Crisis : La crise en thème
Qu’est ce qu’une « crise » ? Dans le vocabulaire médical, le terme définit quelque chose d’aigu qui ne dure pas. Dans l’écriture chinoise, le Kanji « crise » signifie à la fois « danger » et « opportunité ».
Crisis c’est le jeu d’un duo d’auteurs grecs, des mathématiciens qui plus est. C’est un pur jeu de gestion dans un thème actuel, jugez plutôt : Axia, un pays imaginaire est en crise (pas besoin d’être bien malin pour comprendre que le jeu nous montre la réalité de la Grèce) et de courageux entrepreneurs (vous) vont s’en mettre plein les fouilles essayer de redresser le pays… et bon, s’ils peuvent s’enrichir au passage, ça ne serait que justice.
Point import : Le jeu a été financé sur Kickstarter, pour le moment pas de réédition, aux dernières nouvelles les auteurs travaillaient sur une potentielle extension. Qui sait un reprint sera peut-être envisagé ?
La règle est disponible en français sous forme de document PDF (section ressources de la fiche de jeu, vous trouverez aussi une vidéo d’explications). Très peu de texte sur les éléments de jeu (juste sur les cartes « influences » et les cartes « crises »).
Survivre à la crise
Dans Crisis, nous avons 7 tours pour enrayer la crise mais à la fin de chaque tour, nous devons avoir atteint un objectif. Pression ! On devra cumuler les scores de chaque joueur à chaque tour, et on avancera le marqueur commun sur la piste de crise en fonction. Attention, si notre résultat est négatif, on recule le marqueur et si jamais il descend en dessous de zéro, la partie se termine, c’est la banqueroute, Axia aura fait faillite… seuls ceux étant au-dessus du seuil peuvent compter leurs points pour déterminer un gagnant ! Sinon, on continue, et on place le marqueur sur le nouvel objectif…
Comment ça se joue ?
Crisis n’est pas compliqué, mais il existe pas moins de 14 zones d’actions possibles, et si le plateau est plutôt bien pensé et très ergonomique, au début on peut légitimement avoir un sentiment de… stress intense.
Je me vois dans l’obligation de défricher un peu le plateau, spécifiquement la partie droite pour la longue ligne verte-jaune–rouge : c’est la piste de crise du pays. On débute à 31 dans la zone verte. Mais on descend très rapidement dans la zone jaune puis rouge, si on atteint 0, la partie est terminée. Voilà, ça c’est pour mettre dans le bain (glacé).
À droite de cette ligne de crise, nous avons tout en haut la carte plan d’austérité qui détermine les objectifs à atteindre à chaque tour et on dispose le marqueur sur l’objectif à atteindre pour le tour en cours.
Donc dans l’exemple présent ici, pour le tour 1, les joueurs doivent atteindre 18, au tour 2 : 23, etc. Bon, vous savez lire. 😉
Vous pouvez choisir la carte plan d’austérité de votre choix pour déterminer la difficulté et bien entendu elles sont différentes pour chaque configuration. (À 2, 3, 4 et 5 joueurs et même en solo).
Enfin, la zone grise, c’est la zone de points de victoire. Au début de chaque tour, on place le marqueur sur l’objectif à atteindre. À la fin du tour, le couperet tombe ! On regarde qui l’a atteint ou dépassé et on fait la différence entre ceux en positif et ceux en négatifs et on monte ou descend sur la ligne de crise.
Dans l’exemple, seul rouge a passé l’objectif avec un excédent de +4, mais les autres joueurs sont en négatif : +4 -1 -5 -6 = -8 on descend donc le marqueur crise de 8. Ouch !
Ici, cela reste suffisant pour s’en sortir pour un tour de plus, mais si on était descendus au-dessous de zéro, la partie pris fin immédiatement. Seuls les joueurs ayant atteint ou dépassé l’objectif était éligibles pour la victoire. Dans le cas présent, c’est donc rouge qui aurait gagné !
Le jeu se joue en 6 phases
- Événement : on pioche une carte événement, si le marqueur de crise est dans le vert, une carte verte, si le marqueur est dans le rouge, une carte rouge, etc.
- Intérêt sur emprunts : on paye les intérêts de nos emprunts ;
- Planification : chacun notre tour, on place un de nos manager sur une zone : c’est la partie pose d’ouvriers.
- Opérations : on résout dans l’ordre (de 1 à 14) les actions que l’on vient de planifier.
- Production : on produit avec nos différentes entreprises si on le peut, c’est-à-dire si on a les ressources et les employés nécessaires pour produire.
- Évaluation : On vérifie où sont les marqueurs de tous les joueurs et on fait un décompte entre ceux qui sont excédentaires et ceux qui sont déficitaires, si le marqueur de crise n’est pas descendu au-dessous de zéro, on continuera un tour de plus.
Mise en place
Chaque joueur commence avec 20 crédits et 4 managers (nos ouvriers) avec leurs petits attachés-cases.
Après avoir tiré une carte événement (selon le niveau de crise), on place chacun notre tour nos meeples selon l’ordre du tour. Une fois qu’ils sont placés on résout dans l’ordre chaque action et on récupère nos meeples.
Pour le reste du plateau, c’est très simple si j’ose dire. On va à l’aide de nos meeples-managers acheter des entreprises, embaucher des employés spécialisés (Banquier, Ingénieur, Fermier, Ouvrier) afin de faire tourner ces entreprises et produire des ressources qui vont soit être utilisées un prochain tour pour produire d’autres ressources sur une autre entreprise, soit être vendues au marché d’export pour rapporter des PV.
On peut aussi contracter des crédits (mais c’est mal vu, on perd 1 PV), et acheter des marchandises sur les marché d’import (mais ça aussi c’est mal perçu car on ne favorise pas la balance commerciale du pays, du coup on perd la encore des PV).
