Donjon : Les Apprentis Gardiens – Monstres et compagnie

 

Aller chercher des trésors, affronter des monstres, se couvrir de gloire, c’est bien joli, mais n’est-ce pas regarder uniquement du point de vue des intrépides héros, toujours prêts à partir à l’assaut du premier donjon venu ?
 
Et si on se plaçait de l’autre côté du miroir ?
De celui qui est justement en charge de la bonne organisation de ces donjons, qui doit assurer le bien-être des créatures qui y demeurent. Imaginez-vous, vous, maître de donjon, voir débouler ces aventuriers bruyants, malpolis, s’introduisant dans votre antre sans y avoir été invités ?
 
Cela ne peut se passer ainsi !
 
Donjon – Les apprentis gardiens, de Joachim Thôme (Rivages, Wild space, Dicium…) chez Sylex, est une adaptation ludique d’une série de bandes dessinées à succès de Lewis Trondheim et Joann Sfar, initiée en 1998. Dans un univers heroic-fantasy décalé, cette série aborde des thèmes adultes sous couvert de dessins légers et joyeux. Plus d’une soixantaine d’albums tout de même, sur la vie dans un donjon truffé de monstres (et d’aventuriers) !
 
Sans surprise, nous allons, dans cette adaptation de la BD Donjon, nous retrouver dans la peau d’un gardien de donjon. Chaque joueur dispose de son propre établissement, constitué de quelques salles, même si ceux-là sont tous identiques. Au cours des manches de la partie, nous aurons à déplacer nos créatures dans les différentes salles de notre bâtisse, tout en gérant l’arrivée fréquente d’aventuriers s’introduisant chez nous.
 
 
La première étape de chaque manche consistera à faire une sorte de maintenance, alimentant les lieux où recruter de nouveaux monstres (qui sortent évidemment d’une forêt obscure ou d’un marais putride), puis à faire venir de nouveaux aventuriers ou les faire avancer dans les salles de votre donjon.
À noter qu’un aventurier n’arrive pas par la porte d’entrée, mais directement dans votre première salle. Ben oui, il ne manquerait plus qu’on leur demande d’enlever leurs bottes en arrivant, et toquer à la porte des monstres !
 
Les monstres justement. Ils sont de variétés différentes : vampires, squelettes, araignées, brous (sorte d’hommes bêtes), et naturellement dragons. Que serait un donjon sans dragon ?
 
Cette maintenance de début de manche peut aussi conduire à déclencher un événement qui pourra soit pénaliser les joueureuses avec le plus d’aventuriers dans leur donjon, soit récompenser ceux qui en ont le moins. C’est ici qu’on jette un œil rapide aux plateaux des adversaires.
 
Ensuite, le joueur actif pourra choisir deux monstres d’un même type sur une zone de recrutement, pour les placer à l’entrée de son donjon ou dans une salle où il y a déjà un copain monstre du même type. Cela donnera un nombre de points de déplacement équivalent au nombre de monstres présents dans son donjon, toujours du même type que ceux recrutés. 5 dragons présents au total, 5 points de déplacement à repartir à son bon vouloir sur l’ensemble de nos monstres. On voit bien que se spécialiser sur un type de monstre présente des avantages certains. Mais se diversifier est aussi une bonne approche.
 
Mais pourquoi donc déplacer ces monstres dans notre donjon ? Pour contrer les aventuriers ? Eh bien non ! Un monstre sert à vous faire gagner des points en fin de partie en fonction de son positionnement dans les salles. Des objectifs auront été choisis aléatoirement en début de partie, et nous inciteront, par exemple, à mettre des vampires dans les couloirs entre les salles, ou faire des duos d’araignée/squelette.
 

Nos objectifs : placer des monstres dans les salles

Une autre utilité à déplacer vos monstres dans les salles est d’en sacrifier un pour bénéficier du pouvoir de la salle où il se trouve. On reste un gardien de donjon plutôt diabolique ne l’oublions pas. Allez, hop, aux oubliettes le monstre ! Les oubliettes sont d’ailleurs un autre lieu de recrutement pour la phase de maintenance. Recyclons les monstres déchus !
 
