Archeos society – Remodeler l’argile
Le chapeau, le fouet, on est prêt pour l’aventure, en route vers les sites archéologiques.
Est ce qu’on va encore piller le patrimoine de l’humanité en tant qu’aventurier cupide ? Pas cette fois, dans Archeos society, on va monter des expéditions qu’on fera avancer sur dès pistes différentes en direction de sites archéologiques. Espérons qu’on s’en tiendra là.
Avant cette parution de 2023, Paolo mori avait été édité pour ce jeu sous le nom d‘Ethnos en 2017. Ce jeu était reconnu comme un bon cru, mais avait le défaut d’une illustration trompeuse, faisant miroiter un jeu d’affrontements. Alors qu’en réalité on était dans un jeu de majorité. on reviendra sur la comparaison.
Paolo Mori rime en principe avec règles simples mais astucieuses, et forte envie d’y rejouer. Je n’ai pas eu l’occasion de découvrir Ethnos, c’est une chance de trouver la saveur du jeu dans sa nouvelle édition version Space cowboys.
Simple ?
À son tour, on prend une carte dans le marché, ou dans la pioche, ou sinon on envoie une expédition, faite des cartes précédemment piochées. À la tête de l’expédition, on place un chef, dont on déclenche le pouvoir. Une expédition c’est une suite de une à six cartes, de même couleur ou de même type de personnage.
Pour envoyer l’expédition sur une piste, il faudra que la suite de cartes soit de la bonne couleur, et composée d’un nombre de cartes suffisant, chaque étape sur cette piste requérant un nombre différent, et en principe de plus en plus élevé. (Dans Ethnos cette valeur est linéaire et croissante).
Dix cartes en main au maximum, il faut donc bien choisir celles qu’on y glisse. L’originalité dans sa gestion de main est qu’en lançant une expédition, on abandonne les autres cartes qui n’ont pas servies dans celle-ci, les offrant en pâture aux autres joueurs.
Le cœur du jeu est là. Prendre des cartes d’une certaine couleur ou personnage, espérant avancer sur cette piste pour laquelle il me faut à présent quatre cartes, si j’arrive à avoir un guide je pourrai réduire à trois cartes, mais ma main est presque pleine, il va falloir poser, j’ai rien de très intéressant ailleurs, allez, je tente encore ma chance, je prends le risque de piocher espérant compléter mon expédition. Si j’attrape un médecin comme chef, je pourrai même garder mes autres cartes en main, sinon je rejette tout, et il me faudra tout reconstruire. Le médecin a un rôle prépondérant, car il permet de garder des cartes en main, nous affranchissant ainsi de devoir reconstruire sa main.
On construit à vue, c’est un jeu hautement opportuniste, mais il ne faut pas pour autant perdre de vue que certaines pistes sont plus rentables que d’autres, et que la taille des expéditions ramènera des points de victoire à la fin de chaque saison.
La fin de saison est un autre élément qui épice les parties. Elle arrive petit à petit. On va passer une carte Singe, ok on est dans la deuxième moitié du paquet, puis la deuxième, la il va falloir vite finir une expédition avant que la troisième vienne mettre fin à la saison.
On comptera alors les points d’avancée sur les six pistes, mes points qui sont liés aux expéditions menées cette saison et d’éventuels bonus des personnages choisis pour la partie. On joue deux ou trois saisons en fonction du nombre de joueurs.
T’as pioché ?
Disons le tout net, nous piochons sans cesse. À tel point que l’impression souvent ressentie à l’issue d’une partie est d’avoir subi la pioche. C’est donc vrai, et c’est ainsi qu’on constitue sa main. Lors d’une première partie, cet élément de pioche peut paraître long et constituer la majorité du temps de partie, il devient bien moins prédominant ensuite. Si la règle est simple, les rôles des chefs d’expédition doivent être maîtrisés pour que les joueurs sachent rapidement quoi faire et quelle carte prendre.
Aucun personnage n’est anecdotique, chacun a son rôle c’est au joueur de trouver à quel moment l’utiliser au mieux. On a parlé de pioche et de hasard de tirage, il faudra évidemment composer avec ce qui est disponible. Un jeu de pioche certes, c’est la façon de construire sa main. L’intérêt est dans l’exploitation de cette main.
Vie morne et trépidante de l’aventurier
La cadence du jeu évolue en cours de saison. D’abord on pioche dans le marché, puis on envoie ses premières expéditions, relâchant au passage quelques cartes qui viennent alimenter le marché. Il arrive un moment où il n’y a plus de cartes au marché, si un joueur veut bien offrir cette phase intéressante à ses adversaires. Les joueurs pourront alors piocher deux cartes face cachée. C’est du total hasard, mais ça remplit vite la.main pour construire une expédition plus longue. Des expéditions seront lancées rapidement par tous les joueurs, et beaucoup de cartes seront libérées sur la place du marché, offrant ainsi un vrai choix de construction de main pour la suite.
On rechigne souvent à prendre cette dernière carte du marché si elle n’est pas intéressante, pourtant cela modifie le tempo du jeu. Un autre changement de rythme va intervenir quand la première carte Singe se pointe. C’est le signe que la fin de saison approche. On ne sait pas s’il reste le temps de monter une dernière expédition ou même plusieurs, mais on tente d’aller au plus rentable.
Un troisième type de rythme dépend cette fois du nombre de joueurs. À deux ou trois, on ne joue que deux saisons ; et oui la partie est plus courte, à plus de trois, une troisième saison, ce qui change les calculs de rentabilité des pistes.
