► E.D.I.T.O. La première partie
Il n’y a pas si longtemps, Ignacy Trzewiczek, auteur et éditeur de son état (chez Portal Games) poussait une petite gueulante intitulée “votre papa a-t-il vendu votre vélo ?”, pour se plaindre des joueurs qui viennent critiquer l’équilibrage d’un jeu ou donner une opinion très tranchée après une seule partie, en expliquant que votre papa n’a pas vendu votre vélo lorsque vous vous êtes gamellé la première fois, et qu’on devrait laisser plusieurs chances à un jeu. Jolie métaphore.
Oui mais bon.
Les roulettes.
Cher éditeur, quand j’ai appris le vélo, j’ai commencé avec des roulettes. Deux. Et puis on m’en a retiré une quand je me suis senti prêt. Et l’autre ensuite, après un petit temps. On m’a accompagné dans mon apprentissage. Je me suis vautré. J’ai recommencé. Je me suis encore vautré. Mais on m’a encouragé, tenu, poussé pour que j’y arrive. Je me motivais en voyant partout autour de moi des passants faire de jolies promenades en deux-roues.
Il m’arrive encore de me taper de bonnes gamelles et de ne pas abandonner mon vélo, en général, c’est parce que je fais le fifou dans la neige.
Donc oui, tu as raison, la persévérance paie. Et probablement que la plupart des jeux sont équilibrés.
Mais un jeu n’a pas tout le temps de roulettes. Et on a l’outrecuidance de croire que le joueur ne doit pas attendre la quatrième partie d’un opus avant de s’amuser. Car dans un tel cas, il y a peut-être un souci. D’ailleurs, on a lancé au débotté un petit sondage pour voir ce qu’en pensaient nos lecteurs :
Le sondage est encore en cours, si vous voulez donner votre avis. Après quelques heures et pas loin d’une centaine de réponses, le message est clair. Une seconde chance, ok. Mais faut pas exagérer. Certains précisent leur pensée : “L’erreur de règles donnera une deuxième chance. Par contre, la déception en terme de ressenti sera rarement remise sur la table (il y a eu quelques heureuses exceptions), ce qui paraît humain vu le nombre de jeux disponibles.” nous dit Alendar.
Eh oui, faut le dire, c’est pas comme si on avait que ça à jouer, non plus ! Le joueur type n’est pas sur une île déserte avec un seul jeu à poncer. La concurrence est rude aujourd’hui, plus que jamais.
C’est ce qui explique aussi le succès grandissant des jeux comme Splendor (c’est pas pour rien que tous les éditeurs essaient d’avoir leur Splendor-like : Majesty, Century…). Des jeux fins, sans avoir une profondeur abyssale mais qui jouissent d’un accès direct : dès le premier abord, on sait qu’on aura des progrès à faire, on les entrevoit directement, et on les fera inévitablement en comprenant comment les mécanismes sont imbriqués, et en mémorisant certaines briques de gameplay (les cartes, les différentes stratégies).
Par ailleurs, au-delà des mignardises familiales bien foutues, c’est pas pour rien non plus que les jeux complexes ayant trouvé leur public ont su s’entourer d’une armée de relecteurs et de bêta-testeurs lors de leur développement (coucou, Scythe). Avoir des règles bien construites, compréhensibles, écrites clairement, c’est une gageure.
Pas de vélo ? Tant pis, j’ai un hoverboard mec ;p
Eh oui, ami éditeur, note l’état du marché et de la consommation, la réalité du monde ludique actuel. Aujourd’hui, il y a au bas mot mille titres par an. Trois par jour.
Alors, d’accord, peut-être qu’un seul titre sur dix me conviendra à moi, joueur. Mais tu imagines ? Mets-toi dans la peau de l’amateur, pour qui le j2s est juste un loisir. Peut-être qu’en tant que gamer assidu, je fais une soirée jeux par mois, peut-être une ou deux par semaine si je suis veinard et bien organisé. Mais dans tous les cas, rares sont mes amis qui feront autant de parties que toi, professionnel de l’édition, je te le dis, et tu ne peux raisonnablement pas attendre de tes joueurs qu’ils fassent le même nombre de parties que toi pour découvrir, sur la 9e session qu’en fait, si, le jeu est bien équilibré ou “pas si complexe que ça” à saisir. Ne nous voilons pas la face. C’est peut-être triste pour ton jeu, mais mes amis seront pour la plupart passés à autre chose.
