Tides of time, le temps dans la poche
Je hais les spoilers. Mais alors vous n’imaginez pas à quel point. Le fait de connaître la fin de Soleil Vert, d’Usual Suspect et de Titanic m’a toujours donné l’impression qu’on m’avait volé une partie du plaisir à découvrir ces œuvres majeures1. Et bin avec les jeux c’est un peu pareil. On a aujourd’hui tellement d’informations qu’il est difficile de tomber sur une nouveauté dont on n’aurait pas vu les illustrations et mécanismes 10 fois, et paf, disparue la surprise.
Et c’est là que c’est cool d’être testeur sur Ludovox. Parce que quand on vous propose de choisir de tester une série de jeux dont vous n’avez jamais ne serait-ce qu’entendu prononcer le nom, c’est toujours une petite joie.
Je vais donc aujourd’hui vous parler de l’un de ceux là, à savoir Tides of Time. Tout ce que je savais sur lui avant d’ouvrir la boîte était que c’était un jeu de draft pour 2 joueurs et que la cover était jolie. Je vous invite donc à me suivre dans cette découverte !2
Du minimalisme grand format
Commençons par le matos. Première surprise : la boîte est de taille moyenne, je ne m’attendais donc pas à trouver un jeu plein de jetons dans tout les sens, mais quand même, je ne m’attendais pas à trouver un jeu… minimaliste. J’entends par là un jeu avec très peu de matériel, à la love letter. En effet, le jeu se joue avec 18 cartes, et c’est (presque) tout. Il y a bien un crayon, un bloc note pour compter les points (sacrément mal fichu d’ailleurs), une aide de jeu et 4 jetons, mais c’est tout.
Et c’est là que le jeu surprend : d’habitude, qui dit jeu minimaliste dit aussi souvent peu d’illustrations, petites cartes et petites boîtes. Et bien là non, les polonais de chez Portal Games nous livrent des cartes d’une taille plus que conséquente, avec pour seule raison la volonté de mettre en avant les illustrations. Les indications sur les cartes, elles, sont très minimales. Là où la surprise est encore meilleure, c’est que les illustrations sont superbes. Bref, pour quelqu’un comme moi pour qui l’aspect d’un jeu à une très grande importance, me voilà conquis.
Bottez les fesses à la lente marche du temps
Niveau thématique, le jeu nous propose de construire des civilisations qui grandiront, se modifieront et évolueront au cours des siècles. Enfin ça, c’est sur le papier, parce qu’il faut reconnaître qu’on la voit pas trop, la thématique. On voit bien qu’on va contrôler des lieux (superbes) mais l’érosion du temps, bof. Il faut dire que faire un jeu rapide qui s’appelle « Les marées du temps », on sent déjà que la thématique c’est pas le soucis majeur. Enfin c’est dommage parce que les illustrations sont tellement superbes qu’on a envie de se plonger dans cet univers.
Alors comment qu’on joue ? Vous allez voir, c’est facile. Déjà, vous avez un ludochrono pour vous expliquer tout ça. Sinon, Vous préférez entendre l’auteur, c’est par ici. Si vous préférez la lecture, c’est pas là :
Le jeu se déroule en trois manches. Chacune d’elles se passe de la même façon :
Les joueurs commencent avec 5 cartes en mains chacun. Ils vont ensuite poser les cartes devant eux, dans leur « royaume », selon un mécanisme de draft (on choisit une carte et on passe celles restantes à notre adversaire). Les cartes sont jouées automatiquement, elles n’ont pas de condition de pose.
Une fois que toutes les cartes ont été jouées, on compte les points de la manche. Puis chaque joueur choisie un de ses cartes qui sera définitivement sortie de la partie, et une qui restera dans son royaume pour les tours suivants. Il reprend en main les trois cartes restantes, et complète avec deux venant de la pioche. Pour ceux qui suivent, ça veut dire qu’on va, à chaque partie, jouer avec toutes les cartes.
Bon, maintenant comment on marque les points ? Sur chaque carte il y a en général deux choses. D’abord un exemplaire de l’une des 5 « ressources » possibles, et un pouvoir. Chaque ressource est en 3 exemplaires, il y a donc 3 cartes sans ressource.
Les pouvoirs, eux, servent généralement à marquer des points, selon les ressources que l’on a.
Pour chaque ressource, il y aura une carte qui vaudra 7 points si on est majoritaire sur cette ressource (sans égalité).
Il y en aura une qui donnera 3 points par exemplaire d’une ressource donnée.
