Le pitch de Beyond the Sun sonne cruellement à nos oreilles, la première guerre thermonucléaire a infligé de sérieuses blessures à notre Terre, sans oublier les ravages du changement climatique. Ressources qui se raréfient, récoltes qui s’effondrent, notre planète est en train de mourir et il est temps de quitter le berceau de l’Humanité pour coloniser d’autres systèmes solaires. Apprenant de leurs erreurs, les nations ont décidé de mettre en commun leurs savoirs afin de se diriger vers un avenir meilleur. Jusqu’au jour où les ambitions et le pouvoir reprennent le dessus sur la sagesse.

Qui d’entre vous va prendre le leadership ?

Beyond the Sun – arbre techologique

Course spatiale

Ce pitch un peu catastrophiste permet de nous lancer dans le jeu de Dennis K Chan sans trop de préliminaires. Le thème de la conquête spatiale facilitant toutes les extravagances. Beyond the Sun est un jeu de développement axé principalement sur un arbre technologique que les joueurs vont construire ensemble. Le but du jeu : marquer le plus de points de victoire au moment où la fin sera déclenchée. Thème spatial oblige, nous sommes dans une course aux objectifs. Littéralement, car nous avons quatre cartes objectifs pour la partie et quand un certain nombre de jetons ont été placés sur les cartes, il sera temps de passer au décompte.

Beyond the Sun – cartes objectif

Ouvriers cube population à tout faire

Beyond the Sun ce n’est pas uniquement cet arbre technologique, c’est aussi de la pose d’ouvrier (un seul), et de la production de ressources. La mécanique est très simple finalement, et permet de se concentrer sur la stratégie : vous posez votre jeton action (ou ouvrier) sur une case libre, et vous réalisez l’action correspondante. Enfin, vous réalisez votre production de population ou de minerai, et évidemment les deux sont nécessaires. 

Beyond the Sun – plateau joueur

Votre plateau joueur comprend des dés appelés cubes, que l’on ne lance jamais (sauf rares exceptions). Ils représentent notre population, qui sera envoyée sur le plateau Technologie pour apprendre de nouvelles technologies (étonnant), ou sur le plateau Exploration, prenant alors la forme de vaisseaux, afin de coloniser de nouveaux territoires. Quant aux minerais, ils sont nécessaires pour d’autres choses, comme construire de nouveaux vaisseaux, coloniser de nouveaux systèmes, etc.

Beyond the Sun – plateau Technologie

Le grand plateau sert à disposer les cartes des différents niveaux. C’est l’arbre technologique que les joueurs vont construire ensemble. Au début, nos possibilités sont très limitées, nous allons apprendre des technologies de niveau 1, qui nous permettront ensuite d’apprendre des technologies de niveau 2, etc. Possibilités pas si limitées car on a rapidement les moyens d’envoyer des vaisseaux dans l’espace lointain à l’assaut de planètes, on peut aussi prestement les coloniser. Mais tout cela va coûter affreusement cher en ressources minérales ou humaines, nos précieux cubes de population. Il pourrait être plus judicieux d’aller découvrir au préalable de nouvelles technologies nous permettant de réaliser ces actions de façon moins coûteuse.

Beyond the Sun – actions niveau 2

Quatre types de technologie : la militaire, pas de mystère, vous allez fabriquer des vaisseaux et les déplacer dans l’espace pour y apposer vos disques population ou minerai afin de produire plus de ressources pendant votre phase de production, la terraformation, moyen de coloniser les planètes que vous contrôlez, quant à la génétique et la robotique avancée elles permettent l’automatisation, un grand mot pour dire que l’on va pouvoir placer un de nos disques sur sa ligne d’automatisation, source de points de victoire, mais aussi de plus de ressources pendant notre phase de production.

Ce système de développement va permettre d’orienter la partie vers une de ces quatre technologies, plus le niveau est élevé et plus c’est puissant, le niveau 4 étant lié à du scoring.

L’arbre qui ne cache pas la forêt 

L’auteur Dennis K Chan racontait dans une interview que l’apport des dés pour matérialiser la force des vaisseaux lui a permis de résoudre les problèmes ergonomiques, bien mieux qu’une simple piste de puissance. Ce choix en apparence anodin, a ouvert la porte au plateau Exploration, qui offre aux joueurs une interaction bien plus forte que dans la plupart des eurogames. En effet, le plateau Exploration va être le théâtre d’une guerre de majorité, aucune destruction à proprement parler, mais rendant le jeu très interactif.

Chaque fois qu’une action permet de faire des mouvements, on pourra déplacer nos cubes vaisseaux comme on le souhaite, c’est-à-dire déplacer plusieurs vaisseaux d’un saut ou un vaisseau de plusieurs sauts spatiaux. Si l’on arrive sur une carte système, on peut réaliser l’action du lieu s’il y en a une, seulement si on est majoritaire en force. En plus, on va pouvoir poser un de nos jetons minerai ou population.

Beyond the sun – plateau Exploration

C’est loin d’être anecdotique, ces disques sont extirpés de notre plateau personnel, nous permettant de produire plus de population ou de minerai une fois retirés. Mais si l’on arrive sur un lieu déjà occupé par le disque d’un joueur avec plus de force militaire, on dépose notre disque et on lui rend le sien qu’il replace sur son plateau, non sans râler un petit coup, car du coup ça réduit un peu sa production. Il n’est pas rare que l’on se batte pour un lieu et que l’on déloge un joueur qui à son tour va nous déloger en ajoutant plus de force, etc. Une vraie course à l’armement. 

