Dead Cells, version plateau : du nouveau sous le soleil roguelite

          Dead Cells, la version plateau, commence à arriver chez les backers du projet participatif lancé le 16 mai 2023 sur Kickstarter – projet ayant retenu l’attention et les sous-sous de quasi 12 000 contributeurs, tout de même ! Faut dire que le jeu vidéo  d’origine est célébré dans le monde comme un roguelite d’exception. La pression pour la team Kaedama (Antoine Bauza · Corentin Lebrat · Ludovic Maublanc · Théo Rivière) se posait là. Si on avait déjà vu l’équipe au service de participatif ambitieux (Arkeis, notre article), c’était un choix plus surprenant encore de retrouver à l’édition Le Scorpion Masqué, qui s’est d’abord fait un nom dans le secteur avec ses jeux d’ambiance, même s’il a progressivement commencé à explorer d’autres terrains depuis 2018, avec Zombie Kidz Evolution

À travers cette réalisation, un certain pari pour l’éditeur, avec un saut du côté du participatif d’une part (accompagné en cela par La Boite de Jeu), et une prise de risque éditoriale en tablant pour la première fois sur une grosse “IP” chérie par une communauté de gamers qui allait forcément attendre de pied ferme un roguelite fidèle au matériau d’origine – exigeant autant qu’addictif. 

Après avoir terminé le jeu en mode « normal », nous pouvons dire que la promesse est vraiment tenue. Le résultat est même plutôt impressionnant. On trouve dans Dead Cells, sans doute pour la première fois à ce niveau-là, un jeu de société qui adapte et adopte aussi fidèlement la philosophiedie and retry” du roguelite d’origine. On avait vraiment aimé l’adaptation de Slay the Spire, mais le jeu tourne plus autour de la mécanique du deck-building. On aimait bien le Bloodborne d’Eric Lang & Michael Schinall, mais c’était plutôt un “do not die” qu’un “die & retry”. Avec Dead Cells, on se concentre réellement dans le design sur le “essaie encore”. On aurait pu avoir une énième dungeon crawler, ce qu’est en partie le jeu vidéo. Mais non, le gameplay est resserré autour d’une gestion épurée de son run et de l’objectif d’aller toujours un peu plus loin. Tout le jeu est au service de cet aspect. 


Dead Cells : comment, quoi ?

Dead Cells: The Rogue-Lite Board Game est un coopératif avec un pitch limpide : « Explorez. Tuez. Mourrez. Mutez. Recommencez. » Quand vous lancez une partie, un run, vous démarrez d’un point de départ, point qui pourra changer au fur et à mesure de votre avancée dans la boîte, et se terminera soit par la mort d’un personnage joueur, soit par la victoire sur un des boss du jeu.

Votre run sera un parcours avec quelques embranchements et tests vers des cases, matérialisées par des tuiles placées aléatoirement à l’installation de chaque zone de jeu (appelée aussi biome). Vous y rencontrerez des choix, des récompenses et surtout des ennemis à combattre. Chaque zone comportera deux sorties vers d’autres biomes, ou le boss du run.

Un run peut subir un mauvais tirage et être écourté – si vous jouez au jeu vidéo, vous savez. Mais la fin d’un run, surtout, n’est pas la fin du jeu, c’est un retour à la case départ avec normalement, un gain qui permettra, si tout va bien, d’aller un peu plus loin, de tenir plus longtemps. 

Toute la boîte est conçue comme un Legacy rejouable sur ce principe-là. Les accès aux niveaux du jeu se développent façon Metroidvania, et nos capacités (bonus au démarrage, decks, équipements…) se déploient lentement mais sûrement, au fur et à mesure de nos essais infructueux. Tuer un boss, c’est bien, mais le re-tuer, c’est mieux, car il peut donner des loots complémentaires. À chaque passage, on peut tenter un petit quelque chose d’autre, apprécier une petite nouvelle option, et qui sait, débloquer un autre niveau. 

Cette sensation vivante de mouvement perpétuel intrinsèque rappelle d’ailleurs un peu celle que l’on avait connue sur Zombie Kidz Evolution d’Annick Lobet (du même éditeur, c’est bien, vous suivez) mais en un peu moins permissif. L’addiction aux neurotransmetteurs QQYAA ”Qu’est-ce Qu’il va Y Avoir Après ?” est un peu la même. Au fur et à mesure de nos sessions, on puise dans divers decks de récompenses variées sans savoir ce qui nous attend, mais le tout est construit de façon à vous faire progresser intelligemment dans vos runs.


Run for your life!