Il est aussi possible d’embaucher des travailleurs étrangers, leur coût est variable selon le niveau de crise. Plus c’est la crise et moins on les rémunère (ouh le cynisme !). Comme toujours, se placer pour l’ordre du tour est important pour ne pas être trop dépendant de ce que vous laissent les autres joueurs.
Toutes les actions sont résolues dans l’ordre du tour. Puis c’est la phase de production : on utilise nos entreprises, nos employés et on fait tourner nos usines, nos banques, nos fermes, etc.
Par exemple, ici mon usine a besoin d’un Ouvrier pour fonctionner, ainsi qu’une énergie et une ressource alimentaire et elle produira 3 ressources chimiques. Mais si j’ajoute un autre Ouvrier et un Fermier, mon usine produira plus et cela en fonction des valeurs desdits employés !
Si j’ai placé un manager sur l’action export, je pourrais vendre des produits chimiques et gagner de l’argent et des PV. Nous sommes dans un jeu de pose d’ouvriers bloquante, cela signifie que chaque zone d’action est limitée à un seul meeple… à l’exception de cette action : avec l’export, tous les joueurs pourront placer un meeple. On les résoudra dans l’ordre de la pose.
À gauche c’est les valeurs d’achat, à droite les valeurs de vente. Si l’on vend 4 produits chimiques, on gagnera 8 PV et 12 crédits.
On peut aussi décider de vendre au marché noir, dans ce cas on n’a pas à se soucier de la demande et on gagne un peu plus d’argent, par contre on ne gagne aucun PV. Là, les 4 produits chimiques nous rapporteraient 24 crédits mais aucun PV… mais on ne peut pas tout avoir !
Comment on gagne ?
Pour gagner des PV, on peut donc aller sur le marché d’export comme expliquer ci-dessus, on vend notre marchandise produite si elle fait partie de la demande, mais il est aussi possible d’avoir des entreprises qui produisent des PV (comme les entreprises de tourisme qui créent de la valeur, ou les industries lourdes).
Cette entreprise nous permettrait de gagner à la fois de l’argent et des PV.
Conclusion
Crisis est un jeu de pose d’ouvriers plutôt classique avec de la gestion de ressources avec un thème omniprésent. Il nous place directement dans le feu de l’action et on réfléchit chaque tour pour trouver les solutions afin de franchir les paliers, parfois même avec les autres joueurs car il a ce côté « coopétitif » (on s’en sort rarement seul). J’ai trouvé le jeu très calculatoire, l’improvisation vous amène directement dans le mur, il faut optimiser et préparer les tours à venir !
Ce qui peut agacer pour un jeu de ce calibre, c’est le hasard peu maîtrisable que ça soit dans les cartes influences, ou l’ordre des cartes entreprises et même le marché d’export qui certes nous prévient de la demande extérieure pour le prochain tour, mais les suivants ne sont pas connus à l’avance et on devra surement s’adapter.
Si vous aimez vous brûler les neurones, et anticiper, prévoir, et surtout calculer alors Crisis est un jeu pour vous, dans le cas contraire passez votre chemin car il ne pardonne pas les erreurs. Je vous conseille de bien choisir le niveau de difficulté, si vous corsez trop, vous allez tomber très vite sans rien pouvoir faire, à l’inverse en mode facile vous allez rouler sur le jeu.
Je ne sais pas quels étaient les objectifs des créateurs, mais en jouant je suis assez subjugué par le côté vertigineux du jeu, la pression qu’il sait mettre sur nos épaules, (on est au pied du mur et le mur grandit devant nous) et les décisions à prendre, avec en même temps le cynisme qui peut se dégager (d’ailleurs pour gagner il faudra l’être, cynique). D’un côté, j’apprécie ce tour de force, et de l’autre je suis mal à l’aise car je ne peux oublier la cruelle réalité sociale que le jeu suggère. Mais si on s’en tient à la mécanique pure et que l’on oublie ses considérations humanistes, alors Crisis est un jeu vraiment intéressant et original.
Les autres articles de ce chroniqueur par ici
Un jeu de Pantelis Bouboulis, Sotirios Tsantilas
Illustré par Anthony Cournoyer, Sami Laakso
Edité par LudiCreations
Pays d’origine : Grèce
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 10-2016
De 1 à 5 joueurs
A partir de 14 ans
Durée d’une partie entre 45 et 120 minutes
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 13/10/2017
Beau JP ! Le jeu me tentait, je suis moins intéressé du coup. Pression oui, mais ça semble trop calculatoire. Autant jouer à Agricola pour penser toute sa partie tour 1 ^^
Mahg 13/10/2017
Tu m’étonnes, rien qu’à la lecture de l’introduction de ta bafouille j’étais déjà mal à l’aise perso ^^ »
Pour le coup, c’est un jeu « à thème », tellement celui-ci est fort.
D’ailleurs je me demande si tu aurais autant été conquis par les mécanismes sans une mise en abyme aussi éloquente.
On touche à quelque chose de très… « meta », là.
Chapeau les auteurs en tout cas, il m’intrigue beaucoup.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 14/10/2017
moi ca me fait ni chaud ni froid j’avoue. C’est plutot les thèmes de la premier et seconde guerre mondiale qui me genent.
J’adore meme le thème terriblement décalé de Ponzi Scheme ^^
atom 14/10/2017
Ce qui est intéressant dans ce jeu c’est le coté vertigineux, on est au pied du mur et le mur grandit a chaque tour. En ce sens c’est le seul qui donne cette sensation de jouer contre le jeu et contre les autres joueurs. D’arbitrer ce que l’on fait pour le commun et pour soi.