CloudAge : la tête dans les nuages

CloudAge est la dernière création originale de mister Alexander Pfister, co-création devrions-nous dire puisqu’Arno Steinwender est aussi de l’aventure. Le jeu est édité chez Nanox Games, éditeur autrichien, mais aussi chez Capstone aux USA, et DLP en Allemagne. Pour la France, c’est Matagot qui sera en charge de le localiser, pour la fin 2021/début 2022.  

CloudAge était annoncé comme un jeu plus léger que les dernières productions de Pfister, plus light donc qu’un Maracaibo, qu’un Mombasa ou encore Great Western Trail. Loin de me rebuter, cela m’a plutôt conforté dans l’envie de voir ce qu’il avait dans le ventre !

CloudAge se présente comme un jeu qui mixe de la construction de moteur, de la gestion de ressources, et du deck-building. Il a aussi le bon goût de proposer l’aventure sous forme de chapitres permettant l’apprentissage en douceur des mécanismes, et en intégrant un scénario, des personnages, et des évolutions mécaniques… Un choix toutefois risqué.

 

Euro Post-apo

L’univers de CloudAge se situe dans un monde post-apocalyptique : une mystérieuse société secrète à déstabiliser le monde en brulant des puits de pétrole et des forêts (alors que le capitalisme fait très bien ça tout seul ^^). L’impact a été désastreux et aujourd’hui l’humanité se déplace en dirigeable pour visiter des villes, combattre la milice Cloud et collecter des ressources à l’aide de drones. 

 

Le désert pour seul horizon

La terre est recouverte d’un désert sans fin, seules quelques villes se sont organisées pour survivre, parfois prises d’assaut par la milice Cloud. C’est sur ce terrain que nous allons évoluer. Et pour nous déplacer, nous avons notre petit dirigeable qui ne demande qu’à être modifié pour avancer plus vite (et pour combattre les milices). Ça, c’est le côté moteur de jeu, car on va peu à peu augmenter notre capacité de déplacement ou bien notre force de frappe. Soit on construit des zones de notre dirigeable soit on utilise des cartes projet que l’on a en main qui vont nous donner des bonus, des points de victoire et bien d’autres choses.

 

 

Nous commençons tous avec la même main de cartes et en début de tour, le premier joueur annonce les phases un peu comme dans Blackout: Hong Kong (mais c’est de qui déjà ? ^^).

Nous les résolvons tous ensemble. Les deux premières peuvent se jouer de manière simultanée, puisque concrètement on dépense de l’énergie pour produire de l’eau en fonction de notre marqueur. L’eau est une ressource indispensable, mais en produire nécessite de l’énergie et il faudra jongler avec ces deux ressources.

Puis, nous piochons nos deux premières cartes : la plus basse nous permet de gagner de l’énergie (ou des cartes projets) et la suivante donne la valeur de déplacement de notre aéronef.

 

 

L’aspect deck-building se retrouve aussi dans les combats : quand on arrive dans une zone où la milice a pris le pouvoir, on a une certaine valeur de force pour gagner le bonus de la zone (souvent de l’eau, mais aussi des points de victoire). Pour l’emporter, soit on a amélioré notre dirigeable, soit on peut dépenser de l’énergie pour tirer une carte qui va s’ajouter à notre valeur de combat. On peut piocher autant de cartes que souhaité, enfin tant que l’on a de l’énergie… sachant que l’énergie sert aussi à produire le précieux liquide rare. On peut aussi tout simplement abandonner le combat. Si on est à court d’énergie on peut aussi payer en points de victoire, bref on a toujours le choix, on n’est jamais bloqué, ça sera couteux, mais on peut y arriver.

La phase suivante se joue aussi dans l’ordre du tour : on va envoyer nos jetons drones sur les zones d’actions pour y construire nos améliorations ou nos cartes projets. Là encore pas vraiment de temps mort puisque le joueur actif impulse une action et les autres suivent.

