était mon propos.
Djinn42 05/08/2020
Je suis par contre circonspect sur le label. Ca me semble une fausse bonne idée. Le travail d’édition n’est pas incompressible. Certains jeux comme c’est bien dit demandent un gros développement, d’autres moins. Dans l’ensemble on peut supposer que l’éditeur s’y retrouve entre les différents projets. Mais tous les éditeurs n’ont pas la même ligne éditoriale ni la même exigence de « qualité ». Et ce label serait pour certains plus facile à obtenir que pour d’autres avec un risque moindre.
Surtout qu’il n’a pas été question de la part matérielle de l’édition. Certains jeux sont un gouffre à matériel et on sait des éditeurs capables de tirer sur leur marge pour mettre en valeur un jeu en particulier. Au bénéfice de l’auteur pour le coup, sans investissement de sa part. Ce n’est pas simple.
Par contre l’idée d’une TVA réduite pour le jeu en tant qu’objet culturel et le fait de retirer les droits d’auteurs de la marge des intermédiaires semblent deux idées plutôt saines et applicables.
Cette démonstration a été faite par Frédéric Henri dès ses premiers projets KS. Le chemin semble encore long mais ça chemine.
Mathieu Baiget 05/08/2020
Dans l’article, je me concentre sur la rémunération de l’auteur. Ce label servirait uniquement à prouver et à faciliter une meilleure rémunération de l’auteur, indépendamment de toute autre considération. Le risque pris par l’éditeur ne serait alors pas le problème de ce label. Pour l’éditeur, ce risque existerait de toute façon, indépendamment de la présence ou non du label.
Par ailleurs, si tu regardes les chiffres que je propose, le label ne coûte rien à l’éditeur. Il y gagne même 0,5% de marge. 😉
Quand tu dis « sans investissement de l’auteur », je ne suis pas d’accord. L’auteur a déjà investi dans la création du jeu. La question de l’édition, du coût de fabrication… bien sûr, c’est un problème pour l’éditeur. Mais ce n’est pas le rôle de l’auteur de s’en préoccuper. Quand l’auteur arrive avec un prototype, l’éditeur choisit de l’éditer en connaissance de cause.
Chaque label suit des objectifs différents en faisant une promesse spécifique au consommateur : le label « bio » par exemple, signifie « produit sans pesticides ». Ca n’empêche pas un produit bio d’avoir fait 5000 Km et d’être sur-emballé avec du plastique. Un label « qui fait tout » n’est AMHA pas viable. Rien n’empêche un jeu de collectionner les labels, gage de qualité sur divers aspects, en toute transparence.
En effet, tous les jeux ne sont pas rentables de la même manière, certains ne le sont pas tout court. Certains jeux sont effectivement des gouffres. Il y aurait également beaucoup à écrire sur les risques financiers que prennent les éditeurs. J’en sais aussi quelque chose. Ce n’était cependant pas le sujet de cet article.
Djinn42 05/08/2020
Oui pardon. Je me disais simplement que tous les éditeurs ne fonctionnent pas sur le même modèle économique. Ne serait-ce que par le matériel par exemple. Mais par contre côté auteurs la marge de manoeuvre est pas énorme. Je voulais pas chercher la petite bête. Je m’interroge.
D’ailleurs je n’ai aucune connaissance de l’aspect distribution. Sauf dans le cas de la presse (Canard PC) mais le modèle n’est certainement pas le même.
Mathieu Baiget 05/08/2020
Pas de souci, je ne l’avais pas mal pris. C’est très sain de s’interroger et de questionner. Mon analyse est probablement améliorable sur plein de points et la discussion sert à ça. 🙂
Mathieu Baiget 05/08/2020
Petit ajout car ton comm’ le mérite : Le label, c’est justement un moyen pour moi de faire accepter un recalcul de la marge des intermédiaires au profit des auteurs.
Aucun des intermédiaires n’a d’intérêt à réduire sa marge : va expliquer à la boutique qu’elle doit donner 50 cts par boîte à l’auteur, ou au distrib’ qu’il doit rogner sur son bénéfice ! Dans l’exemple que je propose, l’éditeur n’y perd pas. Mais avec le système actuel, toute augmentation des droits d’auteur se ferait à son détriment.
Le label, c’est un moyen de transformer une contrainte en avantage. Si je suis pragmatique, je considère que les différents acteurs de la chaîne n’accepteront ce changement que s’ils y ont intérêt, ou s’ils y sont forcés. Je préfère qu’ils y aient intérêt. Qu’est-ce qui peut compenser la baisse de leur marge ? Vendre plus. Si le label est plébiscité par les consommateurs, les jeux labellisés seront de bons vendeurs, que les boutiques voudront avoir en rayon.
L’autre solution, c’est de faire accepter une hausse du prix du jeu au consommateur. Dans ce cas, il faut que la hausse soit justifiée. Le label ça permet de dire au consommateur : « non, on ne te prend pas pour une vache à lait, l’argent supplémentaire c’est pour les auteurs que t’aimes et qui galèrent vraiment beaucoup. »
Cécile MEE 16/08/2020
Bonjour! J’ai trouvé l’article hyper intéressant! Merci pour le temps et le partage.
L’idée d’une TVA réduite est intéressante mais en effet les +-15% de taxe supprimées risque de partir quand même en grande partie à l’éditeur, la boutique et le distributeur par force de poid… La solution serait peut être un mixte deux deux idées : une TVA à 5.5 sous condition de rémunération de l’auteur à 10% minimum du prix total. De cette façon l’auteur récupére une majorité des % gagnés sur la TVA (8%), le prix ne change pas pour les acheteurs, le distributeur et l’éditeur et le boutiquaire se partagent les 6,4% restants et augmentent également leurs marge (0.1% allant aux associations ou création de label indépendant, pour améliorer l’univers du jeu).
Qu’en pensez vous?
Mathieu Baiget 16/08/2020
C’est selon moi une excellente solution qui présente cependant un gros problème : elle nécessite une intervention de l’état ET un fort lobbying pour que cette intervention aille dans le sens des auteurs. Cela me semble utopique actuellement : l’état n’a aucun intérêt à voter une TVA à 5,5% et la SAJ ne me semble pas en mesure de pratiquer une politique de lobbying efficace auprès des parlementaires.
Je préfère privilégier des solutions applicables à plus petite échelle, sur lesquelles je peux avoir un réel moyen d’action.
BLUECOCKER 06/08/2020
J’ai depuis quelques temps mener des discutions similaires avec d’autres éditeurs et quelques boutiques. J’en arrive aux mêmes conclusions. Je voulais mettre en place une sorte de test grandeur nature sur quelques produits et dans quelques boutiques. Histoire de voir comment réagirait le public a cette augmentation des prix au profit de l’auteur. Bon le COVID a gravement retarder nos débats et la mise en place de ce « test ». Mais de toutes façons se pose le problème de l’export et de notre compétitivité sur le marché national. Comment vendre mes jeux plus cher à l’étranger ( ça représente entre 60 et 70 % de mon chiffre) ? et comment résister au jeux venant de l’étranger vendus plus cher que les miens ? Pour le moment , je n’ai pas trouvé de solutions satisfaisantes à ce problème.
Mathieu Baiget 06/08/2020
Ravi de savoir que d’autres éditeurs s’intéressent à la question (je n’en doutais par ailleurs pas). C’est le problème de vouloir faire de l’éthique dans un système concurrentiel globalisé : tout effort est automatiquement transformé en désavantage concurrentiel, qui finit par faire disparaître (en théorie) les éditeurs les plus vertueux.
C’est pour ça que je pense qu’il faut un label. Le seul qui fera la différence, c’est le consommateur, SI il est correctement informé, et SI il en a quelque chose à faire.
Dans ton cas, effectivement la vente à l’étranger complique les choses. As-tu la possibilité de pratiquer des % de droits différents selon le lieu de vente du jeu ? Un label « fair game » me semble une solution pour le marché français, mais à l’international ça me semble plus compliqué. Peut-être que faire un test à l’échelle nationale serait un bon départ.
BLUECOCKER 06/08/2020
Le système de droits que j’utilise actuellement en un système évolutif avec des % croissants selon des paliers de ventes avec un compte pour le petit marché francophone , un compte monde et un % fixe pour les ventes directes ( sites et salons). + une avance sur droits
BLUECOCKER 06/08/2020
Il y a aussi un problème tout différent sur le rémunération de l’auteur : je fournis actuellement les mêmes droits que j’ai fournit 1 mois ETP de temps de dev avec l’auteur ou 6 mois ETP. Et je parle de dev mécanique , pas de dev graphique , de prod , de comm ou de ventes. C’est aussi un problème qui est très complexe , car amenant des solutions pouvant aisément être viciées.