Bien évidemment, les cartes qui donnent des points selon une ressource donnée ne fournissent jamais la dite ressource, ce serait trop facile. Il n’y a pas non plus de « couples » de cartes qui combotent, c’est-à-dire une carte qui donne la ressource A et fait marquer des points avec la ressource B, alors que sur une autre carte c’est l’inverse. Formulé autrement, imaginez que j’ai une carte qui donne une ressource de type feuille, et qui fais marquer des points (7 points pour la majorité des châteaux ou par 3 points par château) avec des ressources type château. Et bien il n’y a aucune carte « inverse » qui donne une ressource de type château et qui rapporte des points avec les ressources « feuille ». Sinon ça ferai un combo.
On a aussi 3 cartes qui donnent des points selon des séries données de 2, 3 ou 5 ressources différentes.
Enfin, les 5 cartes restantes ont des pouvoirs un peu particuliers :
Une permet de gagner les égalités.
Une donne 8 points si une de nos cartes rapporte plus de points que toutes celles de l’adversaire, prises séparément.
Une donne 8 points si on a le plus grand nombre de ressources différentes en un seul exemplaire.
Une qui double le nombre d’exemplaires de notre ressource la plus nombreuse.
Une qui donne 3 points pour chaque ressource que l’on a pas.
Je ne vous mets pas toutes les illustrations, pour ne pas trop vous gâcher le plaisir de la découverte.
Laissons nous porter par le courant
Bon, le jeu tient clairement ses promesses niveau durée. Les parties sont très rapides. Au niveau des sensations de jeu, c’est assez difficile à décrire. D’une part il faudra élaborer une stratégie pour marquer des points, mais pour ça il faudra faire attention aux ressources fournies par les cartes et à leur pouvoir. Il faudra essayer aussi de se souvenir de ce qu’on a passé à l’adversaire et deviner ce qu’il va choisir. Il serait bête de prendre une ressource alors qu’aucune carte ne fournit de points liés à cette ressource. Il faudra aussi faire attention à ce qu’on laisse à l’adversaire pour ne pas lui laisser un max de points. Mais comme on a peu de cartes, il est difficile d’en choisir une qui ne nous rapportent pas de points juste pour le bloquer.
Mon compte rendu est vraiment écrit à chaud, et je n’ai pour l’instant fait que deux parties avec ma moitié. Lors de la première, nous avons simplement découvert le jeu.
Lors de la seconde, j’ai commencé avec une main de départ contenant la carte pour gagner les égalités. J’ai décidé de la prendre et de partir sur une stratégie de majorité. J’ai d’ailleurs gardé cette carte pour le reste de la partie. C’est peu ou prou ce qui a guidé tous mes autres choix. Dès le second draft, je savais quelles seraient les ressources disponibles pour cette manche, et il était ainsi assez facile de prévoir où j’allais gagner. Ma femme elle, s’est plutôt orientée sur une stratégie de multiplication des ressources différentes. Lors des deux premiers tours, j’ai ainsi réussi à la devancer de quelques points.
Pourtant, nez dans le guidon, je n’ai pas fait attention à ce qu’elle faisait, et j’ai frôlé la correctionnelle. En effet, elle a réussi à remplir l’objectif rapportant le plus de points, à savoir celui ramenant 13 points (c’est énorme) si on a chaque ressource.
En plus de cela, elle avait également celui rapportant 8 points si elle avait plus de ressources en un seul exemplaire que moi, ce qui aurait été le cas… sans la carte qui doublait le nombre de chacune de ses ressources : Comme elle avait une ressource de chaque type, il y avait égalité et toutes ses ressources ont été doublées. Résultat, cet objectif lui est passé sous le nez.
En comptant mes points, je me suis rendu compte que mes deux cartes marquant des points pour une combinaison de ressources données donnaient des points pour chaque exemplaire de cette combinaison. En toute logique, cela aurait pu aussi être le cas pour celle de ma femme, à savoir l’objectif à 13 points. Et comme ses ressources était doublées, elle le remplissait ainsi deux fois… Sauf que non, pour celui-ci, seule la première combinaison marche. J’avoue que même moi j’ai trouvé cela un peu dommage, car réussir 2 combinaisons de 5 cartes avec 7 cartes n’est vraiment pas facile, et cela aurait mérité d’être doublé. La règle en a décidé autrement, et sa victoire sur la troisième manche n’a pas suffit à combler le retard accumulé sur les deux précédentes. Ma compagne fut un peu frustrée, nous nous sommes arrêtés là.
Il faudra laisser le temps au temps
Il est encore un peu tôt pour avoir un avis définitif sur ce jeu, ce sera pour plus tard lors de l’écriture du test. Je peux dire néanmoins qu’il est assez agréable à jouer, grâce à une mécanique simple et intuitive. Reste la question de la durée de vie et de l’équilibre.
