► E.D.I.T.O. Ceci n’est pas un jeu
Vous ne le savez peut-être pas mais j’ai une grande passion pour les mots et leur pouvoir évocateur. Une des toutes premières choses que j’ai faite quand j’ai commencé à m’intéresser aux jeux de société modernes, bien avant d’avoir lancé l’aventure Ludovox, fut de coucher sur pixels tout le lexique qui leur est propre. Je me suis énormément amusée à écrire leur définition, mot après mot, expression après expression. Notre hobby est riche en création, et cela nécessite régulièrement de nouvelles appellations pour les recouvrir. Pose d’ouvriers, stop ou encore, deck-building. J’aurais adoré bosser pour Diderot. Mais ce qui m’éclate peut-être le plus dans toute cette histoire, c’est que le mot “jeu” soit aussi résistant à toute tentative de définition.
Me pencher sur cette notion m’a amenée à lire beaucoup de choses, et à me poser pas mal de questions. Dernièrement, suite à l’As d’Or attribué à The Mind lors du Festival International des Jeux 2019, nous avons pu voir certains joueurs affirmer “The Mind n’est pas un jeu, mais une activité”.
Mais qu’est-ce qu’un jeu ? Peut-on le définir ? Pourquoi le faire ? Finalement, nous ne nous étions encore jamais penchés sur cette question dans nos colonnes.
Faut dire que c’est un terrain glissant ! Ce qui est appelé “jeu” recouvre des objets, des situations et des pratiques extrêmement diverses et confronte les visions. Mais il ne s’agit pas que de débats d’intello, loin de là, ces idées ont des répercussions concrètes dans nos vies (dans l’organisation du temps scolaire par exemple), et influent sur notre perception et conception du jeu. Ce dernier n’a peut-être jamais été aussi présent dans toutes les strates de notre société que dans l’ère actuelle. Sport, jv, j2s, jdr, GN, livre-jeux, jeux cross-média, plein air, jeux d’adresse, par correspondance¹, jeux d’argent, casinos, escape room, manifestations publiques, ludothèques, bars-à-jeux, sans parler de la gamification à tous les étages de l’école à l’entreprise, sur les réseaux, ou encore des remédiations cognitives par le jeu, etc. Le jeu, au sens large, est omniprésent.
On l’a bien vu lors des premières discussions du Game In Lab : faire l’unanimité sur la définition de ce mot (qui a le mauvais goût d’être polysémique comme pas deux) est une affaire fort complexe, nous menant vers de multiples questionnements au croisement du social, de la culture, des sciences, de l’histoire, de l’anthropologie, de la philosophie, des langues… Une affaire si complexe que la plus sage posture semble finalement d’avouer qu’on ne sait pas le définir, à l’instar de Gilles Brougère ou du philosophe du langage Wittgenstein, qui écrivait que les “jeux” ont tous entre eux qu’un vague “air de famille”, sans aucune essence commune fermement qualifiée.
Nombreux sont donc les chercheurs, philosophes (voir : les approches théoriques du jeu), game designers ayant planché sur cette question, parfois une vie durant. Je n’ai bien évidemment pas la prétention de percer ce grand mystère de l’humanité aujourd’hui, ni même l’ambition de faire un bilan de toutes les recherches (innombrables) sur le sujet. Tout au plus, de saisir l’occasion de vulgariser quelques réflexions, de soulever une ou deux questions, et peut-être, je l’espère, de vous inviter à vous questionner sur le sujet. Et pourquoi pas de répondre au passage à ceux qui qualifient ce cher The Mind “de simple activité”.
Des bases
Certains essais théoriques sont des pierres angulaires dans leur domaine, grâce leur soit rendue, ainsi sont les écrits de l’historien néerlandais Johan Huizinga (1872 – 1945) et du sociologue français Roger Caillois (1913 -1978). Ce dernier est bien connu pour avoir défini le jeu en six points (libre, séparé, réglé, incertain, improductif, fictif) – mais notons que quatre étaient déjà présents dans les travaux de Huizinga.