Mathieu Baiget 06/08/2020
Tu parles du fait de participer à l’amélioration d’un jeu que tu vas éditer ? A partir de quel moment estimes-tu devenir co-auteur à part entière du jeu ? Cette situation est-elle déjà arrivée, soit légalement, soit dans ta perception personnelle d’un jeu que tu as édité ?
BLUECOCKER 06/08/2020
Je ne suis jamais co-auteur. Le développement appartient à l’auteur quoi qu’il se passe. Mais le système actuel est faussé. Pourquoi un auteur qui amène un produit quasi finit mécaniquement touche autant qu’un auteur avec qui j’ai développé le jeu pendant 6 mois ETP. Sans compter les jeux ou ce développement n’aboutit pas à une édition. Mais je n’ai pas trouvé de système qui ne nuise pas a la qualité du jeu. La seule bonne manière est selon moi que les auteurs viennent avec des proto bcp plus finalisé, et pour ça il faut qu’ils se professionnalisent et pour ça il faut qu’il puisse en vivre mieux. L’augmentation du revenu des auteurs bénéficira donc à l’ensemble du milieu.
Mathieu Baiget 06/08/2020
En tant qu’éditeur, pourquoi ne choisis-tu pas seulement des prototypes déjà aboutis ? Est-ce un manque de prototypes finalisés ? Une volonté de faire passer ta passion avant la seule rentabilité économique du produit ? Une autre raison ?
Cela m’intéresse quand tu indiques avoir parfois 6 mois ETP de développement d’un jeu. Selon deux auteurs réputés du secteur, qui se sont exprimés suite à l’article, 2 mois ETP de création d’un jeu est la norme. Je n’ai pas les moyens de vérifier si c’est effectivement la norme, mais ça ne me semble pas le cas.
Du coup ça repose la question de ce qu’on entend par « créer un jeu ». Est-ce seulement avoir l’idée de départ ? Avoir le 1er prototype ? Cela inclut-il l’équilibrage ?
En tant qu’auteur, je considère que 80% de l’équilibrage fait partie de mon travail. Mais c’est une vision purement personnelle.
BLUECOCKER 06/08/2020
Ha ben , c’est simple : Je n’ai jamais vu passer un proto sur lequel il n’y a pas de travail éditorial mécanique à faire et je ne parle pas de l’équilibrage fin. Donc les protos aboutis à 100 % ou même à 80, c’est un mythe. Même sur le prochain ou je pense que j’ai eu le moins de boulot à fournir on a quand même changer tout le système d’évaluation des manches. Alors je pense qu’il y a autant de manière différentes de faire que d’éditeurs , ce qui rend quasi impossible l’évaluation d’une norme. Même moi, j’évalue très grossièrement ce temps , car je ne compte pas . Mais c’est assez clair de différencier le temps de dev mécanique , du dev matériel, graphique, marqueting et commercial, vu que je ne signe un jeu , sauf de très râres exceptions, que quand l’auteur ou l’autrice et moi somment satisfait du résultat de notre dev mécanique ou qu’il ne reste que de l’équilibrage fin.
Djinn42 06/08/2020
Je comprends qu’il est difficile pour les auteurs d’en vivre. Certains y arrivent avec de gros succès ponctuels, d’autres avec beaucoup de bonnes sorties.
Mais est-ce que professionnaliser cette activité est souhaitable ?
Je comprends qu’un éditeur aura moins de travail de « dégrossissage » avec des auteurs professionnels. Ce qui amènerait plus facilement vers une redistribution des éditeurs vers les auteurs.
Même si la base des mécaniques s’élargit et se répète d’une certaine manière, il y a toujours de nouveaux auteurs inconnus pour mélanger deux mécaniques d’une façon inédite. Ou arrivant avec de nouvelles idées.
Par contre, en faveur de la professionnalisation, on observera certainement une réduction des sorties. Ce qui ne serait pas une mauvaise chose.
Cathala bruno 06/08/2020
Toute la démonstration du “déséquilibre” entre auteur et éditeur repose sur un chiffre initial supposant un temps de 6 mois à temps plein pour la création d’un jeu. Même si ce chiffre est issu d’un sondage Facebook, je pense très sincèrement qu’il n’a aucune valeur et est très largement surestimé.
pour ma part avec un calcul à la louche j’estime mon temps de travail moyen sur un jeu de l’ordre de 2 mois àtemps plein. Sur cette base le gain de l’auteur est équilibré et en raccord avec celui de l’éditeur.
Si un jeu se vend bien, ds la situation actuelle, l’auteur en fit correctement. Et si il ne se vend pas bien, il doit faire autre chose à côté. C’est l même chose pour un écrivain et ça ne me choque pas
Mathieu Baiget 06/08/2020
Bonjour Bruno,
Tu estimes que ton temps de travail est de 2 mois et je ne remets pas en question ton expérience personnelle. Tu es un auteur particulièrement expérimenté, prolifique et réputé dans le secteur.
La question est cependant de savoir si ce chiffre des 2 mois est représentatif de la moyenne des auteurs. Mon sondage a ses limites, mais ton expérience personnelle n’est pas forcément une norme, surtout que tu n’es pas un auteur « normal » : tu es l’un des plus grands auteurs français de JDS.
Si je dois réévaluer les chiffres que je fournis sur les auteurs en me basant sur les 2% d’auteurs les plus prolifiques, alors il est légitime de faire de même avec les éditeurs : les éditeurs les plus efficaces mettent peut-être seulement 2 mois pour éditer un jeu. Ils optimisent peut-être mieux leurs coûts en rémunérant moins l’illustrateur. On m’a fait part d’éditeurs qui ont un ratio de 1 à 7 entre le coût de fabrication et le prix de vente, ce qui réduit sensiblement le coût de fabrication. A l’inverse, le chiffre de 5000 unités que je fournis n’est peut-être pas représentatif.
Concernant les statistiques auteur/éditeur, un paramètre à prendre en compte est aussi la part d’équilibrage du jeu qui est laissée à l’éditeur. Dans ma démarche personnelle, j’estime que 80% de l’équilibrage et des tests sont à la charge de l’auteur, l’éditeur assurant les derniers réglages. Peut-être que certains auteurs et éditeurs fonctionnent différemment.
Pour obtenir des statistiques exploitables, il faudrait solliciter l’ensemble des auteurs sur une période donnée, et exclure « les extrêmes » du calcul : les auteurs dont c’est le premier jeu, dont on peut considérer qu’ils manquent d’expérience, et les auteurs les plus connus/expérimentés, de nombreux facteurs pouvant potentiellement expliquer leur gain en productivité sans qu’il soit possible de les mesurer.
Je serais heureux de discuter avec toi de ton processus créatif et de ces éventuels facteurs de gain en productivité. Peut-être un jour de vive voix, si cela t’intéresse, car internet ne me semble pas le meilleur endroit pour cela.
Par contre, tu donnes une piste intéressante : pour en vivre, une solution est de produire plus, avec un rythme beaucoup plus soutenu que ce que font la majorité des auteurs. Ca signifie choisir des concepts de jeux faciles à équilibrer, être très organisé, mesurer son temps de travail, mettre en place des process de création.
Reste ce chiffre de 2,5 % du prix final du jeu, 3% du prix hors taxes. Produire plus n’augmentera pas la part de l’auteur, cela multipliera seulement les gâteaux.
Mathieu Baiget 06/08/2020
D’ailleurs, si l’on considère que les consommateurs peuvent manger un nombre limité de gâteaux, inciter chaque auteur à produire beaucoup plus de gâteaux sans augmenter la part de l’auteur, équivaut à concentrer la rémunération entre les mains d’un plus petit nombre d’auteurs. Augmenter la part sur chaque gâteau permettra au contraire à plus d’auteurs d’en vivre.
BLUECOCKER 06/08/2020
ceci dit il faut quand même parler du but à atteindre : Si le but c’est qu’un auteur qui fait 3 jeux par an qui se vendent à 3k ex. chacun en tire un SMIC, c’est juste pas réaliste et ne fera vivre personne. Mais bon c’est vrai qu’on en est loin : a l’heure actuelle, pour tirer un SMIC net de son activité d’auteur , on doit être plus proche des 50k ex par an que des 10k, ce qui n’est pas réaliste non plus.
