D.E.I. : Londres une destination glacée pour vous ravir
Après une levée de fond via la plateforme Kickstarter quelque peu incertaine, D.E.I – Divide et Impera voit le jour en 2022, porté par Ludus Magnus Studio pour l’édition, et Intrafin pour la localisation en français. Son auteur n’est autre que Tommaso Battista, que l’on connaît pour le jeu Barrage.
On est propulsé dans une Londres post-apo en ruine, ravagée par un gel perpétuel et où les Sang-purs, des personnes ayant pris le contrôle de la ville et se présentant comme des souverains bienveillants et apportant une lueur d’espoir, vous demandent de rendre quelques petits services en échange de provisions bien méritées.
LMS annonçant un reprint sur la plateforme Gamefound le 28 mars 2023, j’en profite donc pour donner mon avis sur ce jeu.
Une Londres sous le gel à découvrir
D.E.I. est un eurogame alliant plusieurs mécaniques : gestion de main de cartes, gestion de ressources, contrôle de territoires et majorités, courses aux objectifs. Il faudra donc positionner ses ferrailleurs et les déplacer au bon moment aux bons endroits tout au long de la partie, pour tenter d’optimiser nos actions et nos gains en provisions (nom donner ici pour les points de victoire).
C’est un jeu à forte interaction et au hasard très faible. En effet, pratiquement tout est connu au démarrage de la partie, et c’est essentiellement les actions des joueureuses autour de la table qui apporteront la part d’incertitude indispensable à une vraie tension dans les parties. Il faudra donc faire preuve d’une grande réactivité pour tenter de court-circuiter les autres, ou vous placer dans des endroits non convoités… pour l’instant.
Le matériel est de très bonne facture et se démarque des autres jeux de par son plateau en 3 dimensions, représentant les différents niveaux du sol et des toits, qui en plus d’être esthétiquement beau fait partie intégrante du gameplay.
L’aspect contrôle de territoire est également rendu original, en effet, pour se déplacer dans une zone, il faudra terminer dans celle-ci en majorité. Et oui, c’est thématique, on rentre en force avec le maximum de troupes. Et ça sera également le cas pour collecter des ressources.
Londres en quatre jours
Nous allons jouer pendant quatre manches, séparées en trois phases. Dans chacune de ces phases, chaque joueur pourra jouer deux cartes. On jouera donc 24 cartes au total, ce qui passe très vite 🙂 D’ailleurs, en termes de durée, le jeu tient en 2h-2h15 à 4 joueureuses, ce qui est un très bon point selon moi pour un jeu de cette profondeur. Mais revenons à nos ferrailleurs. Nous plaçons des cartes sur notre plateau :
- face visible : pour résoudre les différentes icônes, afin de se déplacer, ramasser des ressources, recruter de nouveaux ferrailleurs, ou encore construire refuges, ascenseurs et autres passerelles.
- face cachée : pour aller acheter dans les différents marchés de nouvelles cartes plus polyvalentes ou plus puissantes. Attention, la carte ainsi jouée face cachée ne sera plus disponible jusqu’à la fin de la partie, donc il faudra la choisir consciencieusement pour ne pas se tirer une balle dans le pied. Ce qui veut donc dire que nous garderons peu ou prou huit cartes en main pendant toute la partie. Certains effets permettent d’acheter sans rendre de cartes indisponibles donc d’augmenter notre main, mais c’est un détail.
À noter que chaque phase a sa spécificité, la deuxième permet de débloquer des pouvoirs permanents tandis que la troisième marque une étape de scoring permettant de gagner nos précieuses provisions, obligeant à faire les choses à des moments très précis.
À voir aussi : la farandole d’icônes
Les actions sont toutes représentées par des icônes (donc sans texte) sur les différents éléments du jeu. D’un côté, ceci est un très bon point puisque le jeu est ainsi totalement indépendant du langage, mais à contrario cela génère une porte d’entrée plutôt pénible pour quiconque se lance dans leur découverte. Et personnellement, après sept parties, je peine encore à en intégrer certaines. Mais fort heureusement, des aides de jeux très bien faites sont fournies dans chaque boite pour pallier ce problème, ce qui rend le jeu rapidement très fluide.
