Cartaventura Résistance : Ce n’est qu’un jeu ?
Le premier Cartaventura est apparu en 2021 et, depuis plus d’une dizaine de volumes ont été publiés, chaque fois avec l’intention de mettre en lumière un sujet ou une personnalité hors du commun. Comme ce Shérif noir en pleine Amérique blanche catholique dans Oklahoma. J’ai aussi appris le code Hobo (enfin son existence) dans Hollywood. Rien que pour cela cette série fait sa part, et tant pis si parfois c’est (à mes yeux) plus faible ou moins marquant. Mais à mes yeux, car au final, on n’aura probablement pas tous les mêmes. Pour ma part je ne tire pas sur les ambulances, par contre j’ai adoré Hollywood justement et cet opus Résistance dont j’avais vraiment envie de vous parler. En effet, mais comment évoquer un jeu qui se veut narratif sans en dévoiler trop ? Comment vous donner envie de le découvrir ?

Résistance répond à une question que je me pose sans cesse :
Qu’aurais-je fait si j’étais à leur place ? Qu’est-ce qui fait que l’on mette sa vie en danger pour un idéal ? Pour soi-même, mais aussi pour ceux qu’on aime, car c’est un engagement qui ne se prend pas à moitié. C’est votre amour, vos enfants, vos camarades qui risquent d’en subir les conséquences pleines et entières. La barbarie n’a pas d’états d’âme ; elle frappe sans se préoccuper de l’âge ou de l’état civil.
En cette époque trouble, cette question revient souvent me hanter. Que faire et comment résister à notre manière si le besoin s’en fait sentir.
Évidemment, je n’ai pas la réponse à cette question. Impossible de le savoir sans y être confronté. Je préfère espérer qu’on n’aura pas à l’être. Malheureusement, je ne suis pas très optimiste. Et bien cet opus a en partie répondu à cette question, il m’a fait toucher du doigt cela.
Dans Résistance, on incarne Adèle, une jeune fille de 17 ans en juillet 1943. Adèle vit en France occupée et tente tant bien que mal de garder l’insouciance de la jeunesse. On n’est pas sérieux quand on a 17 ans.

Ce n’est qu’un jeu ?
C’est ici que je dois parler de l’écriture de cet opus, la situation est posée, la tension est palpable et chaque choix que nous allons faire semble en apparence anodin, mais en apparence seulement.
Notre première session a eu un goût de sang et de larmes, pourtant notre choix semblait logique, mais on avait oublié que l’on était dans un pays en guerre et le jeu n’a pas tardé à nous le rappeler, sèchement, violemment. L’horreur est à nos portes et laissera des traces..
Je m’autorise un léger spoil, ici c’est matérialisé par un poing sanglant, témoignant le sang qui a coulé, le village s’est réveillé endeuillé et meurtri.
Elle est là la réponse, ce sont les circonstances qui créent les “héros”, c’est parce que tout à coup la situation devient insupportable, parce que l’on voit nos camarades tomber, que l’on décide de tout risquer. Plus la souffrance est forte et plus vous risquez de vous réveiller, c’est d’ailleurs le sujet de la série Andor, qui est surtout une série sur la résistance avant d’être une série Star Wars. (regardez cette série !)

Si vous lisez des récits de cette époque ou discutez avec des anciens qui l’ont vécue, c’est ainsi que ça se passe.
La résistance en chemin
Je me permets un petit aparté : dans mon département, l’Isère, qui abrite le plateau du Vercors, haut lieu de la résistance, la Ligue 38 organise chaque année et depuis plus de 20 ans un projet avec les élèves de CM1 et CM2 sur le thème de la résistance. J’ai eu la chance d’y participer il y a quelques années en tant que parent accompagnant. Ils questionnent la notion de résistance, les enfants devaient expliquer à travers des dessins ce que voulait dire ce mot, et comment résister. Un bon moyen de sensibiliser et de s’approprier cette idée.
Ils devaient aussi parcourir la ville, rencontrer des anciens résistants ou fils de résistants qui racontaient leur histoire ou celle de leurs parents, grands-parents et des lieux chargés d’histoire. Cette sortie scolaire m’est restée en mémoire. Si l’on ne raconte pas l’histoire, on est probablement condamné à la revivre. Merci à la Ligue 38 d’organiser ces moments.

Résistance non ce n’est pas qu’un jeu !
Je suis rarement touché par un jeu narratif parce que j’ai du mal à me dire que ces personnages sont plus que du papier. Dans “Résistance”, l’écriture, en plus d’être belle, est surtout intelligente. Les personnages ont du corps et l’on se surprend à tressaillir pour eux, parce que nos décisions peuvent avoir des conséquences funestes pour eux et vont en avoir.
Résistance m’a touché, et je pense que cela a aussi touché les autres autour de la table. Il est arrivé qu’on se sente submergé par les émotions et que ça soit difficile à avaler. Le silence s’est fait entendre, quand on découvrait les répercussions de nos décisions. Comme dans les précédents opus, plusieurs fins existent, chacune d’elles laissant un goût plus ou moins amer, mais cela nous laisse entrevoir les impacts de nos choix.
Parfois la petite histoire du jeu rejoint la grande, on sent un gros travail de documentation, sûrement inspiré de récits réels. Le jeu a été réalisé en collaboration avec Christophe Prime un historien spécialiste de la seconde guerre mondiale (il a écrit Omaha Beach 1944 sur le débarquement).
Cet Opus est d’une rare intelligence, si je devais en conseiller un, ça serait celui-là. Je suis très curieux de voir ce que peut donner Exil, le prochain Opus que l’on peut déjà commander sur le site de la Cimade, ou celui de la Ligue des droits de l’homme. Pour ma part c’est déjà fait. Parfois le jeu n’est pas qu’un jeu, surtout quand il réussit à nous faire vivre des émotions négatives, quand il sort de ce rôle divertissant. Il pourrait être proposé à tous ces va-t-en guerre n’ayant pas retenus les leçons du passé.
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Ihmotep il y a 22 jours
Ce que j’apprécie dans les Cartaventura c’est que derrière un jeu qui nous permet de vivre de façon active une narration avec plusieurs fins en fonction de nos choix, il va plus loin en traitant en plus des évènements historiques.
Juillet il y a 22 jours
Comment dire, le plateau des Glières c’est en Haute-Savoie. Vous avez confondu avec le plateau du Vercors peut-être, au dessus de Grenoble et donc en Isère ?
atom il y a 22 jours
Oui c’est possible, je vais modifier. Je suis dans l’Isére depuis pas si longtemps (mais un peu quand même) et je connais toujours pas bien la géographie locale ^^
Maillard il y a 22 jours
Bonsoir. Merci pour cette revue détaillée. J’adore Cartaventura. Le dernier opus Mexica est encore très bien même si les embranchements et différents sont moins tranchés que dans d’autres opus. Exil je l’ai récupéré et je devrais le tester bientôt. Je vous dirais. Pour ce qui est de l’immersion, je vous recommande Libération, le prochain jeu de Platypus games. Un immense travail de reconstitution historique. Merci. Bonne soirée. Guillaume
Arnaud Ladagnous il y a 20 jours
Merci pour ce joli témoignage.
Yohan Servais il y a 20 jours
Idem, merci et ravi qu’Hollywood t ait plu !