Mathieu Baiget 06/08/2020
Concernant ton exemple d’auteur qui fait 3 jeux par an qui se vendent à 3000 exemplaires chacun : c’est un vrai débat. C’est le débat d’où on met le curseur. Et il n’y a pas de réponse unique. Chacun va mettre le curseur à un endroit différent. Certains voudront laisser le curseur là où il est, notamment ceux qui tirent parti de la situation actuelle. D’autres voudront des compromis, certains des solutions radicales.
Dans l’article, je prends comme exemple 6 à 7 % de droits d’auteur sur le prix public hors taxes. Sur 9000 exemplaires vendus (3 x 3000) avec une moyenne de 30 € par jeu, on est entre 16 200 € et 18 900 € par an. Un SMIC brut est à 18 473 € annuels. Donc sur le principe, on n’est pas si loin que ça du SMIC brut.
Reste à savoir si et comment les 6-7 % annoncés peuvent être mis en place.
Il est aussi possible de considérer qu’un auteur doit vivre de ses jeux à partir de 15 000 jeux vendus par an (3 x 5000) plutôt que 9 000. Rapporté au CA TTC généré en bout de chaîne, ça fait du 450 000 €, soit 375 000 € HT. Pour tirer un SMIC, il faut dans ce cas reverser à l’auteur 5% du prix public HT.
Bruno cathala 07/08/2020
Mon “temps de travail moyen” ne doit rien à mon “expérience”. Il est resté constant depuis mes premiers jeux. Je suis simplement persuadé que les 6 mois à temps plein que tu prends comme base sont largement surévalués.
par ailleurs tu te plantes aussi sur mon approche: je ne crée pas beaucoup de jeux dans l’optique de gagner correctement ma vie. Je ne crée pas des jeux pour gagner ma vie. Je les crée par besoin personnel. Si les revenus générés par des jeux sont suffisants alors je ne fais que ça. Si ce n’est pas le cas alors je fais autre chose en parallèle pour équilibrer mon budget. C’est ce que j’ai fait pendant longtemps jusqu’en 2014.
Pour avoir bossé en boutique, et chez des éditeurs, et connnaitre assez bien leur réalité economique, je suis assez persuadé que la répartition actuelle est pas vraiment déséquilibrée.
Il est clair que si tu bosses 6 mois à temps plein sur un jeu et que celui ci termine sa carrière à 5000 ex vendus, tu ne pourras pas en vivre. De la même façon que, si ton boulanger crée un super pain au goût unique mais qu’il ne p fait qu e fournée par moi, du e centaine de baguettes, ça va être compliqué.
Bref, ton propos global est intéressant mais ta démonstration est biaisée
Djinn42 07/08/2020
La difficulté d’imaginer un temps plein c’est d’avoir des idées valables à temps plein.
Pour les standards de l’auteur, mais il faut qu’ensuite ça rencontre ceux d’un éditeur. J’imagine qu’il y a pas mal de « bord perdu » dans la partie création – prototypage. Ou en tout cas des choses qui restent en tache de fond et refont surface plus tard sous une autre forme.
Le côté travail à plein temps est pas évident à imaginer pour le métier de création.
Sûrement que certaines idées brillantes ont eu l’air de sortir d’un trait de génie ou d’un rêve. Mais que derrière il y avait notre cerveau en veille depuis plusieurs années et qui a fait la connexion entre deux idées.
Mathieu Baiget 07/08/2020
Je ne présumais pas que tu produisais à ce rythme pour en vivre. Je présumais du fait que produire à ce rythme est une solution pour en vivre. Visiblement, c’est la seule solution actuellement viable, sauf succès interplanétaire sur un de ses jeux.
Concernant les 6 mois… Ce chiffre est au moins représentatif de mon expérience, et de celle des 43 auteurs qui ont répondu « 6 mois » ou « + de 6 mois » au sondage. En l’absence de meilleurs chiffres statistiquement vérifiés, je pense qu’on peut se mettre d’accord sur le fait que ce chiffre représente au moins la réalité d’une partie des auteurs.
Si pour toi le chiffre de 3 % du montant total HT est équilibré, alors effectivement il y a lieu de ne rien changer. Chacun se fera ensuite sa propre opinion sur la base des chiffres disponibles.
EDIT : La chaîne de valeur a trouvé un équilibre avec les parts de gâteau actuelles. Je ne pense pas qu’il y ait un déséquilibre au sens où un des acteurs profiterait éhontément des autres. En revanche, équilibré ne veut pas dire juste.
Une statistique intéressante à faire serait d’analyser le nombre de personnes vivant de l’édition, de la création de jeux édités, de la distribution et de la vente, salariés compris. A la fois en chiffres bruts, et en ratio ceux qui en vivent / ceux qui n’en vivent pas.
Julien Mouche 09/08/2020
Quelques considérations dans le désordre.
Je pense que la rentabilité du métier d’auteur de jeux de société dépend aussi (voire surtout) du genre de jeu que tu fais. Je me suis fait édité deux jeux enfants, les deux m’ont demandé respectivement 2 mois et 1 mois ETP, et ils sont très rentables pour moi.
Mais je développe des jeux plus « famille » qui eux ne seront probablement pas payé au SMIC.
Et développer des jeux experts, j’en suis incapable et d’un point de vue auteur, et j’imagine que rarissime sont ceux rentabilisé au SMIC horaire.
Je ne fais pas auteur jeux pour enfant professionnel car si je n’ai pas d’inspiration, je ne crée pas
Je travaille sur un jeu de société aux thématiques très adultes, où j’estime me mettre en position d’auteur/artiste. Ce jeu ne sera jamais rentable, mais l’art n’a pas pour vocation d’être rentable.
Mathieu Baiget 09/08/2020
Bonjour Julien,
L’art n’a pas pour vocation d’être rentable. Mais il mérite cependant de l’être. Un artisan d’art crée des oeuvres et il les vend. Un artiste peint des toiles et il les vend. Ces personnes font ce qu’elles font de mieux. Pour pouvoir le faire à temps plein, leur activité doit être rentable.
Je me vois plutôt comme un artisan d’art, même si ma création est plus intellectuelle et moins manuelle. Et ma démarche de rentabilité personnelle est similaire.
Effectivement tous les jeux ne sont pas rentables de la même façon. C’est parce que le coût de conception n’est pas inclus dans le prix du jeu. Pour faire une comparaison : quand on achète une sculpture en bois, ce n’est pas le bois qu’on paye, mais le temps de travail et le talent de l’artiste.
Sébastien 10/08/2020
Mais que signifie le terme « temps plein » ?
Un « créateur » de jeux souhaitant devenir freelance doit-il se baser sur du 35h/semaine car il est passionné, ou bien sur du 60h/semaine car il est entrepreneur ?
Flob 06/08/2020
Article super intéressant! Pour moi le problème vient du fait que les éditeurs n’ont qu’à se pencher pour « ramasser » plusieurs dizaines d’auteurs. Par la facilité d’avoir de nouveau jeu il est normal de se dire que le poids d’un auteur est très léger,loin d’une denrée rare.
Personnellement je ne comprend absolument pas comment l’acteur principal qui fait que sans lui personne n’a de travail n’est pas valorisé. Cela me rappel l’univers du diamant, les acteurs principaux sont les plus exploités.
J’ai la sensation que le modèle économique des jeux de société modernes à copier la vétusté du modèle économique des grande chaine comme Hasbro. Encore que, ils ont dû acheter le brevet du jeu comme une invention à part entière. Actuellement je ne sais pas si se serait le meilleur pour l’auteur d’être un inventeur mais ça peut être une piste…
Une autre idée pour les auteurs de jeu de société serait d’être considéré comme faisant le métier de Game designer. Comme les jeux vidéo. il y aurait 3 façons principal d’être Game designer:
Indépendant, assumant son rôle de petit du secteur solo ou en très petit groupe.
Employé dans une maison d’édition en tant que chef de projet assistant de projet.
Patron d’une grosse maison d’édition. Avoir le même rôle qu’un indépendant mais avec des équipes dédiées pour chaque facette éditoriale.