Les quatre salles de votre donjon permettent d’activer des pouvoirs intéressants, dont il serait dommageable de ne pas en profiter. On pourra activer des mixtures, invoquer un VIP (Very Important Personnage), ou encore convoquer un « Porteur de l’épée du Destin ». Les bonus acquis permettront essentiellement d’éliminer des aventuriers (c’est d’ailleurs la seule façon de le faire), déplacer vos monstres, ou en invoquer de nouveaux. Certains pouvoirs peuvent avoir aussi un effet sur le donjon des adversaires.
 
 
La salle finale de votre donjon, si elle n’a pas de pouvoir particulier, permettra tout de même d’obtenir des bonus spéciaux si vous réussissez à y emmener 5 de vos monstres. En perdant des points de victoire, vous alors pourrez les activer. Attention néanmoins à ne pas laisser les aventuriers atteindre cette salle finale car il vous en coûtera des points de victoire.
 
Une fois la pioche des cartes permettant d’alimenter les réserves de monstres épuisée, cela sonne la fin de la partie. Chaque joueureuse comptabilisera alors ses points par rapport aux objectifs, mais perdra aussi des points s’il reste des aventuriers dans le donjon, en fonction de leur progression dans les salles. 
 
Que gagne le grand vainqueur ? Sûrement de la visibilité sur son donjon, ce qui ne peut avoir comme conséquence que d’attirer de nouveaux aventuriers.  Était-ce une si bonne idée, finalement ?
 

 

Monstres et compagnie

 
Découvert à l’occasion du festival de Cannes, je reconnais que j’ai immédiatement été attiré par la proposition de plonger dans l’univers de Trondheim et Joann Sfar.
 
Le style graphique propre à la bande dessiné donne au jeu un côté original. On retrouve les personnages de la série, et c’est toujours agréable quand on les identifie, même si on ne les incarne pas. On comprend aisément ce que le jeu attend de nous, et on prend plaisir à déplacer nos petits monstres sur les différentes salles du donjon. C’est visuellement réussi à ce niveau.
 

Que d’icônes !

Au niveau des règles, le jeu se veut plutôt familial, donc la prise en main est assez évidente. Il y a bien un peu de maintenance à gérer, mais rien d’insurmontable. Par contre, le livret de règles pique vraiment les yeux. Il y a eu un parti pris de remplacer les textes par des icônes et cela surcharge la lecture, ce qui n’est pas très agréable.
 
L’objectif de Donjon – Les apprentis gardiens est de correctement agencer ses monstres pour maximiser ses points, tout en retirant ces désagréables aventuriers. C’est marrant de trimbaler nos bestioles mais j’aurais aimé un peu plus de souffle épique dans la partie.
 
Le jeu se cantonne à une optimisation de placement pour répondre aux objectifs de fin de partie : placer des monstres dans plusieurs salles ou avoir un certain type de monstres en quantité suffisante. L’interaction entre les joueureuses va essentiellement être là : réussir à prendre les monstres qui nous intéressent avant que les autres nous les piquent. Mais, sauf en cas de pénurie d’un type de montres, on arrivera toujours à notre fin.
 
Bref, sans lui demander d’être narratif, le jeu ne m’a pas raconté d’histoire et ce qu’on fait s’avère presque abstrait au final. Les objectifs eux-mêmes n’ont pas de but précis. Qu’est-ce qui justifie de devoir mettre au moins une araignée dans chaque salle ?  
 
Mon impression est que beaucoup d’éléments sont peu exploités dans Donjon – Les apprentis gardiens. Outre les objectifs finaux de points de victoire, qui se ressemblent assez d’une partie à l’autre, la mécanique du jeu ne nous met pas vraiment dans la situation d’un vrai gardien de donjon, craint et respecté. Les monstres n’ont rien qui les différencient les uns des autres. Ils se déplacent de la même façon et n’ont aucune caractéristique propre. J’aurais aussi apprécié plus de variété dans les salles, avoir un vampire qui suce le sang d’un aventurier, une araignée qui se déplace différemment… 
 
De manière surprenante, il n’y a aucune interaction directe entre vos monstres et les aventuriers qui progressent dans vos salles. Certes, les artefacts et autres VIP permettent d’éliminer les aventuriers, mais ces derniers ne sont aucunement inquiétés par vos créatures. On les laisse passer tranquillement.
 