Pour rappel voici sa définition complète :
“Le jeu est une activité 1. libre : à laquelle le joueur ne saurait être obligé sans que le jeu perde aussitôt sa nature 2. séparée : circonscrite dans des limites d’espace et de temps précises et fixées à l’avance 3. incertaine : dont le déroulement ne saurait être déterminé ni le résultat acquis préalablement, une certaine latitude dans la nécessité d’inventer étant obligatoirement laissée à l’initiative du joueur 4. improductive : ne créant ni biens, ni richesse, ni élément nouveau d’aucune sorte et, sauf déplacement de propriété au sein du cercle des joueurs, aboutissant à une situation identique à celle de début de partie. 5. réglée : soumise à des conventions qui suspendent les lois ordinaires et instaurent momentanément une législation nouvelle, qui seule compte 6. fictive : accompagnée d’une conscience spécifique de cette réalité seconde ou de franche irréalité par rapport à la vie courante.”
Maintes fois cités, repris, critiqués aussi, pas toujours replacés dans leur contexte, ces deux auteurs ont posé des bases de réflexion fondamentales qui servaient avant tout à concevoir une théorie générale de l’organisation sociale – afin de démontrer que le jeu précède à la culture elle-même (“Les animaux n’ont pas attendu l’arrivée de l’homme pour qu’il leur apprît à jouer” Huizinga).
En effet, selon Huizinga, la culture “se déploie dans le jeu, et comme jeu” – toutes les activités sociales ont une forme ludique. Il reprend en cela l’idée de Frobenius (1921) qui semble avoir été le premier à voir dans le jeu le creuset de toutes les aptitudes à jouer des rôles sociaux. “L’image du jeu est sans doute la moins mauvaise pour évoquer les choses sociales.” écrivait aussi Bourdieu (1930 – 2002).
Huizinga défend par ailleurs que le “jeu est une tâche sérieuse”, et le fait qu’il fasse partie essentielle de l’être humain (lire “Homo ludens” 1938).
En faisant cela, il procède à une réhabilitation du ludique qui mènera les artistes surréalistes à accorder une place essentielle au jeu dans leurs créations, considérant celui-ci non pas comme une parenthèse (comme ce fut souvent le cas historiquement) mais comme une façon d’être (voir : les jeux surréalistes). À partir de là, on vous passera tous les jeux de mots à base de “Jeu suis” et compagnie (merci monsieur Breton).
Callois, quant à lui, a développé dans son célèbre essai Les Jeux et les Hommes (1958) une classification des jeux selon quatre grands critères qu’il nomme “agôn” (qui recouvre tout ce qui peut avoir trait à la compétition et à la volonté de vaincre), “alea” (nul besoin de le traduire, si ?), “mimicry” (le fait de jouer un rôle), et “Ilinx” (oui, comme la maison d’édition – Ilinx désigne les jeux dit de vertige, comme le tourniquet ou la balançoire).
Callois opère au passage une comparaison entre le développement de l’enfant (où règnent mimicry et ilinx) et celui des civilisations (plus axées sur l’agôn et l’aléa).
Dans son travail de classification, on voit qu’il oppose ce qu’il nomme le “paidia” (jeu spontané, puissance d’improvisation, fantaisie sans règle) et le “ludus” (jeux avec conventions, régis par règles). Selon lui, l’antagonisme entre ludus et paidia forme la dynamique fondamentale du jeu (pour plus de détails Typologie des jeux).
Cela fait penser à ce que Winnicott décrivait en parlant de “game” et de “play” : le “game” étant le jeu strictement défini par les règles qui en ordonnent le déroulement, et “play” le jeu qui se déploie librement.
Chez Winnicott ou Callois on parlera du “jeu” en tant que dispositif et en tant que pratique. On a toujours cette dichotomie avec les règles d’une part, et l’action de jouer d’autre part. D’après Caillois « le terme de jeu désigne non seulement l’activité spécifique qu’il nomme, mais encore la totalité des figures, des symboles ou des instruments nécessaires à cette activité ou au fonctionnement d’un ensemble complexe ».
Du coup, la parenthèse engagée
Il est temps ici d’ouvrir une petite parenthèse et de se fâcher avec nos amis anglophobes pour de bon. Nous voyons bien que la langue française, n’en déplaise à certains (et à l’instar de l’allemand d’ailleurs), n’est pas aussi riche que l’anglais pour parler de notre domaine de prédilection, avec ce terme de “jeu” hyper assimilant et souvent confusant. Les théoriciens utilisent le terme de “play”, et de “game” depuis des années, et dans nos colonnes, nous nous servons souvent du mot “gameplay”, faute de traduction idoine. Pour mieux définir le jeu, Callois s’est vu inventer plusieurs termes inspirés du latin. Des professeurs parlent de « ludification », « ludicisation », « gamification », et j’en passe.