Aujourd’hui, je vais te le dire franchement, chez beaucoup de joueurs, si un jeu sort dix fois dans l’année, il a déjà amplement réussi son coup. (D’où les challenges style « jouer à 10 jeux 10x dans l’année »).
Alors, oui, l’avis de première partie, le ressenti, est peut-être erroné. Ça arrive. Mais si un jeu n’a pas plu, a complètement perdu ses joueurs en cours de route, pourquoi devraient-ils y rejouer ? Pour se détromper ? Et pourquoi en diraient-ils du bien, alors que l’expérience n’a pas été plaisante ? Internet donne des lieux pour donner son avis. Pourquoi n’en profiteraient-ils pas ? C’est le droit d’un consommateur de partager son retour.
Nous y reviendrons, mais faisons le distingo ici avec le travail d’un critique, qui lui se doit de prendre le temps de l’analyse avant de coucher ses idées. D’ailleurs, dès la première partie, le critique se met en mode décorticage. Avant d’écrire, il discute, rejoue, démêle, compare, resitue l’œuvre dans un paysage plus global, cherche la note d’intention, le public cible, se demande si la correspondance entre ledit public et l’opus est efficace… Et puis, quand il passe à l’acte, il tente de peser chaque mot. Là encore, il peut y avoir débat interne. Mais tout ça, ce n’est pas le travail d’un joueur lambda. Lui, rien ne l’oblige à rentrer dans toutes ces considérations.
Aujourd’hui la majorité des auteurs de jeux se damneraient pour qu’on dise de leur jeu les fameuses accroches : “simple mais pas simpliste”, ou “easy to learn, hard to master”. Le joueur veut de la matière, mais n’a plus envie de devoir gratter jusqu’à se saigner les ongles et se casser le nez sur plusieurs parties découvertes désagréables pour la découvrir. En tout cas, la grande majorité d’entre eux. Le seul élément qui pourra les convaincre de donner une seconde chance, c’est des retours hyper positifs lus ou entendus.
La culture ludique
On pourrait reparler de la culture de l’immédiat, mais au risque de te surprendre, cher éditeur, le joueur moyen d’aujourd’hui a non seulement plus de choix, mais aussi beaucoup plus de culture ludique, et plus d’attentes. Un gamer moyen de 2017 possède certainement un bagage ludique plus lourd qu’un game designer de 1977. Il saisit instantanément – et au moins inconsciemment – les incentives et leur équilibre, les dissonances, il est à même de comprendre des systèmes abstraits beaucoup plus retors et d’aller plus loin dans l’interprétation. Mais pourquoi ? Eh bien, parce que toi et les tiens, vous avez bien bossé depuis tout ce temps. Votre expertise en game design, combinée, a contribué à créer un paysage riche. Parce que les analyses fleurissent, qu’Internet démocratise le débat, diffuse les informations comme jamais auparavant. Parce que la culture ludique a évolué pour plus de complexité et diversité.
Exactement comme le spectateur du XXIe siècle comprend les effets de montage rapides, les ellipses, les transitions, les flashbacks, sait lire un plan rapidement, peut faire sens d’un Inception ou d’un Pi aux arcs narratifs sophistiqués. En 1896, les premières personnes à avoir vu un train arriver sur un grand écran auraient fui la salle en pensant qu’elles allaient se faire écraser… L’eau a coulé sous les ponts. De la même manière, la culture ludique (j2s, jdr, jv…) a explosé ces dernières années. Faut pas s’étonner si le joueur d’aujourd’hui, il sait ce qu’il veut (ou à plus forte raison, ce qu’il ne veut pas !).
La critique, dans tout ça ?
