Beyond The Horizon : Au-delà du soleil
Beyond The Horizon est une itération de Beyond The Sun, une sorte de V2 si vous préférez.
Avant de commencer, il faut que je vous dise : j’adore Beyond the Sun, c’est probablement un jeu que je placerais dans mon top 10 sans trop réfléchir. Quand Beyond The Horizon a été annoncé, j’étais extatique – utiliser cet arbre technologique pour en faire un jeu de civilisation augurait tout simplement du meilleur. J’envisageais même de trouver une gentille personne pour me le ramener d’Essen, mais c’était sans compter sur Super Meeple, toujours à l’affût des bons jeux experts à localiser. Par la suite, j’ai pu essayer Beyond The Horizon au festival Vichy et là, j’avais quelques réserves dont j’ai parlé dans ce retour. Sauf que, je suis bien placé pour le savoir, les jeux experts ne se dévoilent pas toujours à la première partie – d’ailleurs, ma rencontre avec son grand frère (Beyond the Sun, suivez un peu !) n’avait pas été de suite idyllique. C’est avec le temps que j’ai fini par l’apprécier pleinement, et passer outre ses défauts (surtout) éditoriaux.

Avant d’attaquer dans le vif du sujet, rappelons tout de même le pedigree des auteurs : Denis K.Chan est accompagné de Mat Riddle, Adam Hill et Ben Pinchback (les trois ont collaboré sur des jeux comme Fleet, Three Sisters, French Quarter, etc.). Des auteurs capés sans aucun doute. Simone Luciani complète la fine équipe au développement, le bonhomme touche sa bille, on le sait depuis Tzol’kin, mais il est surtout à la tête du développement chez Cranio.
Beyond The Horizon reprend la partie mécanique de Beyond The Sun (l’arbre technologique, les plateaux civilisations), mais dans une toute autre voie. Ce n’est donc pas vraiment une V2 à proprement parler, en fait. D’ailleurs, beaucoup de jeux reprennent cette logique d’itération pour le meilleur et pour le pire. Je pense à l’excellent Endeavor : Eaux profondes (Test) qui réussit à reprendre la mécanique de son bon vieux Endeavor pour des sensations très différentes (perso, j’adore les deux). Last Bastion est un exemple d’itérations beaucoup moins réussi à mon sens. Mais je m’égare.
Un jeu très civilisé
Quelle merveilleuse idée d’en faire un jeu de civilisation ! L’arbre nous fournit des capacités telles que l’écriture, l’agriculture et le tir à l’arc. Plus tard, en grimpant dans ses branches, nous pouvons découvrir des technologies plus avancées, comme le travail du fer, la philosophie, la littérature, les mathématiques, la biologie, l’électronique ou même la réfrigération. Aux cimes, on est carrément dans la physique des particules, internet ou les antibiotiques. J’aime bien cette évolution et sa cohérence, on est loin d’un Tapestry où la logique thématique pouvait être disons questionnée.

Arbre de technologie
Si vous avez joué à Beyond the Sun, vous vous souvenez qu’en découvrant une technologie, on avait d’abord une carte événement. Ici, ce sont des personnages historiques qui viennent nous donner un petit coup de pouce, ce qui génère une interaction intéressante : être le premier permet de choisir sa technologie qui sera de fait disponible pour tout le monde, mais surtout de bénéficier des bonus. Si a priori on ne peut pas se passer d’un De Vinci ou d’un Einstein dans un jeu de civilisation, l’éditeur a choisi d’intégrer des personnages moins connus, tels Avicennes, Rosalind Franklin, Mansa Moussa (sorti de Sankoré de l’histoire). C’est un détail, mais ça fait tout de même bien plaisir.

Personnages historiques
Sur le plateau ?
Pas de système solaire, cette fois, on déplace nos colons pour découvrir de nouveaux territoires, en révélant une nouvelle tuile – un petit côté exploration nouveau, et opportun.

