Culte : jeu pas très catholique
Culte est un jeu de Konstantin Seleznev qui a été lancé sur kickstarter par Cryptozoic / Igrology en 2017. Bragelonne l’édite en français. Un jeu de placement et de majorité… mais surtout de coups fourrés, de manipulation et de coup bas.
Le bon dieu sans confession
Chaque joueur incarne une divinité, et voudra faire prospérer son culte, gagner des fidèles, les sacrifier pour exalter des foules de fanatiques, construire des autels, invoquer son dieu et abuser de ses pouvoirs.
Nous allons jouer jusqu’à ce qu’un des joueurs atteigne une des 3 conditions de victoire :
- Avoir 5 autels
- Avoir 4 foules de fanatiques dans son culte
- Invoquer 2 fois sa divinité
Chaque joueur commence avec son dieu tourné du côté de la lumière, 3 prêtres de valeur 1, 2 et 3 sa figurine Patriarche ainsi que 2 fidèles. Le patriarche à une valeur d’influence qui va évoluer dans la partie, en fonction principalement des fidèles. Au début, il a donc une valeur de 2.
Dans la phase d’intention, tour à tour nous allons prêcher pour notre paroisse en envoyant nos prêtres dans les lieux de la cité éternelle. Celle-ci comprend 13 lieux, de plus en plus puissants. Mais il faudra montrer patte blanche, si j’ose dire. Au début, vous ne pouvez accéder qu’aux 6 premiers, et pour pouvoir exploiter les autres lieux, il vous faudra avoir plus de fidèles.
Nous pouvons placer jusqu’à 3 de nos prêtres par manche (le patriarche étant un prêtre). Le 4e aussi, mais pour cela, vous devrez sacrifier un fidèle… autant dire qu’on y réfléchit à deux fois.
Quand tout le monde a posé tous ses prêtres et passé son tour, on rentre dans la phase de résolution et on résout chaque lieu un à un. Seul le joueur majoritaire peut réaliser l’action. Les autres vont recevoir une aumône, maigre compensation pécuniaire, bien que l’argent dans Culte peut vous ouvrir des portes.
Ainsi nous allons gagner des cartes Miracle, gagner de nouveaux prêtres (pour les sacrifier plus tard, niark niark niark), gagner des fidèles. Dans les bas-fonds, un lieu très prisé, nous pouvons payer la somme correspondant à un lieu pour passer devant tout le monde. En plus, on est moins regardant quand vous payez, c’est donc un moyen de rentrer dont l’accès vous serait interdit, faute de fidèles.
Au forum, nous pouvons gagner la carte de la suprématie : si notre patriarche est placé dans un lieu supérieur, celui-ci gagne +7 d’influence. Mais terminer avec lui nous offre aussi un bonus potentiel au tour suivant.
Quand tous les lieux sont résolus, on passe au tour suivant et on continu. Le joueur qui a « le dieu suprême », obtenu au forum donc, peut utiliser un de ses 5 pouvoirs, mais cela voudra dire qu’il ne fera rien pendant tout le prochain tour, laissant la place libre aux autres joueurs pour l’intégralité de la manche. Voilà le choix (excusez du peu) :
- Piocher 4 cartes miracles
- Gagner 3 fidèles
- Piocher 3 cartes intrigue
- Gagner un prêtre d’influence 1 à 5
- Gagner 20 pièces de monnaie
Plus l’on va gagner de fidèles et plus on va avoir de choix de lieux. En descendant dans les quartiers, on pourra, en sacrifiant un de nos prêtres, construire un autel (valeur d’influence de 4). Les autels restent sur place et en avoir 5 est une des conditions de victoire.
Au palais, on pourra s’accaparer d’une carte privilège. Celles-ci sont très puissantes, elles donnent souvent un bonus d’influence de 1 à 3 à notre patriarche, mais ce n’est pas tout : certaines nous permettent aussi de nous placer dans un lieu même si l’on n’a pas assez de fidèles. Le quartier Noble permettra aux plus vicieux de gagner une carte intrigue : vous en piochez une et remettez l’autre sur le dessus, ainsi, vous savez ce que vous laissez.
Ces Intrigues sont toutes plus perfides les unes que les autres et rien ne sera jamais joué tant qu’un joueur en a en main. Ainsi, “disperser les fanatiques” fait perdre à chaque joueur présent sur le lieu actif 1 foule de fanatique, “prise de contrôle”, permet de renvoyer tous les prêtres présents sur le lieu actif (celui que l’on résout quand on joue la carte) et vous remportez le lieu. Celui-ci est surpuissant c’est vrai, mais il nécessite pour le jouer que vous ayez déjà invoqué votre dieu. Faut pas abuser non plus.