Bon, et si l’on essayait de nuancer un peu tout ça ? Je me mets à ta place, éditeur, après t’avoir mis à celle du joueur. Tu as passé un certain nombre d’heures à perfectionner ton jeu, à le peaufiner pour qu’au bout du compte, il soit équilibré. (Enfin, normalement, c’est ton boulot). Et on comprend tout à fait qu’un avis à chaud qui descend l’équilibrage de ton jeu froisse – voire blesse. Mesurer l’équilibrage est délicat. C’est un critère sensible, qui remet en cause ton sérieux en tant qu’éditeur et qui de fait doit venir après avoir compilé suffisamment de données (sauf écueil grossier très visible…).
Donc, oui, c’est logique que tu sois chatouilleux là-dessus. Parfois on parlera d’ailleurs plutôt de l’accessibilité d’une stratégie, d’une faction, d’asymétrie plus ou moins comparable en prenant quelques pincettes tant qu’on aura pas fait assez de parties pour être bien sûr qu’il y a déséquilibre. Les guides stratégiques Terra Mystica de Grovast, par exemple, éclairent bien sur ce point : les différentes factions qu’on peut incarner ne sont pas égales, mais cela fait partie intégrante du jeu.
Chez Ludovox, on a deux instances de critique (appelons ça d’un nom barbare) : les impressions à chaud, et celles à froid. Les à chaud, ce sont les Just Played. Après quelques parties, hop, on se fend d’un sentiment global. Une approche au coeur de l’action. Par contre, en général, on se garde bien d’émettre un jugement trop tranché sur l’équilibrage à cet instant. On attend un peu : il nous faut le test, qui vient après un nombre de parties spécifié dans l’intitulé. Et c’est là qu’on offre une vision plus calme, plus réfléchie, de l’analyse plus approfondie. Après plus de parties, on peut se mouiller sur l’équilibrage, si le jeu s’y prête. Il y a des postures qu’on ne peut plus adopter lorsqu’on se prétend véritablement critique : l’approximation n’a plus sa place, et pourtant, la subjectivité, le ressenti ne sont jamais bien loin. Mais cela est un autre débat…
Et vous, lecteurs, que pensez-vous de cette gueulante de Ignacy ?
Après combien de parties décevantes jetez-vous l’éponge ? [Sondage sur le Twitter]
matinciel 20/09/2017
En fait, je pense que ton raisonnement est bon en ce qui concerne les joueurs que nous sommes (c’est à dire ceux qui fréquentent les sites spécialisés assidûment), mais je ne suis pas sûr qu’il soit valable pour le « mass market ».
Je prête fréquemment des jeux à des joueurs qui n’ont pas de ludothèque (ou qui en ont une de moins de 5 jeux). Et lors des retours il est souvent questions de cinq à dix parties voir plus qu’en conclure alors ?
Bon c’est sûr qu’avec des Unlock, Exit ça va pas aider.
Shanouillette 20/09/2017
Que le jeu était bon d’entrée ? que les règles étaient claires pour eux et l’expérience ludique agréable ?
Nous avons tous autour de nous des gens qui ne sont pas passionnés, plus ou moins curieux à la rigueur, voire qu’on force un peu à jouer parfois. De ce que j’en vois autour de moi, ils sont encore plus « difficiles » que nous, d’une certaine façon. S’ils n’accrochent pas à leur première partie ou ne comprennent rien à la lecture des règles, c’est terminé.
matinciel 20/09/2017
J’ai du oublié un peu ma citation…
C’est surtout de cette phrase dont je parlais…
morlockbob 20/09/2017
j aimerais avoir des amis aussi raisonnables. J ‘ai le problème inverse. Avec des joueurs expérimentés j’ai réussi à ce qu’on joue et rejoue aux mêmes jeux. Je suis assez content d’avoir pu sortir Endeavor de son placard, et d’amortir Great Western.
Par contre avec des joueurs casual c ‘est la mass consommation, ils testent un truc, apprécient ou non et veulent autre chose, ils découvrent et je comprends bien leur soif de nouveautés. C’est un peu à l ‘image de la musique ou des films. Encore et encore.