Auteur de jeu devrait avoir aussi un vrai statut professionnel. Game Designer/artiste/auteur, qu’importe la dénomination elle doit avoir un poids juridique réel. La volonté d’un véritable auteur de jeu de société s’est de s’y dédier comme tout autre métier et d’en vivre. Pas juste pour la valorisation personnelle… A ce titre, il serait normal que les éditeurs ne travaillent qu’avec les auteurs avec un vrai statut ou avec un diplôme de game designer en poche. (Même si le diplôme de Game Designer en « jeu réel » n’existe pas encore je pense)
Mathieu Baiget 06/08/2020
Merci pour ton commentaire.
Les discussions sur Twitter ont fourni quelques cas d’auteurs rémunérés par des maisons d’édition comme créateurs de jeux. Ce qui équivaut au métier de game designer dont tu parles.
Je suis radicalement opposé à ce que le rôle d’auteur soit conditionné à l’obtention d’un diplôme ou d’un statut. Cela équivaut à fermer la porte à beaucoup d’auteurs talentueux, ou à les forcer à consacrer de l’énergie et de l’argent à obtenir des certifications ou un diplôme. Le diplôme ou le statut doit être un moyen d’acquérir et de prouver des compétences. Il ne doit pas devenir un moyen de réserver la création de jeu à une caste, en interdisant l’édition aux auteurs « non autorisés ».
Je pense que le système actuel de propriété intellectuelle est protecteur envers les auteurs. L’auteur a des droits par le simple fait de sa création, indépendamment de tout contrat, de tout statut ou de tout diplôme. Je suis d’ailleurs favorable à une jurisprudence ou un décret installant définitivement le jeu de société comme une oeuvre de l’esprit, et démontrant définitivement les droits de l’auteur de jeu sur sa création.
Djinn42 06/08/2020
Serge Laget, Serge Macasdar (tiens donc, deux Serge), sont auteurs de jeux mais ont un métier à côté. En rapport avec l’enseignement dans les deux cas d’ailleurs. Et d’autres comme eux ne vivent pas uniquement de leurs créations.
Pas certains qu’ils le souhaitent vraiment. S’enfermer dans la professionnalisation pourrait avoir pour effet une recherche à tout prix de la rentabilité et casser l’élan créatif. Et ça pourrait induire des rapports de forces différents.
BLUECOCKER 06/08/2020
Les très bons jeux ( qui sont les seuls qui devraient être édités mais bon c’est une notion relativement – mais pas tant que ça – subjective) sont une denrée assez rare. Et on a jamais forcé un auteur à signer chez un éditeur, donc le poids d’un auteur est en partie celui qu’il s’accorde. Un contrat comprend une partie de négociation dans laquelle si le critère principal de l’auteur est d’être édité, c’est sur que la négo ne vas pas tourner en sa faveur. Amène moi le nouveau dooble et tu pourras négocier facilement surtout sur les % au dessus de 100k ex. Sur un jeu avec un potentiel mais qu’on est pas sur de bien exprimer, là c’est pas pareil.
Crunsk 06/08/2020
Je ne comprend pas les pourcentages qui sont appliqués par tous les maillons de la chaîne à partir du prix éditeur. Pourquoi tout est basé sur ce prix initial? Intuitivement, pour un distributeur par exemple, j’ai l’impression que le coût de distribution d’un jeu dépend de la taille de la boite (stockage, envoi,) et de la pub qu’il fera. Pourquoi une boite à 10€ coûtera au distributeur moins qu’une boite vendu 100€ si elle fait la même taille? Les frais ne devraient-ils pas être identiques?
Pareil pour la boutique, intuitivement je dirais que le prix dépend de la place que lui prend la boite dans son magasin.
Du coup, si c’était le cas, cela motiverait les éditeurs à faire des boites de petite taille pour réduire le coût distributeur+boutique, ce qui serait bénéfique pour tout le monde (sauf au niveau marketing pour le ressenti client d’une petite boite par rapport au prix).
Bref, je dois surement être complètement à coté de la plaque avec ma réflexion et dire n’importe quoi, mais j’aimerais bien avoir une explication de pourquoi tous les prix des différents intermédiaires sont reliés comme ca.
Mathieu Baiget 06/08/2020
Pour faire simple au risque d’être un peu réducteur :
– La boutique a un potentiel de vente à ses clients globalement stable. Par exemple, 80 000 € de Chiffre d’affaires. Une fois ses charges, ses impôts, etc… payés, elle doit dégager du bénéfice, pour se verser un salaire. S’il lui faut 30 000 € de marge sur ses 80 000 € de chiffre d’affaires (c’est un exemple au hasard), il lui faut diviser 30 000 par 80 000 pour calculer le taux de marge dont elle a besoin. La boutique est + ou – obligée de s’aligner sur le prix de vente annoncé par l’éditeur, sinon les joueurs seront mécontents et elle perdra des clients. Donc, elle va jouer sur le prix d’achat, en essayant d’obtenir le taux de marge le plus avantageux. Avec le temps, le marché s’est stabilisé à 40% de marge brute sur le prix hors taxes.
– La plupart des jeux ont un prix qui est dépendant de la quantité de matériel à l’intérieur. Le joueur juge le prix final d’un jeu à la taille de la boîte et au matériel qu’il contient. Le joueur doit avoir le sentiment qu’en fonction du contenu, le jeu est au juste prix. A quelques exceptions près, le prix du jeu est donc assez prédéfini.
– Si je prends l’exemple de Cuistot Fury, mon jeu, j’aurais pu le vendre 20 ou 25 €, j’ai choisi 20 € parce que je voulais un prix d’appel. Pour convaincre les boutiques de l’acheter, il me fallait leur proposer une marge égale à ce que proposent les autres éditeurs. Donc, je le propose à 10 € HT aux boutiques. Concernant le distributeur, je pense qu’il calcule sa marge en % parce que c’est plus simple, et plus juste. Comment calculerait-il sinon ? Au final, les boîtes étant relativement calibrées en termes de poids/taille, il s’y retrouve. Certains jeux sont peut-être un peu + coûteux que d’autres à envoyer, mais la différence est vraiment minime AMHA.
Hera 06/08/2020
Il aurait était intéressant de comparer ça à d’autre secteur artistique .
Est ce vraiment différent suivant le secteur artistiques ?
Parce que de loin j’ai l’impression que c’est un problème commun à quasiment tous les secteurs artistiques non ?
Les auteurs de bd/livre ont le même problème , pareil dans le secteur du jeu vidéo , et ça doit pas être si différent dans la musique et le secteur audio-visuel .
Et j’ajouterais même les sportifs dans le lot .
Alors bien sur dans tous ces secteurs , suivant le marché potentiel , les têtes d’affiches gagnent plus ou moins . Un acteur, écrivain célèbre gagnera beaucoup plus qu’un gros auteur de jeu de société .
Mais dans le fond un tennisman/Footballeur semi-pro ou un sportif de haut niveau d’un sport pas très populaire , un acteur lambda , un petit développeur de jeu vidéo indé , un auteur lambda que ce soit de BD ou de livre ,soit une grande majorité de la « profession » dans chaque secteur gagnent des clopinettes non ?
Qu’il y a t-il de différent avec un secteur non artistique ? Peut-on utiliser les même métriques dans les secteurs artistiques et les autres secteurs ?
Djinn42 06/08/2020
[ModeRigolo] Est-ce que tu veux vivre dans une villa et rouler en voiture luxueuse de marque prestigieuse ?
Alors la question elle est vite répondue : ne fait pas auteur de jeu de société. [ModeRigolo]
Pas certain qu’on voit un jour un reportage sur la villa de Bruno Cathala ou la collection de voitures de luxe de Bruno Faidutti. Parce que malgré le fait que ce soient des « stars » dans leur branche, ils n’explosent pas le plafond comme certains sportifs, comme certains artistes tous secteurs confondus.
Hera 06/08/2020
Yep mais c’est pas tous simplement plus du au fait que le gâteau est beaucoup , beaucoup plus petit ?
Le marché mondial du jeu de société représente quoi dans les 10 Milliard d’Euro ?
Rien qu’en France
Le livre : 4.5 Milliards
Le cinéma : 2 Milliards
La musique : 1 Milliard
Le marché du football : 7.5 Milliard dont 2.1 Milliard juste pour le football professionnel .
ça doit pas changer grand chose au fait que la majorité du chiffre d’affaire et du fait d’une minorité dans chacun de ses secteurs et donc que la majorité des personnes gagnent pas grand chose .