Ceci jusqu’à ce qu’un joueur colonise la planète, dans ce cas il remporte la carte, source de points de victoire en fin de partie. Certaines planètes offrent aussi un bonus loin d’être négligeable. La Colonisation nous offre des points, nos cubes eux rentrent à la maison sur notre plateau, tandis que ceux des autres joueurs présents sur la planète qui vient d’être colonisée, sont replacés au centre, prêts à à une expansion vers de nouveaux territoires.

La bataille spatiale, mais aussi les technologies requièrent des cubes population, il en faudra de nouveaux, mais il faut trouver un équilibre subtil afin de ne pas manquer de travailleurs d’un coté, ou de vaisseaux de l’autre. Si l’on a mal optimisé, ou que notre soif de puissance nous a poussé à nous installer partout sur les systèmes, on risque d’être pris dans un goulot d’étranglement, et de subir un ralentissement qui peut nous être fatal.

Beyond the Sun – colonies

Si l’interaction peut être très frontale sur le plateau Exploration, elle est également très importante sur le plateau des technologies, c’est ce qui dessine la partie, quand un joueur décide de découvrir le niveau 2 d’une technologie il doit choisir parmi deux cartes, il va bien sûr choisir celle qui correspond le mieux à sa stratégie. L’action deviendra disponible aux autres joueurs s’ils décident à leur tour de l’apprendre, mais quoiqu’il en soit vous en aurez la primeur si vous le souhaitez !

La course est bien présente, car on sait que la partie ne va pas durer indéfiniment, et l’on tente de construire son jeu dans plusieurs directions, pour damer le pion aux adversaires.

Vers l’infini et au delà ?

Quand j’ai vu débarquer cette boite, avec cette cover très quelconque, il était difficile de s’enthousiasmer, d’autant que le reste du matériel est du même acabit, des plateaux certes doubles couche, mais tout blanc comme si l’on venait d’imprimer un print and play. Dans le même ordre d’idées, les cartes au fond blanc  font aussi très prototype. Alors oui, on a des disques en bois sérigraphiés et des dés spéciaux, mais ça reste difficile de justifier le prix de la boîte. On se consolera en se disant que ça paye l’auteur et l’éditeur. Mais un jeu ce n’est pas uniquement du matériel, c’est aussi du temps de développement, et on imagine sans mal le temps qu’une telle œuvre a dû prendre à être équilibrée. Finalement je ne regrette pas mon achat, fut-ce t-il dispendieux.

Après plusieurs parties, on s’adapte au style, et il faut reconnaître que ces choix monochromes sont peut être finalement un mal pour un bien, c’est fonctionnel ce qui est surement le plus important. Autre point un peu gênant tout de même, le jeu ayant beaucoup de texte, la lecture du jeu est peu confortable si vous êtes du mauvais côté du plateau.

Si l’aspect du jeu est discutable, la mécanique de Beyond The Sun, son gameplay est beaucoup plus enthousiasmant. Chaque décision que nous prenons a un fort impact sur la partie. Chaque choix est fait de planification à moyen et long terme, et en même temps d’adaptation constante, car il n’est pas question de jouer le nez sur son plateau, il est nécessaire d’analyser les plateaux et le déploiement de l’arbre, les nouvelles options disponibles. Avec l’offre de choix importante, on pourrait craindre une forme de paralysie neuronale et pourtant cela reste relativement fluide. De par sa structure simple, les tours de jeu sont rapides. Les sessions sont largement différenciées en fonction des choix. Beyond The Sun est un jeu extrêmement riche, avec parfois des parties très belliqueuses, d’autres plus axées sur les technologies ou l’automatisation, cela dépendra aussi des cartes objectifs de la partie. Après plus de 20 parties, j’ai toujours cette sensation de liberté, de fraîcheur et de diversité. Le thème transpire par tous les pores, on a la sensation d’écrire le destin de notre civilisation vers un avenir teinté de domination militaire, économique ou scientifique.

Dans la version de base, nous avons des plateaux légèrement asymétriques, mais en version avancée elle est plus marquée. Il faudra avoir pratiqué le jeu dans sa version basique avant d’envisager cette asymétrie supplémentaire. Une version expert nous permettra de connaitre à l’avance les technologies que l’on va pouvoir apprendre. Cette idée est bonne, mais ça prend de la place sur la table, et finalement je trouve que l’on perd le plaisir de la découverte et de l’adaptation. On risquera alors de tomber dans la constipation neuronale.

Beyond the Sun est un jeu de développement comme il en existe beaucoup, mais là où certains ont un système de construction de moteur comme Terraforming Mars, ou de pistes évolutives comme Tapestry par exemple, peu font le choix d’un arbre technologique évolutif. On pourrait toutefois citer Pulsar 2849 ou encore Dawn of Mankind jamais sorti chez nous. Mais Beyond the Sun offre un système beaucoup plus subtil fait de micros choix à arbitrer qui dépend à la fois de notre stratégie, du moment de la partie et de l’aléatoire (semi) qui rendent les parties imprévisibles mais toujours intéressantes. 

Il offre aussi une interaction beaucoup plus forte que dans la plupart des eurogames, avec des conflits directs, mais dans une résolution douce, une adaptation constante et une excitation permanente, finalement ce que je retiens le plus de Beyond The Sun c’est qu’il est extrêmement gratifiant.

Beyond The Sun est un jeu plutôt simple à appréhender, malgré le côté un peu intimidant du plateau avec ces nombreuses zones d’action. Cela surprend toujours les joueurs qui le découvrent, car en 15 minutes on assimile la mécanique. Si un débutant ne joue pas forcément de manière optimale, il va opérer de vrais choix tactiques et stratégiques qui sont très vite satisfaisants, à défaut de le mener vers la victoire, il va ainsi très rapidement apprendre de ses errements. Plus on joue, plus on maîtrise. Le fameux : “Easy to Explain, Hard to Master”.

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