Non mais que dites-vous ? Notre bonne vieille langue adorée ne serait-elle pas toujours parfaite ? Il faudrait se résoudre à emprunter à nos pires ennemis les anglais, ou s’abaisser au manège misérable des néologismes ? Diantre, comment pardonner cette trahison envers notre langue si belle et pure ?
Et bien, oui, je crois qu’il va falloir vous y faire, nous avons quelques limites pour parler du jeu, et devons chercher un peu d’aide. Mais rassurez-vous, ça ne dérange pas le moins du monde notre bonne vieille langue, au contraire, elle a toujours grandi dans la mixité.
Fin de la parenthèse.
La fiction du faire
Il me semblait important de redonner ces bases-là, celles de Huizinga et Callois, car elles sont historiquement reconnues sinon acceptées aujourd’hui, bien que souvent questionnées aussi, surtout, depuis 5 ans, 10 tout ou plus. On voit les colloques, les thèses et de nouveaux théoriciens plancher de plus en plus sur le domaine du jeu. Tout cela se cristallise particulièrement autour du jeu vidéo, ou du serious game (avec la question très en vogue “le serious game est-il encore un jeu ?” puisqu’il devient utile), et les apprentissages par le jeu. Cette nouvelle vague commence tout juste à toucher le domaine du jeu de société, pourtant si ancien.
Huizinga et Callois donc. Mais au cours de mes lectures, j’ai eu l’impression qu’un autre auteur tendait de plus en plus à se faire une place de choix chez les penseurs (au moins francophones), rejoignant ce duo de choc, voire même pouvant ouvrir de nouvelles perspectives encore sous-exploitées. Et cet auteur se nomme Jacque Henriot (philosophe et créateur du diplôme des “sciences du jeu” en 1981).
Henriot propose une tierce dimension dans la vision du jeu : le positionnement subjectif du joueur. Il parle d’attitude ludique et c’est même la pierre angulaire de sa pensée.
« Il ne suffit pas de définir un jeu par l’ensemble de ses règles. Celles-ci sont des règles d’action. Jouer, c’est faire » (Henriot, 1978).
Finalement, avec Henriot, on comprend soudain pourquoi il s’avère si complexe de définir le jeu par une série de critères internes. On comprend pourquoi ce qui était hier perçu comme des activités ou situations peuvent muter et devenir des situations de jeux. (Cette transformation est d’ailleurs ce que d’aucuns nomment la ludicisation).
Bien sûr, certaines situations empêchent toute attitude ludique, tandis que d’autres au contraire rassemblent tous les ingrédients permettant la jouabilté*. Mais l’un de ces ingrédients, c’est nous.
*« Je me propose de théoriser sous le nom de jouabilité ce qui, sur le plan purement structural, fait d’une situation un jeu potentiel » (Henriot, 1989, p. 217)
« Si, le jeu peut être un art, comme la peinture est l’art de donner à voir, la musique l’art de donner à entendre, le jeu, c’est l’art de donner à faire. » Oscar Barda (article)
Il me semble aussi important de mentionner au moins rapidement que l’on retrouve aussi, en 1978 c’est-à-dire en même temps que Henriot, chez l’auteur américain Bernard Suits dans The Grasshopper: Games, Life, and Utopia, cette idée d’attitude ludique (“lusory attitude”) ; pour Suits cette idée permet même de déterminer si une activité peut être considérée comme une instance de jeu. Le jeu est en effet définit comme « the voluntary attempt to overcome unnecessary obstacles ». Jouer consiste à tenter volontairement de surmonter des obstacles inutiles.