C’est à la caserne que vous allez pouvoir recruter une foule de fanatiques (une des conditions de victoire, je le rappelle). Avoir des Fanatiques a un effet secondaire intéressant : lorsqu’on passera, on pourra réaliser une action bonus selon le nombre de fanatiques (et aussi d’acheter des cartes privilèges à ce moment-là).
Enfin sur la faille des ténèbres, vous allez pouvoir invoquer votre dieu, mais ce n’est pas si facile que cela : pour y arriver il vous faut atteindre en tout la valeur d’influence de votre dieu. Cthulhu a 21. Par conséquent, vous n’y arriverez pas avec un seul de vos prêtres et il faudra amasser vos troupes là-bas.
Parole d’évangile !
Parlons rapidement de l’édition : hormis quelques petits éléments qui manquent de clarté dans la règle, et une petite erreur dans la règle (il faut suivre l’iconographie du plateau, qui elle est parfaite) , au début de la partie on donne à chaque joueur son réceptacle avec sa figurine patriarche et tous ses pions fidèles et prêtre ainsi que l’argent de départ. Pratique pour éviter de mélanger les fidèles de notre réserve et ceux que nous avons en jeu. Les illustrations de Anton Kvasovaroy sont très immersives et portent un univers très lovecraftien, du beau travail. La figurine du patriarche en impose. Le jeu reste tout le temps lisible.
Culte est un jeu très interactif, rien n’est jamais joué, si bien que vous serrez les dents et brûlez un cierge pour qu’il ne vous arrive rien avant qu’un lieu ne soit résolu, car une carte intrigue peut vous déloger du lieu, un joueur peut jouer une carte Miracle et tout à coup vous la valeur d’influence d’un joueur vient d’augmenter et il vous dame le pion… Damned !
Sans oublier les dieux qui ont des pouvoirs très puissants. Ainsi, Janus, avec le calice de la Clarté, fait remporter le lieu au culte qui a l’influence la plus faible (il lui en coûte deux cartes). Cela peut être lui, mais cela peut être aussi un autre joueur.
Chaque dieu offre des pouvoirs qui font que l’on sera plus enclin à tenter une des conditions de victoire, mais en réalité s’il ne faut pas s’éparpiller, il faut aussi ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, car tout peut arriver, mais vraiment ! Quand un dieu passe en aspect des ténèbres il devient plus dangereux, il peut utiliser des cartes ultra puissantes, mais aussi il peut se protéger de quelques coups bas qui n’impactent que les dieux de faibles capacité, ceux qui n’ont pas encore été invoqués. Avoir des foules de fanatiques permet aussi de gagner un bonus quand on passe et d’acheter des cartes privilèges. Autant dire que cela vous donne un énorme boost. En revanche, vous risquez très rapidement d’être la cible de vos adversaires.
La rejouabilité est énorme, vous avez 9 cultes différents dans la boite et chacun d’entre eux à ses forces. Certains ne sont pas conseillés pour une première partie car ils demanderont une certaine maîtrise. Bragelonne a publié un guide pour savoir comment chaque dieu devrait se jouer. Je le déconseille pour une première partie, c’est quand même plus amusant de découvrir par soi même, non ?
Avoir le feu occulte
L’interaction est partout, même dans le placement. Ainsi, il peut y avoir une sorte de bras de fer entre deux joueurs, il n’est pas rare que surviennent quelques sourires en coin, ou menaces à peine voilées, voire un peu de bluff. Au début, nous avons pensé qu’être dernier joueur étant un meilleur avantage, car on est le dernier à poser son pion et donc on peut prendre un lieu au dernier moment. Mais être premier joueur permet d’investir un lieu en premier et de montrer les muscles, ça peut être dissuasif. Il peut arriver que l’on fasse des tours à vide, étant délogé de partout, dans ce cas, patience et longueur de temps font plus que force ni que rage ! Hin hin hin.
Comme tous les jeux de majorité, je déconseille à priori à 2 joueurs, je n’en vois pas l’intérêt, surtout dans un jeu aussi interactif. Je déconseille aussi à 5 joueurs, car tous les lieux vont être source de tension et de traîtrise. Si bien que l’on va pas arrêter de se neutraliser et la partie peut devenir très longue. Dans la règle, ils ne préconisent cette configuration que lorsque tous les joueurs maitrisent le jeu.
Au final, Culte est un excellent jeu très interactif et perfide ou les joueurs angéliques n’ont pas leur place. Il ne faudra jamais hésiter à planter son couteau dans les côtes d’un adversaire (ou plusieurs). Il me prend une forte envie de rejouer, ne serait-ce que pour découvrir d’autres Cultes. De la à dire que je lui voue un culte (huhu), il n’y a qu’un pas. Bon, je vous laisse… j’ai un sacrifice à perpétrer.
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Grovast 24/04/2019
« Avoir le feu occulte » haha, Troll de Troy, tome 4 😉
Bien le merci pour ce Just Played (car c’est plutôt un JP qu’une Chronique non ?)