Djinn42 06/08/2020
Oui certainement. Il y a beaucoup de secteurs de niche qui ne permettent pas à tous les acteurs de se professionnaliser faute de moyens importants. L’éditeur, la boutique et le distributeur en ont l’obligation, légale. C’est clairement leur écosystème qui a fixé les prix, et c’est logique. La part de l’auteur s’uniformise mais n’a jamais été mirobolante à priori. Le travail de la SAJ est primordial et on les remercie.
Djinn42 06/08/2020
A priori c’est 342 Millions d’euros de chiffre d’affaire en 2018 pour le jeu de société en France. Quand le Royaume-Unis et l’Allemagne tournent tous les deux à environ 250 Millions d’euros. Ce ne sont pas des bénéfices, juste un CA.
Aucune idée du marché mondial. Mais pour la France c’est clair que c’est pas les mêmes proportions.
BLUECOCKER 08/08/2020
a priori 340 Md’€ , c’est juste les chiffres de l’hyper spé. Mais oui on est pas un aussi gros marché que d’autres secteurs culturels.
Djinn42 08/08/2020
Possiblement sans grande surface, bien vu.
Mathieu Baiget 06/08/2020
Je pense que comparer le milieu du JDS à d’autres milieux serait riche d’enseignements. Quelques parallèles ont été effectués il me semble par la SAJ. Je ne peux que conseiller à toute personne motivée de proposer un article complémentaire sur le sujet.
Viazemski 06/08/2020
Petite préambule, je suis de tempérament libéral. Donc je préfère que la régulation se fasse par la main invisible du marché (malgré ses défauts) et pas par plus de réglementation. Cette réponse est écrite dans cet axe, elle est donc volontairement partisane, avec ses outrances sans doute, mais c’est pour le débat. J’ai essayé de ne pas être blessant, mais comme je m’emballe parfois, si c’est le cas je m’en excuse à l’avance.
Pourquoi changer ?
Donc le système est comme ça, et ne change pas parce que tous les acteurs y trouvent leur compte. C’est dit dans l’article. C’est vrai, même pour les auteurs, du moins la très grande majorité des auteurs. Quand les auteurs n’y trouveront plus leur compte, ils feront autre chose, les éditeurs se retrouveront sans projets, et un rapport de force s’établira en faveur des auteurs, qui verront sans doute leur rémunération augmenter. Mais tant qu’il y a des auteurs, nombreux, peut-être trop nombreux d’ailleurs, à s’y retrouver dans ces conditions, pourquoi changer ?
Le Coût et La Valeur
On parle bien de chaîne de valeur, pas de chaîne de coût. Qu’il faille deux mois, six mois, trois ans pour faire un jeu, impacte bien sûr son « coût » pour l’auteur, en temps de création. Et le coût a dans certains cas une influence sur la valeur. Mais le coût n’est pas la valeur. La question posée est donc de savoir quelle est la valeur apportée par l’auteur, et plus encore la valeur comparée de tel auteur rapport à tel autre (qui légitimerait l’existence de « professionnels »). Dans une interview, Bruno Cathala disait qu’effectivement son nom lui ouvrait des portes pour amorcer une discussion, et que potentiellement son nom faisait vendre. Modestie sans doute, mais il n’a pas dit que son expérience faisait qu’il produisait systématiquement de meilleurs jeux qu’un débutant (et pourtant qu’est-ce qu’il est doué).
C’est un super avantage : n’importe qui peut se lancer dans la création d’un jeu, et il y a visiblement plein de personnes douées qui y arrivent (traduisez – sont éditées). Et ils peuvent espérer devenir millionnaire sur leur premier jeu. Mais c’est aussi un inconvénient, potentiellement un auteur nouveau peut en chasser autre. Cela nuit à la « professionnalisation », il n’y a pas de barrière à l’entrée.
La Valeur pour l’auteur
Faire un jeu est un travail de création. La Valeur réside dans le plaisir de cette création. Et aussi le plaisir , la fierté de voir son travail reconnu. De voir son nom sur une boite, de dire « c’est moi qui l’ai fait ». On peut aussi y ajouter une valeur financière, parce qu’on est payé. Mais à partir du moment où il y a plein d’auteurs pour qui la valeur « plaisir » compense largement le temps et les efforts passé, et où ils ne sont visiblement pas beaucoup moins bons que les auteurs qui voudraient se professionnaliser, a t’on besoin de professionnels ?
L’Alimentaire
L’auteur-éditeur passera moins de temps à créer, puisqu’il devra également éditer ses jeux. Son activité d’auteur ne sera pas plus rentable qu’avant : il compensera l’impossibilité de vivre de son métier d’auteur en pratiquant un deuxième métier « alimentaire ».
Là j’ai bondi. Le mépris, sans doute inconscient ici, du créateur artiste vis à vis des producteurs qui font de l’alimentaire. Comme le disait Gonzagues dans le Bossu (j’adore cette citation), « l’idée n’est rien, la mise en œuvre est tout ». Et on en revient à la Valeur. D’accord faire un jeu c’est compliqué, ça prend du temps. Mais n’est-ce pas encore plus compliqué, et plus risqué cela a été dit, de faire un travail d’éditeur, de distributeur, de boutique ? Moins noble, ça , pour des occidentaux c’est sur, mais moins compliqué je ne crois pas. Je n’ai pas d’exemple, mais je pense qu’il y a des jeux pas super bien conçus à la base, mais bien édités, qui se sont bien vendus, et pléthore de jeux excellents dont vous n’avez jamais entendu parler. La part de l’auteur dans la valeur finale du jeu est à mon sens moins importante que ce que notre culture occidentale nous laisse penser.
Et puis de base, un job c’est alimentaire. C’est même pour ça qu’on est payé. Sinon ça s’appelle une passion. Et parfois quand on a du bol ou de la persévérance, on fait un job qui correspond à notre passion (mais ça reste alimentaire, puisque ça nous nourrit). Mais pourquoi faudrait-il trouver des solutions pour que tous les passionnés (et Dieu sait s’il y en a) puissent vivre de leur passion ?? Ceux qui y parviennent, tant mieux pour eux, j’en suis sincèrement ravi, mais c’est à eux de trouver les solutions pour, pas à la réglementation de leur permettre de.
Total et unité
On en revient à la manière d’accroître les revenus pour les auteurs. Augmenter ce qu’ils touchent par jeu ? Why not, si un auteur trouve un éditeur qui accepte cela, tant mieux. Si c’est le cas, l’éditeur le fait parce qu’il estime que la qualité, le talent, le professionnalisme de l’auteur le mérite, comparé aux dix autres auteurs qui ont tapé à sa porte. Que la qualité de ce qu’il a devant les yeux le vaut bien. Et l’auteur a des dizaines d’éditeurs chez qui frapper, il n’y a pas (encore) de monopole, qui établirait un rapport de force en faveur de deux ou trois éditeurs (et qui justifierait une législation pour « libérer » un marché trop contraint par un des acteurs).
Sinon il faut augmenter le volume vendu de chaque jeu. Il n’y a pas de bon seuil de « rentabilité d’auteur » il n’y a aucune légitimité à dire que le type qui a vendu trois cents, trois mille, ou trois millions de jeux devrait pouvoir en vivre. C’est le principe de la commission, suivant ce que tu vends, tu seras pauvre ou riche. Mais quand est « professionnel », on doit chercher comment vendre trois millions de jeux et pas trois cents. Ou alors, on retourne au moyen age, on remet des guildes, les « auteurs » officiels et professionnels seront adoubés par leurs pairs, en petit nombre, il y aura moins de jeux différents, et les « amateurs » n’auront pas le droit de faire des jeux sous peine d’avoir les mains coupées. Hum…
Dernière piste, augmenter le nombre de jeux différents produits chaque année. Je ne sais pas combien de temps il faut pour faire un jeu, moi vous me donnez dix ans je n’en pondrai pas un. Mais si 2% de auteurs, comme Bruno Cathala, mettent deux mois et pas six, c’est peut-être parce qu’ils sont professionnels. C’est comme en cuisine, vous pouvez faire un super plat, digne d’un Chef, mais si vous mettez trois heures à le faire, et que vous jetez autant de matière que ce qui est dans l’assiette, vous êtes un amateur. Ça ne vous empêche pas d’être très doué et de faire de la cuisine exceptionnelle, mais si vous ouvrez un restaurant, vous allez faire faillite. Parce que pour être professionnel, il faut aussi aller vite, être économe de ses moyens, etc…
5000 jeux vendus = 3750 € pour l’auteur. S’ils sont faits en 6 mois, revenu annuel = 7500 €. S’ils sont faits en 2 mois, revenu annuel = 22500 €. On va y arriver au SMIC, même avec le pourcentage actuel.