Prise de décisions
Tenter volontairement. L’idée de volonté me paraît essentielle, et potentiellement plus précise que le concept de “liberté” proposé par Callois. La liberté est trop facile à questionner. Un enfant jouant à un jeu proposé par un éducateur ne jouerait-il donc plus ? D’ailleurs, un enfant est-il réellement libre de jouer si une détermination biologique l’y pousse ? De même pour l’accro aux jeux, est-il encore vraiment en train de jouer si ses pulsions le dirigent ? Et qu’en est-il d’un joueur professionnel qui joue pour son travail ? Le champ de la liberté est un terrain trop vague, trop vaste. Partons du principe qu’une volonté est libre lorsque qu’elle est autonome, c’est-à-dire lorsque qu’elle obéit aux lois qu’elle s’est elle-même prescrite par l’usage de la raison (en admettant que cela soit vraiment possible…), dès lors on dira plutôt : si on décide de jouer le jeu, on joue.
C’est à mon sens avec beaucoup de perspicacité que Gilles Brougère insiste sur cet aspect dans sa tentative de définition du jeu. Pour lui, l’acte de jouer comprend avant tout le « second degré » de l’activité (j’ai conscience que « ceci est un jeu »), et la libre décision d’entrer dans le jeu (« jouer, c’est décider de jouer »). Le jeu naît avant tout par la décision des joueurs, et se maintient par une suite de décisions. Si les joueurs cessent de décider, le jeu cesse illico d’exister (pouuuce !). D’ailleurs, un jeu se définit par les modalités par lesquelles je décide (les règles).
Vous prendrez bien un peu de culture ludique
Finalement, le jeu, un peu comme la beauté pour reprendre Oscar Wilde, est dans l’oeil de celui qui regarde. Le jeu peut transcender n’importe quelle activité. Le copain ludiste écrivant “The Mind n’est pas un jeu” n’a juste pas l’attitude de joueur face à cette proposition (et c’est son droit). Tout est question de regard, de subjectivité, d’expérience, et finalement de culture, de culture ludique.
“Pour jouer, il faut entrer dans le jeu. Pour entrer dans le jeu, il faut savoir que c’est un jeu. Il y a donc, de la part de celui qui se met à jouer, une compréhension préalable du sens du jeu. L’attitude ludique, comme toute attitude, se prend. Comme toute attitude, elle se comprend” (Henriot, 1983).
Oui cette attitude se comprend, on peut même dire qu’elle s’apprend. On pense ici encore aux idées de Gilles Brougère, qui, à l’inverse de Winnicott, remet en question la notion de jeu naturel spontané et universel. C’est intéressant de noter que pour lui, tout jeu est le fruit d’un contexte social particulier, d’une culture ludique, et doit faire l’objet d’un apprentissage (il développe cette idée dans son livre “Jouer/Apprendre” paru en 2005).
Ce terme de culture ludique nous parle beaucoup bien sûr ! Il nous rappelle par exemple nos articles sur les jeux dit passerelles ou comment certains jeux sont particulièrement bien construits pour faire découvrir des briques de la culture j2s.
Il est évident qu’une personne n’ayant jamais joué qu’au Uno toute sa vie n’aura pas les mêmes attentes qu’un membre de la testing team de Ludovox. D’ailleurs, un gros joueur connaissant en profondeur tous les jeux de type eurogame depuis 10 ou 20 ans n’aura pas forcément un avis aussi fin quand il s’agira de parler de l’école ameritrash. Nous sommes confrontés à ça tous les jours, quand nous décidons en interne qui va chroniquer quoi. C’est aussi pour ces raisons que l’on s’est amusés à créer des profils de joueur sur le site : pour cerner nos expériences, nos préférences, nos références, partager une culture et mieux se comprendre.
La critique est facile…
Etant donné que définir un jeu est chose complexe, il est facile de discréditer un j2s : Il suffit de le disqualifier en tant que jeu. Nikki Valens nous en parlait dernièrement dans son interview : “Legacy of Dragonholt est-il un jeu, ou une activité ? Beaucoup de joueurs, peut-être la majorité d’entre eux, croient qu’un jeu doit entretenir un certain seuil de liberté et/ou de hasard pour être défini comme tel. Et ce sont ces joueurs-là qui vous diront que Dragonholt n’est pas un jeu mais un Livre dont vous êtes le Héros glorifié. Et… ben… c’en est un ! Legacy of Dragonholt est censé être une histoire interactive, pas un jeu à l’allemande où l’on réfléchit ses statistiques. D’accord, ce type d’expérience n’est pas consensuel, mais aucun jeu ne l’est.”
