Barbarian Kingdoms : la stratégie historique pour les nuls
Le petit monde du jeu de plateau à beau être ébranlé, à l’instar de nombre d’autres secteurs, par les affres de la situation économique actuelle, cela n’arrête pas pour autant les créateurs passionnés. Ainsi Christophe Lebrun a-t-il la ferme intention de proposer son jeu à la concupiscence des joueurs via la société d’édition Jester qu’il a lui-même créée à cet usage, en vertu de l’adage qui veut que l’on ne soit jamais mieux servi que par soi-même. Et il aurait tort de s’en priver vu que le jeu en question le mérite amplement. Et d’autres le pensent aussi puisque le jeu en question s’est vu gratifier du prix Stratégie 2021 du festival Ludinord. OK, ce n’est pas le Kennerspiel ou l’As d’Or, mais quand même…
Barbarian Kingdoms, puisque tel est son nom, a pour ambition de retranscrire sur un plateau les invasions des tribus barbares germaniques de ce qui était à l’époque l’empire Romain. Le tout grâce à des mécaniques épurées entraînant un gameplay fluide, autorisant le jeu à entrer dans la case dite “Familial +”. Un jeu accessible donc, mais non dénué d’un réel intérêt pour les joueurs habitués à du plus costaud.
Chaque joueur endosse le rôle du dirigeant d’un royaume barbare au nom rigolo, source d’inspiration pour les insultes du Capitaine Haddock (Ostrogoths, Visigoths, Vandales, Huns, Francs et Saxons), qui va tenter de conquérir sept provinces ou éliminer deux rois adverses pour remporter la partie. Le jeu n’était initialement prévu qu’à partir de trois joueurs, mais un nouveau mode pour deux a finalement été développé, mode dans lequel chaque joueur dirige deux royaumes alliés.
Si le plateau de jeu hexagonal, sobre et très lisible tout en n’étant pas dénué d’une certaine élégance, peut laisser penser que nous sommes face à un jeu orienté gros joueurs, ainsi que je l’ai dit plus haut il n’en est finalement rien. C’est même l’inverse en fait, puisque l’objectif assumé de l’auteur tout au long du développement a été de rendre son jeu le plus accessible possible à tout type de joueur. Et de mon point de vue, c’est à cet égard une totale réussite.
Ainsi, la durée annoncée et constatée tourne autour de 15 minutes par joueur (cinq actions possibles par tour, une seule à réaliser) et les règles s’expliquent en 10 minutes, même à un non habitué des jeux de plateau. Pour exemple, la partie que j’ai effectuée sur Tabletopia à quatre joueurs (dont deux qui ne connaissaient pas le jeu) à durée une grosse heure explication des règles comprises, malgré les manipulations évidemment moins aisées via l’ordinateur.
Les mécaniques ont fait l’objet d’une épure afin d’obtenir une fluidité maximale des tours et les downtimes (attente d’un joueur pour jouer à nouveau son tour) sont réduits au strict minimum. L’interaction est également privilégiée et il sera rarement (jamais ?) rentable d’essayer de se la jouer solo dans son coin en tentant de se faire oublier.
Les mécaniques, parlons-en. C’est quand même le cœur d’un jeu de plateau (même si j’en connais certains pour lesquels c’est presque secondaire, mais bref…). Si dans l’ensemble elles peuvent être considérées comme classiques et déjà vues, encore que chercher à tout prix à réinventer la roue soit rarement la bonne option, elles tournent autour de la principale, celle qui donne à elle seule à la fois le sel et l’originalité du jeu et qui sert à la résolution des combats : les pots-de-vin.
Concrètement, lors d’une bataille entre deux joueurs sont pris en compte les points de batailles attribués par les provinces contrôlées et les unités engagées, auxquelles on additionne le résultat d’un système de mise (les pots-de-vin donc, pour ceussent qui lisent en diagonale). Chaque joueur va mettre secrètement en jeu dans une bourse, une certaine somme de trémis (la monnaie du jeu) puisée dans son trésor, somme qui va correspondre à autant de points de bataille. Bien évidemment, celui qui en a le plus au final gagne la dite bataille. Mais là où se situe la subtilité, c’est que chaque joueur va garder la bourse de l’autre.
Chaque conflit va ainsi se résumer à un cruel dilemme : dois-je miser gros pour gagner à coup sûr cette province qui me serait bien utile mais au risque d’enrichir mon adversaire tout en m’appauvrissant d’autant, ou vaut-il mieux bluffer en ne mettant rien (on a le droit) ou peu dans la bourse pour faire cracher son pognon à l’adversaire et ainsi me remplir les poches facilement pour être plus fort au combat suivant ? Il y aura un équilibre à trouver, les retournements de situation ne sont pas rares du tout et sont même l’un des points forts du jeu. Et accessoirement l’une des sources principales de chouinage de la part de certains joueurs.
Autre élément qui milite en faveur du jeu : la double asymétrie (un pouvoir unique pour le Roi et un pouvoir tout aussi unique pour son peuple) laquelle, associée au nombre de rois et peuples jouables, se trouve être la garantie de la sacro-sainte rejouabilité, Graal de nombre de joueurs, y compris ceux chez qui le jeu finira sur leur pile de la honte. En revanche, pour ceux qui ponceront le jeu c’est un aspect qui ne peut qu’être extrêmement positif.
Barbarian Kingdoms se place sur un créneau finalement assez peu disputé : celui des jeux de stratégie simples à appréhender mais profonds, avec de surcroît un thème historique plutôt mature. Si vous cherchez un jeu accessible à tous avec un thème un peu moins gnangnan qu’à l’accoutumée, foncez sur la page de la campagne de financement. Vous y trouverez un projet déjà financé dans une version Deluxe qui propose bien des choses supplémentaires par rapport à celle qui sortira en boutique (les blasons en métal ! Miam !!), et à un prix ma foi fort correct par les temps qui courent d’environ 60 €, taxes et frais de port inclus. Et si vous devenez fan absolu du jeu, vous pourrez le rendre encore plus luxueux grâce à l’add-on qui remplace les standees du jeu par de magnifiques pions-statuettes en métal coloré, ce pour une cinquantaine d’euros supplémentaires, toujours taxes et frais de cochon inclus.
Dans le cas où ce modeste article ne vous aurait pas donné assez d’informations, vous pourrez certainement vous faire une idée plus précise en allant voir le toujours excellent Ludochrono qui va bien, ou la non moins bonne vidéo de Nixx.
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ChristopheL 26/10/2022
Merci pour cet article !
Le jeu est actuellement en financement participatif sur Gamefound.
Voici l’adresse de la campagne : https://gamefound.com/projects/jester/barbarian-kingdoms