Une Londres changeante au fur et à mesure de votre séjour
Parlons de ce qui fait le sel du jeu. Comme évoqué, en fin de phase 3 on devra choisir une mission à activer pour en gagner les provisions, principale manière de scorer dans ce jeu. On activera donc en tout et pour tout quatre missions dans la partie. La subtilité ici est qu’en fonction de leur timing, ces missions ne rapporteront pas le même nombre de provisions. En effet, celles réalisées en temps et en heure, rapporteront le maximum de points, tandis que celles dites « en retard » seront sous-évaluées. Ceci est matérialisé en jeu par un marqueur de manches : pour réaliser une mission en temps et en heure, il faudra la faire avant que le marqueur l’ai dépassée. Ceci rend le jeu très malin puisque ça va conditionner les joueureuses à soit jouer les missions dans l’ordre et risquer d’être en concurrence directe avec les adversaires, soit accepter de moins scorer sur certaines d’entre elles pour se concentrer sur d’autres qui ne seront pas convoitées par les autres joueureuses au même moment. C’est un choix difficile et qui va aussi dépendre de notre capacité à anticiper ce que vont vouloir faire nos adversaires.
« Je ne dirais pas qu’on s’y combat, je dirais qu’on s’y malmène »
On démarre la partie avec un certain nombre de meeples sur le plateau. Ceux-ci sont composés d’un leader et de ses ferrailleurs. Le leader a un pouvoir spécifique et asymétrique, et est immunisé contre certains effets négatifs. Les ferrailleurs eux sont des petites mains. Il sera possible de recruter ces derniers plus tard pour gonfler nos rangs, ou d’en perdre, de manière assez anecdotiques certes, mais quand même. En effet, il est important de préciser que ce jeu n’est pas un jeu de confrontation, il n’y a pas de combat à proprement parler, seulement une action appelée élimination, très spécifique et finalement assez peu utilisée (en proportion) dans mes parties.À noter que la victime obtiendra une compensation pour sa perte : un jeton glucidion, sorte de boost (à l’illustration quelque peu clivante 🙂 ) comprenant une action bonus one-shot que l’on pourra utiliser plus tard sur une carte action de notre choix, rendant ainsi cette perte douce-amère.
Londres, c’est aussi une question de point de vue
En fonction de la faction que vous aurez choisie, vous démarrerez avec une main de cartes légèrement différentes de vos adversaires. Une faction sera plus orientée récolte, tandis qu’une autre aura plus de déplacements etc. À noter également que les extensions apportent des factions supplémentaires à plus forte asymétrie, voire même au gameplay totalement différent : l’une vous permettra de contrôler une meute de loups fidèles pouvant grimper partout ou sauter de toits en toits, une autre utilisera ses pouvoirs psychiques pour s’étendre sur le plateau, etc. La rejouabilité ne manque donc clairement pas dans ce titre 🙂
Vous aurez également à votre disposition un drone spécifique, prêté par les gentils Sang-purs pour mener à bien vos missions. Grâce à ces machines high tech, vous pourrez par exemple téléporter des ferrailleurs n’importe où sur le plateau, recruter plus facilement, récolter des ressources, ou même éliminer quelques unités adverses. Mais attention, car ces drones ne vous appartiennent pas, ils pourront être contrôlés plus tard par vos adversaires, moyennant l’achat de cartes en rapport qui ne manqueront pas d’apparaître dans les marchés. Il faudra donc être vigilant si vous voulez en rester le maître absolu… 😈 mouahaha
Avant de partir, n’oubliez pas de visiter nos avant-postes
Last but not least, vous trouverez sur le plateau des avant-postes qui vont être une sacrée source de tension. En effet, non seulement leur contrôle offre moult avantages comme débloquer des pouvoirs permanents en phase 2 ou booster la puissance de certaines cartes, mais c’est également l’une des manières d’accomplir des missions et donc de gagner de provisions. De plus, l’accès aux cartes des marchés nécessitent bien souvent le contrôle d’un certain nombre d’avant-postes.
Ils sont donc au cœur du jeu tant la plupart des interactions seront dues à leur convoitise. Et comme certaines zones pourront en contenir jusqu’à trois, je vous laisse imaginer l’hystérie qu’elles pourront provoquer. C’est pourquoi il ne sera peut-être pas toujours judicieux d’essayer de s’en emparer ou alors à des moments très précis pour un gain optimal. Ainsi, trouver le bon moment pour concrétiser nos choix va être un des plus gros défis… Encore une histoire de timing 🙂
Une ville avec ses qualités et ses défauts
Tous ces aspects peuvent quand même avoir quelques conséquences : d’abord un peu de paralysie d’analyse (ou AP pour les intimes) en fonction des personnes autour de la table, mais aussi une certaine forme de chaos grandissante avec le nombre de joueureuses. Pour ma part j’ai fait une majorité de parties à 4, et je pense que c’est la configuration que je préfère même si c’est vrai, il peut arriver qu’entre deux de mes tours, ce que j’avais prévu soit totalement anéanti par mes adversaires. En général, lorsque cela arrive, notre cerveau fait quelques nœuds puisqu’il faut à nouveau réfléchir à la marche à suivre, mais on trouvera bien souvent un moyen de s’adapter, soit via des chemins détournés, soit en changeant complètement d’objectif, le jeu le permettant sans trop de difficultés.