Mathieu Baiget 19/08/2020
Bonjour Viazemski et merci de ton commentaire.
– Je me suis volontairement éloigné du « pourquoi » pour me concentrer sur le « comment » mieux rémunérer les auteurs, afin justement d’éviter d’entrer dans une posture idéologique. Je ne rebondirai donc pas sur la plupart de tes arguments « de tempérament libéral » (pour te citer). Tu conviendras peut-être que les solutions que je propose sont compatibles avec ton tempérament libéral, puisqu’elles se basent sur la transparence vis-à-vis du consommateur et sur son libre choix de privilégier un produit plutôt qu’un autre, selon le bon vieux principe de l’offre et de la demande.
– Concernant le « métier alimentaire » : merci de ne pas me prêter des propos qui n’engagent que toi, notamment quand tu parles de « mépris », inconscient ou non. Voici le sens que je donne au terme : un métier alimentaire, c’est un métier qu’on pratique pour se nourrir sans s’y épanouir, faute de pouvoir pratiquer le métier de son choix. Il n’y a aucune notion de mépris là-dedans. Un métier n’est pas alimentaire en soi, il est alimentaire pour la personne qui le pratique. Pour ma part, j’ai fait beaucoup d’efforts pour pouvoir faire des métiers de passion, qui n’étaient pas seulement « alimentaires ».
– Augmenter le nombre de jeux produits ne permettra pas de mieux rémunérer les auteurs. Cela permettra seulement de mieux rémunérer certains auteurs au détriment des autres. Le gâteau « Marché du jeu de société » a une taille finie. On peut comparer chaque jeu édité à une miette dans la part de 2,5 % réservée aux auteurs. Si un auteur prend 10 miettes au lieu de 5, cela fait autant de miettes en moins pour les autres auteurs. A mon humble avis, le seul moyen de réellement mieux rémunérer les auteurs, est d’augmenter la part du gâteau qui leur est consentie.
Nissa la belle 07/08/2020
Article clair, didactique et en conclusion très intéressant sur le monde des jeux qui est pour moi une passion, tandis qu’il est pour d’autres un métier. Les chiffres donnés permettent de mieux comprendre ce secteur d’activité économique, et c’est un article que j’aurais avoir souhaité lire il y a bien longtemps. Rien que pour cela : merci ! Deux réflexions me viennent. Une première dont beaucoup se sont déjà émus : la rémunération de l’Etat. Inutile de développer elle se passe de commentaires. Et comme tu l’écris, plus l’acteur est puissant et rémunéré , plus il a intérêt au statu quo. Je te rejoins sur le fait qu’une TVA a un taux minorée n’est pas pour demain, ni après-demain, sans compter les problèmes juridiques à résoudre d’abord pour ceux qui veulent se persuader que les jeux est un produit culturel. Dernière observation : finalement, c’est celui qui tire la caravane, celui sans lequel rien ne pourrait arriver, et qui arrive à créer de la richesse pour les autres intervenants du secteur, qui est le moins rémunéré au final. C’est peu gratifiant. Je concluerai en ouvrant le sujet sur un autre plan : est-ce que nos passions doivent nous conduire à accepter ce qui n’est pas raisonnable et normal. Encore merci pour ton article passionnant et merci à Ludovox d’être le SEUL site où l’on peut encore trouver des articles de fond sur le jeu de société (suivez mon regard… ), voire des edito toujours formidables à lire qui propose un autre regard sur le monde du jeu au-delà d’une simple paraphrase des règles du jeu, teintée d’un émerveillement béat, ou encore des analyses de jeux poussées, détaillées et toujours intéressantes.
Mathieu Baiget 07/08/2020
Merci de ton commentaire et de tes compliments.
Concernant le taux de TVA, si l’on compare aux autres pays européens, nous sommes dans la moyenne : https://www.l-expert-comptable.com/a/531069-les-taux-de-tva-par-pays-en-europe.html
alexis suard 07/08/2020
Bonjour
Une piste serait qu’un auteur éditeur puisse vendre en direct ses jeux sur les festivals. C’est un lieu de rencontre avec le public. Or souvent, il lui est interdit de le faire car une boutique a l’exclusivité et elle veut appliquer la même marge que dans ses locaux sans avoir les mêmes risques puisqu’elle n’a pas acheté le jeu.
Alexis
Mathieu Baiget 07/08/2020
Bonjour Alexis,
De mon expérience, vendre en direct sur les festivals ne rembourse pas totalement les frais liés aux festivals, mais cela permet de réduire considérablement les coûts et donc à des petits éditeurs d’animer et de faire découvrir leurs jeux. Cuistot Fury, par exemple, se vend extrêmement bien en festival.
Tu cites l’obligation de vendre à la boutique du festival. J’ai rencontré ce cas de figure sur plusieurs festivals. Ma réponse est différente selon les cas :
– Si le stand est gratuit ou presque, j’accepte de vendre sur la boutique du festival car cette dernière finance mon stand (en reversant une part des gains au festival, qui peut ainsi m’offrir le stand).
– Si le stand est payant et que la boutique m’a soutenu en mettant en avant mon jeu en boutique, j’accepte également de vendre sur la boutique du festival.
– Si le stand est payant, que la boutique n’a pas voulu référencer mon jeu, et qu’elle ne veut pas faire d’achat ferme, selon les conditions proposées par le festival, je peux accepter de vendre sur la boutique du festival, avec un tarif « dépôt-vente » un peu plus élevé que le tarif « achat ferme » habituel (la boutique fait 30% de marge au lieu de 40%).
– Si le stand est payant, que la boutique n’a pas voulu référencer mon jeu, qu’elle ne veut pas faire d’achat ferme, qu’elle refuse un tarif « dépôt-vente », alors généralement je ne viens pas au festival.
La plupart du temps, ma décision de faire un festival est motivée par l’analyse du ratio « combien ça me coûte » VS « quel est l’impact en termes de communication ». Mon envie de faire le festival joue aussi dans la balance. J’ai par exemple une affection particulière pour Octogônes Lyon. Ludiconcept est une petite maison d’édition, avec un budget communication limité ; je suis obligé de faire ces calculs pour ne pas me retrouver dans le rouge.
Parfois, la boutique du festival joue vraiment le jeu : commande en achat ferme payée rubis sur l’ongle avant le festival, nouvelle commande juste après le festival pour mettre le jeu en avant dans la boutique… Dans d’autres cas, la boutique fait seulement du dépôt vente pendant le festival et elle ne met pas le jeu en boutique après le festival, alors même que le jeu a été parmi les meilleurs vendeurs.
alexis suard 07/08/2020
Merci pour ces détails. Je me pose les mêmes questions avec mon premier jeu qui sort bientôt.
Je n’ai rien contre les boutiques puisque je suis moi même client. Mais si mon jeu n’est pas distribué en boutique, je ne vois pas pourquoi je devrais laisser un pourcentage à la boutique partenaire si je paye mon stand.
Déverrouiller les festivals serait un premier pas pour mieux rémunérer les auteurs.
Mathieu Baiget 07/08/2020
Déverrouiller les festivals sera une solution de rémunération pour les petits éditeurs (y compris ceux qui sont auteurs-éditeurs), mais pas pour les auteurs eux-mêmes.
alexis suard 07/08/2020
Tout est lié. Les éditeurs seraient gagnants et ils pourraient mieux rémunérer les auteurs.
BLUECOCKER 08/08/2020
Vu le % de vente directe que je fais sur l’année, c’est pas anecdotique , mais c’est lin d’être une solution non plus.
Mathieu Baiget 08/08/2020
Je vois la vente directe en festival avant tout comme un moyen de réduire les frais de communication et donc de pouvoir multiplier la présence en festivals. Pour ma part, malgré des ventes très honorables, je ne fais pas de bénéfice sur les festivals. Ca me semble donc difficile de le considérer comme une solution de rémunération des auteurs.
alfa 07/08/2020
Merci pour ce travail de synthèse et ces pistes de réflexion. (Et Merci ludovox de mettre régulièrement des articles de fond. )
je pense que tes ordres de grandeur sont bien représentatifs , et je suis d’avis que les rémunérations des auteurs sont insuffisantes , en particulier si l’on souhaite aller vers une professionnalisation de la création. Mais le souhaite t on ? L’image du créatif pro à temps plein n’est elle pas une utopie du star system , incohérente de la liberté d’esprit que demande la création ?