Il s’agit bien pour nous d’avoir le réflexe de discerner (et rappelons que le mot “critique” vient de kritikē signifiant “l’art de discerner”) les qualités et les limites d’un dispositif ludique sans jamais être dans le dogmatisme et présupposer de la connaissance d’une vérité incontestable sur ce que doit être un jeu, ou un “bon jeu”. Nous voyons que trop bien comment ce dernier, tout frivole, changeant, insaisissable qu’il est, ne sait se contraindre à une conceptualisation définitive et normative. Le terrain du jeu n’a pas de limite, il n’a bien que faire des a priori partiaux. Et j’ajouterais que c’est heureux : ainsi, il n’a jamais fini de nous étonner. Et vive The Mind.
—
Pour finir, je vous conseille très chaudement de regarder les conférences cannoises que nous allons bientôt publier, toutes passionnantes !
Et quelques références pour aller plus loin :
¹ voir sur ce sujet le dossier de recherche d’un certain David Cicurel !
► Le jeu peut-il être sérieux ? De Gilles Brougère
► contextualiser les théories du jeu de Huizinga et Caillois
► Homo Luden – Essai sur la fonction sociale du jeu – Huizinga
►Les jeux jeux et les hommes Roger Caillois
►Jacques Henriot et les science du jeu
►Le jeu dans l’oeuvre de D.W. Winnicott
À lire aussi : E.D.I.T.O. « Les droits imprescriptibles du joueur »
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Djinn42 27/03/2019
Ceci n’est pas un commentaire.
Djinn42 27/03/2019
Ceci n’est pas une réponse.
Shanouillette 27/03/2019
Ceci n’est pas très intéressant.
;p
Stéphane 27/03/2019
Coucou,
pas fini de lire (manque de temps avant de reprendre) mais déjà le jeu est certainement productif ! vu qu’il produit du bien-être chez les personnes qui le vivent…
Si le jeu ne leur apportait strictement réellement rien, ils n’auraient aucune raison de jouer, ce qui n’est pas le cas.
Shanouillette 27/03/2019
Oui, d’ailleurs ça fait partie des raisons pour lesquelles il s’agit d’une définition critiquée comme je le mentionnais. Cet empilement de critères ne fonctionnent pas très bien mais reste une base intéressante de réflexion pour beaucoup. Mais c’est en cela que j’aime particulièrement l’approche de Henriot, qui propose une autre approche du jeu. On pourrait citer Maude Bonenfant : « le jeu est une fonction productrice d’une expérience ludique, mais aussi de culture. » Clairement le jeu produit, et il est le lieu de la création, tout en étant le fruit d’une culture particulière.
Stéphane Roux 27/03/2019
Promis, dès que j’aurais un peu de temps, je lirais le reste qui me paraît diablement intéressant. j’ai vu l’expo sur le jeu à la bibliothèque de la part-dieu à lyon, et il y avait des réflexions très intéressantes.
pour l’instant faut que je modernise mon site vitrine, lui trouve un cache pour l’accélérer, que je le rerédige avec une partie courte et une partie longue pour ceux qui veulent approfondir et qui n’ont pas peur de lire et que je me filme (ça va être le pire je crois).
ma phrase d’adieu favorite pour mes clients : « surtout, amusez vous bien! » car impossible d’être jeureux si on ne s’amuse pas dans la vie!
Djinn42 27/03/2019
Homo Ludens est très aride mais très intéressant. Plutôt académique. La question de définir le jeu est très compliquée.
Par contre la facilité qui consiste à dénigrer en excluant ne mérite pas tant d’attention. Dire que The Mind n’est pas un jeu évite d’argumenter sur la déception quant à son prix à Cannes. Considérer le jeu comme une forme d’art nécessite d’accepter que les frontières qui définissent le jeu soient floues et fluctuantes.
Shanouillette 27/03/2019
« Dire que The Mind n’est pas un jeu évite d’argumenter sur la déception quant à son prix à Cannes. » peut-être, je ne souhaite pas dénigrer leur ressenti pour le coup. Je pense que certains n’entrent pas dans le jeu / n’y voient pas un jeu, parce que c’est une proposition spéciale qui joue avec le silence et les temps morts, on peut ne pas avoir envie ou la possibilité d’entrer pleinement là-dedans (« décider de jouer le jeu »), the mind est de fait déstabilisant, et, cf article premier de la déclaration des droits du joueur, on a tout à fait le droit de pas vouloir jouer. (j’a-dore citer la déclaration des droits du joueur, je trouve que ça fait argument d’autorité +1000 merci Fouilloux!! haha).