Shanouillette 20/09/2017
@morlock après la soif de nouveautés, le cult of the new, ça touche un peu toutes les catégories de public je pense. La question qu’on se pose ici, c’est est-ce qu’on a envie de revenir sur un jeu si la première partie a été sacrifiée / gâchée pour X raisons ? Globalement, beaucoup auront tendance a laissé une seconde chance, mais guère plus. D’où l’importance de la prise en main aujourd’hui, d’avoir un premier contact avec le jeu qui soit gratifiant.
Shanouillette 20/09/2017
@matinciel ha oui là il parle des joueurs, des passionnés. D’ailleurs, globalement dans l’article, c’est le terme « gamer » (/joueur/passionné/amateur) qui revient, c’est bien pour cibler le sujet, c’est en effet pas la fameuse « madame Michu » qui fait des challenge 10x. 🙂
Meeple_Cam 21/09/2017
J’ai un jeu auquel j’y ai joué 36 fois en un an pour l’instant (un certain jeu dans l’univers de Conan avec des figurines…). Ca compte 3 fois dans les 10 jeux qui sortent 10 fois dans l’année ? 🙂
Pour le coup, on a fait pas mal d’erreurs de règles au début (sans relancer le débat sur le livret de règles initial), mais on a tellement accroché au jeu qu’on a jamais lâché. Et puis l’éditeur a fait le job en envoyant une V2 des règles.
fouilloux 20/09/2017
Il y a pour moi deux sujets dans le sujet :-). D’une part, est ce qu’on donne une seconde chance à un jeu ou non, d’autre part l’équilibrage d’un jeu.
Sur le second sujet, (je copie ici en court mon commentaire sur BGG) j’ai l’impression quand les gens en discutent qu’ils ne prennent pas le temps de se mettre d’accord sur ce qu’est un jeu équilibré ou non. Et ce n’est pas facile faut dire.
En effet, prenons un jeu avec deux façons de jouer, ou deux camps asymétriques. Mettons qu’avec deux joueurs expérimentés (vous gardez les mêmes) vous arriviez à un ratio de 50/50 victoires pour chacune des stratégies, mais qu’en revanche, si vous prenez deux newbies, c’est systématiquement le même camp/la même stratégie qui l’emporte (vous changez de newbies à chaque partie).
Le jeu est-il déséquilibré ou non? On pourrait dire que non, puisque si on le maitrise on a autant de chance de gagner dans un cas comme dans l’autre. Pourtant, on pourrait dire qu’une faction/une stratégie est plus facile à maitriser qu’une autre, ce qui est quand même un petit peu un déséquilibre non?
Comment devrait on appeler un tel jeu? (Et j’ai des exemples plein la tête)
Umberling 20/09/2017
Oui, il y a des jeux dont les factions sont plus dures à jouer que d’autres (Terra Mystica, Cry Havoc dont partait le sujet). Mais une faction plus facile et une faction plus difficile à jouer our un résultat identique peuvent rarement être considérées comme équilibrées.
Si le jeu attend certains comportements de vous comme du kingmaking pour l’équilibrer, le jeu l’est-il bien ? C’est une question complexe.
TheGoodTheBadAndTheMeeple 21/09/2017
« Si le jeu attend certains comportements de vous comme du kingmaking pour l’équilibrer, le jeu l’est-il bien ? C’est une question complexe. »
Pour moi, non
Umberling 21/09/2017
Je repense à Illuminati, qui, dans les règles, dit bien que « les illuminés de Bavière sont plus forts que les autres si on ne s’en occupe pas à plusieurs.
Tu as aussi Chaos dans le vieux monde où Khorne est là pour rééquilibrer le plateau en allant cueillir les joueurs avant qu’ils ne s’envolent. Dans Cry Havoc, si tu laisses les Pèlerins faire, ils gagnent systématiquement, alors que dès que tu commences à les agresser longtemps, ils perdent vraiment en pouvoir. Le souci c’est que les joueurs n’ont pas forcément envie d’être guidés par le jeu et peuvent préférer avoir tout le loisir d’exprimer leur potentiel. C’est le souci principal de l’asymétrie : elle est certes plus narative, mais elle est aussi plus complexe à gérer en partie.
fouilloux 20/09/2017
Arggg mon commentaire s’est perdu!