Plus tard, on va coloniser, puis fortifier ces villages. Personnellement, c’est cette partie qui m’a le moins convaincu. D’abord pour des raisons ergonomiques : on place des petits jetons sur nos pions qui indiquent la force de notre armée ou de nos colons – gris pour les colons, marrons pour les soldats. Résultat, on confond sans cesse l’un et l’autre. De plus, ces jetons ne tiennent pas en place et chutent fréquemment. Un choix que je trouve assez discutable et dommageable. J’ai du mal à comprendre que l’éditeur ait laissé passer ça. Pour celles et ceux qui veulent régler ce souci, Geeklette propose une impression 3D afin de pallier ce problème.

Le plateau joueur
Mais surtout, en termes de gameplay, je ne retrouve plus l’interaction que j’appréciais tant dans Beyond the Sun où l’on se bat pour le contrôle de la planète, avec une dynamique virevoltante, ça bouge sans cesse, tandis qu’ici c’est plus plan-plan, vu que l’on peut se développer dans plusieurs directions. Dans une de nos sessions, chacun de nous a choisi son lopin de terre, l’a agrandi et y est resté tranquillement. En fin de partie, il y a bien eu un raid sur l’un de mes territoires pour le fortifier (et ainsi obtenir des points de victoire). Toutefois, je ne pouvais pas le faire moi-même, alors cette incursion ne m’a pas dérangé…
Bonnes idées à défendre
Cette itération a tout de même de bonnes idées aussi à défendre, comme ces technologies de niveau quatre qui sont déjà connues dès le début de la partie. On peut donc construire son jeu et planifier son arbre dans une direction et un but. Cela enlève cette part de hasard que l’on pouvait redouter. On évite de piocher deux cartes peu synergiques avec notre jeu, comme cela peut arriver dans BTS (le jeu, pas le groupe, rho faut suivre un peu – Ndlr). Je me demande dans quel sens on pourrait ne pas l’appliquer pour Beyond the Sun comme une variante.
Le système des pistes a évolué, si nos plateaux sont tous identiques, on démarre tous avec une carte donnant un pouvoir de départ et d’autres que l’on va pouvoir débloquer en jeu pour passer du Despotisme jusqu’à la Démocratie en passant par la Monarchie. Le dernier stade donnant un type de scoring supplémentaire anticipable.
D’aucuns n’hésitent pas à remettre en question l’équilibrage des civilisations, je m’en garderais bien, même après plusieurs sessions. Soyons honnête, le jeu est passé par quatre auteurs de renom et un développeur confirmé et les joueurs en deux-trois sessions verraient ce que les auteurs n’ont pas vu en une centaine d’heures de playtesting ? Je préfère douter.

