À l’aise Majesty ! (ou pas ?)
« Hé Jean-Eudes !
— Quoi ?
— Ça te dit, on tue Splendor ?
— Non mais attends, Pierre-Fabien… Century l’avait pas déjà fait ?
— Eh nan ! Tu vois, Jean-Eudes, Century a essayé. Ça a bien pris, mais quand même. J’crois que le machin est indéboulonnable.
— Du coup c’est quoi, ton plan ?
— Ben demander à Marc-André de designer le jeu, pardi !
— Purée, Pierre-Fabien, c’que tu peux être fort… »
Majesty est un jeu de l’auteur de Splendor, Marc André. Jouant dans la même cour que son grand frère, Majesty est un jeu de collection appartenant à la catégorie un brin enviée et un peu floue des jeux “familial +”, un chouïa trop experts pour être considérés comme familiaux, mais en même temps très accessibles quand même.
Courant sur une petite demi-heure, Majesty va nous voir recruter des personnes dans notre royaume pour les y faire travailler, en bons capitalistes que nous sommes. On essaie d’y acquérir le plus de sous pour devenir roi. C’est ainsi que va le monde… Bref, j’appellerai ces sous des points de victoire pour une question de pratique. Récupérer un personnage (ce qu’on fera douze fois dans la partie) déclenchera le pouvoir du bâtiment qu’il occupe (moulin pour la meunière, taverne pour le tavernier, etc).
Un point édition
Majesty, malgré son titre, est un jeu modeste en matériel et qui tient dans une boîte du format de Splendor, justement. Un peu épais, vous dites, pour si peu ? Je pense pareil. Les points de victoire sont de minis jetons de poker qui sont bien lourds et bien agréables, mais qui gonflent artificiellement le prix du jeu. Un peu comme Splendor, en somme.
J’espère bien avoir réveillé le troll.
Royale ritournelle
Majesty joue sa partition sans encombre : à son tour, un joueur pourra aller récupérer une carte dans une rivière, avec un système assez équivalent à celui de Century : on a des meeples posés sur une carte royaume, et ils servent de monnaie pour aller chercher les cartes les plus fraîches (les plus près de la pioche) quand celles qui sont en bout de ligne sont gratuites ou peu chères. Si vous ramassez une carte qui a des meeples sur elle, boum, votre choix augmente pour les prochains tours. Un excédent ? Il se transforme en points de victoire. Simple.
Et on place son bonhomme recruté sous le bâtiment idoine pour :
- Gagner des points
- Gagner des meeples
- Tabasser les petits copains concurrents
- Soigner nos blessés
Pour les points ou les meeples, les cartes fonctionnent pour la plupart de façon incrémentale : par exemple, lors de l’activation d’un moulin “pour chaque meunière que j’ai, je gagne 2 points”. Mais, parfois, cela pourra profiter à tous les joueurs qui ont tel ou tel métier dans leur tableau. Ou bien on marquera si l’on a un autre métier. Une collection de métiers. Bref, beaucoup de diversité là-dedans : il s’agit d’un véritable mini écosystème dont il faut évaluer les synergies. Le défi ne résiste pas longtemps à nos méninges, vite on se rend compte qu’il y a des enchaînements à mettre en place, et on s’efforcera de les réaliser chaque tour.
Cependant, les soldats permettent d’attaquer les bonshommes des autres. Eh ouais. C’est pas bien propre la majesté. Ce qui veut dire que vous perdrez vos unités les moins nobles en premier, une par une, à chaque soldat joué. Vous pourrez jouer des gardes pour faire rempart, et dans ce cas il faudra plus de soldats que de gardes pour vous causer des noises, et enfin les herboristes viendront réanimer vos unités valétudinaires qui patientent au dispensaire.
En fin de partie, après douze tours de table, on compte les points. Ceux qu’on a eu dans la partie viennent s’ajouter à des scores de majorité pour chaque bâtiment, à des pénalités pour les blessés, et à un score de diversité. On gagne un nombre de points égal à chaque bâtiment occupé au carré. (5 bâtiments = 25, 6 = 36. Révise tes tables de multiplications, Jean-Eudes !)
B-sides
Les bâtiments ont une face B. C’est à dire un mode expert. Vous pouvez utiliser seulement la face A, ou seulement la face B, ou composer une partition de votre cru, qui viendra attiser la flamme. Les faces B sont un peu plus compliquées. Elles viennent changer l’ordre un peu pépère des faces A, rendre les synergies moins évidentes, et les choix, de logiques, deviennent un peu plus cornéliens.
Eh bien sacrez, maintenant
Au final, Majesty ne réinvente pas la roue. Il fait bien le taf. C’est un jeu de collection qui roule tout seul, qui ne fait pas trop de vagues. On s’amuse bien et puis la partie passe sans que l’on aie eu l’impression de réaliser beaucoup de choses.
En tout cas, le pari familial + est réussi. C’est simple à enseigner, simple à jouer, rapide. C’est au final le thème de Majesty qui en pâtit le plus. Terne, classique, il n’est pas aidé par le jeu qui ne nous fait pas réaliser des actions mémorables.
Notez que cette impression de mollesse vaut surtout pour une partie avec les faces A, qui sont clairement destinées à un public plutôt familial. Dès qu’on veut cesser de faire ronronner la vieille ritournelle du jeu de collection, on peut retourner certaines cartes sur leur face B. Dès lors, les parties vont être beaucoup plus variables, et la découverte de synergies occupera une bonne moitié de chaque partie, toujours conditionnée par l’agressivité des uns et des autres, leurs contre-drafts et les choix inexplicables de se jeter sur la plus mauvaise carte pour eux.
Malgré cet effort très agréable, Majesty semble trop scripté, et le fil de la partie est prévisible sans qu’on ait l’impression de pouvoir s’exprimer vraiment, en tant que joueur. Bref, il manque un petit quelque chose à Majesty, un petit fragment d’âme ou un grain de folie. Bilan, il aura pour ma part du mal à détrôner Splendor surtout depuis que ce dernier a ses extensions.
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morlockbob 14/06/2018
A part l’auteur je ne vois pas trop la filiation Splendor…
d’accord sur le ressentiment, j’ai gagné 3 parties je ne sais pas trop comment, le jeu est moyen, donne l’illusion de faire des choses mais au bout du compte il est plaisant à jouer. Étrange.
Umberling 14/06/2018
Même auteur, même durée, même player count, même accessibilité ? Je conseille vraiment de mettre 5 faces B et le reste en face A, ça rend le jeu beaucoup plus agréable.
morlockbob 14/06/2018
A essayer
morlockbob 14/06/2018
par contre le niveau des titres va bientôt être éligible pour le grand prix de l’énigme et de l’humour
Umberling 14/06/2018
Rhoooo. T’es pas le dernier à faire des jeux de mots bien laids hein 😀
snaketc 14/06/2018
Tout a fait d’accord avec toi. J’ai insisté mais rien à faire, ça ne prend pas.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 14/06/2018
Aussi plat que Splendor a mes yeux…