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Pour ce qui est que ça ne méritait pas tant d’attention, sûrement, personnellement, si ça ne m’avait pas touché, j’aurais peut-être encore attendu des années avant de me pencher de si près sur ces questions et ces auteurs passionnants, du coup, je tiens à dire grand merci à toutes ces personnes qui sont passées à côté du jeu et qui l’ont dit bien fort ! 😉
D’ailleurs, je me suis aperçue qu’on avait jamais parlé de tout ça, étonnant tout de même, non ?
Djinn42 27/03/2019
J’y vois la même différence entre dire « c’est nul » et « j’aime pas ». C’est pas propre au jeu de société, par contre c’est propre aux cosmes un peu trop fermés sur eux mêmes.
Mais pour le coup ça soulève une interrogation intéressante concernant la notion de jeu. C’est vrai que c’est fou de ne pas arriver à le définir mais que ça draine autant de personnes, que ça déchaine autant de passion tout en étant tout le contraire d’une activité productive sans être une activité complètement oisive.
fouilloux 27/03/2019
Alors pour moi ce n’est pas ce qu’il cherche à dire avec ce « improductif ». Ici c’est le côté « financier » de la chose dont il parle. On ne retire aucun valeur marchande de ce qui est réalisée dans le jeu. On a produit ni bien ni service compté dans le PIB.
Ce qui à pour corollaire de dire que si tu es payé jouer (ex: au foot), ce n’est plus du jeu, mais autre chose.
Après bien sûr que le jeu « produit » des choses, mais si on s’en tient à « cela produit des émotions », je crains qu’à ce compte là… tout soit « productif ».
fouilloux 27/03/2019
je me disais bien en voyant l’illustration « tiens je le connais ce profil ». Sinon chapeau bas à Shanouillette qui vient nous rappeller qu’elle est la boss de l’édito :-).
LePionfesseur 27/03/2019
Encore un EDITO de qualité !
Bon je fais de l’auto-promo mais ça m’a grandement rappelé la saison 1 de Ludo Incognito qu’avait réalisé mon conpère Acariatre chez Proxi-Jeux (s’il y en a qui veulent pousser plus loin les questionnements autour de la définition du « jeu ») : https://podcast.proxi-jeux.fr/category/ludo-incognito/
Aussi, j’avais moi-même abordé la question de The Mind dans une de mes chroniques : https://podcast.proxi-jeux.fr/2018/10/n100-chroniques/
où je me demandais justement pourquoi les gens avaient du mal à admettre que The Mind était un jeu alors qu’il ressemble à pas mal d’autres jeux de société bien considérés comme des jeux eux (Magic Maze notamment).
Je pense que c’est surtout le marketing autour du jeu qui a souhaité (et a réussi visiblement) faire passé le jeu pour une sorte d’expérience mystico-bizarre.
Shanouillette 27/03/2019
Merci !
Ha je vais aller écouter ta chronique de ce pas !
Shanouillette 27/03/2019
Ha oui il s’agit plutôt d’une chronique sur la communication dans les coop’, (ça me rappelle ce vieil article « Mécanique du jeu » sur la coopération) l’évolution de la communication c’est un sujet que je voulais aborder aussi depuis la découverte de the mind et son nouveau cap de passé ! GG 😉
LePionfesseur 27/03/2019
Ah oui oui, j’ai juste abordé le sujet. Une chronique juste autour de « est-ce que The Mind est un jeu? » tournerait vite en rond je pense (ton article suis le même schéma au final, tu pars de cette question pour aborder au final la question plus globale de ce qui définit le jeu).
XavO 28/03/2019
Merci pour cet édito, fort intéressant. Vraiment continuez à fournir ce type de contenu, j’adore.