Nous espérons que vous aurez effectué un agréable voyage
Vous l’aurez peut-être compris, D.E.I. – Divide Et Impera est un jeu que j’ai énormément de plaisir à jouer et rejouer. Son côté « eurotrash », eurogame avec un thème fort, une très forte interaction, au hasard minimum, aux choix cornéliens, et à la durée contenue, en font pour moi un titre incontournable si bien sûr on apprécie les ingrédients susmentionnés.
Ses quelques défauts comme son gameplay sujet à l’AP, ou une iconographie abondante et peu intuitive, sont pour moi très largement contrebalancés par ses qualités : un matériel de très bonne qualité avec son plateau 3D intégré dans le gameplay, du contrôle de territoire / majorité mais pas que, puisqu’il est possible de scorer de multiples manières, des actions au timing décisif, différentes factions aux spécificités plus ou moins prononcées… autant d’éléments qui en font un tout très subtile. Enfin les extensions amènent une plus grande asymétrie, ainsi que des modes de jeux alternatifs pour toujours plus de rejouabilité, mais sans complexifier inutilement le tout. C’est pourquoi D.E.I. est pour moi le jeu de 2022, et aura encore de beaux jours devant lui sur ma table.
Londres c'est aussi son fleuve ou ses monuments, vestiges d'une civilisation arrogante disparue (des modes de jeux supplémentaires)
Londres c’est aussi son fleuve ou ses monuments, vestiges d’une civilisation arrogante disparue
La campagne kickstarter a également permis la création d’extensions (qui seront disponibles en boutique bientôt), qui apportent non seulement des factions supplémentaires (comme évoqué précédemment), mais aussi des nouveaux modes de jeux.
Par exemple, l’extension Old London (exclusive au Kickstarter) permet de jouer en campagne sur une dizaine de parties. Chacune d’elles permettra de gagner des pouvoirs permanents pour les suivantes accentuant toujours plus l’asymétrie entre les joueurs. Certains scénario sont conçus avec des tuiles alternatives représentant par exemple la Tamise (avec son lot de micro-règles) ou Big Ben, accentuant toujours plus l’immersion dans ce monde post-apo.
Pour ma part, j’ai pu jouer avec un autre de ces modes, celui de « Citadel ». Celui-ci ajoute une zone centrale contenant comme son nom l’indique, une Citadelle, entourée de murs de protection. Les joueureuses pourront tenter de contrôler ces murs pour non seulement pouvoir scorer des missions spécifiques, mais également gagner des Provisions en cours de manche moyennant une contrepartie. Un Automa aux allures de robot tueur, très simple à gérer, fait également sa ronde sur ces murs pour mettre un peu de piment dans tout ça. Ce mode de jeu, bien qu’un peu plus complexe que le mode de base, apporte de nouveau enjeux et de nouvelles sensations, renouvelant très bien l’expérience. J’aurai plaisir à passer de l’un à l’autre en fonction des joueureuses autour de la table.
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Ihmotep 27/03/2023
J’ai pu m’y essayer une fois. Derrière une belle édition qui rend bien avec son aspect 3D et ses figurines et une mécanique fort sympathique l’asymétrie m’a refroidi (plus que le climat sur la planète). La configuration de la planète a fortement avantagé un joueur que nous n’avons jamais réussi à menacer. C’est surement un coup de pas de bol car le jeu semble bien balanced aux dires des joueurs plus expérimentés que moi autour de la table.
cyrilcyrilcyril 27/03/2023
Ah oui je pense que certains pouvoirs de factions sont juste plus évidents que d’autres, mais au bout de quelques parties on voit bien qu’ils ont tous leur intérêt. Tout comme les drônes d’ailleurs. Par contre c’est possible que sur les jetons Attributs (Feat tokens) ça soit moins bien équilibré, mais j’en metterais pas ma main à couper quand même 🙂