Comme on joue toujours les 18 cartes d’une partie à l’autre, je crains que les stratégies de majorités ne soient un peu trop fortes (une majorité sur 3 ressources c’est assez facile), avec la carte permettant de gagner les égalités qui casse l’équilibre si elle sort au début (ce qui arrivera statistiquement une partie sur deux). À voir sur la durée.
Pour ce qui est de revenir dans la partie, c’est en théorie possible, sauf si on a raté son premier tour. En effet, comme on garde à chaque fois une carte du tour précédant et que l’on recommence avec dans sa main une partie des cartes que l’on a déjà posée, il est facile de réussir à nouveau un combo si on l’a réussi une première fois.
Bref, j’ai hâte d’y jouer de nouveau pour creuser un peu tout ça.
1 Il y a de l’ironie concernant l’une d’elles, sauras-tu la retrouver ?
2 Et me je rends compte que du coup je crée un paradoxe terrible puisque je vous gâche peut-être la surprise. Ah la la c’est compliqué la vie.
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morlockbob 20/10/2015
Ahlalala….voilà un jeu que j ‘avais remarqué et qui avait son petit « buzz », mais effectivement, le minimum de cartes pour un jeu lui donne vite une faible rejouabilité…je suis donc dubitatif. J’attends donc tes autres parties pour en savoir plus, car là, je reste un peu sur ma faim. A bientôt.
fouilloux 20/10/2015
J’en suis depuis à 8 parties, dont 6 avec ma femme. J’ai donc pas trop variés les adversaires pour le moment. Mais effectivement pour l’instant mes craintes ont plutôt tendances à se confirmer. je vais essayer de le proposer à d’autres joueurs pour voir si il n’y a pas des façons de jouer que l’on aurait ratées.
Grovast 20/10/2015
Les illustrations sont agréables et en grand format, mais sinon je ne vois pas trop la nouveauté au niveau des mécanismes par rapport à Fairy Tale.
Certainement que la config 2 joueurs exclusive et le nombre très restreint de cartes augmente le contrôle et crée un métagame à base de contre-draft, mais à quel prix en termes de limite au renouvellement ?
Vivement le verdict du test 🙂
fouilloux 20/10/2015
Je connais pas fairy tale donc je vais avoir du mal à comparer. C’est sur qu’il y a pas mal de contrôle, mais c’est un peu le soucis d’ailleurs. Qu’est ce que tu entends par contre-draft?
Je vais attendre aussi un peu pour le test: le problème d’un jeu comme ça, c’est qu’il y a un risque de fatigue à force d’y jouer.
Grovast 21/10/2015
Le contre-draft, c’est prendre une carte pas optimale pour toi mais que tu ne veux pas laisser à l’adversaire (parce qu’elle lui serait trop bénéfique)
Autant, à 7Wonders, ça peut être un sacrifice lorsque tu dois choisir entre scorer toi ou empêcher de scorer le suivant. Du coup ce n’est vraiment valable que si tu sens que tu es à la lutte avec ce joueur pour la gagne…
Autant dans un contre un, l’équation est différente, 1PV pour soi et -1PV pour l’adversaire étant du pareil au même.
En tous cas l’ensemble des commentaires me conforte dans mon impasse. Je suis client des jeux à deux, mais je sens que celui-ci sortira 2-3 fois maxi avant lassitude.
fouilloux 21/10/2015
Ok, je me doutais que c’ets ce que tu voulais dire par là.
Shanouillette 20/10/2015
C’est la fin de Soleil vert parce qu’on devine le twist pendant le film ! :p non ? ^^
fouilloux 20/10/2015
Ah si j’ai compris, je suis con des fois. Je sais pas j’ai jamais vu soleil vert. Je connais juste le truc à pas connaître.
morlockbob 20/10/2015
sinon pour répondre à la question 1: c est Titanic. Di caprio ne peut pas transformé en galette car dans Soleil vert, il n’y a pas de surgelé.
Shanouillette 20/10/2015
Ptdr le coup des surgelés !
Zuton 20/10/2015
2 parties de découverte enchainées et le verdict niveau score fut sans appel : j’ai pris deux grosses fessées ! C’est agréable, joli, rapide à jouer et facile à sortir en fin ou début de soirée. Après, les manières de scorer ne sont pas légions, le thème inexistant et le minimalisme du jeu font qu’on a pas forcément envie d’y revenir tout de suite. Envisageable donc de temps en temps et c’est vraiment surprenant d’avoir créer un jeu qui tourne avec si peu de cartes.