 

 

Les fameuses cartes Nuages sont simplement des cartes sleevées où l’on a collé un autocollant nuage. Un bête gimmick matériel ? Au début, je l’ai cru, mais quand on sélectionne une des cartes il sera possible de déterminer ce que l’on y cherche, de l’eau, du métal, de l’énergie ou des cartes, les autres joueurs dans l’ordre du tour vont se positionner aussi (évidemment ils prendront ce qui reste). Une fois ceci fait, le joueur actif dévoile la carte et chaque joueur prend sa récompense. La carte rejoint la défausse du joueur augmentant son déplacement et potentiellement sa force de frappe.

Avec un peu d’observation, on peut deviner ce dont la carte regorge : une grande zone bleutée indique de l’eau, une zone noire, des cartes, etc. Mieux encore, si on tombe sur la Clé à molette on va pouvoir réaliser une amélioration, là c’est la fête !

Petit à petit, notre aéronef évolue dans la direction souhaitée : plus de force, plus de déplacements, et ça tombe bien, plus on avance sur le plateau et plus il nous faudra de force de frappe. Parfois en chemin, on trouve aussi quelques ressources.
Cela reste un jeu à points de victoire. Ainsi, au bout des x tours que comporte le jeu, on réalise le décompte. Et le vainqueur est déclaré.

 

Speed Gaming ?

À ce stade du jeu, on peut être légèrement déçu. Ok, c’est sympathique, mais il manque un peu de sel. Tout ça pour ça ? Rassurez-vous, il se trouve que CloudAge est évolutif. Oui, c’est un choix éditorial risqué que de proposer d’abord une version « incomplète ». Le risque étant que les joueurs/euses se désengagent vite et rangent la boite dans la pile des jeux joués une fois, surtout quand le marché offre la profusion de titres que nous connaissons.

CloudAge se veut abordable et incorpore doucement quelques évolutions. C’est en avançant dans la campagne que les joueurs découvriront de nouvelles mécaniques intéressantes qui s’ajoutent aux premières. On découvre que les cubes que l’on place sur la carte du jeu ne sont pas juste une façon peu élégante de signifier les tours de jeu joués, mais servent aussi à réaliser des objectifs, et tout à coup on va planifier nos déplacements autrement. Le jeu prend peu à peu une toute autre ampleur.

Mais ce n’est pas tout, le terrain va s’agrandir. Le jeu fonctionne sous forme de scénarios : nous lisons une carte qui nous donne un objectif commun, nous avons quelques tours pour, par exemple, livrer de l’eau. Alors, si le défi est accompli, on lira telle carte, mais si on le rate, on en lira une autre. Parfois, des choix seront imposés : voulez-vous combattre ou livrer du métal aux baraquements ? D’autres fois, on devra aller chercher une nouvelle tuile legacy à adjoindre au plateau, et même ajouter de nouvelles cartes projet au paquet de cartes. L’aspect deck-building s’étoffe aussi car on peut épurer son deck en plus de l’enrichir.

La trame scénaristique est quant à elle sommaire et convenue, mais fonctionne plutôt bien, elle nous immerge dans ce monde post-apocalyptique et nous présente des personnages qui ont un rôle à jouer. Je dis sommaire, mais chaque chapitre comprendra plusieurs cartes d’ambiance. À ce titre, je conseille d’attendre la sortie française car il n’y a pas moins de 38 cartes double-face avec du texte écrit en tout petit.

Cerise sur le gâteau si vous enchaînez les parties, vous allez pouvoir inscrire vos points au fond du livret, en fonction des points que vous avez gagnés dans la partie vous marquez un nombre d’étoiles, et si vous terminez vainqueur vous en ajoutez encore. À la fin de la campagne on obtient ainsi un grand vainqueur. Moins frustrant que Expédition à Newdale où rien ne nous départageait vraiment. L’inconvénient, c’est que l’on n’a rien pour se rattraper si on accumule du retard. Cela dit, chaque partie étant indépendante (on ne garde aucun avantage acquis) il n’y a pas de ressentiment, si l’écart se creuse c’est que notre adversaire est simplement meilleur ! ^^

 

Au-dessus des nuages le ciel est toujours bleu

J’ai toujours considéré que proposer une partie servant de tutoriel était un risque éditorial pas forcément payant, la première partie étant un peu fade et pouvant nous détourner du jeu de manière durable voire définitive. Mais ici, si l’on dépasse cela et que l’on se laisse embarquer, alors on se retrouve avec un jeu à moteur où ce moteur est réellement corrélé à quelque chose. Pour un jeu qui s’appelle CloudAge je dois dire que c’est très agréable de ne pas construire dans le vent.