Shanouillette 20/09/2017
retrouvé 🙂
fouilloux 20/09/2017
Merci!
Damien 20/09/2017
Philip Roth dans un des derniers Libération : « avec internet, on manque de plus en plus de lecteurs sérieux ». On pourrait transposer: on manque de joueurs sérieux. Combien de jeux sacrifiés à l’aune d’un avis sentencieux ? C’est un très bon éditorial, une rubrique que j’attends de plus en plus.
Umberling 21/09/2017
Merci ! Note bien que les éditos sont le fruit du boulot de la rédaction dans son ensemble, des discussions qu’on peut avoir, du boulot effectué sur les articles des autres. Ici, je dois remercier @Shanouillette d’avoir lancé un bon ravalement de façade !
Shanouillette 21/09/2017
Merci à toi Mat ! J’avais une bonne base et un sujet intéressant à travailler. Cela dit j’avoue là, j’ai bien failli co-signer tant j’y ai passé du temps 😉 #TeamSpirit
Umberling 21/09/2017
Tu aurais pu 🙂
Je mets souvent « pour la rédaction » mais là, ça s’est perdu dans le warp.
Antony 21/09/2017
Aaaah ! C’est toi Shanouillette en robe bleue en fin d’article ? 😉
Shanouillette 21/09/2017
J’ai changé de coiffure, vous aimez ?
-Nem- 21/09/2017
Perso je vais redonner sa chance à un jeu qui m’a déçu surtout s’il fait déjà parti de ma ludothèque (après un achat impulsif non réfléchi par exemple 🙂 ). Mais si je suis chez un ami joueur je vais beaucoup moins avoir envi de retenter l’expérience, et plutôt demander à tester ou rejouer à autre chose…
fouilloux 21/09/2017
Pas faux ça.
Meeple_Cam 21/09/2017
J’ai essayé d’appliquer le « redonner sa chance » à un p’tit jeu sorti récemment où la boîte stipulait : Règles simples/Tour de jeu rapide/parties rapides (60min). 2 fois en mode solo, une fois en mode 3 joueurs parce que j’ai eu qq avis positifs sur le jeu. Quand je constaste que, au bout de la 3eme partie, je suis toujours le nez dans les règles pour des points de détails malgré 3 lectures (règles simples…) et que on n’a pas fait la moitié de la partie en 60 minutes (partie rapide…), et que tout le monde commence à se plaindre autours de la table, là, je jette l’éponge et je n’y reviendrais pas. Ce n’est pas un souci d’équilibrage, mais de complexité et longueur inadaptée à ce qu’on nous propose initialement.
Shanouillette 21/09/2017
des noms des noms !
fouilloux 21/09/2017
Je pari sur un jeu épic 🙂
Meeple_Cam 21/09/2017
j’ai volontairement pas mis le nom du jeu (d’autant que c’est sur un éditeur que j’apprécie particulièrement). Juste que c’est une petite boîte (et ça c’est cool car d’autres éditeurs nous aurait mis ça dans une grosse boîte pleine de vide)
Antony 21/09/2017
Bel article, joli débat. Pour ma part, c’est au jeu d’être jouable… si puis-je dire 😉 Le joueur n’est là que pour en profiter. L’effort doit être fait du bon côté, celui du jeu, ça me parait clairement logique. Comment apprécier dès lors que nous sommes déçus ? Comment, en fin de compte, le jeu peut-il remplire sa fonction, à savoir, nous amuser ?
fouilloux 21/09/2017
la question est quand même un peu plus complexe: il y a clairement des jeux qui demandent de l’apprentissage pour savoir jouer (ex: les échecs). Et cela fait partie du palsiir aussi, de al progression. Je pense aussi au seigneur des anneaux JCE: la phase de deckbuiling s’apprend, et peut être difficile au début.
Shanouillette 21/09/2017
Certes.