On va également jouer avec cette fin de saison qui approche, soit en essayant de la précipiter en piochant des cartes afin de faire sortir les trois cartes. Au contraire, si on souhaite faire durer encore un peu la saison afin d’optimiser ses avancées sur les pistes, on va avoir recours à la ruse de l’archéologue qui envoie une expédition et relâche le reste de sa main pour que les autres joueurs se servent dans ce marché. La fin sèche est un peu en vogue en ce moment, c’est-à-dire qu’on ne finit pas le tour en cours. La carte est tirée, tout le monde range les rames, et on compte les points. Elle peut faire couiner dans Le clan des loups, quand il manque un précieux tour à un joueur, dans Archeos Society, comme on l’a vu, elle est une respiration possible du rythme.
En fin de saison on passe au décompte. On compte ce que rapporte chacune des expéditions, une collection de six cartes faisant 12 points, alors qu’une expédition de deux cartes ne ramène qu’un pauvre point, on tente évidemment de maximiser sa collection. On compte également l’avancée de chacune des pistes de site archéologique. Elles sont bien inégales, et de difficulté variable, si on arrive à atteindre un bon gain lors de la première saison, on sera sûr de le rescorer en deuxième saison. Voire en troisième si on joue à plus de trois joueurs, et le calcul de rentabilité intervient dans notre stratégie de jeu.
Au fur et à mesure de l’avancée sur les pistes, le nombre de cartes nécessaires pour une expédition est en principe croissante, ce qui demandera parfois de consacrer une bonne partie de sa main à une expédition, encore un rythme qui évolue au cours de la partie, car on ne collectionne pas avec autant de risque des cartes pour monter une expédition à 3 ou à 5 cartes.
Une nouvelle aventure
Le dilemme des parties sera modifiable avec des pistes recto-verso, ajoutant des contraintes ou allégeant l’avancée, mais également avec de nouveaux types de personnages. On a déjà évoqué l’intérêt fort de chaque personnage, et qui crée le plaisir et la profondeur de l’exploitation de sa main. Une partie se joue avec six personnages, nous en trouverons douze différents dans la boîte, libre à vous de constituer la partie qui vous plaît en faisant intervenir les six qui vous plaisent, et en adaptant au public qui découvre le jeu aussi.
Tout cela est fort bien organisé dans une boîte légèrement volumineuse mais dont tous les éléments de tri sont faits de carton, une immersion dans l’aventure vous attend aussi dès l’ouverture de la boîte sur fond de carte ancienne, et de courbes de niveau. Le jeu est élégant, facile à lire, soigné.
On peut souvent reprocher aux jeux de ne pas offrir d’interaction aux joueurs. Est ce que Archeos society réussit à se passer de l’interaction qu’apportait la prise de majorité d’Ethnos. Atom, tu as l’expérience du titre édité par CMON en 2017. Qu’en est-il pour toi du remplacement des zones par les pistes d’avancement ?
Atom : Si l’on retrouve le même cœur mécanique, ce sont des jeux très différents dans leur approche. Ethnos est un jeu “méchant” dans le sens où l’on va s’installer dans des régions afin de marquer des points selon des majorités. Il en résulte une tension forte, on peste, on râle quand un joueur vient contrecarrer nos plans, etc. Relâcher des cartes est du coup très difficile, car on les remet dans le circuit et on a l’impression d’armer nos adversaires. Je trouve cette sensation bien moins présente dans Archeos Society où la finalité reste d’avancer sur des pistes. La tension est vraiment différente, amoindrie, même si certaines de ces pistes fonctionnent avec de la majorité. Là où Archeos se démarque sans doute, c’est sur la rejouabilité liée à la variabilité, plus de cartes personnages, les pistes double faces, etc.
L’affrontement via la prise de territoire engendre une différence sur la façon de marquer des points. Un territoire pris fait marquer des points, laissant les autres joueurs sans point. Certains personnages d’Archeos vont amener une petite dualité, reproduisant ce combat pour la majorité.
On retrouve globalement les idées d’Ethnos dans Archeos, mais redistribuées différemment, proposées en modules qu’on choisira d’intégrer si on aime la confrontation, la majorité. Archeos Society permettra de commencer plus doucement dans la découverte du jeu, il est moins direct, moins directif.
Archeos Society est bien un remodelage d’Ethnos, reprendre les idées, minorer certains mécanismes, en majorer d’autres, les mettre dans des actions de personnages qui permettent aux joueurs de choisir avec quels types d’interactions ils veulent joueur. La minoration principale étant la prise de territoire par majorité, une interaction forte et agressive que certains déploreront, et qui conviendra mieux à d’autres qui se contentent d’interactions moins directes, dont je peux faire partie. Si le présent remodelage se révèle plus soft, moins « viril » et agressif, il n’est pas pour autant dénué d’intérêt, en tout cas, il m’a plu d’en faire plusieurs parties, et je ne dis pas non à une prochaine.
Soyons clair, cette version n’est sans doute pas le meilleur Mori, mais correspond entièrement à mon approche très opportuniste du jeu. Je fais de l‘aléa ma contrainte de choix, je peux envisager mon gain autant sur du très court terme que sur de la rentabilité renouvelée lors des saisons, sans pour autant ronronner sur un même parcours, le jeu offrant une gamme large de bénéfices venant avec les personnages. J’ai préféré y jouer à trois qu’à six, on a une meilleure visibilité sur les cartes disponibles dans le marché, et la partie ne dure que deux saisons.
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