Android Mainframe : régner divisé
Android: Mainframe est un jeu qui me fait de l’œil. Tout d’abord, visuellement et de par son univers : j’apprécie beaucoup l’identité visuelle de la gamme Android (Netrunner, Infiltration, New Angeles). Gamme qui, non contente d’être belle, se trouve être, de manière générale, d’excellente facture ludique et intellectuelle. Mainframe, donc, est la réédition rethématisée d’un jeu abstrait auquel je n’avais jamais touché, Bauhaus. En plus du principe de base, le designer actuel de Netrunner, Damon Stone, a ajouté quelques petites touches au jeu.
Les jeux purement abstraits ne m’ont jamais dérangé. Mais ici, pour la petite histoire, à la place d’un simple damier sur lequel on aligne les pions, on a le droit à un pitch, un point de départ narratif.
Les joueurs incarnent des pirates informatiques, ou Runners, qui obtiennent d’une source anonyme que les pare-feux de la Transpacific Bank vont tomber à une heure précise. Une occasion en or pour piquer du flouze, semer la panique en rendant les données publiques. Quel que soit votre dessein, vous allez devoir sécuriser des serveurs de données à l’aide de vos programmes les plus redoutables. En gros, ça veut dire qu’il faut fermer des zones à l’aide de barrières et avoir son (ses) pions « points d’accès » dedans pour marquer des points de victoire.
Pour jouer, on assemble le plateau de jeu (plutôt classieux, si vous voulez mon avis), puis on choisit son Runner. Chaque pirate étant légèrement différent, il est de bon ton de savoir qui fait quoi et le livret s’acquittera d’un petit texte d’ambiance – sinon, il suffira de consulter les cartes spéciales des autres joueurs pour savoir l’orientation globale de la stratégie. Les joueurs reçoivent leurs huit jetons « points d’accès » ainsi que trois cartes (programmes spéciales), propres à leur Runner. Ce sont ces programmes qui pourront (ou même devront) guider le style du joueur. La partie peut alors commencer !
Les joueurs jouent une action à tour de rôle, et ce jusqu’à la fin de la partie (lorsque la pioche de programmes est épuisée).
Et en fait d’actions, le choix semble diablement simple :
- Jouer un programme de la suite générique : on joue un programme parmi une rivière de 4 programmes, on le défausse.
Déplacer barrières et points d’accès, placer de nouvelles barrière, voilà la base des programmes génériques.
- Jouer un programme « spécial » de sa main et le défausser après en avoir appliqué les effets. Propres à votre Runner, ces programmes ultra-puissants vous permettront de faire des trucs sympas. Rendez-vous plus bas pour un descriptif des Runners !
- Placer un jeton point d’accès. Pour ce faire, le coût est simplement de défausser la carte du dessus de la pioche. Vous placez votre point d’accès dans une zone libre.
Ayé, on a fait le tour des actions ! Du coup, vous imaginez bien qu’Android: Mainframe est une crème à enseigner. Pour ce qui est des points de victoire, ce n’est pas bien sorcier non plus : une zone fermée et sécurisée (avec des points d’accès d’un seul joueur dedans) vaut un nombre de points de victoire égal au nombre d’accès multiplié par le nombre de cases de la zone.
Bien entendu, pas moyen de toucher à une zone qui a été fermée. Du coup, on retourne le point d’accès pour bien signifier qu’il est intouchable ainsi que sa zone. Cette création de territoires tient quelque chose du go, tout comme Armadöra de chez Blackrock (qui est très similaire à Mainframe, un peu plus complexe mais un peu moins élégant dans son design : moins de cas particuliers et de petites règles additionnelles dans Mainframe, qui peut vraiment bénéficier du qualificatif épuré.).
Les Runners
Même si l’on ne peut jouer qu’à quatre maximum, on aura six Runners différents, pour des questions de rejouabilité. Voici la galerie, et ce qu’ils font grâce à leurs programmes spéciaux.
Andromeda, l’aristocrate déchue, fait des coups rapides et ferme facilement les zones, mais a du mal à profiter de ses points d’accès.