Cela dit, les échecs ont des règles assez simples, pour une profondeur abyssale. Le fameux easy to learn hard to master. Je dis ça car à l’école de ma fille, le maître des CP apprend les échecs en classe. Pour le SdA, oui la marche est un peu plus haute au départ (je dirais plus du 10 ans quand même ?), mais après, une fois le déroulé compris, ça coule tout seul.
L’accessibilité est une question clef, et la lecture des règles, leur séquencement, c’est la porte d’entrée, un passage obligé qui ne doit pas se faire dans la douleur.
Je connais peu de monde qui aime lire des règles. Si à la fin de la lecture, il y a des points mal compris, c’est déjà mal engagé. First Martian de Portal est une catastrophe à ce titre. Les règles nécessitent des allers et retours, des choses sont entamées au début pour être explicitées à la fin, on a des pavés imbitables. J’attendais beaucoup de ce jeu, je l’ai préco, mais j’ai pas réussi à faire une partie encore. Pourtant, je lis des règles tous les jours. Alors, je l’aime bien hein mais sa métaphore du vélo… Comment dire…
Antony 21/09/2017
En effet Fouilloux, les questions que tu exprimes sont complexes et intéressantes mais, pour moi, ce n’a aucun rapport. Il a une différence entre accessibilité + courbe d’apprentissage et règles bancales + équilibrage douteux. Le jeu des échecs est un parfait exemple, ça demande du temps pour savoir bien jouer mais les règles sont claires et l’équilibrage irréprochable.
@Magh : très bon résumé = » S’il faut plusieurs parties pour savoir si on aime, il n’en faut qu’une seule pour savoir qu’on aime pas. » Comme lors d’une rencontre, la première impression est souvent la bonne 😉
Mahg 21/09/2017
Merci pour cet édito, un sujet loin d’être dénué d’intérêt!
Sans surprises je suis de l’avis de mes prédécesseurs : c’est à l’objet (ici ludique) de faire ses preuves dès la première partie.
Et dans la vaste étendue culturelle dans laquelle nous pataugeons, c’est une logique avérée en bien des domaines : Séries, BD, Jeux (vidéo ou de société), etc.
Je ne comprendrais jamais les gens (auteurs ou amoureux d’une œuvre) qui s’offusquent de ceux qui ne poursuivent pas l’aventure après le premier épisode d’une série, le premier chapitre d’un livre, la première partie d’un jeu. Pour quelles raisons faudrait-il aller plus loin si les bases ne nous plaisent pas? Existe-t’il une seule personne à avoir écouté l’intégralité de la discographie de Booba, Laurie ou que sais-je, pour être certain de ne pas aimer? Ce serait grotesque.
Pour avoir déjà eu plusieurs fois ce débat, j’en suis venu à une conclusion assez simple :
S’il faut plusieurs parties pour savoir si on aime, il n’en faut qu’une seule pour savoir qu’on aime pas.
-Nem- 21/09/2017
Je serai passé à coté de tellement de séries/films/bouquin si je m’étais arrêté au premiers épisodes/minutes/pages… Je suis de ceux qui conseillent des séries en disant « regarde au moins deux épisodes avant de décider d’arrêter ou pas ». Un petit exemple avec la série The Wire. C’est pas évident le premier épisode, y a plein de persos, on est un peu largué. Mais je suis tellement content d’avoir persévéré !!
Les jeux c’est malgré tout un peu différent car après une première partie t’es quand même allé au bout.
Mahg 21/09/2017
Et c’est pour cette raison précise que je dis qu’il faut plusieurs parties pour savoir si on aime.
Si à la fin d’un premier épisode/partie, tu n’es pas spécialement emballé, ou un peu largué, mais sans pour autant déprécier totalement ta fraiche expérience, tu peux effectivement faire un bout de chemin supplémentaire pour savoir si tu aimes finalement ou pas.
Mais dans le cas où d’emblée les règles, le thème, les mécaniques etc (à retransposer par scénario, mise en scène, pitch, etc) ne te plaisent pas, et tu sais au fond de toi que renouveler l’exercice n’influera en rien sur ton jugement, inutile de se faire souffrir.