Je ne savais pas que la vente en direct en festival n’était pas courante, j’ai déjà vu de petits auteurs-éditeurs vendre directement depuis leur stand et je croyais naïvement que cela pouvait être la norme.
Mathieu Baiget 07/08/2020
Concernant la vente en festival, chaque festival fixe ses conditions. Certains festivals sont organisés ou coorganisés par des boutiques. Quand la boutique donne à la fois du temps et de l’argent pour le festival, elle attend un retour sur investissement, via la vente pendant le festival.
Ensuite, selon les boutiques et les festivals, il y a ou non un effort de compréhension envers la situation particulière des petits éditeurs.
Mon constat, c’est que les petits festivals sont en moyenne plus compréhensifs. Ils ont besoin des petits éditeurs pour attirer du public et créer de l’animation. Alors que les gros festivals rempliront les stands de toute façon.
Mathieu Baiget 07/08/2020
Concernant la professionnalisation des auteurs… Je ne pense pas que gagner correctement ma vie grâce à mes créations me fera perdre ma liberté d’esprit. Ce sera même plutôt le contraire : libéré du stress du lendemain et des contingences matérielles, je pourrai me concentrer sur la partie créative, et me risquer sur des projets plus ambitieux.
Groule 07/08/2020
Salut Alfa, le problème c’est que si l’on suit ton argument de la création pervertie par la rémunération, cela vaudrait également pour tous les autres professionnels créatifs au même titre : comédiens, acteurs, peintres, dessinateurs, tout ce monde qui travaille sur commandes.
Ce n’est parce qu’un métier est lié a une passion ou un talent créatif que l’on ne doit pas pouvoir en vivre. Un créatif n’est pas tout le temps en mode « chaîne d’assemblage » 35h par semaine, et pourtant le métier existe bel et bien (et fort heureusement !).
Hector_chamallow 07/08/2020
Bravo bel article. Qui permet d’y voir aussi plus clair. Merci !
JB 09/08/2020
Merci Mathieu pour ton article conséquent et indispensable, et pour toutes tes réponses claires, pondérées et honnêtes.
Merci aussi à tous les intervenants ; cette page, bien que (souvent) édifiante sur l’état actuel du marché du jeu de société, aide les auteurs de jeux de société (ceux déjà édités autant que ceux en devenir) ! En tous cas en ce qui me concerne, elle me permet de mieux appréhender les défis qui seront sur la route de la commercialisation.
Ayant aussi fait auteur de BD, et la situation de la rémunération de l’auteur étant hélas similaire, je m’étais renseigné auprès de « la ligue des auteur de bande dessinées » pour les contrats. A l’époque, ils envisageaient d’en faire une sorte de « Guilde » à l’américaine, un peu comme à Hollywood pour les scénaristes. A creuser peut-être…
En tous cas, le label (pour sensibiliser les acheteurs) et le taux HT me semble être des pistes indispensables.
A la prochaine, et encore merci pour ta passion. 🙂
Jean-Baptiste T.
Tasmat 11/08/2020
Merci beaucoup pour cet article. J’avoue que je suis content, en tant que passionné, d’avoir des articles un peu plus profonds et éclairant les coulisses de ce hobby dévorant ^^
Je m’étonne toujours un peu d’ailleurs que ce genre de données soit peu partagé de manière générale (ou pas forcément facilement accessible) :
– Est-ce que la diversité des situations fait que pouvoir en parler (et donc généraliser) est très compliqué ?
Comme tu le dis et comme le montre les commentaires, chaque situation est différente (auteur « pro », auteur plaisir, auto-éditeur, structure d’édition, succursale de gros groupes, etc.) et donc que c’est difficile de faire des généralités ?
– Est-ce une volonté de ne pas forcément éventer la chaîne de valeurs ?
J’avoue que quand j’ai découvert que les magasins prenaient 40% du prix, j’étais surpris. Pas forcément choqué, mais ayant appris les rémunérations d’auteurs avant la marge des boutiques, ça m’avait vraiment fait quelques choses. Mais ça montre qu’effectivement le gâteau est réparti de tel manière qu’on pourrait penser que c’est mieux de ne pas mettre en avant son détail.
– Est-ce parce que ça n’intéresserait personne ?
C’est une grosse possibilité. Les gens jouent pour s’amuser et que je pense qu’une grande partie des joueurs n’ont pas idée ou s’en fiche de savoir comment ça tourne en coulisses.
Dernière question, quel rôle joue / va jouer l’émergence de mastodontes du secteur (Asmodée) ou l’arrivée de grosses structures (Hachette, etc.) ? Peut-on espérer que leur poids pourrait permettre de jouer dessus ? (genre j’ai une structure qui marche, je peux me permettre de mieux rémunérer mes auteurs), ou doit-on considérer que l’on va arriver/continuer sur une logique de pression de coûts qui pourrait empirer la situation (de type monopole d’édition et donc pression sur les marges, notamment des auteurs) ?
Mathieu Baiget 16/08/2020
Bonjour Tasmat et merci pour ton commentaire.
– Les données économiques et financières sont rarement partagées, quel que soit le domaine. Le milieu du jeu de société n’échappe pas à cette règle.
– Je pense qu’il y a une forme de malaise de certains acteurs du milieu, à dévoiler leurs chiffres. Pour certains, parce que « ça ne se fait pas » de parler d’argent dans un milieu de passionnés. Pour d’autres, parce que les chiffres montreraient qu’il n’est pas seulement question de passion mais aussi de business. Certains acteurs veulent se montrer plus en difficulté qu’ils ne sont. D’autres au contraire, veulent surévaluer leur succès aux yeux de la communauté.
– Je pense effectivement que beaucoup de joueurs se désintéressent de tout aspect qui ne touche pas directement leur pratique de divertissement ou de consommation. Parler de chaîne de valeurs, s’intéresser à la rémunération des auteurs, c’est en quelque sorte avoir une vision « politique » du jeu de société.
– Je ne pense pas que l’émergence de mastodontes sera en faveur des auteurs. En signant son jeu chez un gros éditeur, un auteur a de meilleures chances que le jeu devienne une « locomotive » qui générera beaucoup de ventes. Donc, un auteur a tout intérêt à accepter les conditions de ces mastodondes. Et ces mastodontes ont plus de choix, on leur propose plus de prototypes, avec un rapport offre/demande qui leur est favorable.
Les monopoles se sont rarement faits dans l’histoire au profit des acteurs les plus fragiles d’une chaîne de valeurs. Les grosses sociétés d’édition de jeux, qui ont des objectifs de rentabilité et sont cotées en bourse, n’ont a priori aucun intérêt à redistribuer aux auteurs, les économies qu’elles ont pu réaliser sur certains postes de coût.
Je pense que la part du gâteau accordée aux auteurs va globalement rester la même, avec cependant une grosse différence : les ventes vont se concentrer. Quelques auteurs gagneront plus d’argent grâce aux gros volumes de vente générés par les 2-3 plus gros éditeurs, alors que la plupart des auteurs verront le volume de vente de leurs jeux baisser, parce que les « petits éditeurs » perdront du terrain sur le marché du jeu. Moins de ventes = Moins d’argent pour ces auteurs.
Je pense aussi que la concentration du marché desservira les petites boutiques avec une présence accrue des « best-sellers » en GSS (Grandes Surfaces Spécialisées) et en Grandes Surfaces. Ces structures pratiquent des marges réduites et obtiennent de meilleurs prix d’achats et seront donc plus concurrentielles que nos boutiques spés. La baisse des prix d’achat signifie aussi la baisse de la rémunération des auteurs (cette dernière est souvent calculée sur le CA – chiffre d’affaires – généré par l’éditeur plutôt que sur le PPC HT – prix public hors taxes).
Plus les ventes se concentrent, et plus il devient facile pour une grande surface de standardiser un catalogue de jeux de société. A l’heure actuelle, les ventes restent relativement éclatées grâce aux + de 1000 sorties de JDS par an. Tant que le marché est pléthorique et éclaté entre des centaines de références, chaque référence génère de faibles volumes de vente. Il est alors nécessaire de faire appel à des boutiques spécialisées pouvant maîtriser et gérer un vaste catalogue. Si le volume de sorties diminue ou si les ventes se concentrent sur quelques références, alors ces références deviendront rentables pour des acteurs plus gros. Les boutiques spés ne pourront pas s’aligner en termes de prix et perdront des parts de marché sur les produits les plus rentables.