Parlons un peu plus en détail du run en lui-même. Les tuiles étant face cachée, vous n’avez qu’une vague idée de ce que vous allez rencontrer suivant le chemin que vous choisissez, les coffres peuvent varier d’une tuile à l’autre offrant de l’équipement ou des améliorations de vos compétences, les portes peuvent présenter de véritables opportunités 100% positives ou vous mettre face à un combat difficile. La vie, c’est comme une boîte de chocolat, ça dure plus longtemps quand on la ferme – heu, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. 

À la manière des Metroidvania, nous allons également débloquer des capacités, appelées Runes, nous permettant d’ouvrir des passages, d’en savoir plus sur ce qui nous attend, ou nous donnant un avantage notable dans les défis qui se profilent.

À noter qu’un grand nombre des choix offerts se présentent sous la forme du dilemme : “Est-ce que je prends tout de suite un avantage qui va me permettre de pousser plus loin mon run actuel, ou est-ce que je prends une récompense dont je ne bénéficierais qu’à partir de la prochaine partie ?”. Le jeu vous laisse suivre votre préférence librement, que vous arbitrez ensemble. Sachant que certains chemins sont de véritables raccourcis permettant de “rusher” le run, quand d’autres nous feront progresser à la dure, combat après combat.

La question qui se posera sera alors de l’ordre de la prise de risque pour maximiser les récompenses. Ai-je besoin de combattre le plus d’ennemis possibles pour accumuler des boosts, des équipements ? Ou puis-je me permettre de foncer vers la fin du biome ou le boss ? Sommes-nous prêts ?

Round 3, fight!

Au final, le cœur du défi proposé par Dead Cells reste les combats. Parlons-en un peu. Ceux-ci ont une zone réservée sur le plateau, où vous mettrez les cartes des ennemis tirées depuis les decks Monstre ou Elite du biome que vous explorez. Les combats généralement se résolvent rapidement : en 3 rounds et 3 cartes pour tous les joueurs, vous allez vous efforcer de vaincre un max d’ennemis, de récupérer un max de récompenses et de minimiser les dégâts reçus.

Cela retranscrit plutôt bien la dynamique du jeu vidéo, à l’instar de nombreux autres points dans le jeu qui sont bien fidèles au matériau d’origine (saluons par exemple les équipements, qui restituent bien la nature et l’essence de ceux du jeu vidéo). 

Les joueureuses poseront collectivement 3 cartes d’action en jeu uniquement. Puis, les actions sont résolues de gauche à droite, joueurs et ennemis : chacun activera (ou pas) des effets au round 1, 2 et 3, visibles sur sa carte. 

Autant d’actions que vous pouvez analyser avant de décider de ce que vous faites – sans trop pouvoir parler entre vous explicitement des icônes que vous avez en main. D’ailleurs, vous êtes censé trancher vite : vous avez une minute max pour parler stratégie. On n’est pas là pour s’endormir. 

La question du timing est la clef dans ces combats. Si vous faites plein de gros dégâts au round 3 mais que les ennemis vous tuent au round 2, hé bhé, c’était un joli coup mais c’est retour à la case départ quand même. Il y a une part d’inconnu quand vous vous décidez, mais à vous de voir comment vous voulez la jouer avec vos camarades, si vous aimez bien le côté puzzly, rien n’empêche d’être un peu plus explicite entre vous, tant que tout le monde est d’accord. 

La clef de la réussite sera souvent cachée dans une certaine spécialisation des personnages. Ces derniers proposent d’ailleurs une asymétrie qui oriente déjà le rôle des joueureuses autour de la table : tank, dégâts explosifs, états négatifs, touche-à-tout…

En tout cas, cette mécanique de combat s’avère assez unique, rien que pour ça, chapeau. 

Les combats de boss seront l’aboutissement de chaque run et ils ont chacun leur logique propre. Sans spoil, mais à l’instar des roguelite d’origine, à la première rencontre on peut se dire au début “Hey ça va le faire, on gère… Mais ! Ho my – mais il fait quoi là !? il est super vénère en fait !” et rideau. On recommence le niveau, on sait ce qui nous attend donc on se prépare, on se coordonne, et au final, on y arrive. Satisfaction délicieuse. Gratitude éternelle. Ascension divine. 

Nous le disions, la plupart des combats rapportent du butin qui vous permet de vous renforcer pour la suite ou pour le run en cours. On apprécie en particulier de gagner des Cellules (les fameuses Cells), qui permettent d’acheter des cartes à la fin d’un run depuis un des trois mystérieux paquets : brutalité, tactique et survie qui suivent leur propre orientation stratégique.

Vous pourrez débloquer des bénéfices permanents qui vont se glisser dans des pochettes transparentes collées au plateau, de nouvelles cartes pour vos decks combat, ou encore d’autres surprises que nous ne voulons pas vous divulgâcher.

