1902 méliès : voyage à la une !
Né en 1861 à Paris, Georges Méliès, illusionniste et magicien, se passionne très vite pour le cinématographe suite à une démonstration des frères Lumière en 1895. Méliès s’engouffre dans ce domaine émergent expérimentant des techniques novatrices comme l’image accélérée ou la colorisation à la main. Usant de pyrotechnie, de l’image par image, d’effets spéciaux, de décors élaborés et d’un budget pharaonique pour l’époque, il présente en 1902 son « Voyage dans la lune ». Malgré un énorme succès en France comme aux États Unis, le film ne lui rapportera pas un centime.
Vous voilà dans la peau de Méliès, à vous la réalisation ! Au cours de la partie, il vous faudra recréer toutes les étapes du film, de la construction des décors jusqu’au montage final. Ce jeu est un vibrant hommage à l’homme et au septième art. Aux joueurs de tourner des scènes, diriger des acteurs, assembler des séquences… en respectant certaines contraintes. 1902 Méliès est un jeu de placement d’ouvriers, de prise de ressources, de constructions et d’avancée sur des pistes bonus. Comme sur un lieu de tournage, il y a plusieurs zones sur lesquelles on travaille. Si un brin de coopération est au programme, le jeu est compétitif, il n’y aura qu’un vainqueur.
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Le plateau de tournage est éclaté en plusieurs pôles avec lesquels on va jongler suivant nos envies ou possibilités, le jeu pouvant être opportuniste. Le plateau principal (le studio) comprend trois zones distinctes. La zone préparation permet de choisir son décor/son effet spécial et d’écrire une scène. Le lieu du tournage correspond à la grille des acteurs que l’on peut déplacer selon nos besoins et, pour terminer, la post production permet de monter, couper ou coloriser une séquence. On y trouve également un effet spécial à l’échange.
Conjointement au studio, on a accès au marché des cartes scènes et effets spéciaux ainsi qu’à trois pistes de bonus s’activant sous certaines conditions : les journaux de tournage. Reste la zone de montage où chacun va positionner les scènes à mesure qu’elles sont tournées. Car le but du jeu est bien celui-ci, tourner et assembler des séquences.
Moteur !
1902 Méliès est un jeu de poses d’ouvriers. Je veux faire une action, je place mon pion sur le lieu. Ici pas de blocage, si le lieu est occupé par l’adversaire, le pion installé rentre chez lui et le nouveau prend sa place. Cette « gentillesse » peut être tactique car, lorsqu’on ne dispose plus d’ouvriers, on perd un tour à les récupérer. On l’a dit, le but est de tourner des scènes. Pas n’importe comment, nous sommes des artistes oui ou non ? Si vous êtes un peu joueur, vous connaissez la sentence. D’ordinaire il faut deux bois et une pierre pour bâtir la ferme, ici il faut le bon décor, le bon effet spécial pour achever un tournage. Chaque carte scène demande aux acteurs d’être positionnés d’une façon précise. Cela rapporte des points, peut vous faire avancer sur un des journaux, mais n’est pas obligatoire. Ne pas faire l’impasse pour autant, quelques points par-ci, par-là, peuvent aider.
Une carte scène affiche plusieurs informations en plus d’un joli visuel : le type d’effet spécial et de décor demandés, ainsi que le placement des acteurs. Deux éléments plus subtils sont présents : la couleur du ruban adhésif qui va permettre de lier deux scènes entre elles, et le numéro de la carte. Ce numéro permet d’intercaler une scène entre deux existantes. Le 7 peut se glisser entre 5 et 12 par exemple. Le verso des cartes est en couleur et rapporte des points si l’on utilise l’action de colorisation.
Lors du début de partie, chacun pose gratuitement une scène, cela permet d’avoir une ébauche de séquence, pratique pour la suite. Au début du tour, vous avez toutes les informations sous les yeux. Il est important de bien observer les cartes, ce qu’elles demandent. Attendre qu’un effet spécial apparaisse au marché n’est pas une bonne idée, il faut composer avec ce qui est en place pour valider les actions et gagner du temps.