Mathieu Baiget 25/08/2020
Sondage sur le label « Fair Game »
Bonjour à tous,
Suite au succès de l’article, j’ai lancé un sondage sur le label « fair game ». Je vous invite à donner votre avis en répondant au sondage.
https://forms.gle/xykKFhCPeXoxMQkx7
El Cam 29/08/2020
J’arrive un peu après la bataille mais merci Mathieu pour cette synthése conséquente et très détaillée. Tu ne doit pas ignorer que la SAJ discute ardemment de ces enjeux en ce moment, et que la plupart de tes conclusions se retrouvent dans leurs discussions. Je m’étonne de ne pas t’y avoir vu davantage.
Mathieu Baiget 31/08/2020
Merci de tes compliments. Concernant la SAJ, peux-tu me dire où ont eu lieu ces discussions ? J’en suis membre et je suis actif sur le groupe Facebook des membres. Jusqu’à présent, je n’ai pas pu participer aux AG car elles ont lieu pendant les festivals, lors desquels je suis indisponible (tenue du stand Ludiconcept). Y a-t-il un autre canal de discussions que j’aurais raté, ou cela a-t-il lieu pendant les AG ?
Mathieu Baiget 31/08/2020
Merci de tes compliments. Concernant la SAJ, peux-tu me dire où ont eu lieu ces discussions ? Je suis membre et je suis actif sur le groupe Facebook des membres. Jusqu’à présent, je n’ai pas pu participer aux AG car elles ont lieu pendant les festivals, lors desquels je suis indisponible (tenue du stand Ludiconcept).
XavO 04/09/2020
Merci pour l’article Mathieu.
Je suis convaincu que le secteur économique du jeu de société modernes dysfonctionne (surproduction, faible rému des auteurs mais aussi illustrateurs…). Pourtant, j’ai du mal avec le label Fairgame que tu proposes. Quand j’achète du café ou du thé, je favorise toujours les labels « Fairtrade ». Je sais que je vais rééquilibrer les échanges entre des compagnies puissantes et des personnes dans la misère. Avec les acteurs français, j’ai déjà payé mes différents impôts pour faire en sorte que personne ne soit dans la misère. J’en connais bien les limites, mais avouons que l’aide que peut attendre de l’état un ouvrier agricole d’Afrique des bannerais et un citoyen français en difficulté ne se compare pas. Il me semble du coup, que ce label appliqué aux jeux de société est bancale. Il emprunte un vocabulaire (« fair ») qui correspond à d’autres réalités. Attention, je comprends bien la logique mais je n’adhère pas à la proposition en l’état.
Pour moi, le prix des jeux doit augmenter et il doit sortir moins de jeux.
Mathieu Baiget 04/09/2020
Bonjous XavO, voici mon point de vue :
– Plusieurs labels de Commerce équitable s’appliquent aux produits créés/fabriqués en France. Certains considèrent même que le commerce équitable n’est pas compatible avec des échanges longue distance.
– Le nom du label n’est pas fixé. J’utilise « Fair game » parce qu’il faut bien le nommer dans l’article. « Fair » signifie « juste ». Ce terme me semble adapté si le but du label est justement de permettre une répartition plus juste de la valeur créée.
– Que l’on rémunère correctement les auteurs ou non ne changera rien à la vie des ouvriers agricoles africains. Un éventuel label « fair game » ne leur portera en aucune façon préjudice.
– Je suis persuadé que la moralisation de la consommation bénéficie aux différentes facettes de cette consommation. Toute sensibilisation à une cause, permet par effet rebond de sensibiliser à d’autres injustices.
A mon sens, il faut se concentrer sur le primordial et laisser l’accessoire de côté. Pour moi, le primordial, c’est d’agir concrètement pour mieux rémunérer les auteurs. A rechercher un absolu, on finit par paralyser toute initiative. 😉
XavO 04/09/2020
Merci pour ta réponse. Tes arguments font mouches ! Je vais y réfléchir.
Est-ce que l’idée d’une coopérative éditeur possédée par les auteurs te semble une solution ?
Mathieu Baiget 04/09/2020
En théorie, je dirais oui. Ensuite, l’important est d’analyser comment appliquer cette idée. Une coopérative d’auto-édition signifie :
– Des porteurs de projets qui se lancent dans un projet entrepreneurial de longue haleine. Lancer un tel projet, c’est travailler à temps plein pendant 3 ans, avec le risque d’un échec au bout de 3 ans.
– Des compétences d’éditeur (tous les auteurs n’ont pas l’envie ou la capacité de devenir éditeurs)
– Une solution de financement : au moins 50 000 €, à la louche. Qui finance ? Celui qui finance ne risque-t-il pas de prendre l’ascendant sur la structure ?
– Une capacité à s’implanter dans le milieu. Ce qui signifie notamment la capacité à produire, à commercialiser et à communiquer. Il faut créer un réseau de commercialisation et avoir un budget de communication pour promouvoir les jeux
Si des gens investissent du temps et de l’argent pendant 3 ans dans un tel projet, ils peuvent légitimement souhaiter en tirer bénéfice. Si cela devient un projet d’entreprise, dans ce cas la coopérative risque de se transformer en éditeur classique.
Drix 08/11/2020
Article passionnant, et les commentaires ne le sont pas moins ! Ça prend du temps de tout lire, mais ça en vaut la peine. L’idée d’un label me semble effectivement la meilleure solution si l’on veut palier le caractère injuste du système actuel : le créateur est à la base de tout mais se retrouve la dernière roue du carrosse. Même le « libéral » Viazemski devrait approuver car l’avantage d’un label est qu’il laisse le consommateur libre de son choix quand il est devant les rangées de boîtes de jeux. Je pense que si l’idée est bien vendue, ça peut marcher car les gens étant de plus en plus informés, ils deviennent sensibles à ce genre d’arguments. Comme toi, je suis totalement contre l’idée de rendre obligatoire l’obtention d’un diplôme pour éditer un jeu. Je ne suis pas opposé à une professionnalisation « intelligente », mais créer une guilde fermée sur elle-même comme sous l’Ancien régime est un contre-sens absolu : on ne peut domestiquer la création. Se battre pour que les auteurs aient une juste rémunération est un combat de longue haleine mais indispensable…
Mathieu Baiget 09/11/2020
Content que l’article t’ait intéressé. 🙂
Détailler le label et comment je vois son fonctionnement, c’est l’objectif de mon prochain article. Je ne sais pas encore s’il sera publié sur Ludovox ou sur Ludiconcept.
Cédric Maury 11/11/2020
Merci de ton retour, Mathieu. Je vais guetter ce second article avec impatience 😉
Niko 12/11/2020
Bonjour Mathieu
Question de la part d’un néophyte qui fait un peu de création de jeu pour le plaisir. Je ne comprends pas quand vous parlez de 6 mois à temps complet pour créer un jeu. Que faites vous concrètement pendant tout ce temps ? Pourquoi cela vous prend-il autant de temps et qu’est-ce qui vous prend le plus de temps ? Merci de votre réponse.
Nicolas
Mathieu Baiget 26/11/2020
Bonjour Niko,
Ce sera l’objet d’un prochain article à venir sur mon blog (la suite de cet article).
Pour résumer : Test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, prototypage, test, recherche de solution, arrachage de cheveux, plein de stats, gribouillages, mind-mapping, prototypage, recherche de joueurs, test, test, test, test, test, test, test… 😉
hawai_romain 21/01/2021
sur des petits jeux peux etre que l’auteur peux vendre juste les instructions et fichier pour fabrique le jeux soi meme ?
ou un systeme du genre l’auteur a un tipee et en echange d’un tip obtenir du contenu additionel ?
Mathieu Baiget 03/02/2021
Bonjour à tous,
J’en avais parlé, je l’ai fait : vous trouverez mon article sur le label « jeu équitable » sur mon blog : https://www.ludiconcept.fr/un-label-equitable-pour-les-jeux-de-societe/
Je fournis également les résultats du sondage que j’ai réalisé sur la rémunération des auteurs de jeux.
Bonne lecture !
ZoidbergForPresident . 16/04/2022
Cool article!
J’aime bien l’idée du Label, même si les soucis qui en découlent devront mettre du temps pour être résorbés.