Et pour rebondir à ta dernière phrase, les jeux aussi dévoilent des mécaniques/subtilités seulement au bout de quelques parties (pas tous, certes), seulement pour avoir envie de les découvrir, il faut déjà être en phase avec le matériau de base.
Mahg 21/09/2017
(ma réponse est tombée dans les méandres de la base de données :/ )
Shanouillette 21/09/2017
Sauvée !
Mahg 21/09/2017
Merci 🙂
atom 22/09/2017
The wire est un cas très particulier, Daniel Simmons prends le temps d’installer les personnages, personnellement j’ai eu besoin de plus de 2 épisodes pour accrocher, il a fallu qu’on me pousse même, et je ne regrette pas tellement cette série est exceptionnelle. Le modèle classique des séries c’est plutôt une accroche qui nous pousse a suivre parce que l’on veut avoir la suite, alors que parfois on adhère pas tant que ça a l’intrigue.
eolean 22/09/2017
Au risque de paraître un peu dur et/ou prétentieux, je vous avoue que je sais dire à la première partie si je rejouerai à un jeu ou pas.
La difficulté ou l’équilibrage n’entrent pas en ligne de compte, mais seulement le plaisir et les sensations.
Soit tu t’amuses, soit non.
Vous ne me ferez pas rejouer à un jeu auquel je me suis ennuyé. Ca ne veut pas dire que le jeu est mauvais, juste que je ne suis pas la cible. Alors c’est vrai, quand t’achètes un jeu 50 boules et que tu t’es ennuyé, ça fait mal.
Mais c’est pas parce que j’ai acheté un jeu et qu’il sera meilleur à la deuxième partie.
Parfois on joue à des jeux et on se dit que celui-ci demande clairement une deuxième partie pour en profiter pleinement. Mais il faut au moins que les sensations ou le potentiel de sensation soit présent.
atom 22/09/2017
En même temps tu te définis comme un joueur kleenex 🙂
Ceci étant je suis d’accord avec toi, si on parle de ressenti, et si le jeu ne nous a pas donné de frissons est ce que l’on doit s’acharner ? Marrant aussi de constater que la question ne se pose que si on a un ressenti plutôt froid. Parfois a l’inverse sur une premiére partie on a un super coup de cœur et puis la 2éme et la 3éme partie ne nous enthousiasme pas.
Rammillica 23/09/2017
Je pense que l’appréciation des jeux est vraiment subjective notamment sur le point de vue de la critique.
J’ai régulièrement eu droit à travers quelques pérégrinations ludiques (notamment sur les avis) à ce genre de remarque (mais tu n’as pas fait assez de partie, 2 ou 3 ce n’est pas suffisant). Et pourtant, je pense qu’avec un peu d’expertise (liée à sa culture ludique), il faut généralement une partie pour savoir le potentiel du jeu (la lecture des règles participe aussi à cela).
A part Terraforming Mars, je n’ai jamais eu de surprises et de changement d’avis après ma première ou deuxième partie à part être passé à côté d’un gros point de règle ou ne pas jouer à la version complète, ce qui peut dénaturer le jeu (je pense à ma récente partie de Lorenzo sans les Leaders). Si on est attentif à ses adversaires, il est possible de faire 3 ou 4 parties en une (si on en a l’habitude).
Clairement, arrêtons avec la comptabilité des parties. La qualité d’un avis ne se mesure pas à l’aune du nombre de parties (vous voyez beaucoup de critiques ciné se justifier du nombre de séance ou des conditions de vision des films).