Tout d’abord, je voulais préciser que « The Mind » suscite cette question (« est-ce un jeu ? ») car elle est écrite au dos de la boite ! J’avais relevé ce point dans ma critique du jeu sur Ludigaume (http://www.ludigaume.be/jeu-TheMind) et m’étais mis en devoir d’y répondre allant ainsi, comme vous, chercher du côté des définitions. Il est amusant de constater à quel point ce jeu conduit à réfléchir sur la nature et l’essence de notre activité. Là, où nos chemins diffèrent est que je me suis essentiellement référé aux travaux de Colas Duflo (« jouer et philosopher ») pour soutenir mon propos. Si l’idée géniale d’attitude ludique d’Henriot me semble absolument nécessaire pour comprendre ce qu’est un jeu, j’avoue que les approches de Caillois et Huizinga me laissent sur ma faim, suscitant pour moi autant de questions qu’elles apportent de réponses.
Donc, pour ma part, je me base le plus souvent sur la définition de Duflo « le jeu est l’invention d’une liberté dans et par une légalité ». En philosophe, il a évidemment complété son travail bibliographique de recherche de terrain (avec des joueurs de go si je me souviens bien) : ce n’est pas une invention de penseur hors-sol. Outre son élégance, cette définition a l’avantage de nous détacher de l’élément matériel, se marie parfaitement avec l’approche d’Henriot et est très largement complétée par Duflo puisqu’il a poussé le raisonnement jusqu’à expliquer ce que c’est que jouer car, comme vous le notez, il n’y a pas de jeu si l’on ne joue pas. Je pense que l’on peut tout à fait être critique par rapport à ce que propose Duflo, mais il me semble qu’il est un maillon essentiel, autant que les anciens cités ici, dans la compréhension et la définition de cette curieuse activité qu’est l’activité ludique.
Je suis pour ma part ergonome et l’activité humaine est justement le principal objet d’étude de ma discipline. Dans nos modèles, nous distinguons deux types d’activité : celle dite réelle et celle dite prescrite (distinction qui existe dans d’autres disciplines). Cette distinction est basée sur l’idée que personne ne fait ce qu’on lui demande de faire (activité prescrite)… on fait en général beaucoup plus (activité réelle). Ainsi, le jeu forme, en ergonomie, l’activité prescrite, alors que jouer correspond à l’activité réelle. Le jeu définit un espace de liberté que tout un chacun va investir. On voit ici comment l’approche de Duflo s’intègre très bien dans les modèles théoriques d’analyse des activités humaines. Il n’y a donc plus beaucoup de mystère concernant le jeu, qu’il soit perçu comme objet (abstrait) ou comme activité. Il reste pourtant un objet étrange, difficile à cerner pour beaucoup comme on peut le voir avec cette opposition entre jeu et activité, qui n’a, quand on y réfléchit armé des concepts qui vont bien, aucun sens. Votre édito est donc d’autant plus important car il donne à chacun ces concepts pour faire évoluer la compréhension de ce qu’est un jeu.
Shanouillette 28/03/2019
Hello
Merci beaucoup XavO pour ce retour et cette prise de parole.
En effet, The Mind bouscule, il a poussé son essence de façon presque absurde, le concept de bruit qui consiste à brouiller la communication (jetons limités, bande son, etc) est ici du silence. Le temps d’attente devient du temps de jeu. Des repères classiques sont inversés le tout dans un jeu qui s’explique en 3 secondes – et j’avais zappé qu’il provoquait sur le dos de la boîte et ça ne m’étonne pas, ce petit farceur, il va décidément au bout du concept !
J’avais lu cette définition de Duflo (et de nombreuses autres non mentionnées ici d’ailleurs) et je l’avais trouvée trop vaste. Les empilements de critères façon Caillois sont trop restrictifs je suis d’accord, mais ils donnent une base de réflexion concrète plutôt facile à discuter. Quand le champ est trop large, je m’y perds un peu. Cela dit, elle est intéressante cette déf car elle appuie sur le rapport entre la liberté et la règle, qui est passionnant. Mais je ne suis pas sûre que ce soit la une spécificité du jeu. N’est-ce pas le principe du droit, ou de la politique, de créer une liberté dans la légalité ? Après, je n’ai pas lu plus loin ses écrits, je m’en voudrais de débattre sur une définition que j’ai peut-être mal compris. Lacune qu’il me faut manifestement combler. 🙂
fouilloux 28/03/2019
Ah, j’avais lu une autre définition (à l’expo à Lyon) qui devrait te plaire: jouer, c’est se rajouter des contraintes non nécessaire: ie faire, la vaisselle, c’est pas jouer. Essayer de faire la vaisselle en restant sur un seul pied, c’est jouer.