Si je ne parle pas de l’équilibrage stricto sensu, je peux vous donner mes sensations en jeu et je me demande si elles ne typent pas trop ton jeu, autrement dit si elles ne poussent pas notre civilisation sur des rails trop scriptés.
Dans une partie, un de mes adversaires a suivi une stratégie de fortification car il gagnait des bonus importants. Moi à l’inverse, je me suis focalisé sur l’arbre principalement à cause là aussi, de mes bonus. On avait tous les deux aucune bonne raison de sortir de ces axes donnés, ce qui a renforcé cette sensation de jouer chacun de notre côté. Côté griefs, je trouve aussi que ces factions manquent un peu de personnalité. Au final, on a du mal à avoir l’impression de jouer des civilisations.
Il faut conclure !
J’aime tellement BTS que je me demande si cela n’a pas influencé mon avis sur cette itération et … ma déception. Toutefois, j’ai essayé de faire la part des choses, de sortir de mes idées préconçues. Il faut le reconnaître, mécaniquement c’est propre, un poil plus combinatoire aussi (la patte Luciani ?).
Mais après quelques sessions, pour moi c’est sans appel, je ne retrouve pas les sensations du jeu original, sa simplicité, son épure, cette interaction mi agressive mi collaborative. Cette itération fait montre de quelques bonnes idées malgré tout. Est-ce que j’aurais le même avis si BTH était le premier arrivé ? Probablement pas. J’ai le sentiment qu’il va plaire à tous ceux qui n’appréciaient pas BTS et qui jugeaient son interaction trop brutale. Beyond The Horizon se rapproche davantage d’un Eurogame classique. Mais il est à la fois trop proche et trop éloigné de son grand frère pour moi. J’ai aussi eu du mal à accepter certains choix éditoriaux. Une itération doit corriger des problèmes, pas en ajouter.
Quoi qu’il en soit, si une troisième proposition faisait son apparition, je pourrais être tenté. Il y a matière – surtout pour des auteurs de ce calibre – à utiliser cet arbre pour explorer de nouvelles mécaniques plutôt qu’un plateau commun (j’imagine un moteur de cartes peut-être).
En conclusion, parce qu’il faut bien vous laisser, je reconnais à Beyond the Horizon de réelles qualités (et vu mon amour pour le jeu d’origine, le contraire aurait été triste). Il faut avouer que s’il avait suscité exactement les mêmes sensations que son prédécesseur, ce serait sans doute le signe d’un échec. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un mauvais jeu — loin de là. Mais puisque l’exercice critique implique de prendre position, je dois admettre que c’est avant tout la déception qui l’emporte, en grande partie à cause de certains choix éditoriaux discutables et d’un rythme qui manque cruellement de nervosité.
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Depuis sa création en juin 2014, Ludovox a à cœur la pertinence et l’intégrité des contenus proposés par une rédaction indépendante et l’établissement d’une charte que vous pouvez retrouver ici. Cet article a été écrit avec une copie presse du jeu. Si vous aimez notre travail, n’oubliez pas de nous soutenir sur Tipeee.
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Ihmotep 14/08/2025
Beyond the sun et beyond the horizon sont de très bons jeux complémentaires. Il suffit pour m’en convaincre d’écouter les débats autour de moi pour voir qu’il y a les adeptes de BTS et ceux de BTH. Pour ma part je suis un BTHien ^^. Beyond the sun m’avait un peu déçu, non pas par son système d’arbre de technologie assez génial de part sa simplicité de mise en oeuvre et la diversité que cela offre, mais par son côté répétitif. Oui c’est contradictoire, et lors des 6 parties que j’ai joué j’ai eu les mêmes sensations, l’impression de revivre la même chose avec les mêmes statégies. Alors que BTH j’enchaîne les parties sans me lassser. Certes les adptes de BTS regrette à juste titre l’absence d’interaction forte entre les joueurs. Les plus dociles au contraire l’apprécie. Ici nous sommes dans une course. J’avoue ne pas avoir non plus la sensation de « construire » ma civilisation, très vite le nom des technologies passent à la trappe pour se focus uniquement sur ses effets.
Les plaisir de l’exploration est par contre bien présent. Après un paquet de parties les 8 cartes de départ nous ont parus bien équilibré à une exception près que personne n’a réussi à faire matcher (une faction sur les fortifications des villes, trop longue à mettre en place).
Dommage que l’édition globalement réussi soit terni par ses jetons qui ne tiennent pas sur les pions :(.
A noter que nous y avons joué à 2, 3 ou 4 avec le même plaisir, ce qui est un gros point positif pour moi. Une fois que chacun à compris les mécaniques et symboliques du jeu, les tours s’enchainent rapidement.
Il y a une belle tension entre les pions indispensables pour faire des actions, l’argent indispensables pour plein de choses et la dernière piste qui donne des bonus très intéressants. C’est pour moi la grande force de ce jeu, comme pour endeavor eaux profondes : si je suis à l’aise dans un domaine, c’est souvent au détriment d’un autre (j’ai plein de pions, mais je n’ai pas de sous ^^). toutefois avec les mécaniques du jeu nous ne sommes jamais coincés, c’est tout au plus une perte de temps.
Vous l’avez surement compris, un jeu que j’aime beaucoup, et qui dévoile quelques subtilités de parties en parties.
Geraldo 18/08/2025
Merci ! Le fait d’avoir une visibilité initiale sur les technos 4 me donnerait quand même envie d’essayer.
Attrntion Mansa Moussa n’est pas « sorti de Sankoré » mais de l’Histoire, comme tous les autres protagonistes. Formule malheureuse.
atom 18/12/2024
Oui tu as raison. c’était la proximité avec la sortie du jeu qui m’avait fait écrire cela. C’est modifié 🙂
atom 18/08/2025
Oui, ça c’est plutôt une bonne chose. De toute façon il faut l’essayer pour savoir s’il va ou non vous plaire, tout dépend de ce que l’on va y chercher :).