Umberling 24/04/2019
Et hop, c’est modifié !
L’imbrication des mécanismes ensemble est vraiment chouette. Je crois qu’il faut surtout pousser 1-2 axes vers la victoire plutôt que d’essayer de faire les 3 en même temps, en effet. Aller loin dans une direction permet d’avoir des bonus non négligeables…
(Fanatiques : gain d’actions, autels : forte présence sur le board, invoquer son dieu : les cartes à cachet noir et des pouvoirs uber forts)
atom 25/04/2019
Ah c’est marrant, je ne connaissais pas Troll de Troy. Oui c’est un Jp, j’ai un peu rippé oups ^^
beltira 24/04/2019
Un pote a voulu faire une partie à 2, et je pensais effectivement que le jeu n’aurait aucun intérêt.
Très franchement, j’ai été surpris. C’est pas LE jeu auquel j’aurai envie de jouer à 2 en priorité, mais il reste très sympa. Il faut vraiment doser en fonction des dieux en jeu s’il vaut mieux faire ses actions dans son coin ou empêcher l’autre de prendre ses actions (et certainement se trouver premier joueur le tour d’après et subir plus).
Bref, le côté asymétrique des dieux, les 3 façons de gagner et le nombre d’emplacements font qu’à 2, ça reste beaucoup plus agréable que ce que j’aurais pu penser.
atom 25/04/2019
J’essayerais, au moins pour le test. Je sais que dans les règles ils proposent 2 dieux pour cette configuration. Par contre j’ai essayé à 5 et je déconseille vraiment pour une premiére partie, il est probable que la config soit intéressante quand on la connait, mais pour démarrer c’est un peu hard, d’abord ça dure pas mal de temps, ensuite ça devient très chaotique on n’arrête pas de mettre tous des bâtons dans les roues, du coup personne n’est en capacité de remporter la partie.
GeekLette 24/04/2019
oups en rupture chez notre cher meeple orange, je vais attendre patiemment 🙂 je m’attendais pas à un jeu comme ça. Merci pour la review 🙂
atom 25/04/2019
Attention, jeu très méchant (mais si tu aimes Seeders ^^). C’est un jeu ou il ne faut pas prendre les choses personnellement, et pourtant parfois c’est tentant. J’ai quand même fait un premier tour ou j’ai été bloqué de partout et ou au final j’ai rien fait, c’est à dire tour blanc. Pour autant j’ai quand même emporté la partie, car tout le monde a eu son petit moment à vide. Le tour d’après on m’a laissé tranquille, non pas pour me faire plaisir, mais parce qu’il fallait bloquer quelqu’un d’autre. Le moment ou je valide ma victoire il pouvait encore arriver des choses, des joueurs ayant des cartes miracle et intrigue en main. Du coup j’ai pas fait le dernier tour en dilettante, j’ai essayé d’assurer, de réduire les risques, en allant par exemple chercher des cartes intrigues et en préparant le tour suivant. Vraiment hâte d’y rejouer.
Mahg 25/04/2019
Tu m’as hypé de ouf. Genre veugra.
Les jeux donnant la part belle aux matoiseries, coups de pute et autres perfidies me font toujours de l’oeil.
Mais là ils sont carrément ouverts façon Orange Mécanique.
Merci pour ce JP l’ami!
atom 27/04/2019
Ton commentaire me fait plaisir et m’inquiète à la fois. Je me sens responsable ^^
Si tu aimes les jeux ou il ya de l’interaction humaine tu devrais apprécier. Je n’ai pas essayé la menace, par contre j’ai fait comprendre que dans certains cas j’allais m’acharner sur CE lieu et que s’il revenait j’y reviendrais aussi quitte à ne faire que ça dans le tour et on ne sera pas gagnant tous les deux. Un petit côté bluff et tension. D’ailleurs commencer le tour est pas si mal qu’on le pense au début car justement on peut être le premier à investir un lieu et la les autres y réfléchissent à deux fois. Marrant aussi quand on voit un joueur sûr de lui et que l’on a une carte qui va peut être changer la donne à la résolution.
Le défaut si j’ose dire, c’est d’abord potentiellement du king making, mais c’est le type de jeu qui veut ça. L’autre c’est le facteur humain, si un joueur se sent agressé et qu’il décide de pourrir un joueur par représaille, mais toute la partie. J’ai déjà vécu ça sur un autre jeu et c’est très désagréable. (à tel point que j’ai dit à l’agresseur que c’est moi qu’il devrait taper, pas untel qui finira dernier). Dans Culte c’est en partie possible avec le placement de ses prêtres, mais les cartes (intrigues ou miracle) sont situationnelles, donc pas possible de s’acharner sur un joueur.
N’hésite pas à donner ton retour dans les commentaires ou/et mettre un avis quand tu y aura joué, ça m’intéresse beaucoup.