Shanouillette 28/03/2019
C’est un peu le « Jouer consiste à tenter volontairement de surmonter des obstacles inutiles » de Suits (mentionné dans l’article pr le coup) non ?
fouilloux 29/03/2019
Non, pas « un peu »: c’est complètement ça:-) Je suis passé à côté en lsiant. My bad 🙂
Shanouillette 02/04/2019
bha bravo ! ;p
Kévin Ludendi 28/03/2019
Merci, merci et merci pour ce magnifique édito richement documenté. C’est un plaisir à lire et cela ouvra un champ de discussions et de réflexions assez vaste dans lequel je n’ai qu’une envie c’est de m’y jeter corps et âme.
Cela aurait été sans doute trop long et indigeste mais je trouve finalement que l’on ne parle pas assez de The Mind et de ce qu’est ici le sel de ce jeu. Là où il m’a mis une claque c’était le dimanche du FIJ 2018 où après un démontage, une bonne pizza j’étais allé boire un verre avec mes animateurs et des amis pour arroser mon départ de chez IELLO. La tablée était grande, ça rigolait beaucoup mais une partie de The Mind fut lancée, et le silence se fit non seulement parmi les 4 joueurs mais aussi par les gens autour devenant presque acteurs d’une partie où ils ne jouaient pas.
Je pourrai dire que The Mind est plus qu’un jeu.
Alors que la thématique est totalement absente et que la mécanique semble être absolument bancale, il se passe un truc et un truc tellement fort que l’on veut y revenir. Une des portes que cela ouvre est le fait de sortir de la dichotomie mécanique/thématique pour parler des jeux de société, car même si elle a eu du sens dans l’histoire des jeux aujourd’hui elle n’est plus suffisante car ces deux paramètres ne sont pas pertinents pour parler de The Mind alors que l’expérience de jeu, la sensation de jeu est au centre du moment que l’on vit autour de la table.
Bref, encore merci pour ce bel édito.
XavO 28/03/2019
Inventer une liberté est différent de cadrer les libertés pour permettre leur coexistence. Toutes les réglementations ne sont donc pas des jeux. Ce n’est pas si courant que de s’inventer des libertés 🙂
DABA 28/03/2019
Bonjour, merci pour l’édito et les références.
c’est une question passionnante et qui a été traitée par de nombreuses disciplines par exemple l’éthologie. Les éthologues ont remarqué que les animaux jouaient mais c’est dans une optique d’apprentissage (comme la chasse ou le combat). Ce qu’il y a d’étonnant c’est que les animaux domestiques jouent plus et plus longtemps (alors que c’est souvent les jeunes en milieu naturel); il y aurait une notion de plaisir qui les amènerai à poursuivre ces conduites. pour répondre à l’une des questions (le professionnel qui joue aux jeux joue-t-il encore?). Je suis psychologue dans un centre qui accueille des enfants et j’utilise beaucoup de jeux de société. Je fais clairement la différence entre le jeu que je pratique en loisir et le jeu en milieu professionnel. Clairement avec les enfants que je reçois je ne joue pas, je vise autre chose. D’ailleurs je préfère parler de médiation plutôt que de jeux. encore une dernière remarque qui me semble élargit la définition du jeu; je possède les demeures de l’épouvante V1. Le temps de préparation (qui peut être très long) pour moi c’est déjà du jeu, je suis en train de jouer. Je pourrai dire la même chose lorsque pour un achat je me renseigne sur les différents sites ou forums. Peut être que les campagnes KS pourraient être considérées comme du jeu avant le jeu!?
ben 28/03/2019
Super édito! et de belles lectures en perspective, merci 🙂
ara 29/03/2019
ouaaahouh !!! c’est qui la patronne hein ? hein ? c’est pas le barbu nan !!! ni le moustachu ! nan ! nan ! c’est Miss 🙂 yeees bim !!! eh ! Nash !!! rentres chez oit avec ton equilibre à la noix he !! bises les ludovoxiennes et voxienzzz !! super taf edito comme d’hab 🙂 on se croisera dans le chnord jeu panse hi hi 🙂