À votre tour, vous allez préparer votre scène. Sur le plateau préparation, vous pouvez choisir votre décor (placer le pion sur le symbole adéquat), acquérir un effet spécial ou écrire une scène (choisir une carte scène au marché). À noter que déplacer le pion décor vous octroie une carte actionnaire. Une façon hasardeuse de collectionner des tickets identiques pour gagner des points. Vous avez les éléments demandés, il reste à jouer avec la grille des acteurs. Vous avez besoin de Sélénites, les habitants de la lune, sur la ligne du haut et de dames sur la ligne du bas, déplacez-les, retournez les jetons pour les faire apparaître. Cela rapporte 1 point par jeton bien placé. Comme dit plus haut, il ne faut pas perdre trop de temps sur le sujet mais gratter deux ou trois points à ce moment n’est pas à négliger.
La scène répond à toutes les contraintes de décor, effet ? Elle est validée. On pose un billet de sa couleur dessus mais ce n’est pas fini. C’est ici que la guerre des points va démarrer. Lors du décompte, on additionnera le nombre de scènes de sa couleur, multiplié par le nombre total de scènes de la séquence (maximum 5). Il est donc primordial de ne pas laisser quelqu’un développer seul, et de participer en collant ses propres scènes à celles existantes. Et ce en respectant un ordre croissant, et la couleur du ruban adhésif. On pourra, en coupant, glisser une scène entre deux selon le numéro et le ruban de sa carte, et ainsi profiter de la séquence. On peut très bien démarrer une nouvelle séquence si on est coincé.
Dernière zone mais pas la moindre : les journaux de tournage. Trois pistes sont utilisées tout au long de la partie (sur 18). Elles sont en rapport avec les trois zones et demandent d’accomplir une action particulière (obtenir un effet spécial de couleur verte, se placer sur un décor précis, coloriser une scène avec deux couleurs identiques…) en échange d’un bonus : choisir une nouvelle scène, un effet, monter plus librement une scène, coloriser avec moins de couleur, ou encore déplacer deux acteurs au lieu d’un etc. Cela permet petits combos et gain de temps. Sans être une course, il ne faut pas se laisser distancer dans le tournage des scènes, car la pose d’un sixième ticket par un joueur marque la fin du film. Et de la partie.
La magie du cinéma ?
Cette gamme petit format est toujours bienvenue à table. Tous les titres ne sont pas efficaces mais parviennent à créer l’intérêt tant le thème est respecté et les mécaniques bien utilisées. Pour 1902 Méliès, on est déjà admiratif de l’hommage rendu puisqu’on y retrouve les éléments du film à la fois sur les cartes mais également à l’intérieur du livret où les points de règle renvoient à la vie du réalisateur au sein d’encarts informatifs.
J’avoue qu’à la première partie, j’ai eu du mal à saisir où le jeu voulait nous emmener. Nous étions quatre et c’est clairement une mauvaise configuration: le pion effet spécial navigue dans tous les sens et c’est une misère de parvenir à le placer au bon endroit, les décors ne sortent pas quand on en a besoin, déplacer les acteurs tient plus du cache-cache que d’une véritable stratégie… Le jeu est subit et peut vite tourner en rond, devenir longuet. À trois, c’est déjà mieux mais on retombe par moment dans les travers cités précédemment. À deux (avec trois pions chacun) le jeu est beaucoup moins chaotique, on peut temporiser, bloquer, voire se servir de l’adversaire. Pour ma part Méliès est un jeu à 2 joueurs, permettant d’être plus fin au niveau stratégie. Par exemple, on peut calquer ses scènes sur celles de l’adversaire et prendre un modèle similaire sur la grille des acteurs, ses mouvements serviront votre cause. Au contraire, on peut tabler sur la différence et tenter de réduire les gains adverses.