La profondeur de jeu est conséquente : on passe d’un jeu familial+/amateur, à un jeu « connaisseur » (le fameux Kennerspiel) même si on reste loin d’un Great Western Trail ou d’un Mombasa, plus proche d’un Isle of Skye par exemple. On aurait tort de trop vite le qualifier de familial, d’ailleurs son critère de poids sur BGG à évoluer au fur et à mesure du temps. Au début, il stagnait autour des 2.5 signifiant un jeu aux règles plutôt légères, et il est monté à 2.89 (3.88 pour Maracaibo). 

Alexander Pfister et son coauteur Arno Steinwender (que l’on a un peu trop vite tendance à oublier) ont signé un jeu très efficace. Les tours de jeu s’enchaînent assez rapidement et malgré tout, on garde une bonne profondeur de jeu. La pression reste au rendez-vous, tout en laissant une bonne liberté. Serions-nous sur un petit nuage ? 

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6 Commentaires

  1. TheGoodTheBadAndTheMeeple 09/08/2021
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    Je n’ai pas deteste le jeu (complet, pas l intro) mais je n’ai pas vu grand chose de subtil. Un moteur, a monter de 3 facons differentes, des points a recuperer, de la conversion de ressources, un theme… absent.

    D’ici a comparer le jeu a Isle of Skye, vraiment pas. Isle of skye est particulierement epure (10 min de regles) ET subtil dans son peu de mecanique.

    Cloudage n’est pas particupierement epure, et n’est pas tres subtil en ce sens que je n’y vois pas une grande courbe d’apprentissage, mais plutot qui sera le meilleur a optimiser son affaire. Sans oublier une interaction faible. Et un gimmick, tres moyen a mes yeux.

     

    partie avec tutoriel ? je n’ai pas d’avis, ca permet d’elargir le public cible.

    • atom 09/08/2021
      Répondre

      Moi ce que j’ai apprécié c’est le coté jeu à moteur mais pas uniquement, on construit certes son jeu, mais pour avancer plus vite, plus avoir plus de force etc. La comparaison avec Isle of Skye ne se place qu’en terme de difficulté ou de poids du jeu. mais du coup si on optimise mieux en jouant il existe bien une courbe d’apprentissage non ?

      • TheGoodTheBadAndTheMeeple 10/08/2021
        Répondre

        Tu as raison:

        Il existe une courbe d’apprentissage sur mieux connaitre les cartes et pour mieux les combiner. Ce que j’appelle du bachotage. (question de gout)

        Ce qui est bien different de mieux anticiper le jeu des adversaires, et estimer les tuiles en fonction des scoring comme le propose Isle of Skye.

        • atom 13/08/2021
          Répondre

          Oui c’est une question de goût, mais encore une fois la comparaison avec Isle of Skye est uniquement sur le poids du jeu, il est clair que les deux jeux sont totalement différents dans leur approche et dans leur gameplay.

  2. ocelau 11/08/2021
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    Bonne présentation. J’ajouterais :

    – très bon mode solo. C’est que du score, mais le niveau minimum est assez élevé et surtout demande à valider entièrement les objectifs

    – le rapprochement du mode campagne a souvent été fait avec celui de Maracaibo or il y a une différence notable : à Maracaibo il y a beaucoup d’évolution du plateau (ajout de tuiles) mais finalement très peu de nouvelles cartes. A Cloudage c’est l’inverse

    – j’ai eu l’impression sur mes parties en multi que plus on était et plus le jeu était facile et perdait un peu en tension (on peut profiter des actions autres)

    • atom 13/08/2021
      Répondre

      Merci pour ce retour, j’avoue que je joue très rarement aux jeux en solo. C’est vrai que l’on a plus de possibilités en fonction du nombre de joueurs, mais en même temps c’est tout le monde qui en profite, il n’y a pas de déséquilibre. De notre côté, on a parcouru toute la campagne à deux joueurs, surtout parce que situation sanitaire oblige il était compliqué de jouer hors de la cellule familiale..

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