Un pas de géant sera fait lorsque les joueurs arrêteront de tacler les « critiques » (je mets des guillemets car quand je me qualifie ainsi, j’en prends plein la lampe) uniquement sur le nombre de parties jouées, on aura fin un grand pas. Pourquoi ne pas leur faire tout simplement confiance dans leur jugement ? Je sais personnellement quand mon avis et donc ma critique est prête et bien entendu, certains jeux nécessitent plus de parties que d’autres mais concrètement le mentionner ne sert à rien. On peut pratique le jeu sur 2 parties en prenant le temps d’analyser un peu les choses et avoir un avis plus argumenté que « consommer » un jeu en faisant 10 parties d’affilée. Et puis, s’infliger 25 parties d’un jeu que l’on estime pas bon pour un certain nombre de raisons ? La flagellation très peu pour moi !!!! Et en plus, il est facile de mentir sur ce sujet (je connais pas mal de joueurs qui gonfle artificiellement leur nombre de parties, histoire de se faire mousser, c’est humain après tout).
Juste pour finir sur un truc sur lequel je rejoins Bruno Faidutti. Les jeux ne sont pas des bagnoles et le terme « test » me dérange, là où le mot critique a tout son sens (si tenté qu’on l’accepte). Je serais moins véhément que lui sur le sujet 😀 . Cependant, même si j’apprécie la qualité de certains Ludovoxeurs (notamment Grovast), je trouve que l’on perd une certaine magie qu’il y a dans le jeu, en faisant 25 parties, en cherchant à explorer chacune des pistes offertes, en mode « analyse de routine systématique » pour tester un équilibrage (qui aura toujours un point de faiblesse quelque part). C’est un peu comme pister les faux raccords d’un film, pour se marrer pourquoi pas mais ça n’a pas valeur de critique. De plus, labourer toutes les stratégies revient à révéler les secrets du tour de magie et c’est mal.
Dans le jeu comme dans tout art, arrêtons de chercher de l’objectivité à base de « je ne suis pas la cible du jeu… nanana » dans des avis, assumons (en tout cas pour ma part c’est le cas), la subjectivité de notre critique qui va éclairer beaucoup plus les joueurs à mon sens (et puis si on aime pas un critique, on ne le lit pas ou on le lit pour penser l’inverse de lui :D).
Si la critique d’un jeu doit se baser sur quelques éléments techniques, le nombre de parties n’en fait définitivement pas partie.
elniamor 24/09/2017
L’édito est très intéressant !
Je ne me souviens plus si j’avais lu toute la lettre d’Ignazcy, du coup je ne vais pas essayer de synthétiser son propos, mais plutôt en partant de ce débat, de résumer ou se situe ma pensée.
Pour ma part, clairement, voir/lire des personnes qui critiquent les qualités INTRINSEQUES d’un jeu (ses mécanismes, son équilibrage, sa rejouabilité) en ayant joué une seule partie, cela me gène beaucoup. Un jeu de société, dans le cas général, c’est fait pour s’apprécier sur plusieurs parties. Ce qui est certain, c’est que les avis négatifs qui sont lapidaires, non argumentés, définitifs, parfois méprisants, je les fuis.
Par contre, exprimer que l’on a pas apprécié un jeu à la première partie, suffisamment pour décider de ne jamais y rejouer, c’est un avis, c’est un ressenti, il n’y a rien à dire là dessus. Là encore, l’argumentation est bienvenue car super importante et c’est là la valeur ajoutée de l’avis.
En fait, je crois que l’on peut à peu près tout dire, tout exprimer, du moment que l’on a la transparence d’argumenter ses propos, parce que cela permet au lecteur de situer l’avis dans un contexte, ce qui lui donne l’opportunité de le mettre en perspective par rapport à son propre système de valeurs.
Et cela n’est pas facile dans un système qui favorise la réaction par rapport à la réflexion (je pense aux réseaux sociaux et à notre système de valeurs occidental en générale).
Shanouillette 25/09/2017
« En fait, je crois que l’on peut à peu près tout dire, tout exprimer, du moment que l’on a la transparence d’argumenter ses propos, parce que cela permet au lecteur de situer l’avis dans un contexte, ce qui lui donne l’opportunité de le mettre en perspective par rapport à son propre système de valeurs. »
j’aurais pas dit mieux 🙂
fouilloux 04/12/2017
Petit bémol: pas besoin de tout acheter pour jouer à tout. Avec la multiplication des assos dans tous les coins, on peut très facilement être un joueur « kleenex » sans débourser beaucoup.