Et inversement, les aventuriers n’ont cure de vos monstres et avancent vers le fond du donjon comme s’ils étaient seuls. Pas un coup d’épée. Pas une petite baston dans une salle. Ils progressent sans but précis explicite d’ailleurs. Une fois arrivés dans la dernière salle, ils attendent de se faire éliminer pour ne pas être trop pénalisant en points de victoire. On a l’impression d’être dans un jeu de Tower defense sans défense. 
 
 
Par ailleurs, une première frustration se constate dès le début de la partie, pour le dernier joueur. Avec un peu de malchance au tirage des menaces, il n’aura pas le temps de jouer avant que le premier aventurier n’atteigne sa dernière salle et lui octroie sa première tuile malus. Ce n’est pas si grave en soi sur le calcul final, mais ça fait tout de même grincer des dents. Cela m’est tout de même arrivé deux fois en quatre parties … Groumphhh (râlement de dragon irrité).
 
En synthèse, la mécanique de Donjon : les apprentis gardiens fonctionne, et s’avère assez fluide, même si les tours sont un peu longuets à quatre joueurs. Mais elle ne nous fait pas vivre quelque chose. C’est ce qui m’a manqué dans mes parties : vivre quelque chose. Je n’ai ainsi pas retrouvé l’univers de la bande dessinée, autre que graphiquement. 
 
Probablement, avant de jouer, je m’étais aussi attendu à une expérience qui se rapproche d’un ancien jeu vidéo de mon enfance : Dungeon Keeper, avec une gestion plus fine de mon donjon. Mais ce ne fut pas le cas. Je préfère donc me replonger dans les bandes dessinées.
 
Si vous aimez les BD, sachez qu’il existe d’autres jeux qui ont emprunté leur inspiration dans le vaste univers de la bande dessinée. En voici trois exemples qui m’ont marqué : 
  • Witness de Dominique Bodin chez (anciennement) Ystari, adaptation de Black & Mortimer où les joueureuses doivent résoudre des énigmes selon une mécanique original de transfert d’information sans se parler directement. Un véritable OLNI (Objet Ludique Non Identifié) qui devrait avoir une nouvelle adaptation prochainement. 
  • Thorgal, The Board Game, de Joanna Kijanka, Jan Maurycy Swieccki, Rafal Szyma chez Pixie :  Le jeu reprend les aventures du plus malchanceux des vikings (avouez, il enchaîne les problèmes) dans un jeu coopératif de 7 scénarios sorti en 2024.
  • Asterix & Compagnie, de Jean-Marc Tribet et François Rouzé chez Matagot : qui arrive en mai dans nos boutiques, où gaulois et romains s’affrontent joyeusement dans une mécanique à la Smash Up, où tous les personnages d’Asterix y sont admirablement retranscrits.

 

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5 Commentaires

  1. seb il y a 12 jours
    Répondre

    Bonjour,

    Et par rapport à dungeon lords, qui est pour moi la référence sur ce thème, ça vaut quoi?

    • Meeple_Cam il y a 12 jours
      Répondre

      Hello. Hum, je ne sais pas bien répondre. C’est comme comparer Agricola et Le temps des moissons. On plante des légumes dans les 2 jeux, mais ce n’est pas du tout la même chose :). Plus sérieusement, Dungeon Lord est un jeu expert simulant une gestion de donjon qui, pour le coup, se rapproche beaucoup plus de Dungeon Keeper. Cela n’a rien à voir avec Donjon : apprentis gardiens, mise à part une thématique proche, mais pas du tout exploitée de la même manière.

    • Shanouillette il y a 11 jours
      Répondre

      Je plussoie la réponse de Cam, que ce soit en termes mécaniques, de sensations ou de complexité (DL de god Chvatil est nettement plus expert), ils ont peu en commun en dehors du fait qu’on parle de donjon.

  2. Doc.Fusion il y a 12 jours
    Répondre

    Dans cette veine un peu Dungeon Keeper, j’aime beaucoup Keep the Heroes out, un deckbuilding dungeon defence, en anglais (pas de texte sur le matériel, pdf en français disponible), créé par un auteur brésilien, Luis Brueh.

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