3 ans et 18 minutes plus tard

En 2012 (et 2013 en France), Ryan Laukat larguait une petite bombe ludique : Un jeu de civilisation/exploration/gestion de cartes en « 8 minutes ». Un style graphique accrocheur, un pitch bien pensé pour un jeu sympathique, proposé en petit format à prix raisonnable : Tout était là pour avoir rendez-vous avec le succès. 8 minutes pour un empire fut d’ailleurs nominé à plusieurs reprises dans les palmarès ludiques de la planète.

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Pour ceux qui auraient raté un épisode, petit rappel 

Vous ne connaissez pas 8 Minutes ? Pas de problème, voici de quoi vous mettre à jour.

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Sur une carte (un mini plateau) représentant une partie du monde (ou plutôt d’un monde), chaque joueur à l’aide de cartes préalablement achetées, doit placer/déplacer/détruire des armées (qui sont concrétisées par des cubes en bois à votre couleur), construire des villes et compléter des collections de cartes.

À l’aide d’enchères, chaque joueur choisit une carte sur une ligne en comportant 6. Le coût des cartes augmente en fonction de leur place dans la ligne : 0, 1, 1, 2, 2, 3 sous.

Une fois achetée, la carte effectue (ou pas, c’est au choix du joueur) son action (placer/déplacer/détruire des armées…) et rejoint la collection du joueur. On la pose alors devant soi.

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Au bout de X tours et suivant le nombre de cartes possédées par les joueurs (7 à 5 joueurs, 8 à 4…), la partie prend fin. On compte alors le nombre de régions contrôlées, de continents contrôlés (et oui c’est un système de majorité) et les points des collections de ressources (carottes, etc).

On n’a jamais vraiment compris pourquoi il y avait des carottes hein, mais cette petite boîte remporta l’adhésion des joueurs, certains pinaillant encore aujourd’hui que 8 minutes, c’est pas possible mais c’est bien quand même !

Dans la foulée, nos amis américains se virent gratifier de deux nouvelles cartes territoires, ainsi qu’une mini-extension disponible en print’n’play (« Eight minutes mountains ») ajoutant des montagnes et des ouvriers.

 

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8 minutes Europe

 

Laukat, l’année suivante, poursuivit son oeuvre avec Eight minutes Legends, un stand alone surfant sur le succès de son prédécesseur, mais tâchant d’aller un peu plus loin.

L’engouement était là, mais la VF ne vit jamais le jour, jusqu’à ce mois de mai 2016 ! Une histoire de droits ralentissant la traversée de l’Atlantique si ma mémoire est bonne.

 

Dix Minutes Plus tard…

 

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L’idée de vous faire un « 8 minutes vs 18 minutes » était tentante, mais au final, 18 Minutes est un étage supplémentaire sur une base existante. C’est le grand frère de l’autre. 

Alors quoi, on reprend les mêmes et on recommence ? Oui, mais non.

Voyons cela. 

Déjà, 18 minutes est un jeu à part entière qui ne nécessite pas la boîte précédente pour jouer. De l’original, il reprend les éléments de base : Les 6 cartes en file, les actions de placer, déplacer and co, les enchères et le décompte des points par rapport à la majorité des territoires (et des collections, mais sous une forme différente).

 

Où sont passées nos carottes ?

Les différences par rapport à 8 minutes :

– Le jeu est maintenant limité à 4 joueurs (et non 5) ;

– À la place des ressources à collectionner, les cartes ont désormais des pouvoirs spéciaux et de nouvelles capacités (comme gagner des sous, ce qui est très utile) ;

– Il y a plusieurs plateaux (modulables) où se développer ;

– Des variantes sont intégrées à la règle ;

– Un travail étendu a été fait sur les illustrations, les cartes sont maintenant personnalisées et forment des clans/familles.

 

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Plateaux, cartes, cubes en bois, sous, jetons… la conquête peut commencer

 

18 minutes : la mise en place

La nouveauté commence « right here, right now » avec 4 plateaux à double face, donc 8 territoires possibles. On vous propose de les mettre en « T », vous faites comme vous le sentez, le principal, c’est qu’ils soient connectés (grâce aux chapelets de petits ronds qui forment les routes maritimes).

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Placez ensuite le jeton « région de départ » sur le plateau central (sauf s’il s’agit d’un des plateaux spéciaux qui le précise).

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La région de départ devrait se trouver au centre, mais ici nous avons tiré une île spéciale.

 

Déroulement du jeu 

Les actions de base sont identiques à celles de la prime version : placer/bouger/détruire/bâtir.

Le déroulement reste le même et les fans de la première heure retrouveront les mécanismes qu’ils connaissent.

Une fois que vous avez écarté certaines cartes, soit celles de la variante (chef de guerre/jetons) soit celles qui servent d’aides de jeu (rappel du coût des cartes et compteur de points de victoire), placez 6 cartes en ligne au-dessus des îles.

Chaque joueur se voit remettre 18 cubes armées (il en place 4 dans la région de départ et le joueur qui a procédé à l’installation du plateau en déposera une par joueur dans une autre île. Ce qui fait 5 armées pour démarrer). Chacun prend 3 cités (utile pour débloquer les jetons de la variante et compte comme une armée).