Les contenus à débloquer dans Dell Cells sont nombreux : on a juste envie d’y retourner encore et encore pour découvrir la suite. C’est un peu l’excitation de l’ouverture des cadeaux le matin de Noël. Des fois, on reste bouche bée devant la générosité qui nous échoit, des fois on repart un peu plus déçus “bwarf, ça sera pour la prochaine…”. 

C’est un moment assez excitant dans le jeu car on a du choix dans les voies d’améliorations, mais on ne sait pas sur quoi on va tomber (comme une boîte de chocolats, oui oui). Vous n’arrivez pas à vous décider ? Vous pouvez jeter 1 Cellule au Puits : il n’y a qu’en le faisant (et en refaisant) que vous saurez ce que le Puits vous donnera en retour… 

Question configuration

Au niveau du nombre de joueurs autour de la table, le jeu reste assez rationalisé, avec peu d’adaptations. Nous avons joué de 1 à 4 joueurs sur une vingtaine de parties et la mécanique de base reste la même, c’est-à-dire qu’il n’y aura toujours que trois cartes jouées à chaque affrontement.

Lorsque vous êtes moins de trois à la table, cela signifie que le premier joueur, celui qui porte la couronne (qui tournera au cours de la partie), jouera deux cartes au lieu d’une seule lors du combat. Le mode solo nous propose d’embarquer Serenade une épée magique qui aura son propre plateau et deck en interaction avec le joueur. La mécanique est agréable et cette épée suit une logique similaire aux joueurs avec des améliorations en cours de run, mais aussi la possibilité d’épurer son deck et de l’améliorer avec les cartes débloquées au fur et à mesure de la progression dans l’aventure. Sa mécanique est d’ailleurs simple et efficace dans son intégration, permettant de conserver une part d’incertitude dans les combats et d’éviter l’écueil d’avoir à contrôler soi-même plusieurs personnages.

À quatre, la mécanique est un peu moins élégante mais nos quelques parties dans ce mode nous ont permis de constater que cela fonctionnait bien. Lors de chaque combat, un joueur décidera de ne pas participer et aura une opportunité de tenter de gagner une amélioration pour son personnage pendant que les trois autres combattront. Cela offre des options tactiques permettant de minimiser le risque, de tenter une amélioration ou de refaire sa main lorsque celle-ci n’est pas adaptée au combat qui se présente – avantage d’autant plus appréciable que le nombre de récompenses n’augmente pas avec le nombre de joueurs.

Il n’est pas évident de juger de l’équilibrage des différentes configurations. Avoir un joueur qui joue 2 cartes, vu la communication limitée, améliore le contrôle et la synchro entre les actions, mais le fait est qu’avoir plus d’options disponibles pour les joueurs, voire même un joueur qui laisse la place quand sa main n’est pas adaptée, offre aussi une vraie valeur tactique. En tout cas, le Sha-Man a apprécié tous les modes, même le solo, alors qu’il n’apprécie pas particulièrement cette pratique de jeu dans l’absolu.

 

Dead Cells, l’aventure hop on hop off 

Il est toujours possible de réinitialiser le jeu. Cela prend un peu de maintenance et ce n’est pas le genre de choses qu’on a trop envie de faire quand on s’est lancé dans l’aventure : c’est un peu comme effacer une sauvegarde bien avancée dans un jeu vidéo. En revanche, faire monter quelqu’un à bord en cours de route demande peu d’effort. C’est le jeu qui évolue, peu importe le nombre de joueurs. À chaque nouveau run, les personnages repartent nus comme au début (ils perdent leur améliorations personnelles), mais de nouvelles et meilleures options sont ouvertes. Comme tout jeu évolutif, arriver en cours de route demandera d’expliquer quelques points de règle en plus pour introduire les améliorations permanentes débloquées, mais rien d’insurmontable.

 


L’édition et l’ergonomie sont maîtrisées (même si c’est parfois difficile de glisser les cartes dans les emplacements du plateau), le tout s’installe rapidement et s’explique plutôt vite, moyennant quelques réserves. Manque surtout une FAQ à l’heure actuelle, car mine de rien beaucoup de questions de niche peuvent être soulevées. Celle-ci est en cours d’écriture. Côté DA, le jeu est magnifique, flamboyant tout en étant lisible. 

Question rangement et matériel, tout n’est pas rose sur la version boutique : après une vingtaine de parties, on a constaté des jetons en carton qui s’abîment pas mal, d’aucuns se plaignent des cartes à droite à gauche sur le net, mais perso je n’ai rien constaté de particulier alors que notre jeu n’est pas sleevé. Certains se sont d’ailleurs plaints du format peu standard des cartes pour les sleeves. 