Cette fausse coopération se retrouve dans les séquences où, ensemble, nous allons construire le film. Un « ensemble » forcé puisque laisser un seul réalisateur diriger une séquence complète creuse l’écart au niveau points (5 scènes x 5 billets de la même couleur = 25 points). Certes, la distribution des cartes scènes via le marché sera hasardeuse et puisqu’on lorgne sur des valeurs approchantes, on n’aura pas forcément ce qu’on attend. Ce qui contrebalance ce hasard et celui des rubans collant les scènes. Il faut qu’ils correspondent et là encore, cela bouleverse nos prévisions. Valeur et ruban, deux éléments importants de ce jeu. On jubile quand on se glisse entre deux scènes cassant la suprématie du joueur adverse. Comme dit, rien n’empêche de commencer une nouvelle séquence pour ne pas être bloqué et gratter des points. Une action simple et qui rapporte, peut être de coloriser sa scène, cela coûte 2 effets spéciaux en échange de 3 points, c’est rentable.
On peut dire que Méliès fait dans le classique de part son principe de pose d’ouvriers mais parvient à hausser le niveau de part son principe de séquence. Si on peut lui reprocher quelque chose, ce sont les tickets actionnaire. Ceux que l’on gagne en bougeant le pion décor. On peut comprendre que l’auteur ait voulu compenser une action faible par un bonus, mais le décompte de points qui découle de ce gain est trop élevé et pèse trop lourd dans la balance de fin de partie. Pour trois tickets identiques, c’est 9 points dans le panier, juste parce que la chance était au rendez vous.
Fin
Personnellement, je suis content de m’être accroché et de ne pas avoir laissé cette mauvaise première partie m’écarter de ce jeu. Et je peux comprendre que les retours soient mitigés voire mauvais si on fait sa partie à quatre. Encore une fois, le thème, très bien géré, fait une bonne partie du travail et les auteurs, dont celui de 1998 ISS, arrivent à intégrer les mécaniques dans l’univers du cinéma. Un jeu qui titille les neurones et fait rêver, que demander de plus ? Comme le disait Georges « quel est donc l’homme à notre époque qui pourrait vivre sans féérie, sans un peu de rêve ? ».
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Salmanazar 09/05/2024
Chouette article comme toujours avec Sieur Morlockbob. Le contexte, le petit plus du jeu, son bémol, etc.
Quel serait ton classement dans la gamme des 19xx ?
Ihmotep 09/05/2024
Exactement le même ressenti. D’abord tester à 4 nous avons apprécié le thème mais le jeu est trop chaotique pour réellement prévoir nos scènes. A 2 par contre ca tourne nickel. Le système de montage avec coupe est très original. Il nous a fallu une partie pour bien en comprendre les tenants et aboutissants mais après cela c’est un système très malin où le choix du numéro de séquence devient clé et faire un coupage / montage au bonne endroit peu rapporté très gros.
Comme toujours avec la gamme 19XX une petite boîte bien remplie. Je lui préfère nettement ISS 1998 mais je le mettrais en seconde position dans la gamme des 19XX (après je pense que le thème y est pour beaucoup ^^)
morlockbob 12/05/2024
Comme Ihmotep, je mets 1998 en tête pis Méliès. Dans les sympa Cotton Club et Tunnel sous la manche (bien qu on voit vite les limites). J écarte Hamundsen. Quant aux 2 autres je les ai pas essayé
Salmanazar 12/05/2024
Merci des réponses. J’aime bien Cotton club et Tunnel sous la manche !
Meeple_Cam 13/05/2024
Pour ma part, les meilleurs de la série sont 1923 pour son thème très bien retranscrit et son gameplay classique mais fluide et efficace, 1998 pour son système ingénieux de gestion d’astronautes, et mon p’tit chouchou 1942 USS Yorktown, si particulier, presque un OLNI dans la série
Meeple_Cam 13/05/2024
et le prochain sera …La restauration de la chapelle sixtine ! Encore un thème bien original
https://gamefound.com/fr/projects/looping_games/1980-sixtina?ref=homepage-category_2
atom 13/05/2024
J’aime beaucoup cette gamme, (à l’exception de 1920 new York et surtout 1911 Hamundsen) . Comme beaucoup ici c’est Iss qui a ma préférence, suivi de Cotton Club. J’aime beaucoup tunnel sous la manche pour cette méca maline de jetons, même si pour le reste c’est assez répétitif, mais j’apprécie d’y jouer ou le faire découvrir de temps en temps. pas joué à Meliés mais ça me donne l’eau à la bouche.