Selon le nombre de joueurs, la somme de pièces de départ sera différente (de 9 à 12 par personne).

Procédons à une petite enchère : On prend un nombre de pièces dans sa main, on dévoile, et le plus fort gagne. Il paie son dû et devient le premier joueur. Les autres conservent leur argent.

 

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Bob il a une grosse main, il peut mettre plus de pièces dedans !

 

Obtenir des cartes se fait toujours via l’enchère. Être premier permet de choisir sa carte dans la file des 6. Choisir oui, mais en en payant le coût ! Les cartes les plus éloignées du début de la file valant plus cher selon le barème initié par 8 minutes : 0, 1, 1, 2, 2, 3 or.

Après un achat, les cartes « glissent » à chaque fois, et une nouvelle arrive sur la ligne, le coût de celles qui n’ont pas été prises baisse donc après chaque acquisition. Ce qui peut être une technique pour payer moins cher bien sûr. Attention évidemment de ne pas se faire chiper la carte désirée avant !

La carte est divisée en 2 zones : les actions et les capacités.

Les actions de base, vous les connaissez, elles sont indiquées en bas de la carte. Tout ce qu’il faut pour conquérir le monde !

 

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Des symboles connus : amener des armées + détruire / construire une cité… La nouveauté se trouve dans le cadre du haut !

 

Voilà la deuxième nouveauté de 18 Minutes : les compétences spéciales et bonus de fin de partie.

Il y a 5 compétences spéciales : +1 armée (une armée supplémentaire si vous placez une armée) / + 1 déplacement (un déplacement supplémentaire pour un déplacement effectué), 2 pièces (à prendre immédiatement), « volante » (diminue de 1 les déplacements sur l’eau), immunisé aux attaques (vous ne pouvez pas être victime de l’action « détruire une armée »).

La plupart des capacités sont permanentes, autrement dit, ça peut potentiellement bien booster votre stratégie. 

Vous pourrez également glaner des points supplémentaires en collectionnant un certain nombre de cartes suivant leur appartenance à une famille (maudite/légendaire/arcane) ou via la possession d’élixirs.

 

In the end

Le but du jeu reste donc le même : la conquête de territoire et la collection. La fin de la partie a lieu quand les joueurs possèdent un certain nombre de cartes devant eux (de 8 à 11 suivant le nombre de joueurs).

Le joueur qui a le plus grand nombre de points sera le vainqueur selon le calcul suivant : 1 par région contrôlée (majorité d’armées), +1 par île contrôlée (majorité de régions), + 2 si majorité d’élixir, + X PV par bonus (ex : +1 par carte maudite dans sa collection).

 

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L’île droite est un peu délaissée car lointaine. Il y a pourtant des majorités à prendre sans trop se fatiguer

 

Si Laukat n’a pas vraiment revu les règles de son jeu, il a su améliorer l’ordinaire en offrant plus de choix (différentes collections/pouvoirs), mais également plus de contraintes (les collections sont plus exigeantes dans leur construction). Exit donc les carottes, sapins et enclumes du premier épisode, ce qui n’est pas dommage !

Ce sont surtout, même si elles ne bouleversent pas le jeu en profondeur, l’ajout de nombreuses variantes qui dynamisent ce « numéro 2 ». À la base, paliers bonus (stretch goal) de la souscription chez Kickstarter, Iello a eu la bonne idée de les inclure dans la boîte.

 

Deux types de variantes existent : Les jetons et les personnages

  • Les jetons 

 

On dispose sur les plateaux (face cachée) des petits bonus qui seront attribués au premier joueur construisant une cité sur place.

Les jetons sont de 3 types : rencontres / citadelle / exploration. Ajoutons le « marais pestilentiel » (moins 1 PV en fin de partie).

C’est donc la surprise. On pourrait aussi les disposer face visible, condamnant par exemple la région où se trouve le marais et favorisant la région donnant des élixirs supplémentaires. Appelons ça la « variante de la variante ».

 

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  • Les personnages chefs de guerre

 

Ils sont distribués au hasard. Chaque chef de guerre à un pouvoir qui peut, suivant le personnage, être joué à différent moment de la partie. Généralement, ils privilégient la fin de partie en octroyant un bonus. Serez-vous « la reine des fées », « le seigneur des brigands », « la sorcière écarlate » ou « le chevalier blanc » ? (Ce n’est même pas un clin d’œil, il s’appelle bien White Knight dans la version anglaise).

 

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Au moins la parité est respectée

 

 

Bilan : 8 minutes EmIEUX

Une fois que vous aurez joué à 18 minutes pour un empire, vous ne rejouerez plus à 8 minutes, il vous semblera bien simplet, bien fade.

L’intelligence de ce deuxième opus est de conserver un système qui a fait ses preuves, tout en montant le niveau d’un cran.

On reste dans du familial mais avec plus de choix car ce sont bien les nouvelles directions mises en place qui vont corser l’affaire et les compétences spéciales qui vont permettre de continuellement modifier le jeu en cours de partie.