En revanche, il y a un point qui grince vraiment et il concerne l’organisation / rangement des cartes dans la boîte. Vous allez devoir stocker dans la grande zone centrale du thermo un grand nombre de cartes de différentes tailles séparées par des intercalaires et qui doivent, pour un certain nombre d’entre elles, conserver un ordre particulier. Bon, le problème c’est qu’on voit tout de suite que cet espace a été conçu pour être optimal avec la version KS qui comportait des tuckboxes en carton pour ranger ces cartes. Avec cette approche, l’espace est parfait. Mais si vous utilisez seulement les cartes et les intercalaires tels que fournis dans la boite boutique, et bien vous avez un bon tiers de l’espace vide dans cette zone, sans bloc de mousse fourni comme dans certains deck-builders pour caler les cartes.

En bidouillant, vous allez finir par y arriver et le matériel ne devrait pas trop bouger tant que la boîte reste à plat. Et puis, un beau jour, un pote va venir à la maison, va dire “Rooooh ! Dead Cells ! Trop bien, j’ai poncé le jeu vidéo ! Je suis trooooooop fan !”, il va retourner la boîte pour regarder le dos et là… Vous allez être inculpé pour coups et blessures et mettre fin à une belle amitié. Parce qu’autant vous dire que vous allez retrouver l’intérieur de votre boîte avec des cartes de toutes les tailles et de toutes les sections mélangées dans tous les sens…

Dead Cells : on y est !

Ce Dead Cells parvient à capturer l’essence du roguelite de manière originale, créative, et ultra satisfaisante. Bien sûr, une fois tous les contenus débloqués, l’envie d’y revenir risque de se tarir, même s’il y a un mode “new games +”, que nous vous laisserons découvrir, qui permettra de faire tourner encore un peu le jeu avec un challenge renouvelé.

Dans Dead Cells, on a apprécié ce vrai sentiment d’amélioration globale de la boîte, un peu comme pour un Legacy, que ce soit ces bonus permanents, ces nouvelles cartes combats, mais aussi le deck d’équipements qui commence avec 8 cartes pourries, incluant littéralement des épées rouillées et des vieux boucliers en bois, et qui se transforme après quelques parties en une bonne vingtaine d’équipements bien balèzes, avec parfois le petit attribut “légendaire” qui fait plaisir.

Il y a quelque chose d’assez unique ici qui fait le parallèle avec le média jeu vidéo : cette envie de “finir le jeu”. On n’est pas dans la même sensation qu’un jeu à scénario qui ne se rejoue pas, on se rapproche là aussi du feeling Legacy qui progresse et évolue vers une fin annoncée. Cette sensation vidéoludique de vivre notre boîte de jeu comme une sauvegarde de notre partie en cours, dans laquelle on progresse vers l’objectif final, reste une expérience marquante.

Et quand on a terminé le jeu, on peut encore y revenir pour tout débloquer, pour faire des exploits – car oui le jeu propose cela aussi avec des récompenses secrètes à la clef si on n’accepte de faire certaines choses sous contraintes (du style battre tel boss sans équipement). On peut également décider de continuer en “new game +” je le disais, comme il a été annoncé sur le KS, après avoir vaincu le boss final, pour se mesurer à toutes les zones ou boss du jeu, avec un défi supplémentaire. Et on peut décider de réinitialiser la boîte pour se refaire le jeu depuis le début. Voire même se lancer un petit défi entre amis pour voir qui arrive à tomber le boss final avec le moins de runs.

La dopamine de la progression que recèle le jeu est puissante, donnant envie d’enchaîner les runs pour aller plus loin, voir quelles surprises nous ont été réservées. À force, il peut y avoir un côté un peu répétitif, selon votre penchant naturel et votre acharnement spontané en matière de retry. 😉 Quoi qu’il en soit, cette proposition marque un vrai tournant en matière d’adaptation vidéoludique à mon sens. Reste plus que la FAQ complète soit mise en ligne ! 

 

 

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3 Commentaires

  1. Knightbob 06/11/2024
    Répondre

    Merci pour ce retour détaillé, qui donne envie!
    Je profite de ce message pour conseiller à ceux qui aiment l’univers de regarder la petite série d’animation française Dead Cells Immortalis (10 épisodes de 8min, ça passe tout seul), qui est très marrante (faite par le réalisateur des Kassos).

  2. taru 06/11/2024
    Répondre

    Et du coup @SHA-MAN a préféré slay the spire ou dead cells, le côté deckbuilding a l’air plus pointu sur slay mais dead cells a l’air plus facile a sortir (et moins cher..)???

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