Noise, l’anarchiste zikos, détruit tout sur son passage. Il casse pour son avantage, véritable élément disruptif pour les stratégies des autres joueurs.
Chaos Theory, l’enfant prodige, joue sur les points d’accès. Elle les place et déplace avec grande facilité : de quoi menacer de faire une bonne grosse zone.
Kate, la bricoleuse géniale, a tout pour interrompre les autres joueurs dans leur mouvement. Elle les contraindra à utiliser des programmes plutôt que d’autres.
Nero Svern, le cyber-larron le plus recherché de tout New Angeles, va chercher LE programme qui l’intéresse dans les programmes génériques. Ainsi, c’est lui qui dispose de la plus grande malléabilité.
Adam, l’androïde en fuite, est très particulier. Lui cherchera à ralentir le tempo de la partie pour, à la fin, créer d’immenses zones avec le territoire restant. Difficile à jouer et déroutant !
Des pirates et des oignons pour chouiner
Autour de la table, la tension est palpable : on se brûle le cerveau à rentrer dans le jeu de l’autre, à savoir quel coup faire et quoi lui laisser. Mais il y a toujours cette incertitude : lesquels de leurs programmes spéciaux vos adversaires ont-ils pioché ? Que peuvent-ils faire avec les programmes génériques (et surtout avec ceux que vous révélerez en jouant) ? On marche sur des œufs en permanence et au final, c’est à coup de diplomatie que tout se règle.
Un joueur qui prend les devants peut se faire rabattre le caquet de façon assez brutale. C’est dur lorsqu’on est la cible, mais ce n’est pas dans les intérêts des joueurs que de rabaisser un autre jusqu’à l’étouffer : c’est se laisser vulnérable aux autres, consacrer trop de ressources à l’agression plutôt qu’à la construction. Cet équilibre à trouver dans l’arbitrage se fait également dans la constitution des zones. Plus on voit grand, plus on prend de risques. Et si l’on voit trop petit, nos points d’accès ne suffiront peut-être pas à garantir un score acceptable.
Du coup, cela me laisse un sentiment assez mitigé. De par son côté épuré et simple, Mainframe acquiert facilement du public, mais la courbe de progression est pentue : entre l’arbitrage délicat et la prise de risque nécessaire, la liberté est forte, peut-être un poil trop pour les joueurs 100 % novices.
Mais bon, easy to learn, hard to master étant le mot-clef ces temps-ci (Hearthstone, quand tu nous tiens)…
Je pense que Mainframe réussit parfaitement à être un produit d’appel pour la gamme Android : agressif, mais facile à jouer, laissant entrevoir un univers profond, Mainframe fait son boulot et je le ressortirai des étagères avec grand plaisir.
Un jeu de Gregorio Morales, Jordi Gene
Edité par Edge Entertainment, Fantasy Flight Games
Distribué par Asmodee
Pays d’origine : Etats-Unis
Langue et traductions : Anglais
Date de sortie : 2016
De 2 à 4 joueurs
A partir de 12 ans
Durée d’une partie entre 20 et 40 minutes
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TheGoodTheBadAndTheMeeple 06/02/2017
J’avais trouvé Bahuas HYPER chaotique suite au tirage des cartes, pouvant tout changer par pur hasard. De base celui-ci me rebute, mais cela a peut etre été corrigé depuis.
Umberling 06/02/2017
Mainframe reste un jeu où l’instabilité et l’incertitude sont fortes, mais deux choses viennent contrarier ça : les cartes personnelles (les super programmes) et la pose de point d’accès. Mais oui, on a l’impression de marcher sur des œufs en permanence. C’est même ce qui me plait dedans.
morlockbob 15/02/2017
3 parties plus tard, je trouve ce jeu quand même bien sujet au tirage de cartes
Umberling 15/02/2017
Quand il y a un mauvais tirage, tu peux toujours exécuter un programme spécifique ou poser un point d’accès. Et même sans ça, profiter de l’offre pour gêner ses adversaires est quand même un must. C’est pour moi un des points d’apprentissages cruciaux de Mainframe. Après, est-ce grave que le jeu comprenne du hasard ?