Vous pouvez jouer en version de base, et vous aurez plaisir à tenter de collectionner les familles ; ou vous pouvez jouer avec les variantes (au moins les chefs de guerre qui ajoutent un petit plus dès le départ) et complexifier un tantinet vos options. Les jetons bonus sont amusants et poussent à conquérir les îles. Il est vrai que tomber sur « marais » est un peu lourd, mais fallait pas être aussi gourmand !

Le jeu reste donc rapide (moins de 30 minutes) et toujours fluide. Le fait de se promener sur plus de plateaux ne modifie pas grand chose mais permet de poser un décor qui ajoute à l’aventure.

On retrouve bien sûr les affrontements, les prises et les pertes de majorité, et les pouvoirs (« Ah ouiiiiii je vole ! »). Les chefs de Guerre vous imposeront une direction si vous voulez gagner des bonus, mais vous pouvez jouer sans, bien sûr. 

Bref, Laukat est un malin, il aura réussi à nous vendre deux fois le même jeu, mais c’est avec le sourire que nous plongeons la main dans le porte-monnaie, le résultat étant à la hauteur de nos attentes.

J’ajoute que personnellement, j’aime bien le style graphique de Laukat, et cette fois encore sa patte particulière aide à s’immerger dans son univers. Le thème fonctionne plutôt bien : cela semble logique d’envoyer des soldats et autres chevaliers conquérir les territoires et les îles. Les actions suivent le mouvement : se déplacer, attaquer, détruire… Le jeu est en phase avec son thème et on ne se demande jamais pourquoi on fait telle ou telle action.

Seul problème récurrent aux deux épisodes : le dernier joueur du dernier tour a un gros avantage. Il peut, en déplaçant ses armées, bouleverser le jeu, reprendre des territoires, trancher en faveur de l’un ou l’autre, et c’est dommage. C’est le problème avec Laukat, ces jeux ne sont jamais tout à fait aboutis, il y a toujours un détail bancal. Ce n’est pas non plus la catastrophe, on a passé un bon moment, c’est juste un peu agaçant : vous vous positionnez durant toute la partie pour être vulnérable durant le dernier tour. Impossible d’anticiper efficacement.

Personnellement j’ai ajouté une carte que l’on peut acheter pour être le dernier joueur…ça ne résout pas tout mais laisse au moins une ouverture aux joueurs.

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la super mini extension goodie ultra rare !

 

Voilà donc un jeu familial, qui dynamise (voire dynamite) la première version, fait du neuf avec du vieux et dont la fluidité, les actions et la nervosité de jeu en font un excellent divertissement.

 

Quand y en a plus...

Pour aller plus loin dans 18 ! (Attention, non traduit pour le moment) :

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îles alternatives

 

En 2015, l’auteur proposa une mini extension « Strongholds » composée de 3 jetons à placer, de préférence sur les côtés des plateaux, ainsi qu’une extension plus conséquente : « Lost lands » incluant de nouveaux plateaux, de nouvelles cartes, de nouveaux personnages, et une nouvelle façon de jouer : en draft. Bientôt le Vingt-huit Minutes

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Dix-huit minutes pour un empire,

Un jeu de Ryan Laukat
Illustré par Ryan Laukat
Edité par iello
Distribué par iello
Langue et traductions : Français
Date de sortie : 04-2016
De 2 à 4 joueurs , Optimisé à 4 joueurs
A partir de 13 ans
Durée moyenne d’une partie : 18 minutes

 

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5 Commentaires

  1. fouilloux 02/07/2016
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    Merci pour cet article.

    Je ne sais pas si il n’y a pas une coquille cependant: s’ il y 4 plateau recto-verso, ça fait 2*2*2*2 soit 16 combinaisons non?

  2. morlockbob 02/07/2016
    Répondre

    4 plateaux recto verso font bien 8 territoires différents. En gros 8 îles sur lesquelles se promener. les combinaisons c est une autre histoire.

  3. Sgt Pépère 04/07/2016
    Répondre

    Ah merci d’avoir souligné ce souci de dernier joueur qui a un énorme avantage. Dans 8 minutes, il fallait au moins une ville à pas cher  ou un déplacement maritime au premier tour pour justifier l’enchère de départ. Car si les cartes sont communes, personne ne va se battre pour être premier.

    Mis à part le coup de la carte à l’achat, je me demande bien comment résoudre ce problème ou au moins l’amoindrir.
    Un jeton ‘action x2’ (utilisable une fois) disponible à tous les joueurs sauf au premier et au dernier ? (Seulement pour le premier joueur en cas de partie à 2 ?

    • morlockbob 05/07/2016
      Répondre

      j avoue que ca me gêne, mais commencer à réfléchir à une façon de gérer la première place va pousser le jeu vers un niveau qui ne sera plus celui du jeu… enlever un point a celui qui joue le dernier ?…. ou jouer pour le fun, et passer a autre chose si on veut un meilleur équilibre

  4. Wraith75 05/07/2016
    Répondre

    Excellent petit jeu, et superbe graphiquement en plus, je recommande.

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